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Séville en Womex

Publié le par Bernard Oheix

Il y a des années comme cela... Séville accueille le Womex, marché des Musiques du Monde où se croisent les Anglo-Saxons, les Asiatiques,beaucoup d'Européens et un fort contingent de Francophones d'Afrique. C'est la dernière session dans cette capitale andalouse pour un souk qui autorise toutes les rencontres les plus improbables, les métissages et l'écoute des sons venus d'ailleurs. En effet, après 3 années, les organisateurs nous informent que la prochaîne édition aura lieu à Copenhague. Adieu tapas, vino tinto et autres réjouissances nocturnes, vers 5 heures du matin, dans les ruelles de la vieille ville, à chercher un port d'attache pour écluser un dernier verre en discutant de l'avenir du monde ! Bienvenue au pays de la petite sirène, ses icebergs et les rigueurs d'un automne polaire !!!
Il apparaît bien sombre ce monde  d'ailleurs, dans les tourmentes d'une crise qui atteindra fatalement une grande partie des opérateurs présents, ceux qui sont fragilisés parce que leur secteur est exposé aux vents de la tourmente financière. Les artistes d'Afrique et des contrées les plus reculées, qui ont déjà tant de difficultés à survivre et à circuler, en subiront directement les conséquences. A force d'ériger des murs, on risque bien d'étouffer sans lumière !
C'est ainsi qu'une tension apparente rampe au sein de ce corps vivant des opérateurs de la musique, le gangrène et obère l'avenir. C'est dans cet état de pesanteur qu'il faut peut-être chercher les raisons du déchaînement qui s'est emparé des participants, comme s'il fallait conjurer le sort en brûlant la vie par tous les bouts de la chandelle, maintenir l'éclat d'une espérance folle et hurler aux nuages, la vérité d'un futur sans musique. A l'heure où toutes les technologies permettent de bannir les frontières, se voir et parler restent encore le moyen le plus efficace de communiquer et de rêver.
Peut-être tout simplement ne peut-on impunément réunir quelques milliers de passionnés sans que la passion ne déferle et emporte tout sur son passage.


Quelques photos :


Dans une calèche, Ourida qui s'occupe de l'Orchestre National de Barbès et des intérêts de sa communauté artistique...à la recherche d'un restaurant. Ourida est une fleur sauvage du Maghreb, elle doit lutter contre tant de discréminations, femme, arabe, artiste... pourtant elle garde au fond d'elle, une pierre précieuse qui luit comme un diamant, la tendresse. Elle a la beauté fragile d'une révoltée, elle a un coeur grand comme un continent d'amour !

Sabine Grenard, une des rares à triompher... son groupe corse A Filetta aura fait un tabac en show-case et les contrats pleuvront comme les feuilles d'automne dans les jardins de Séville... Sa petite entreprise ne connait pas la crise, elle le mérite, c'est ma copine depuis tant d'années que je n'imgine pas un monde sans cette "bookeuse" hors pair.



François Saubadu... Un Français à Turin, du gros spectacle d'Amérique du Sud pour les Italiens du Nord...Il a un regard qui force l'amitié, une distance avec la réalité, capable de tendre la main et de rire, il reste une belle rencontre. Il était venu me rendre visite à Cannes pour me vendre des spectacles il y a 10 ans, je l'avais oublié, lui aussi...on a bu pour célébrer nos retrouvailles !

Laurence Samb, Franco-Sénégalaise qui vit à Berlin et nage dans l'électro d'une ville en survoltage. A l'heure où le métissage est devenu très chic, elle reste lucide, se nourrit de ses racines multiples, s'enrichit de ses influences qui la traversent et sera un des rayons de soleil du Womex 2008.

Valentin, associé à Soraya, une Brésilienne, il tente d'importer des groupes de ce pays et d'ouvrir des brèches dans le mur des silences. Il a un visage d'enfant éveillé, une gentillesse naturelle, un sens de l'humour très développé. Leur tâche est immense, ils ont du courage pour tous ces musiciens qui attendent d'eux d'exister sur nos scènes.

Je sais, il est tard, je suis dans les bras de Laurence et d'Aurélie... et j'aime ! Aurélie est une bombe perpétuellement amorcée. Elle vit pour aimer, donne son amitié et cherche le bonheur dans l'échange. Elle ne tient pas l'alcool, mais qui lui en tiendrait rigueur ? Aurélie, c'est ma copine !


