La crème de Chantilly
Et s’il existait un authentique Festival de Feux d’Artifice intelligent… une manifestation qui servirait la cause
d’un art trop méconnu, un lieu où l’on pourrait voir les plus grands concepteurs, échanger avec les artificiers dans un endroit chargé d’histoire qui vous provoque le syndrome de Stendhal rien
qu’à plonger dans ses ors, où l’on se retrouverait entre gens de bonne compagnie en train de ripailler avant de plonger le nez dans les
étoiles pour oublier un monde qui brinquebale et tangue sous l’impact de bombes autrement meurtrières ?
une partie du jury avec la présidente Marthe Villalonga égarée
dans un couloir dérobé secret du Château de Chantilly.
Si ce lieu existait, je refuserais d’en parler ! Je nierais en bloc et attaquerais mon interlocuteur en parlant immédiatement du Festival Pyrotechnique de Cannes que j’organise. Je
déclarerais que nous sommes avec Montréal le plus grand festival du monde, que la baie de Cannes est l’écran de tous les désirs des artificiers et que pour vaincre chez nous, il faut avoir du
génie plus que du talent. J’ajouterais, sans mauvaise fois, qu’obtenir une Vestale d’Argent ou d’Or, c’est le Graal de tous ceux qui se consacrent à griffer le ciel de leur signature éphémère,
c’est gagner un bout de son paradis, entrer dans la légende et marquer l’histoire d’une empreinte indélébile.
Je parlerais bien sûr des nuits étoilées, du sable blond dans lequel un jury d’exception se vautre pour méditer, de la douceur de nos nuits câlines, de cette immense baie meublée de couleurs et de bruits, de l’histoire de notre manifestation où les Panzera, Igual, Lacroix et tant d’autres historiques des feux ont inventé un art nouveau pour les jeunes générations.
Je pourrais même raconter des anecdotes succulentes, des histoires d’histoires, des pages non écrites… mais je n’en ferais rien !
Je ne vous parlerais point de mes angoisses existentielles concernant une manifestation qui draine 150 000 personnes à chaque feu. Je ne vous donnerais pas le montant des retombées économiques colossales de chaque soirée d’artifice sur la vie économique locale. Je n’aborderais même pas les contradictions d’un dossier perclus de rhumatismes, les audits techniques, la législation de plus en plus complexe, le sous financement chronique, le montage de nuit imposé, l’impossibilité actuelle de préparer l’avenir et d’apporter du sang nouveau à un colosse aux pieds d’argile.
Non, cela ne m’intéresse pas de vous parler du Festival Pyrotechnique de Cannes puisqu’il s’agit ici de faire le compte-rendu des Nuits de feu de Chantilly.
Et pourtant, vais-je enfin faire mon coming out ? Oserais-je vous dire l’attachement que j’ai pour cette manifestation et pour ceux qui la conçoivent, l’élaborent, la gèrent avec tant de professionnalisme ? Oui ! Après tout, comment voulez-vous résister à 3 nuits dans un château prestigieux qui vit la naissance de l’Art Pyrotechnique moderne sous l’ère de Louis XIV ?
Imaginez-vous, sur les marches du grand escalier, en compagnie de Marthe Villalonga, Surya Bonaly, Bruno Masure et autres Jean-pierre
Mocky, Jean-François Garaud, Aure Atika et Marie-Christine Barrault… La soirée commence par un cocktail à la Volière, dans le flamboiement des derniers rayons du soleil avec une Isabelle
Dufresne, la directrice, virevoltante de grâce et d’élégance.
Hélène Thiebaut,
agent d'artistes, une rencontre du 3ème type, des projets à venir !
Jean-Eric Ougier le directeur artistique nous propose alors un abécédaire de l’artifice. Démonstration in situ sur la nature des bombes et des effets recherchés, nous ressortons de cette séance
avec quelques dizaines de milliers de spectateurs mieux armés pour comprendre les effets des artificiers. Sa firme, Fêtes et Feux, propose un tir d’ouverture qui met la barre très haut pour les
concurrents qui suivront. 10 minutes de féerie pure dans un lieu qu’il maîtrise à la perfection, le traître.
Et nous enchaînons avec un Stephane Bern au micro pour la présentation des candidats au Bouquet d’Argent, six firmes sélectionnées sur projet qui vont avoir 14 minutes pour séduire les 50 000 personnes payantes qui garnissent les tribunes et la dizaine de membres du jury. Un feu de clôture par le vainqueur de la précédente édition termine l’embrasement du ciel vers minuit trente, nous laissant groggy, ivres de bruits et de fureur avant de siroter quelques bières en évoquant les destinées du Proche-Orient et la misère de l’ex-Nouvelle Philosophie Française au bar de l’organisation.
Et s’il n’y avait que cela ! Des conditions idyllique d’accueil dans un hôtel de luxe, des voituriers avec des limousines à 130 000€ aux sièges massants avec écran personnel, des visites au Parc d’Astérix, dans les châteaux et cathédrales alentours…
De plus, on fait des rencontres, agents d’artistes, journalistes, comédiens, en déjeunant de concert, avant de se précipiter dans la piscine pour un ballon prisonnier. Le matin viendra toujours assez tôt pour éliminer toutes ces mauvaises humeurs dans un Spa ouvert complaisamment aux muscles las des invités.
C’est dur, je le sais… mais nous sommes des professionnels malgré tout, il s’agit de résister ! Et puis, il y a quand même
quelques bons côtés à l’affaire. Par exemple la température glacée et la pluie récurrente qui provoquent une inflation de rhumes, grippes et autres angines. Le merchandising est là pour proposer
des polaires, des gilets doublé, des parapluies (sic) ! Les heures de transport pour les milliers de pauvres aficionados bloqués dans une nasse
dont on ne peut échapper, l’inflation des prix avec des médailles à tout le monde, le manque de rigueur du jury qui fait n’importe quoi, n’importe comment, par manque de directives et de
conditions de délibérations…Je le sais, j’en étais un des membres totalement inefficaces !
Mon coup de coeur de la
semaine. Elle m'avait séduit avec ses arabesques sur la glace, elle me conquiert par sa gentillesse et sa finesse. Surya Bonaly, je t'aime d'amour !
Enfin, quoi, c’est Chantilly ! Et vous voudriez en plus aimer ? Et bien, d’accord, je l’avoue, je le crie, je le hurle à la face du monde…
Vive Chantilly, Vive les Nuits de Feu, Vive tous ceux qui les font vivre ! Et tant pis pour Cannes !
PS : Bon, heureusement que cette manifestation est en biennale. Cela nous donne deux années de repos avant de retrouver la corvée de se rendre à
Chantilly pour une nouvelle édition du festival. Je ne veux rien dire, surtout pas en rajouter, mais à Cannes, c’est tous les ans que nous illuminons les cieux !
PPS ; Et puis, c’est vrai que nous n’avons pas la silhouette titubante de L…, ex-star d’un soir d’une piscine loftée. A Cannes, il est impossible de la délivrer des traîtresses portes d’un
WC de location (haut de gamme les chiottes de Chantilly !) qui refusent de s’ouvrir et où elle restera bloquée pendant 20 minutes d’angoisse absolue pour le monde de l’art. Et comment avoir
le Samu, les flics et les pompiers aussi rapidement qu’à Chantilly quand elle tentera de se suicider au petit matin avec le bord effilé d’une cuillère à café. Non, c’est triste, on ne peut lutter
avec Chantilly !
PPPS : rassurez-vous, L… a survécu !