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En traversant la Guinée Bissau

Publié le par Bernard Oheix

En traversant la Guinée Bissau

9h d’une matinée chaude, avec le soleil qui darde ses rayons et brûle la terre rouge. départ de Ziguinchor. Après une trentaine de km, on débouche sur la frontière avec la Guinée-Bissau, portion de terre ceinturée de quelques bâtisses en paille avec une corde tendue sur la route, qu’un garde abaisse dès que le feu vert est donné par le grand chef assis à une table à ciel ouvert. Les formalités s’étirent, au rythme lent des gardes frontières, de la garde nationale et des douaniers qui, chacun à tour de rôle, contrôlent la voiture, ses occupants et les bagages, afin de bénéficier d’un billet glissé discrètement dans la paume ouverte. Il s’agit en général de 1000 CFA (soit 1,5€), complément indispensable au salaire d’un fonctionnaire, petite somme il est vrai... mais que les contrôles incessants font monter en frais de route incompressibles.

La Guinée Bissau est en pleine confusion, pouvoir chassé et vacant, administration ravagée par une succession de crises permanentes et une corruption endémique... On ne comptera pas moins de 12 contrôles jusqu’à la capitale de Bissau, certains à quelques km les uns des autres, par des entités incompréhensibles, des jeunes en jean et tee-shirts déchirés dirigés par un gradé attablé en train de siroter un café, d’autres par des hommes en uniforme d’opérette, tout le monde jouant à une roulette russe où vous êtes le seul à payer, mais pouvant déboucher sur un dépeçage général du véhicule selon l’humeur du contrôleur. Cela se passe toutefois avec bonhomie, quelques rires et un soupçon de catalogue à la Jacques Prévert à l’occasion, comme quand ce garde national effectue un test sur les essuies-glaces sous un soleil de plomb, ou que ce douanier nous demande si «-le boulot ça va» et qu’il éclate de rire en nous disant de continuer les vacances en nous ouvrant la route sans réclamer son billet déjà prêt, ou même quand de jeunes garçons jouent aux douaniers en tendant une corde en travers de la route à hauteur d’une mangrove et nous réclament une pièce et des bonbons !

200 kms d’une route rongée par la mousson et les débordements des mangroves nous attendent. Il faudra plus de 5 heures pour traverser cette zone longeant la côte. Dans ces passages difficiles, la voiture bascule sur les bas-côtés de terre en meilleur état que le bitume troué de ravines et de crevasses profondes. Quelques villages misérables autour d’un puit d’eau parsèment la route avec un comptoir où l’on peu acheter un peu d’huile de palme, du vin de cajou et quelques sacs de charbon de bois artisanal. De temps en temps, une ville plus importante avec son marché à ciel ouvert où se concentrent les étals de fruits et de légumes, les sandales et les cargaisons de produits usagers débarquant par containers des pays développés, tout un invraisemblable bric à brac des rebuts de l’Europe recyclés en permanence et qui trouveront une dernière vie dans un pays qui se situe dans les dix plus pauvres de la planète. Pourtant, à aucun moment nous ne nous sentirons en danger, bien au contraire. Le regard curieux des villageois, les sourires des hommes accompagnés d’un geste du bras, les cris des enfants nous accompagneront tout au long du chemin. Vers 15h30, après un dernier contrôle positionné à la sortie d’un pont à péage, nous entrons dans les faubourgs de Bissau, notre destination.

Après avoir déposé nos bagages dans la mission catholique de l’évêque de Bissau, nous filons boire une bière en centre ville. Bissau est une gigantesque avenue bordée de marchés, dans un encombrement maximum, un concert de klaxons, des dégagements de gaz et  des piétons qui circulent entre les voitures en slalomant avec leur vie. L’avenue Amilcar Cabral débouche sur la grande place et sa stèle érigée au sommet de la ville.

Le soir, au réfectoire de la mission, nous allons rencontrer un italien, Antonio, médecin obstétricien, en mission dans un village reculé à Bigènes, en train de construire une maternité et de former les «accoucheuses»  à la prophylaxie et aux gestes de premiers secours. Cet homme passionnant et généreux nous parlera longuement de son travail et des conditions effroyables des femmes et des enfants dans ce pays de l’extrême. Mortalité infantile, 25%, une femme sur 17 mourant en couches. Une véritable roulette russe à comparer avec les chiffres d’un pays européen pour comprendre le drame quotidien des femmes dans ce pays.

La nuit, un concert de bruits divers monte dans le ciel, comme si jamais le silence ne pouvait l’emporter sur la frénésie humaine. Mais le paradis nous attend. Demain, ce sera l’embarquement vers Angurman, l’île des Bijagos où nous allons découvrir la paix sur terre... du moins en principe !

En traversant la Guinée Bissau
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