Charlotte et Claire, les divas du Reggae...de Toots à Alpha Blondy qui devrait être à Cannes en septembre prochain... des siècles de barbus débonnaires ! Jah est grand ! Charlotte a une sacrée personnalité, on a pas interêt à se louper avec elle, mais quand elle offre son amitié, alors, c'est un ange. Claire est  douce, suave, un parfum d'anis qui évoque des heures sereines à danser sur les sons de la Jamaïque.

Je savais que je possédais un certain charme, voire un talent certain, mais là, j'ai quand même l'impression qu'elles exagèrent ! Comme quoi, quand on réunit une Sénégalaise, une Brésilienne, une Corse, une Algérienne et une Picarde... c'est détonant ! Etonant, non ?

Sinon, que vous dire de la musique, raison principale de ma présence ? Que A Filetta et Enzo Avitabile e i Bottari sont géniaux... était-il besoin de se rendre si loin pour s'en convaincre ? Assurément non puisque je les ai déjà programmés depuis bien longtemps !
Que Speed Caravan restera une des heureuses (rares) découvertes de cette édition hybride. Issu d'Ekova et de Duoud, Mehdi Haddab avec son "oud" électrique, une DJette aux platines, un percussionniste et bassiste, nous entraîne dans un univers de sons orientaux électros, un tissu chamarré de notes brillantes, avec une rythmique rock qui sonne comme du Hendrix et déboule dans une furia magistrale. Retenez ce nom, Speed Caravan, on devrait en entendre parler sous peu !
Si Tumi and the Volume (Afrique du Sud) propose un Hip-Hop électro plutôt passionnant et Suzanna Owiyo, une chanteuse Kenyanne, belle, à la voix sensuelle accompagnée de son groupe remarquable à l'afro-beat dansant ont fait sensation, disons que globalement, les shows-cases ont apporté leur lot de spectacles très moyens. Dans la quantité, certains émergeront peut-être, beaucoup sombreront aussi... mais c'est la réalité d'un monde cruel pour les artistes, où rien ne leur est pardonné, où la performance prime sur le temps et où l'erreur se paye cash.
De ce point de vue, je ne résiste pas au plaisir de vous informer que les Amazones de Guinée existent toujours... et si vous n'en avez point entendu parler, ce n'est pas grave. Une douzaine de femmes en uniforme de la Gendarmerie guinéenne, en train de ramer pour émettre une musique désaccordée, les poses de la guitariste échevelée et l'absence d'oreille et de mains de la batteuse, nous ont donné une furieuse envie de boire à la santé des Musiques du Monde et de celles et ceux qui la maltraitent parfois, la magnifient souvent !

La musique africaine survivra à leur show... de justesse pourtant ! Mais ce continent en a vu d'autres, il nous en offrira des occasions de se faire pardonner !

Voilà, c'est l'heure du retour. Une dernière soirée au Jackson à boire jusqu'à l'aube, un coucou ému à tous ces ami(e)s qui ont partagé mes nuits. Beaucoup ne sont pas présents dans ce bref hommage aux nuits de Séville, ils m'en rendront grâce, nous nous retrouverons à Copenhague, peut-être ! Cannes se pointe au bout de la piste ! Echange de photos par maïl, souvenirs souvenirs et la roue tourne, la crise toujours, Obama en premier président noir des Etats-Unis d'Amérique, de quoi prolonger la fête en sachant qu'il lui faudra plusieurs vies pour résoudre l'ineptie d'un monde qui marche sur la tête et l'a engendrée ! Pour quelles illusions ? Pour quelles missions ?

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Paris-Théâtre, octobre 08.

Publié le par Bernard Oheix

Paris. La saison théâtrale est morose. Une Plongée dans les salles afin de dénicher les pépites de la programmation 2009/2010 s'impose. Beaucoup de pièces, des heures dans l'inconfort général, mais aussi des rencontres, mes amis Yves Simon, Nilda Fernandez et une auteure, Agathe Fourgnaud, le talent à l'état rebelle. Les nuits sont trop courtes pour faire le tour d'un monde en folie. C'est bien de rêver aux lendemains !

 

11 et 12 octobre. Riccardo Caramella « Bon anniversaire, Maestro Puccini ». Salle de la Licorne. Cannes.

