Les Concerts de Septembre (1)
4 jours pour mesurer le temps, pour atteindre un paradis des notes de musique, d’émotions, de rires et de larmes. 4 jours pour s’épuiser à rêver d’un monde différent où le public heureux partagerait de purs et intenses moments de bonheur avec des artistes aux accents de liberté et de générosité. De la légende à la petite histoire, du catering aux délires du son, d’un avion sans âme à une scène chargée de tous les espoirs, ce sont les concerts de septembre, purs moments d’ivresse, à cheval entre l’été et la saison « Sortir à Cannes ».
25 septembre. Soirée salsa.
Les dix musiciens de Los Fulanos sont issus des trottoirs de Barcelone. Groupe d’une salsa bitumée, passée au crible d’un Joe Bataan, légende de New York, ancien membre d’un gang sauvé par la musique, impulsant la salsa vers un univers cinglant, déchiré, sur fond de décibels et de rap. Cela faisait plus de 20 ans qu’il n’était pas venu sur le continent et c’est à Cannes que l’événement a pris corps. Sa voix oscille, il cherche son souffle dans un déferlement de salsa rock jusqu’à sa prière légendaire. Est-ce de s’adresser aux dieux qui déclenche son final étourdissant ? D’un seul coup, la magie opère, il fond dans la salle et accroche le public pour 20 minutes de folie.
Mercadonegro va leur succéder. C’est un band plus authentique à la salsa sirupeuse à souhaits, avec déhanchements assurés, voix de velours des deux compères slalomant sur scène, cuivres en fond, percussions pour tendre le corps. Alfredo de la Fé, autre légende de cette soirée, ayant joué avec Santana, Tito Puente et tant d’autres, débarque directement de Colombie pour venir « jamer » avec Mercadonegro. Il apporte un déséquilibre dans le bon ordonnancement de la soirée. Violon futuriste électrique, improvisant, ramenant la salsa vers la musique classique où le jazz, il prend en charge le final du concert distribuant les soli, découpant les morceaux à la logique de sa vision déjantée. C’est un grand Mercadonegro qui termine cette soirée où le seul regret viendra de la petite assistance. 400 personnes pour un tel plateau ! Reste que les nombreux clubs de salsa, les innombrables fans de cette danse, ont de la cire dans les oreilles et le cœur au niveau des mollets. Si je pouvais me permettre, avant d’être une danse, la salsa est une musique et quand on a l’opportunité de voir et d’entendre de tels groupes, ce n’est pas quelques fauteuils qui devraient entamer l’envie de se ruer à la découverte d’horizons nouveaux. Petits joueurs, continuez à gigoter maladroitement sur vos parquets en suant votre graisse, les musiciens présents à Cannes, eux, n’avaient pas besoin de vos lustres pour éblouir la scène et possédaient l’art de se mouvoir sans chercher à en jeter plein la vue !
26 septembre.
Les Enfants de Django. Première partie de Thomas Dutronc. Un rôle jamais facile avec 45 minutes couperet. Samson Schmitt, Yorgui Loeffler, Mike Reinhardt, leurs frères et cousins… tous authentiques manouches nés avec du sang de Django dans les veines et des doigts courant sur les cordes de la guitare avant même de savoir tenir debout ! Et quand ils le veulent, dans la sobriété, belles tenues noires et blanches, arc de cercle, musique au cœur, ils sont grands, des seigneurs de la guitare. Soli majestueux, fibre débridée, rythmes envoûtants, il plane, sur le grand auditorium bourré de 1600 personnes, un parfum d’intelligence, quand les notes cristallines semblent dessiner des volutes d’harmonie, cascades ininterrompues qui laissent pantois de « temps » de grâce. C’est Django revisité par sa famille de cœur, c’est un vrai moment de pure musique.
Thomas Dutronc. Disons-le tout net, je ne fais pas partie des fans du disque que je trouve un peu mièvre. Mais le succès public est au rendez-vous, il est programmé pour cela ! Surprise ! Il va avec son groupe, non seulement tenir la distance, mais en plus, fédérer tous les présents dans un climat de tendresse, d’ironie, de respect, d’humour… C’est un vrai gentil notre Thomas, un artiste de scène qui ne se prend pas la tête, bien au contraire, qui ouvre sa malle à souvenirs et fait partager ses émotions. Troublant mimétisme quand il chante, avec son père, distance aussi qui empêche de plonger dans le pathos, tout est aérien dans cette soirée et le public totalement séduit lui octroiera une ovation à la romaine méritée. Il faut dire que si le chanteur est relatif, le guitariste et son groupe sont de qualité. Les sourires du public en disaient long sur la capacité de la musique à adoucir les mœurs, Thomas Dutronc est un animal de scène qui fonctionne dans la retenue et la distance… cela vous rappelle-t-il quelqu’un ? Jacques est bien présent sur la scène, Françoise aussi d’ailleurs et l’on comprend la ferveur qui entoure cet artiste qui au-delà d’être le fils de… sait aussi être soi-même, authentiquement.
Pour la petite histoire, était-il vraiment nécessaire que sa production nous rackette de quelques poignées d’euros au vu du succès (très relatif en termes de finances puisque nous avons volontairement pratiqué des prix assez bas, de 22 à 28€) ! Un jour je vous parlerai des pratiques en vigueur dans le marigot de la diffusion culturelle mais pour l’heure rien n’entamera le plaisir d’avoir ouvert les Concerts de Septembre avec ces deux soirées superbes. Mais ce n’est pas fini… Il y a encore Iggy Pop and the Stooges, Suzanne Vega et mon ami Yves Simon… mais cela est une autre histoire ! Rendez-vous bientôt sur ce blog pour en découvrir les facettes cachées !