Le grenier de la mémoire 37 : Musiques du Monde et série en cours !
Bon, cela a commencé dès le premier opus de cette saga des Greniers de la Mémoire en exhumant un article jamais paru sur La grande Bouffe de Marco Ferreri... le simple fait de parler de l'acteur Michel Piccoli semble lui avoir été fatal... mais il ne m'en voudra pas, je l'encensais ! Tout comme notre barde national Christophe qui a vu ses mots bleus s'étrangler comme une marionnette enrouée dès que je me suis empressé d'écrire sur lui !
Idir a été encore plus loin dans l'élégance au moment de disparaître ! C'est le jour même où je citais son nom comme le premier artiste à avoir ouvert les 15 saisons "Sortir à Cannes" que j'allais diriger, qu'il se décida à rejoindre le paradis des Kabyles en chantant A Vava Inouva !
Bon ,cela semble quand même un peu "too much", n'est-ce point ?
J'ai toujours été un admirateur des Musiques du Monde. Le 37ème article du blog (celui-ci donc !) devait être consacré aux stars de cette musique que j'ai su porter et imposer à Cannes, ville cosmopolite au public plutôt cultivé ! Youssou N'Dour ministre chanteur au faîte de sa gloire, Salif Keïta l'albinos déchirant, Cesaria Evora la chanteuse aux pieds nus, fumant et buvant sur scène dans un show chaloupant aux vents de l'Atlantique, la féline Angélique Kidjo, Goran Brégovic entre mariages et enterrements... ont tous produit des shows exceptionnels dans ce Palais des Festivals quasi plein à chaque concert !
Mais comment ne pas évoquer cette soirée du 4 février 2005 :
La belle et fascinante Noa et le roi du "Soul Makossa", Manu Dibango, réunis pour un double plateau ! Une soirée comme on en rêve mais que l'on ne pourra plus renouveler (hélas !) avec la disparition, il y a deux semaines, de Manu Dibango qui a rejoint son paradis de notes, fusion entre le Jazz et la musique soul africaine, entre la tradition et la modernité ! Encore un donc qui s'est décidé à rejoindre ses potes musiciens tiraillés par ma plume perfide !
Malgré tout, comme si cela suffisait à mon bonheur, il me reste tant d'artistes que j'ai programmés dans cet univers de la Musique du Monde... tous ayant un jour imposé leur talent sur la scène cannoise, leur gentillesse (souvent !), leur bonheur (toujours !) d'être les hérauts d'une planète multicolore sans frontières, de parcourir le monde en répandant une parole d'ouverture et de communion, de partage et d'acceptation des autres dans leurs différences... Tiken Jah Fakoly et sa révolution africaine, sublime Angélique Ionatos dans une création originale du Canto General de Neruda produite par mon ami Richard Stephant qui lui aussi est tombé en "chant" d'honneur de la culture. Le brésilien Zezinho, le roi du Tic, Tic et Tac faisant danser La Bocca de BoccaSamba, Ismaël Lô qui est reparti de Cannes en emportant mon pull dans son sac (par erreur, je l'espère !), Ray Lema et Chico Cesar se partageant une soirée où le Brésil retrouvait ses racines africaines... Et ce double programme du 1er avril 2002 qui n'était pas un poisson... Geoffrey Oryema, la comète lancée par Peter Gabriel, dont on se souvient du Yé, Yé, Yé du générique du "Cercle de Minuit", et qui avec "Spirit" s'imposa comme un "rocker" africain à la croisée de tous les rythmes !
C'est avec Mory Kanté qu'il partagea sa soirée cannoise. Le Guinéen Mory Kanté dont le Yéké Yéké à la kora électrique avait révolutionné en 1987 la scène musicale. Le "griot électrique" survolté avait atteint en un morceau et un clip qui passait en boucle sur toutes les télévisions, une gloire planétaire.
Il est lui aussi mort il y a deux jours et avec Manu Dibango, ils doivent faire un boeuf d'enfer et auront, je l'espère, une petit pensée pour moi !
Bon, je ne vais pas m'inquiéter outre-mesure ! Parmi tous les artistes que j'ai programmés, il y a en bien certainement quelques-uns qui vont survivre... normalement !
Mais cela me rappelle aussi quelques faits troublants... A une époque, il courait le bruit qu'être programmé à Cannes était particulièrement dangereux ! Dernière tournée de Gilbert Bécaud passant par Cannes, ultime tour de Claude Nougaro au Palais des Festivals, last exit pour Alain Bashung dans la cité du Festival... Même Darry Cowl venant se griller une dernière fois sur la scène de la salle Debussy !
Certains producteurs en souriaient même jaune, me demandant d'éviter de sélectionner leur poulain pour mes prochaines saisons...
Finalement, le métier d'artistes semble plus dangereux que celui de programmateur... ou alors, c'est que je suis un chat noir et que je porte la poisse et dans ce cas, tant pis pour ceux que j'ai cités dans cet article !
Salif, l'un de mes artistes fétiches, programmé plusieurs fois... Un jour, devant une salle qui ne décollait pas de son siège, il s'est mis à genoux pour déclarer : -c'est mon anniversaire aujourd'hui, alors comme cadeau, vous allez vous lever pour partager avec moi ma musique !" Le public s'est dressé comme s'il n'attendait que ce signal et le show a viré à la folie !