Festival du film 2021 : Au fil des jours !
Et le Festival continue, toujours devant des sièges vides, mais pour le plus grand plaisir des rares spectateurs conquis par la qualité et la diversité des propositions multiples qui viennent éclairer l’écran.
En ce dimanche 11 juillet, 3 films au programme.
La Civil de Teodora Ana Mihai suit le parcours d’une mère dans un Mexique où les gangs, la corruption de la police et la peur règnent. Sa fille kidnappée, elle se lance à corps perdu dans une quête désespérée pour la retrouver. 1erfilm d’une Roumaine, c’est attachant, même si quelques longueurs et quelques facilités diluent le propos. Cinéaste à revoir mais qui laisse présager d’un bel avenir.
Plus convenu le Flag Day de Sean Penn. Les affres des relations d’une fille avec un père « mytho » qui s’invente une vie sans jamais coller avec une réalité qu’il fuit. C’est sympathique même si cela laisse quelque peu dubitatif !
Mais la vraie réussite de ce jour de Festival du Film reste la victoire à l’Euro de Foot de nos cousins Italiens contre une équipe de Brexiteurs insupportables de morgue et de racisme. Il n’est que justice que ce soit cette belle équipe soudée qui l’emporte, prouvant que la solidarité et l’amour du jeu peuvent vaincre le repli et la haine. Siffler l’hymne italien, même sans les oripeaux d’un nationalisme exacerbé, ou enlever sa médaille d’argent en un geste concerté, est une injure aux valeurs du sport et de l’amitié entre les peuples ! Justice a été rendue par nos vaillants transalpins au bout d’une séance de penaltys asphyxiante ! E Viva l’Italia !
Après une journée consacrée au cinéma… mais à Nice et sur un tout autre sujet, concernant mon Maître et ami Jean A Gili, dont je vous reparlerai en temps voulu, à 18h Salle de La Licorne à La Bocca, devant une centaine de personnes (un record !), A Résidence de Aleksey German Jr avec un nouvel uppercut au visage. Un professeur d’université qui a osé dénoncer le Maire de la Ville qui détourne et pille les fonds publics sans vergogne, en mesure de représailles, est accusé d’avoir volé des chaises lors d’une conférence, assigné à résidence avec un bracelet électronique, privé d’Internet et de Téléphone et l’état policier déploie toute la panoplie de ses mesures coercitives pour le faire taire. C’est Navalny, c’est toutes les victimes d’un système mafieux mis en place avec Poutine en chef d’orchestre, c’est la morgue des politiques, la peur des victimes et collatéraux, c’est la dictature de l’horreur sur l’intelligence !
Et le film est sublime, une lutte dérisoire contre le mal, des étudiants qui aiment ce prof mais ne peuvent l’afficher, sa mère qui meurt et à qui on lui interdit de rendre hommage. C’est l’absurdité de la force sur la primauté de l’intelligence, un combat sans merci où les doutes ne peuvent faire plier le porteur de lumières.
Il est indispensable de lui attribuer un prix spécial, cher Jury, une médaille du courage d’un or pas frelaté, pour un film qui démontre que l’avenir ne peut s’ériger sur l’injustice et la loi du plus fort. Et même la victoire en trompe l’œil du professeur ne doit pas occulter la nécessaire reconnaissance de ce combat pour la morale ! Et en prime, la réalisation est parfaite, l’interprétation d’une justesse troublante même si cela reste un film, un vrai film… Il faudra juste comprendre comment une société russe aussi cadenassée, a réussi à laisser passer à travers les mailles de son filet, un cinéaste aussi critique envers le système. Chapeau l’artiste !
Je serai plus critique sur Bergman Island de Mia Hansen-Love. Une belle distribution avec Tim Roth, un cadre magique, l’ile de Farö où Bergman s’installa et tourna 6 films, une idée séduisante mais un film qui patine, qui se perd et ne sait conclure… un peu à l’image de la réalisatrice, héroïne du film qui n’arrive pas à en trouver une ! Et de ce point de vue, le film atteint son objectif de nous laisser sur notre faim !
Mardi 13 juillet
Deux films Français se télescopant par les hasards de la programmation, deux compositions sur la violence, la drogue et la fin de vie, bien dans le thème de l’année !
Dans Mes frères et moi de Yohan Manca, une fratrie de la zone de Sète est arc-boutée autour du corps en fin de vie de la mère. Enfants d’immigrés, père mort, il ne reste que ce corps qui agonise pour les souder. Il y a les grands frères et le petit qui passe La Traviata à sa mère en souvenir de son père italien qui l’avait séduite en jouant cet air.
Sa rencontre avec une prof de chant dans le collège où il effectue des Travaux d’Intérêt Généraux (TIG) va être déterminante. Pendant que chacun vit d’expédiant (trafic de drogues, prostitution, livraisons de pizza…) afin de payer le traitement palliatif de la mère qu’ils refusent d’abandonner, le chant va apporter une lueur d’espoir dans la vie de Nour.
Dans Les Héroïques de Maxime Roy, un ancien junkie de 50 ans qui s’est sevré résiste aux tentations en tentant de survivre. Il vit avec son enfant adulte et s’occupe d’un bébé qu’il a eu avec une femme qui l’a quitté. Sans travail, totalement asocial, un groupe de parole est son seul lien avec les autres. Son père qui ne voulait plus le voir est en fin de vie et lui demande de l’aider à mourir… Il va replonger mais réussira enfin à sortir de l’enfer, trouver une formation et renouer les fils de sa vie pour se dessiner un avenir.
Ces deux films, auxquels il faut rajouter La Fracture de Catherine Corsini et Tout s’est bien passé de François Ozon dépeignent à l’évidence une société malade, gangrenée par un mal de vivre profond, où les valeurs traditionnelles tendent à s’effacer devant les rigueurs du quotidien et l’impitoyable morsure du tragique. Des œuvres fortes, magnifiquement réalisées, avec des interprètes excellents qui transcendent leur réalité, un almanach de la vie au jour le jour confrontée aux mirages de la mort et de la désolation.
Enfin, reste pour s’achever, un film de 2h 30 mn qui démontre que le malaise n’est pas qu’hexagonal. Kirill Serebrennikov ne sera pas présent pour la montée des marches, interdit par les autorités Russe de déplacement à Cannes pour défendre son film, La Fièvre de Petrov. Errance entre le rêve et la réalité, dans une Russie où l’alcool coule à flots, les protagonistes hurlent et perdent tout repères entre le vrai et le faux… ce qui arrive aussi aux spectateurs du film partagés entre une fascination morbide et une lassitude de la mécanique répétitive du procédé. Ce cinéaste qui nous avait ébloui avec Leto, n’arrive pas à retrouver la magie de son œuvre précédente, perdu dans un délire exaltant la folie russe et le paroxysme permanent des situations.