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Inventaire avant destockage (14)

Publié le par Bernard Oheix

C'est une lettre expédiée à un ami. Un mot pour lutter contre la mort des êtres aimés. De cette bande d'adolescents attardés qui usaient leur fond de culottes sur les bancs de l'université en 1969, la grande faucheuse a initié un nettoyage par le vide. Des têtes tombent et roulent sur notre chemin, emportant à chaque fois un peu de notre innocence. B... était l'une de nos amies, une vraie avec qui nous avions partagé des rêves et des galères. Un cancer de plus !

 

 

C...,

 

Il n’est pas toujours facile d’exprimer par des mots, la réalité de la tristesse, du chagrin, l’expression d’une profonde injustice, le désarroi de la solitude que provoque le départ de l’être aimé.

 

Alors parfois les écrits sont bien inutiles. Mais comment dire à celle qui est partie, qu’elle nous manque ? comment dire à son frère et à sa mère, à toute sa famille que l’absence est partagée, que les liens qui ont existé restent intacts ?

 

Elle a fait partie de nos vies, elle est encore en nous, elle y restera.

 

Quelques sourires, de grands yeux qui interrogeaient la vie, des moments gravés qui émergent parce qu’elle a fait un grand saut définitif dans l’inconnu.

 

C’est cela notre B... Même si le temps était passé, que la distance s’était installée entre nous, elle est un morceau de notre histoire, une belle page de cette histoire où nous avons partagé des repas, des espoirs, de la colère… et surtout du rêve !

 

Alors à toi qui reste pour nous, notre C..., par delà le temps, parce que tu nous relies à notre jeunesse, à la beauté de la vie, même si l’âge accomplit son œuvre et nous rapproche tous ensemble de ces frontières mystérieuses qui voient s’évanouir tant de nos êtres chers, qui nous rapprochent aussi de nos  propres peurs…

 

Nous te disons des mots d’amitié pour celle qui ne pourra plus les recevoir. A toi, à ta maman, à son mari et à tous ceux qui l’ont connue et aimée et qui, aujourd’hui, doivent trouver la force de vivre avec son souvenir.

 

Bises de B...et T....

 

C'est étrange de se retourner et de voir ces visages en train de s'estomper. Combien de morts pour se sentir vivant ? Combien de temps faut-il durer pour entrer dans l'éternité ? Chaque disparition autour de soi est un pas vers sa propre fin, vers le désert de ses illusions perdues, vers le passé de ceux qui sont l'avenir ! C'est difficile d'expliquer aux autres sa propre angoisse de la mort, nos frontières sont si proches et le temps s'écoule trop vite !

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Inventaire avant destockage (13) : Idir

Publié le par Bernard Oheix

Un texte écrit il y a près de 10 ans sur un concert auquel j'ai assisté il y a plus de 40 ans... J'ai de la suite dans les idées ! C'était un article à destination de "la Strada" de mon ami Michel Sajn, une (la) revue culturelle branchée de la Côte d'Azur. Compte tenu que je programmais enfin Idir à Cannes pour la première fois (il reviendra à 2 reprises), je ne pouvais décemment signer de mon nom...et c'est à cette occasion que j'ai exhumé ce pseudo qui dormait depuis des lustres dans les greniers de ma mémoire ! Inutile de vous dire que j'ai adoré écrire ce clin d'oeil d'une époque ou j'étais jeune, beau, et ou je mordais dans la vie à pleines dents !

A vous de juger ! 

 

 

C’était à Rennes. Miterrand n’était pas encore élu, la France de Giscard vivait ses dernières heures mais ne le savait pas. L’ouest me tendait les bras, terres de découvertes et de mélanges aves ses « indiens » et ses « cow-boys », cette allure de France profonde dans des habits de modernité.

 

Un copain est passé me voir et m’a entraîné à un drôle de concert d’un homme à lunettes, au visage juvénile et qui portait un nom qui sonne comme un coup de théâtre : IDIR.

 

Dans la salle pleine à ras bord d’une foule colorée, les femmes portaient leurs enfants en bandoulière avec leurs yeux clairs comme un message d’espoir. Quelques youyous résonnaient sous les regards ébahis d’un public occidental qui venait chercher l’aventure.

 

L’exotisme se parait d’humanisme. Les Kabyles côtoyaient  les Arabes comme si les drames du futur ne devaient jamais exister ou comme si, dans l’exil d’une culture la terre comptait plus que la religion.

 

Il est entré dans un flot de lumière et ses musiciens ont entamé une curieuse musique. Les instruments traditionnels perçaient les nappes légères des claviers et la fée électricité occidentalisait les mélodies. Sa voix chaude, douce s’est glissée à l’intérieur de ces notes égrenées liant d’un seul coup la langue kabyle, l’Orient fastueux des instruments traditionnels et la modernité occidentale d’une terre d’asile.