On connaît le talent du pianiste, on connaît moins la verve gouailleuse du conteur. Riccardo a cette capacité de rendre la musique accessible, de désacraliser intelligemment les grands compositeurs en leur réattribuant un peu de chair. On passe ainsi de morceaux de musique exhumés, d’essais qui deviendront au fil du temps de véritable bijoux, en suivant l’histoire de leur composition et en accrochant des pans de moments vécus comme des perles.

Petit exemple narré par Riccardo Caramella.

Rossini envoie pour noël un « panettone » à ses amis et s’aperçoit que sa secrétaire l’a expédié à Toscanini, qui est à New York, alors qu’il vient une nouvelle fois de s’embrouiller dans cette relation d’amour et de haine permanente qui les caractérisera. Il décide de lui envoyer un télégramme. « -Panettone envoyé par erreur. ». Il recevra le lendemain une réponse de Toscanini. « -Panettone, mangé par erreur ! ».

La soirée s’écoule ainsi, entre la mélodie et l’humour, avec un zeste d’émotion quand Riccardo parle de sa vie, des actions humanitaires qu’il mène et le conduisent à rendre un peu de cet amour et de l’argent à ceux qui l’ont tant aimé sur les scènes du monde entier.

Que le chœur flotte un peu, que le baryton tombe malade et le ténor dérape parfois n’a alors que peu d’importance. Il reste une belle énergie, un désir de contrepied, une démarche atypique avec un cœur gros comme une tranche de vie pleine de surprises et de tendresse.


Bernard avec Puccini. Présentation du concert de Riccardo Caramella.

15 octobre. Le diable rouge. Avec Claude Rich et Geneviève Casile. Mise en scène Christophe Lidon. Texte d’Antoine Rault. Théâtre Montparnasse.

J’avais accueilli avec beaucoup d’enthousiasme la précédente pièce d’Antoine Rault, Le Caïman avec Claude Rich portant sur la vie d’Althusser et le meurtre de sa femme. Changement de décors avec cette pièce historique portant sur l’agonie d’un Mazarin malade, tentant de s’accrocher aux lambeaux de son pouvoir devant la montée inexorable d’un Louis XIV qui entame son ascension vers les sommets de la gloire. Belle pièce d’une facture classique, parfois un peu trop dans sa scénographie, mais dont le texte fait ressortir la fascination des hommes de l’ombre pour la lumière de l’exercice du pouvoir. La mère de Louis XIV est la témoin de cette passation qui enterre aussi sa propre volonté de régenter le roi. Louis XIV va ainsi se libérer de ses chaînes et concentrer le pouvoir entre ses mains. Fin d’une période, début d’une ascension, Claude Rich est parfait dans son cabotinage de vieux despote tentant de sauver quelques bribes de sa puissance d’antan. Un beau moment d’histoire dans une langue fleurie.

 

16 octobre. Le malade imaginaire. Avec Michel Bouquet et Juliette Carré. Mise en scène Georges Werler. Théâtre de la Porte St Martin.

Un texte qui sonne si présentement, en écho de tant de nos angoisses, maladie chronique d’un mal de vivre, Michel Bouquet est l’incarnation de cette mort au travail qui hante tout acteur qui s’empare de ce rôle au souvenir du grand Molière agonisant sur scène. Fragilité insoutenable de l’être humain, profondeur du personnage de théâtre et d’une distribution parfaite. C’est un chef-d’œuvre de sensibilité, d’humour et de drame. Il n’y a rien à dire, juste baisser son chapeau et dire à un Bouquet crépusculaire, merci pour votre carrière, merci pour cette illumination d’une œuvre qui continuera à traverser l’histoire des hommes par sa férocité contre les savants, son mépris des conventions et la force désespérée de l’amour. Vive Molière !

 

17 octobre. 15h Café de Flore. Rendez-vous avec mon ami Yves Simon.

 Deux heures pour nier le temps, parler du monde et se percher sur un fil d’amitié parcourant des vies d’hommes. C’est beau le partage des rêves, les interrogations multiples et le regard convergent vers la réalité. Deux heures passées à la vitesse d’un songe d’harmonie.

 

18h30. La divine Miss V… Avec Claire Nadeau. Texte de Mark Hampton et Mary Louise Wilson. Mise en scène de Jean-Paul Muel. Théâtre du Rond-Point

Tout est beau, les décors rouges, la mise en scène précieuse, le jeu sobre de Claire Nadeau… mais au fond on s’ennuie un peu ! Les états d’âme d’une miss vieux siècle, impératrice de la mode, ex-rédactrice de « Vogue » nous indiffèrent. On peut épiloguer sur le personnage et trouver des résonances au monde moderne, rien n’y fait, je m’ennuie ferme et en plus, j’ai sali mon beau pantalon avec la gomme d’un scotch qui colmate le dossier bringuebalant du siège qui est devant moi. Il ne fait pas bon avoir de grandes jambes à Paris, même au beau théâtre du Rond-Point.

