Adios Buenos Aires...
Une semaine déjà... Et demain, départ pour l’Uruguay !
6 jours à Buenos Aires pour une première impression. Ville la plus européenne de l’Amérique du Sud, sans doute à cause de l’incroyable immigration composée d’Espagnols, d’Italiens, de Français et d’Anglais sans compter la vague d’Allemands de l’après guerre, la cité s’est constituée comme une mosaïque de cultures qui, chacune, a imprimé sa marque pour donner une capitale cosmopolite sans unité réelle mais comme en miroir de nos projections... Quartier Français, monuments Anglais (une réplique de Big Ben !), architecture Italienne, c’est comme si chacun de nos pas nous renvoyait à des bribes de nos propres origines.
Pourtant, les Argentins existent bien, ils sont réservés, polis, apparemment sans aspérités au tout premier abord. Il faut parler avec eux pour mieux comprendre l’histoire tragique de ce peuple, la série incroyable de bouleversements qu’ils ont vécus dans la succession de coup d’état qui tous les 10 ans, portaient au pouvoir des juntes militaires impitoyables décimant les forces vives de la nation, intellectuels persécutés, travailleurs asservis.
De ce point de vue, le Musée du Bicentenaire, construit sur les ruines des fondations du premier fortin, au pied de la Maison Rose, est un exemple de pédagogie vivante et moderne. Du XVIII ème siècle à nos jours, l’histoire de l’Argentine est expliquée, analysée et mise en valeur, des conflits initiaux contre l’Espagne à l’émancipation, de l’affrontement entre les fédéralistes et les tenants d’une centralisation contrôlée par Buenos Aires, du néo-impérialisme économique des anciens occupants à la création d’une économie sous perfusion des capitaux étrangers, de la présence envahissante de l’Angleterre à la succession de coups d’état qui rendent cette démocratie si avide de paix.
La ville vibre sans arrêt, le ballet incessant des bus impressionne, les jardins et parcs floraux ouvrent la cité sur une verdure luxuriante où des «gommiers» gigantesques séculaires étendent leurs branches à l’infini et offrent une ombre apaisante, les cafés chargés d’histoire racontent un passé prestigieux de tango, d’écrivains et de peintres en une légende sépia...Mais cela donne aussi une impression de vide, ou d’un trop plein d’énergie que rien ne peut encadrer.
A Buenos Aires, on ne voit jamais la mer, comme si ce port tourné vers l’horizon avait banni sa côte, les vieux immeubles baroques se juxtaposent aux flèches brillantes des grattes-ciel qui grimpent dans l’azur sans harmonie, les pavés défoncés des trottoirs ceignent des routes parfaitement asphaltées... contrastes, ville de paradoxes, ville du bout du monde. Tout est si loin, vu des antipodes et de cette terre que l’espace alentour enferme.
Je garde des images de fulgurance des Musées superbes, la trace vivante d’un Péronisme comme espoir, mais tout cela fait penser à une nouvelle de Buzzatti, Buenos Aires est une sentinelle des confins, un phare dont le pinceau lumineux n’accroche que le vide dans ses filets.
Buenos Aires est une complainte... mais sa musique est désaccordée !
PS : Plaisir extrême de diner avec un ami. Gaston Gallo, un maître artificier (la firme Jupiter qui a gagné à Cannes, c’est lui) et son épouse qui tient un restaurant à Puerto Moreno. On parlera d’artifices, bien sûr, avec mon projet «Battles in the sky» mais aussi de l’Argentine, de son enfance, de son père, de la dictature qu’il a connu. Homme passionné et raffiné, ils nous ouvrira les portes d’une Argentine inconnue.