Un Festival pas comme les autres !
On savait que cela allait être compliqué ! Nous sommes gâtés !
Après une année 2020 blanche, le déplacement en juillet et les nouvelles contraintes, tant sanitaires qu’organisationnelles, annonçaient des lendemains cinéphiliques difficiles.
Et c’est le cas, avec une organisation de réservation de places uniquement par Internet, sur un site de tickets en ligne, avec en corollaire ces heures de patience auxquelles il faut s’armer afin de vaincre une technique rétive, la défaillance des réseaux, l’absence de catalogues et j’en passe !
Mais la soirée d’ouverture eut lieu, Jodie Foster a été sublime, et l’Italie a gagné contre les espagnols le droit d’aller en finale de l’Euro de Foot !
Enfin ! J’ai pu assister le mercredi 7 à mon 1erfilm de l’édition 2021, dans la catégorie Cinéma des Antipodes, Palm Beachde Rachel Ward !
Bon, nonobstant une salle à moitié vide, un froid glacial dû à la climatisation, le film aurait pu me réchauffer avec sa pléiade d’acteurs incroyables… s’il n’avait porté sur les retrouvailles de vieux rockers dont deux ont des cancers, plus aucun ne peut avoir d’érection, et tous portent la croix d’un crépuscule de leur vie non soldée ! Glacial comme la température de la salle, une version trash de Mes meilleurs copains, 30 ans après et sans filtre !
Et on enchaîne avec Robuste de Constance Meyer, avec un Gérard Depardieu monstrueux et une actrice black phénoménale, agent de sécurité, Déborah Lukumuena, avec 50 personnes dans la salle, pour cette page blanche des derniers moments d’un acteur de légende, Gérard Depardieu en un Depardieu himself, confronté aux borborygmes de la fin de sa vie !
Au passage, effet Covid ou pas, on a déjà notre thème du Festival : les vieux ! Et le fait que je sois devenu un vieux cinéphile n’est pas pour me plaire, bien au contraire !
Dans des salles toujours désespérément vides, la journée continue avec l’évènement Annettede Léos Carax, le film d’ouverture en compétition. Pour ne pas déroger à sa réputation sulfureuse, il lui a fallut 9 années pour le concevoir après Holy Motors. Un ovni inclassable, uppercut assuré. Ni comédie musicale, ni film opéra, mais une œuvre de cinéma portée par deux acteurs possédés, Adam Driver et Marion Cotillard, avec la conjugaison sublimée d’une technique éblouissante, d’un scénario enlevé et un rapport permanent entre l’artifice et le naturel. À voir avec passion.
À 15h, film en compétition devant une assistance maigrelette de 80 personnes prouvant à l’évidence la réussite du nouveau système d’accréditation chassant les cinéphiles et les curieux des salles obscures. Nadav Lapid nous propose Le Genou d’Ahed, critique féroce de la société Israélienne et de la victoire des forces fascisantes qui régissent le quotidien des artistes et verrouillent toutes possibilités de libération et d’émancipation dans le pays. Un intellectuel, ancien membre de Tsahal, débarque dans une petite ville pour projeter son film. Il est en train de finaliser un scénario sur une chanteuse à qui les forces de police ont brisé le genou afin de la rendre impropre à se révolter. Le film est un collage sous amphétamines de scènes déstructurées, avec un acteur qui peut prétendre à la récompense ultime, et dérivant vers un final en apnée laissant entrevoir l’immense tâche de remettre un peu d’ordre dans la société Israélienne !
Reste, pour coller au thème de cette édition, Tout s’est bien passéde François Ozon. Un homme atteint d’un AVC demande à une de ses filles de l’aider à mourir. D’une grande actualité après la reculade du gouvernement incapable d’assumer la nécessaire adaptation de la loi Léonetti qui date désormais et fait que la France est un des pays les plus rétrogrades en Europe sur cette question.
Alors je me lance : une Palme d’Or pour cette œuvre majeure d’un réalisateur à la filmographie passionnante, et si d’aventure un autre film s’impose (on est qu’au premier jour !), assurément le prix de l’interprétation pour un formidable André Dussolier qui éclaire le film de sa prouesse d’acteur ! Et les actrices ne sont pas en reste (Sophie Marceau, Géraldine Pailhas, Charlotte Rampling), toutes en finesse et dans des partitions différentes. Le film, malgré l’intensité du propos n’est jamais dans le « pathos », bien au contraire, il oscille entre le tragique et l’humour, émaillant le cheminement vers sa libération finale de notes gaies ou de tensions salutaires. Et finalement, tout s’est bien passé pour l’équipe de réalisation comme pour les spectateurs !
Alors, après 5 films, des salles à moitié vides, un Festival à la recherche d’un équilibre précaire, l’incroyable richesse de ces films, de ces propositions toutes marquées du sceau de l’intelligence et de la complexité de la nature humaine nous laisse espérer de l’intelligence collective !
Le Festival continue donc ?