 

21h Sans Mentir. Texte de Xavier Daugreilh. Mise en scène José Paul et Stéphane Cottin. Théâtre Tristan-Bernard.

Une future pièce culte d’après Gérard Miller. Bon, moi je veux bien. Peut-être que les acteurs ont eu un coup de calcaire, ou bien que j’étais toujours avec Yves Simon, ou que sais-je encore… Mais rire à ce vaudeville sans saveur ni rythme aurait été un exploit. Sur une trame éprouvée, le mensonge qui en entraîne d’autres, (cf, Stationnement alterné, Chat et souris, Espèces menacées et tant de bijoux), l’auteur s’épuise, les acteurs s’agitent et rien ne se passe si ce n’est un sentiment de grande solitude. Et puis mon pantalon salle, fallait pas déconner, non mais !

 

18 octobre. La journée des dupes. De Jacques Rampal. Mise en scène Yves Pignot. Théâtre 14.

Surprise. Dans une langue en alexandrins fleuris, Louis XIII malade, attaqué de toutes parts, sous la pression des intégristes catholiques, d’une Espagne et d’une Autriche aux aguets, va confier le pouvoir à un Richelieu omnipotent pour asseoir sa royauté et ne pas succomber aux affres d’une nouvelle guerre de religion. 20 ans avant le Diable rouge, par les hasards d’une programmation, les deux couples de pouvoir se trouvent renvoyés en écho, l’un en image inversée de l’autre. Louis XIII est malade même s’il est lucide et fait le bon choix de confier les rênes du pouvoir à un Richelieu rayonnant, Louis XIV est fringuant, il dévore la vie et abandonne Mazarin dans ses rêves d’une puissance révolue. Au milieu, naviguant d’une pièce à l’autre, Anne d’Autriche, femme séditieuse de Louis XIII devient la mère d’un Louis XIV dont elle n’accepte pas qu’il la rejette pour exercer son pouvoir en solitaire.

Etrange paradoxe de deux écrivains contemporains qui font revivre deux pages d’histoire séparées par une poignée d’années avec un personnage commun vu sous deux angles différents. La mise en scène est très théâtralisée, le rythme parfois un peu lent ne gêne pas la tension d’une histoire en train de revivre sous nos yeux.

Ainsi donc, deux auteurs contemporains, dans une démarche parallèle, exhument deux tranches d’histoire, le personnage de la femme du roi Louis XIII de la première pièce devenant la mère de Louis XIV dans le deuxième. Dans la même ville, la même saison, un pied de nez au hasard qui donne furieusement le désir d’aller jusqu’au bout de cette concomitance : une  programmation à Cannes la saison prochaine… dans l’ordre chronologique !

 

Francis Lalanne ayant une extinction de voix, je serai donc privé du plaisir extrême d’assister à Lorenzaccio. Tant pis ou tant mieux, c’est selon !

 

19 octobre. 15h. Elle t’attend. Avec Laetitia Casta, Bruno Todeschini, Nicolas Vaude. De et mise en scène de Forian Zeller. Théâtre de la Madeleine.

Bon, je veux bien. Un mec capable de quitter sa femme pour la Casta, cela paraît tellement normal… mais qu’il la laisse tomber en pleine présentation à la future belle famille pour retourner chez la mère de ses enfants, non, là, ça déconne vraiment ! Elle est trop belle notre effigie corse. Elle a une chute de « rein » à faire apparaître les chutes du Niagara comme une aimable plaisanterie, des fesses pour ne pas dire un cul, sublimissimes, un torse à damner un « sein » et même le bout d’un téton apparent qui illumine la pièce d’une aréole boréale. Mais à part cela, c’est long, verbeux, inutile, désespérant d’une platitude inversement proportionnelle à la beauté des courbes de l’héroïne abandonnée. Les acteurs font ce qu’ils peuvent, le décor est beau mais l’argument tenant sur un papier à cigarette ne nous fera pas fumer le cerveau. Loin s’en faut ! Tout est plat, sauf bien sûr les formes de Laetitia, et ce n’est pas une mise en scène poussive qui relèvera l’électroencéphalogramme désespérément étal de cette pièce terriblement française où rien ne se passe que l’attente d’un rideau de fin tombant enfin sur notre espoir de rencontrer et de garder auprès de soi une Laetitia Casta au demeurant bonne comédienne.

