Le grenier de la mémoire 24 : irruption au Palais des Festivals de Cannes !
Revenons-en au bon déroulement de ma réintégration sur Cannes...
Après l'excellent accueil (!!) de la Directrice Générale, Marie Pierre Colas, mais avec un contrat tout aussi excellent dûment signé par le Maire de Cannes dans ma poche, il fallait que je prouve à Michel Mouillot et Françoise Léadouze qu'ils avaient eu raison de me faire confiance et de croire en moi... Il était donc temps de se remettre au travail !
D'accord, mais où ? Et avec qui ?
Mes rapports furent d'entrée assez "tièdes" avec la toute nouvelle hiérarchie du Palais qui jugeait mon "arrivée" intempestive et quelque peu incongrue. Ils étaient tous persuadés que j'avais "magouillé" contre Pierre Jean, (Vous avez eu sa tête...sic !), bien connu et apprécié dans ce Palais, installé avec son équipe du "comité des fêtes" qui ronronnait sans déranger personne depuis plusieurs années dans les bureaux du 1er étage du bâtiment.
Moi, je débarquais de chez l'ennemi, l'OMACC, la rivalité entre les deux structures n'étant pas un mythe... Les affaires, les congrès, le prestige du cinéma et les fêtes populaires contre les dépensiers intellectuels... un de ces représentants de la Culture (et Dieu sait si la Culture était "terra incognita" en ce palais et allait le rester encore très longtemps !). Rien ne prédisposait à ce que je puisse m'intégrer dans ce gigantesque chantier qu'était, en 1992, le Palais des Festivals de Cannes !
Imaginez seulement la situation ! Une toute nouvelle entité juridique d'économie mixte réunissant un personnel municipal de droit public et les anciens associatifs de droit privé sous la même casquette, des règles administratives que personne ne maîtrisait, un président de la SEMEC, adjoint au Maire, âgé et sympathique mais totalement largué, une Directrice Générale, jeune et jolie avocate, mais avec un charisme et une capacité à gérer l'humain proche du zéro absolu, totalement dépassée par sa mission... Elle n'était même pas méchante, juste incapable de maîtriser le bordel ambiant ! La peur dans ses beaux yeux ! Et puis, en pénétrant dans les arcanes des services, des blocs en opposition permanente entre le technique, l'administratif, la communication... avec des directeurs qui tentaient de s'imposer pour défendre leur pré-carré. Pour couronner le tout, un planning de manifestations chargé, des congrès qui arrivaient et le Festival du Film qui pointait son nez !
Un capharnaüm insensé entretenu par une poignée "d'experts" chargés de mettre de l'ordre mais qui ne connaissaient, ni le Palais, ni les règles de fonctionnement inhérentes à ce milieu, et pondaient de jour en jour, des injonctions totalement déconnectées de la réalité ! Un bateau ivre en train de s'échouer !
Et moi, et moi, et moi... dans tout cela ! Je n'avais même pas "ma" Sophie Dupont pour m'aider, mon adjointe étant toujours coincée à La Palestre où elle devait terminer son préavis en transmettant les "maigres" dossiers à la toute nouvelle "maigre" équipe qui avait pris mon relais à La Palestre !
Il fallait bien que je pose mes affaires (un agenda, un cahier et un stylo) quelque part, et j'ai donc demandé un bureau avec téléphone. C'est au 2ème étage que j'ai atterri, dans le couloir des organisateurs externes, mais transitoirement, car : "-il y a un congrès dans 15 jours et ils auront besoin de tous les bureaux !". Je me suis retrouvé seul, dans cet espace froid et sans âme, guettant la tonalité d'un téléphone toujours atone, sous le regard goguenard de rares zombies arpentant un couloir immense dépeuplé de vie !
Et pendant ce temps, mon équipe (les anciennes de l'OMACC), était toujours à La Malmaison, sur la Croisette, totalement abandonnée par un Pierre Jean qui n'avait jamais réussi à les ramener sous son toit pendant cette période où il avait été leur Directeur éphémère !
Quand j'ai demandé à la direction de les rapatrier, ce qui m'apparaissait un minimum indispensable, on m'a déclaré que ce n'était pas possible, qu'il n'y avait pas de bureaux libres et que de toute façon, avec les congrès qui arrivaient, personne n'était disponible pour régler le problème. "-Après le Festival du Film, on verra ce que l'on peut faire !"
Et j'ai cogité dans mon minuscule bureau, tout seul, en attendant que la tonalité de mon téléphone déchire le silence, jusqu'à ce que "l'insight", ce moment de réflexion magique du singe savant me saute au visage ! J'avais enfin la clef !
J'ai arpenté cette Croisette cernant la baie de Cannes, désertée en ce mois de février 1 992, pour rejoindre une poignée de filles qui m'attendaient impatiemment à La Malmaison, distante de 500 mètres.
Je leur ai exposé la situation et la solution que j'avais imaginée. Elles doivent en rire encore, après tant d'années ! Les Elisabeth Lara, Eve Sportellini, Yveline Joséphine, Florence Jacquot, Eliane Amram... ont réuni quelques dossiers essentiels, leurs affaires indispensables, et tous ensemble en convoi, chargés comme des mulets, nous avons fait le chemin inverse, pour pénétrer par la porte de service dans le Palais et investir le lieu que j'avais pressenti grâce à un passe récupéré. Puis j'ai fait irruption chez Marie Pierre Colas en lui déclarant : "-Voilà, mon équipe de l'Évènementiel Culturel est dans le bureau des organisateurs à côté de moi. Elle n'en repartira pas ! Comme le congrès est dans 15 jours, vous avez 2 semaines pour régler notre situation, sinon Midem Organisation devra monter une tente sur la plage pour bosser ! Et en attendant, il faudrait brancher les téléphones pour qu'elles puissent travailler !". Je me souviens encore du regard halluciné de la Directrice Générale !
Nous sommes restés 2 semaines dans ce bureau lugubre avant qu'ils ne trouvent une solution, toujours temporaire...
Mais nous étions enfin devenus une composante à part entière du Palais des Festivals et j'y ai gagné, je dois l'avouer, une certaine réputation : j'étais bien le Directeur d'un Évènementiel Culturel du Palais des Festivals de Cannes qui existait... et j'allais le rester 20 ans !