Le grenier de la mémoire 7 : Bourg en Bresse : clap de début !
Imaginez ! Sortant en septembre 1980 de la formation des MJC de Rennes, j'ai pris le poste le plus au Sud disponible, une ville dont je n'avais jamais entendu parler, Bourg en Bresse. La veille de ma prise de fonction, dans ma vieille simca cabossée, arrivant de Cannes, j'ai traversé de nuit les sombres étangs de la Dombes pour arriver vers 2h du matin à l'entrée de Bourg. Là, en travers de la route, une gigantesque banderole m'accueillit sur laquelle en lettres grasses on pouvait lire : Championnat de France des Labours 1980... Et moi qui venais faire de la Culture !
Disons-le tout de suite, ce fut le paradis. Cité moyenne, assez aisée, sans vrai projet culturel institutionnel, la ville était le terrain idéal pour lancer une armada sur les forces légèrement conservatrices qui occupaient le terrain. Encore fallait-il posséder une armée. C'est ce que je fis d'entrée en ouvrant grand les portes et les fenêtres de cette MJC dont les fondations saines s'étaient érigées sur le concept citoyen de formation animé par 2 excellents directeurs (Pierre Hyvernat et Jean Pierre Lamy) mais dont les préoccupations étaient assez éloignées de la culture jeune et de l'Agit Prop !
Et tous ces jeunes de Bourg qui ne se reconnaissaient pas vraiment dans cette version de la MJC ont convergé vers leur nouveau terrain de chasse. Les Jean-François Michon, Michel Hutinel, Chantal et Patrick Veuillet, Pascal Ainardi, Dominique Gauthier, Mylène Forestier, Ophélie Dupont...ont débarqué enthousiastes, prêts à en découdre avec le bon sens et la normalité ! C'est le socle humain sur lequel on a pu bâtir ensemble un projet délirant. Et au passage, j'ai récupéré des amis pour la vie, une phalange d'irréductibles avec qui on a pu rêvé jusqu'au bout de la nuit
Rassurez-vous, Ces grognards volontaires ont été servis bien au delà de leurs espérances !
On a commencé par une nuit du polar avec rapt de l'invitée surprise. A la sortie, les spectateurs ont dû enjamber le corps de Myralen Baccall, jupe relevée, couverte de ketchup et certains ne s'en sont toujours pas remis !
Pendu par mon pote Pascal Ainardi, j'ai présenté la nuit de l'horreur avec une seule hantise : Pourvu qu'il ne se soit pas trompé dans le noeud coulant et que je ne m'étrangle point ! Merci Pascal, tu as été à la hauteur, j'ai survécu !
Deux anecdotes parmi tant d'autres.
Les murs de la MJC étaient intégralement couverts de papier noir par les soins de la belle Ophélie qui y gagna le surnom définitif de Mamie Crépon. Une machine à fumée diffusait en permanence une brume épaisse que des spots rasants trouaient de cônes lumineux. Dans les toilettes, la lumière théoriquement s'allumait en fermant le verrou... Sauf qu'au lieu de la lampe, c'est une bande son de hurlements et de gémissements démoniaques qui se déclenchait ! On a même vu des gens ressortir à moitié déshabillés en rigolant à postériori de leur terreur !
Pendant le dernier film, Massacre à la tronçonneuse, dans l'ultime séquence, on voit une poursuite avec une tronçonneuse allumée... Au mot fin de l'écran, toutes les issues condamnées , un spot s'est allumé sur une fausse porte latérale et le toujours fringuant Pascal s'est mis à découper en direct une silhouette humaine avec sa scie hurlante qui traversait le bois...
Je confirme que toute la salle a crié et que la moitié des spectateurs les plus proches de la porte se sont retrouvés sur les genoux de l'autre moitié plus éloignée ! Peut-être que quelques couples se sont formés grâce à nous cette nuit là !
Richesse de l'époque : il y avait 4 journaux pour 40 000 habitants. Le Progrès, Le Dauphiné, Le Courrier de l'Ain, et La Voix de l'Ain... et tous surenchérissaient pour parler de la MJC ! Le pied !
Et voilà comme on gagne le droit de rester dans une ville malgré son poste qui devait être supprimé !
J'en profite pour remercier tous ceux, et ils sont nombreux, qui m'ont permis de rêver éveiller pendant ces 4 années de 1980 à 1984 d'un bonheur intense ! C'est incroyable de commencer son métier dans de telles conditions et avec des gens aussi beaux et généreux. Que ce soit les institutionnels, le Maire Robin (PS), l'adjoint Veylon, la présidente de la MJC, Renée Touton et tout le conseil d'administration, tous m'ont suivit avec fidélité et parfois dérision ! Le prêtre ouvrier Gérard Authelin, André Cayot, Christian Durafour, Richard Edme, tous les journalistes qui m'ont soutenus, l'équipe de la MJC, Jean-Claude Gayet, Maryvonne Fourcade, Danièle Petitpoisson et bien sûr, toute cette bande improbable qui consacra une partie de leur jeunesse à faire entrer la vie dans la Ville de Bourg !
Et à tous les autres que je ne peux citer et qui ont, à un moment, encouragés et permis la réalisation intensive de ces évènements !
J'étais au bon moment, au bon endroit... qu'ils en soient tous remerciés du fond du coeur !