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Festival du Film Panafricain de Cannes

Publié le par Bernard Oheix

Cette année, Basile Ngangue Ebelle, le président fondateur, animateur, coursier et autre VRP multicartes du Festival m’a demandé d’intégrer le jury... Un honneur de participer à l’aventure de ce Festival qui contre vents et marées, montre le chemin d’une authentique prise de conscience du cinéma panafricain et trace les voies de sa reconnaissance et de son développement à l’international.

Dans le jury, sous la responsabilité de la Présidente Stephanie Girerd, dite «Mobutu women», la réalisatrice de l’excellent «L’Africaine», prix du public 2014, et qui su s’imposer, contrairement à son surnom, avec beaucoup de finesse et de doigté pour canaliser les énergies des membres de son jury haut en couleurs... Une productrice belle comme un soleil, Nadia Tamo, une réalisatrice camerounaise, l’énergique et volcanique Françoise Ellong dont le dernier film Waka truste d’innombrables récompenses dans les Festivals d’Afrique, l’élégant Glag Amog Lemra le réalisateur congolais de «Entre le marteau et l’enclume» dont je dis tout le bien que je pensais dans mon article sur la précédente édition, une réalisateur congolais Tima Ouamba, son story-bord sous forme de BD sous le bras (Le mystère de la terre pourpre) en recherche de producteur et un béninois débonnaire, Ayékoro Kossou, excellent réalisateur de courts métrage au sourire enjôleur (son documentaire sur le handicap au Bénin est un magnifique hommage à la prise de conscience et au dévouement de ceux qui traitent le problème dans une société qui à peur de la maladie !).

Repas en commun (poulet yassa et poissons braisés au riz pimenté, bananes planteurs), visionnement de films en continue, discussions et débats parfois toniques, petits verres de vin au bar convivial de cet hôtel dans lequel le Festival se déroule et où se brasse des idées, des échanges, des confrontations sur ces cultures si diverses qui composent l’arc en ciel d’une Afrique plurielle et de ses descendants, essaimé sur les chemins de l’esclavage et d’une diaspora trop souvent chassée par la misère, recréant un petit monde de paix dans une société trop souvent déchirée !

Et si la culture était ce «chaînon manquant» dont l’absence se fait cruellement sentir entre les nations et les races ?

Et si nous pouvions démontrer qu’entre nos différences, gisent des trésors d’humanité qu’il est indispensable de conserver, et que le chemin le plus direct entre les êtres humains réside bien dans l’acceptation de l’autre !

Au menu du festival, près de 40 films réparties en 3 catégories, court-métrages, documentaires et fictions… Une orgie d’images à ingérer en quelques 3 jours afin de remettre les Dikalo d’Or (l’Appel), la récompense suprême attribuée par le jury à la cérémonie de clôture.

Dans la catégorie des Courts, 3 films se sont détachés. Le prix a été remporté par Sketch de Stéphane Barton. Un petit bijou sur un jeune plus ou moins autiste, doué d’un talent de dessinateur qui lui permettra de démêler l’enlèvement d’une jeune fille grâce à un dessein. Narration nerveuse, cadre précis, interprétation remarquable…tout était réuni pour qu’il s’impose. Deux autres films sont à noter, The Double Deal, de Mark Holden où un « addict » au poker, sombre dans le jeu jusqu’à avoir un accident et se présenter devant Dieu qui lui propose de jouer son retour à la vie sur un coup de cartes ! Jouissif malgré la morale un peu convenue du « happy end », ce qui n’est pas le cas de l’horrifique For Dinner de Jeffrey Williams, où pour se venger de sa femme devenue lesbienne et qui a voulu le quitter, un homme passe des petites annonces sur internet et mijote ses victimes féminines en bons petits plats pour les servir en diner à sa femme captive !

Dans la série des documentaires, de nombreux films passionnants et instructifs. Poverty, inc. de Mark Weber est une charge contre tous les systèmes de soutiens à la pauvreté par les pays riches. Des cargaisons de riz qui ruinent les agriculteurs locaux, des oeufs distribués qui démontent les filières ovines.. avec à chaque fois l’exode des nouveaux chômeurs vers des capitales aux bidonvilles tentaculaires, de l’argent qui s’évapore dans les classes dirigeantes… Même l’action des biens pensants (Bono…) qui est scruté et analysé avec ses effets pervers ! Une charge salutaire qui démontre à l’évidence le « business » de la charité et les méthodes de cette nouvelle colonisation des pays pauvres. I love Kuduro de Marion Petrocino est le portrait, dans une Angola en pleine guerre civile, de ces jeunes musiciens et danseurs qui échappent au temps en fusionnant la House et la Techno avec les rythmes traditionnels angolais en un Kuduro (littéralement, le cul dur) qui emporte tout sur son passage et fera oublier les drames de la guerre ! Mais le Dikalo sera attribué à Camp 72 de Seema Mathur pour son poignant témoignage sur l’horreur de la guerre civile au Libéria et sur la nécessaire réconciliation entre les bourreaux et les victimes. A partir des travaux d’un tribunal de la réconciliation et de ses préconisations toujours pas respectées par le pouvoir politique, des témoins racontent l’horreur au quotidien, les bourreaux voisins, l’inhumanité et la barbarie… pendant que certains anciens chefs sont toujours des hommes politiques, sénateurs et autres, en contradiction avec les propositions de la Commission de la Réconciliation. Un exercice salutaire de mémoire à l’heure où tant de pays se déchirent et où les forces du mal (viols et esclavages des femmes, asservissements des populations, victimes civiles et intégrismes divers !) ont une dangereuse propension à se répandre à la surface de notre planète !

Enfin pour les longs métrages, si l’on excepte le film hors compétition fort attrayant, Njinga, Princesse d’Angola de Sergio Graciano (une fresque historique se déroulant au XVIIème siècle sur le combat et la rébellion d’une reine guerrière contre les envahisseurs portugais et hollandais), seuls deux films pouvaient prétendre au grand prix du jury. Dealer de Jean-Luc Herbulot est une plongée frénétique d’un homme qui « deale » de petites quantités de drogue et se retrouve piégé dans une grosse histoire, une journée de merde où tout se dérégle, tempo halluciné, excellence du jeu d’acteur, montage moderne… un polar « Gonzo » comme un coup de poing !

Le Dikalo d’Or et les Prix d’Interprétation masculine et féminine seront attribués à un drame romantique éthiopien Price of Love de Hermon Hailay. Un jeune chauffeur de taxi tombe amoureux d’une prostituée, réveillant un passé de douleurs et devenant un homme par le même occasion. Un final entre le happy end et le drame, un couple d’acteurs excellents, une technique soignée avec une image « bollywodienne » aux couleurs criardes, la dénonciation des rêves d’un départ pour l’ailleurs bien souvent revers de la prostitution et de l’esclavage des femmes… tous les ingrédients d’un film porteur d’espoir et dénonçant les miroirs de la vie.

Voilà. Une semaine de repos pour recharger les batteries et une autre manifestation nous attend, le Festival du Film de Cannes ! Mais dans celui-là, je ne serai pas jury, juste spectateur et mon objectif est de 35 films ! Cela me donnera un mois de mai à près de 70 toiles…Pas mal non !

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