 

A VAVA INOUVA s’imposait comme un tube, comme un morceau de musique arraché au temps et qui ciselait des diamants dans les volutes sonores imaginées par un musicien hors du commun.

 

Son histoire est une légende qui parcourt les terres hautes de l’Algérie, son talent s’exprimait dans la discrétion la plus absolue.

 

Depuis des années il vit en France et sillonne ces terres qui ont su être hospitalières pour lui. Il permet la rencontre des publics et l’échange généreux des cultures. Il reste IDIR, un musicien génial, un interprète doux et magistral de mélodies bouleversantes, un ambassadeur de la musique du monde qui fédère le bonheur de vivre ensemble…et son concert est un des plus beaux concerts qu’il m’ait été donné de vivre. Il reste gravé en moi et chaque note me rappelle que la musique est bonheur.

 

Il est à cannes le 18 octobre, salle Mérimée à la Bocca, et j’ai hâte d’être au premier rang comme un « fan » qui n’aurait pas honte de dire à IDIR que ses chansons peuvent transformer le monde.

 

Jean-Paul ICARDI

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J'aime (plus) Merce Cunningham !

Publié le par Bernard Oheix

 

Surprenante journée monégasque, entre Nadal exécutant un Ferrero éberlué, Nalbadian atomisé par Djokovic sous un soleil printanier et un déjeuner offert par mes amis de la communication d’Eurosud  dans le village VIP du tournoi de tennis de Monte-Carlo. En fin d’après-midi, petite promenade dans une ville sinistrée par l’installation des structures du Grand Prix de Monaco. Amoncellement de tubes d’acier, de tribunes, de sacs de sable et de pneus utilisés pour le carrousel des chevaux mécaniques qui vrombiront dans plus de 3 semaines dans cette cité aux allures d’un Disneyland pour adultes. Monaco n’est pas une ville, n’est pas un Etat, c’est un phantasme imaginé par un créateur atteint du syndrome de Peter Pan !

 

A 19h, je retrouve mon adjointe, SD, avant de plonger dans la salle des Princes du Grimaldi Forum, ce Palais des Congrès construit en rognant sous la mer pour trouver un peu d’espace dans une ville confinée où la moindre surface carrée et plane vaut son pesant d’or.

 

Au programme, un grand héros de notre jeunesse culturelle, un nom de légende qui a marqué l’histoire de la Danse du XXème siècle. Leader de l’avant-garde américaine, innovateur de talent et de génie qui a explosé les limites de la danse et les a confrontées aux techniques modernes, aux arts visuels, à tout ce que la planète du moderne pouvait concevoir. Son compagnonnage avec John Cage a insufflé une dimension particulière à son travail de création en structurant des colonnes sonores propices à sa volonté d’exploser les codes traditionnels de la danse classique. Robert Rauschenberg signant des décors et des costumes en phase avec l’univers d’une modernité en train de reculer les limites du réalisme introduit cette déstructuration du cadre de la scène.

Enfin, tout cela c’est la théorie…

 

La soirée commença par Suite for five, une œuvre de ses débuts datée de 1956. Musique de John Cage interprétée en direct par un pianiste, costumes de Robert Rauschenberg. Du beau monde pour 5 danseurs évoluant aux sons contrapuntiques d’un piano ivre. Mouvements en saccades, gestes amorcés, ruptures permanentes des lignes de fuite, comme un alphabet de tout ce que cette danse moderne allait importer d’usant et d’artificiel. C’est vieillot à souhait, drame absolu d’imaginer que ce qui était rupture et novation en 1956 devient le triste reflet d’un ennui récurrent un demi-siècle après.

Au fond, c’est peut-être la première fois de ma vie que je ressens avec tant d’acuité ce décalage que le temps induit qui transforme le moderne en ancien, renvoie la novation à l’académisme et fait apparaître poussiéreux ce que l’on portait aux nues de la révolution créatrice. La recréation est parfois redoutable pour les sens émoussés de brûler ce que l’on a adoré…Mais c’est la dure réalité des idées que de s’épanouir avant de se faner !

La pièce suivante MinEvent, toujours avec Cage et Rauschenberg, permet au groupe de danseurs de se livrer et rompt avec l’esprit de rupture permanente qui est la signature du chorégraphe. Il réintroduit une certaine fluidité poussant même jusqu’à permettre aux interprètes de se trouver à l’unisson, aux gestes de définir une fresque, aux rythmes d’atteindre une fusion qui exalte la qualité technique de la compagnie.

Le dernier opus date de 2007. Il reste une des dernières œuvres composées par le génie vieillissant. Dans Xover, par couples, les danseurs viennent composer leurs éternels duos saccadés, rencontres avortées, ébauches de complicité d’une technicité brillante et enlevée se brisant en permanence sur les sonorités décalées d’un trio de musiciens et d’une chanteuse développant des arabesques vocales d’où surgissent cris d’oiseaux, onomatopées, textes en langues diverses éclatés. Cela pourrait avoir du charme, cela pourrait surprendre…mais est-il encore l’heure de s’ébaudir à ces recettes qui ont été surexploitées par les cuisiniers fades d’une nouvelle danse qui n’en peut plus de vouloir surprendre sans surprises ? Où est passé la magie d’une démarche de rupture, les codes volant en éclats n’ont laissé que des ruines fumantes sur les scènes des théâtres de la danse actuelle, comme si à force de hurler des messages vidés de leur sens, on ne pouvait plus entendre les variations d’un esprit libéré !