18h. Sérial Plaideur.De et avec Jacques Vergès. Théâtre de la Madeleine.

Cela commence par une brillante démonstration sur la notion de culpabilité, sur le rapport entre le théâtre et la justice. Cela enchaîne avec une application plus concrète sur des cas de figures contemporains et sur des procès que l’avocat a vécus, cela aboutit parfois à de vrais moments d’humanité. Vergès nous prend par la main et nous balade, suspendus à son verbe brillant, entre les horreurs de la réalité et la nécessaire prise en charge de celles-ci par une société qui les engendre et se doit d’en traiter leurs auteurs avec compassion.

Pas d’ambiguïtés dans son discours, le mal reste le mal, mais son traitement ne peut et ne doit se résoudre à se situer sur le terrain de ceux qui ont porté le fer de l’horreur. Parfois les ailes de la tendresse effleurent et certains personnages qui viennent le hanter sont si cruellement humains que l’on se prend à avoir de la commisération à défaut de tendresse pour eux.

C’est brillant, enlevé, cela fourmille de notations, de références historiques et philosophiques. On aurait aimé avoir Jacques Vergès comme tuteur, prof ou maître, on se contentera de ce beau moment d’intelligence dont on émergera avec l’impression de mieux comprendre la réalité. Et ce n’est pas les faiblesses d’une maigre mise en scène et le jeu physique gauche d’un Vergès qui pourront contraindre son verbe à plier devant les impératifs d’une mise en spectacle accessible à tous.

Si l’avocat tribun a 20/20, si l’analyse de texte est parfaite, cette faiblesse de l’acteur Vergès rend d’autant plus attachants, authentiques, sa démonstration et son plaidoyer pour une justice plus humaine. Non-coupable, avec les félicitations du jury populaire, le public !

 

Une dernière bière avec Nilda Fernandez, mon pote qui m’a rejoint pour cette ultime pièce de mon périple parisien, quelques discussions sur des projets à venir et le rideau se ferme sur cette semaine de spectacles et de rencontres. Si les pièces sérieuses semblent tout à fait séduisantes et programmables, je vais avoir quelques problèmes avec les comédies. Peut-être est-il trop difficile de faire rire quand le monde vacille sous les coups d’irresponsables qui nous ont menés à la ruine. Il faudra bien panser les plaies de notre économie mais rassurons-nous, tous ces tsars de la finance et de la politique, une fois la crise dénouée grâce à notre argent public, resteront en place, accrochés à leurs privilèges et pourront alors nous expliquer de nouveau comment fonctionne le monde et combien il faut travailler plus pour gagner moins !

 

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Max Gallo, mon académicien et moi...

Publié le par Bernard Oheix

 

Bernard O., particulièrement ému en ce jour de retrouvailles. Près de 40 ans après, la rencontre avec Max Gallo me replongeait dans une période de jeunesse, quand mai 68 venait percuter toutes nos certitudes, que la fièvre pulsait des humeurs dans notre sang, que rien n’apparaissait impossible à des jeunes de 20 ans en train de s’affranchir des chaînes familiales et d’inventer un avenir radieux.

Frais, émoulu, bac en poche avec son corollaire… fuir le toit familial et obtenir sa liberté, faire des études à l’université de Nice, loger en résidence universitaire (Ah ! le charme d’une petite chambre que l’on investit de sa liberté !), étudier, un peu, faire la fête et draguer les filles, beaucoup, tout un programme pour cet automne 1969 où je débarquais à Carlone, la toute neuve fac de lettres, pour entamer mon parcours universitaire. J’avais choisi de faire de l’histoire, non par conviction, je l’avoue, mais parce que cela pouvait déboucher sur une maîtrise d’histoire du cinéma, le vrai objet de ma passion.

Cinéphile acharné, plongeant déjà dans un Festival du Film à Cannes qui nous permettait (la belle époque !), de rentrer par des portes dérobées, avec de fausses cartes de presse, en pleurant à l’entrée, rois de la débrouille devant un système tolérant pour ceux qui osaient mettre en avant leur amour du 7ème Art comme passeport vers les salles obscures.

