Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Timbuktu et les Héritiers

Publié le par Bernard Oheix

Deux films à l’affiche... deux bijoux qui montrent à l’évidence toute la richesse et la poésie de l’image, toute la force et la conviction d’un engagement, l’incroyable pouvoir de fascination d’une histoire juste filmée avec le coeur pour un véritable message d’humanisme. Je ne reviendrai pas sur Timbuktu de Abderrahmane Sissako (cf. mon article du mois de mai dans ce blog) si ce n’est pour vous dire que «Ma Palme d’Or 2014» est «Le» film de l’année. Il est désormais à l’affiche, il est possible de le voir, il est indispensable de le visionner pour mieux comprendre ce qui se passe dans certaines parties du monde traversées par la folie meurtrière de l’intégrisme. Face au pouvoir d’une dictature, tout discours est immédiatement confronté à un contre-discours, une propagande à une contre-propagande, sans que les frontières ne puissent bouger dans ce choc sans vainqueur possible. Mais comment lutter contre une image juste. Contre la guerre du Vietnam, la photo d’une petite fille nue courant sur une route dévastée à plus fait que tous les discours du monde. Pour exprimer la famine en Afrique, une photo de Salgado a renvoyé des générations entières vers le confort de leur égoïsme...

Il fait nul doute que Timbuktu est une oeuvre majeure pour comprendre le monde dans lequel nous vivons.

Mais un autre film vient de sortir sans tambours ni trompettes, animé par la force de ceux qui le voient et en sont les véritables portes paroles. Les Héritiers, où comment intégrer notre vision de la jeunesse dans un univers où nous ne comprenons pas toujours le véritable enjeu de ce qui se trame dans nos banlieues et dans la tête de nos enfants, ceux d’une 3ème génération après la révolution des années 1968 où nous pensions changer le monde sans comprendre qu’il nous fallait aussi changer pour réussir cette révolution sans guerre.

Les Héritiers est un film de Marie-Castille Mention-Schaar avec comme seule actrice connue, une Ariane Ascaride solaire au zénith de son talent, une actrice qui réussit à nous faire partager sa passion et son amour de la transmission du savoir sous les traits d’une enseignante passionnée. Une pléiade de jeunes actrices et acteurs au réalisme foudroyant l’entoure. L’histoire semble presque rebutante de banalité, une énième séquence de la jeunesse d’une banlieue difficile comme on n’en a tant vues, avec tous les poncifs imaginables depuis le choc de la Palme d’Or du Festival de Cannes 2008, Entre les murs de Laurent Cantet.

Et pourtant, le film tiré d’une histoire vraie arrive à renouveler le genre, nous fait passer par toute la gamme des émotions, du rire aux larmes, de la profondeur à la légèreté, de l’attachement à la répulsion, comme sous la palette d’un peintre, l’éclairage permettant des interprétations variées d’une même scène.

La professeur d’Art de cette seconde condamnée à l’échec va réussir l’impossible : fédérer autour d’un projet les personnalités si différentes de cette bande de «barbares» modernes, agrégat de nationalités et de confessions diverses, traversée par les échos d’un monde en fureur que plus personne ne comprend. En parlant de la «grande histoire», la Shoah, ils vont transformer leur propre monde, se ré-approprier une fierté dont on les prive, une capacité de vivre ensemble et d’inventer de nouvelles règles d’harmonie.

Sans jamais caricaturer, abordant par touches légères d’innombrables pistes (le port du voile, la conversion à l’Islam, le rôle des caïds et la pression sur les filles, les vies brisées des parents), la réalisatrice garde le fil de son histoire pour décrypter avec cohérence la véritable histoire morcelée de leurs vies en lambeaux et redonner un lien à l’ensemble.

On en arrive à travers tant d’émotions à espérer un happy end et il n’est que justice qu’il arrive comme pour nous donner le souffle d’espérer, la force d’y croire !

oui, il est possible de changer le monde, oui, il est possible d’introduire de la beauté dans les paysages dévastés de notre société égoïste, oui la vie est belle !

Et si vous ne me croyez pas, allez voir Les Héritiers, au delà d’un vrai film particulièrement soigné et même académique, au delà d’une technique qui évite tous les poncifs (le bruit des voix, les couleurs criardes), il y a une authentique histoire de l’homme en train de se souvenir des drames passés pour exorciser les démons du présent !

Commenter cet article
P
Toujours passioné et passionant, Merci
Répondre