 

C’était ainsi, une soirée de connivence pour régler ses comptes avec son passé dont il reste la certitude d’une grandeur évanouie, d’une période où tout était possible et ouvert, une technique brillante de danseurs capables de rendre esthétique les gestes les plus atypiques, une démarche permanente d’équilibriste installant des passerelles entre les arts, l’aventure du « choquer » pour remuer les consciences…mais un demi-siècle se s’est écoulé, et dans les vagues qui balaient et effacent les vestiges de la création, il y a le conformisme actuel, toutes les fuites dans une provocation dont la seule finalité est l’installation de l’individu au faîte d’une gloire médiatique au service d’« egos » surdimensionnés, il y a l’appauvrissement intellectuel d’un zapping permanent et des effets de mode où les limites se sont évanouies.

Alors c’est vrai, je n’aime plus Merce Cunningham, mais c’est aussi parce que l’époque d’aujourd’hui n’est plus aimable et transforme son travail en jeux du cirque, en page d’histoire dont la seule finalité serait de dire, « j’ai existé et j’ai créé les conditions de l’ennui…admirez donc mes ruines et passez donc comme des ombres sans vous poser les questions d’un pourquoi vide de sens… Posez-vous les questions essentielles car de toutes les manières, on n'y répondra plus ! »

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Inventaire avant destockage n° 12

Publié le par Bernard Oheix

 

 

Deux annnées se sont écoulées. La saison culturelle venait de se terminer et comme à chaque fois, une impression de vertige devant l'inéluctable, le temps qui passe, les spectacles qui s'enchaînent, la certitude de franchir des étapes importantes, ceux qui nous rapprochent des frontières, des limites, le vide qui nous aspire. Ce mot, je l'ai envoyé à toutes celles et ceux qui travaillent avec moi depuis de longues années, comme une bouteille à la mer, pour dire merci et parler de la mort !

 

 

 

FIN DE PARTIE !

 

 

Une saison vient de se terminer…une de plus d’effectuée ! une de moins à imaginer…pour vous à réaliser !

 

Cette année 2007/2008 a été généreuse en belles images, en souvenirs, en événements majeurs.

 

Souvenons-nous…les Concerts de Septembre avec Archive et l’Orchestre de Bender (le plus beau et émouvant concert que j’aie jamais produit professionnellement), ces chanteurs que nous aimons, Mano Solo, Arno, Taha et surtout Eicher, Susheela Raman et Salif Keita, Abd Al Malik, Gréco (un mythe qui nous a donné quelques émotions pures) et Daho pour clôturer en élégance…une saison musique comme on en avait jamais réalisée par sa diversité et sa qualité !

 

Le Festival de Danse… de nouveau accessible où Sylvie Guillem et Russell Maliphant nous ont permis de rompre avec les lois de la pesanteur et qui nous a réconcilié avec Maguy Marin et l’art du mouvement, Mayumana, le coup de cœur endiablé des fêtes de fin d’année, Jolivet et les Chevaliers du rire avec fiel, l’humour de Boublil et de Benureau, les grands airs de la Traviata et de Nabucco, même les chœurs de l’Armée Rouge pour nous faire aimer les slaves… le théâtre en comédie (Toc Toc, La valse des pingouins, Adultères…) !

 

Et le Festival International des Jeux, avec ses 135000 visiteurs/joueurs et sa belle soirée de remise des prix et ses nuits du OFF à étirer les heures jusqu’à l’aube.

 

Voilà donc une page de tournée, un livret à ranger dans l’armoire des souvenirs, au milieu des autres, dans le foutoir des images que nous conservons enfouies en nous et qui font que nous sommes différents. A force de tutoyer les muses, on récupère un peu de leurs rêves !

 

Je vous remercie du fond du cœur  pour tous les efforts que vous avez consentis, pour la passion que vous démontrez au jour le jour au service de ceux qui créent l’émotion… C’est grâce à vous que le public peut communier, c’est par votre souci et votre précision que nous avons la fierté de réaliser des saisons pleines qui rencontrent le succès dans une période de crises et d’incertitudes.

 

J’associe à ces remerciements, tous les stagiaires qui trouvent leur place dans notre petite entreprise et donnent leur soif d’apprendre en gage de leur investissement.

 

Il nous reste de beaux combats à mener, un été se profile, une nouvelle saison et toujours votre compétence et votre enthousiasme en fil conducteur de notre action au service du public et du Palais des Festivals.

 

Merci à tous !

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