Fac de lettres où mon professeur principal s’appelle Jean A Gili, grand spécialiste du cinéma italien, critique connu et respecté qui deviendra un ami, et un certain Max Gallo dont la réputation montait sur la colline inexpugnable des sciences littéraires dominant la Baie des Anges qu'il allait rendre célèbre.

Max Gallo est un tribun étonnant, il parle de l’histoire avec des mots qui donnent le désir de comprendre, d’ouvrir les portes du passé pour en saisir les mystères. Toute l’année, il va nous enchanter en brodant sur la révolution russe, Staline, Trotski, Lénine, la Nep et Kamenev, les sovkhozes et les koulaks …

Notre relation fut bien sûr éphémère. Il démissionna très vite de son poste de professeur universitaire pour produire des livres avec le succès que l’on sait. Entre-temps, il nous avait pris par la main et menés sur les sentiers de la découverte, quand l’histoire supposait que l’on réfléchisse, analyse et construise des modèles rigoureux.

Un peu coincé, je discute avec mon maître d'antan et le passé renaît, comme si le temps n'avait aucune importance !
Je me souviens de mon premier exposé avec lui. Je m’étais mis en tandem avec mon amie d’enfance, la belle Sylvie G. et nous devions analyser la succession d’un Lénine trop tôt disparu. C’était un exercice redoutable, nouvel outil pédagogique, la prise de parole n’était pas si fréquente dans ce monde où le silence régnait à la mesure de son âge et de sa place dans la société. Nous avons construit notre temps de parole et déroulé un argumentaire avec le brio de comédiens affirmés (Elle était aussi cabotine que moi, la Sylvie !) et quand nous terminâmes notre exposé, l’amphi applaudit vigoureusement notre performance.

Max Gallo nous réunit alors et impavide, nous tint ce commentaire.

« Mes chers amis, réduire la succession d’un Lénine à la tête des soviets à l’inimitié d’un Staline et de Trotski, frères ennemis consacrés, peut apparaître un peu réducteur quant à une analyse scientifique de l’histoire… mais vous avez commis ce péché avec tant de plaisir et de brio que je vous attribue un 14 sur 20, juste pour vous donner envie d’être plus rigoureux la prochaine fois ! Félicitations pour la forme de votre exposé.»

Max Gallo était ainsi. Un pédagogue passionnant sachant transmettre le goût d’apprendre et de devenir meilleur. Il m’a instillé, tout au long de cette année passionnante, le plaisir de s’ouvrir à des vérités apparentes pour mieux les contester, de traquer les fils d’une histoire pour en dénouer les nœuds et dénicher du sens dans ce qui ne semble pas en avoir. Je suis devenu un adepte de la pensée analytique et de la nécessité du raisonnement parce que des profs comme lui nous hissaient vers ces hauteurs, nous amenaient à regarder avec lucidité derrière les apparences.

Je n’avais pas revu Max Gallo depuis ces années. Il est devenu un romancier d’importance, un homme politique majeur, il a manqué l’élection à la mairie de Nice d’un souffle… Puis il s’est enfermé dans une rigueur dogmatique bien étrange avec un Chevènement atypique pour finir dans les bras d’un Nicolas Ier qu’il nous aurait dépeint sous d’étranges traits à l’époque où il n’était qu’un petit professeur à l’Université. Mais ce n’est pas grave… Et même s’il eût pu, à l’occasion d’une fête offerte par le maire de la Ville de Nice dans le cadre du Festival du Livre, se dispenser de certains propos sur la politique actuelle… cela n’aurait pas changé ma tendresse pour lui et mon émotion pour ces retrouvailles.

Je suis allé lui parler un peu intimidé, je me suis présenté comme un ancien de ses étudiants et je lui ai raconté l’anecdote de mon exposé. Il a ri. J’ai retrouvé ce timbre grave d’une voix inimitable, ces accents parfois pompiers toujours émouvants d’un discours qui l’amena à revisiter la Ville de Nice à l’aune d’un père débarquant d’Italie pour fonder une famille française de la tolérance. Max Gallo possédait toujours ce regard clair fureteur et cette voix chaude à conviction.

Qu’importe que l’histoire finisse étrangement dans les balbutiements d’une politique qui a les relents d’un drapeau rouge en berne… il restera à jamais mon prof génial, celui qui m’a aidé à vouloir être meilleur et me traça, avec d’autres, les chemins d’une liberté à conquérir par la force de l’esprit.

 

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