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2012 versus 2013

Publié le par Bernard Oheix

2012 aura été une étrange année.

Entamée en roulant des pelles à n’en plus finir à 20 girls du Crazy Horse (sic), elle se sera achevée sous les oripeaux d’une rombière blonde aux gros seins en train de laver son «Linge Sale» applaudie par le public.

Entre ces deux évènements, tant d’heure et de moments si forts.

Les 6 deniers mois d’une vie d’un directeur comblé par sa vie professionnelle en un bouquet final. Concerts magique de Hubert-Felix Thiéfaine, enfin dans ma programmation après tant de tentatives infructueuses, recréation du Canto General de Mikis Théodorakis, moment sublime de ce chant de Pablo Néruda en hommage aux hommes en lutte dans une France en train de se déchirer entre les directs d’un Sarko «ultradroitisé» et la poussée d’un Hollandais apoplectique, mes vieux complices d’Huun Huur TU en train de «diphtoner» si loin de leur steppe, Ballaké Sissoko (même avec Vincent Segal !) nous emportant dans des zones musicales inexplorées et ce dernier concert des Voix Passions, avec mes amis d’A Filetta, mon complice Nilda Fernandez, mes potes du Corou de Berra, ma princesse malgache Taliké et même Julien (mon fils) et Sarah en train de m’offrir une aubade à faire pleurer mon coeur de tous les bonheurs de la vie.

Mais aussi Philippe Genty si loin des marionnettes et si proche des humains, ces «voyageurs immobiles» qui parcourent une histoire en raccourcie de l’homme. L’horreur viscérale des «Amis du placard» avec Romane Bohringer et Didier Benureau en train de s’inventer des amis dans une société qui ne sait plus regarder l’autre, avec en corollaire, «Le Repas des fauves» (3 Molières 2011) où la part d’humanité des individus s'éteint sous le joug de la peur et de l’égoïsme...

 

Et puis vint ce 1er juillet 2012, où comment et quand on peut arriver à la retraite dans le bonheur. Premier Directeur du Palais à partir effectivement à la retraite (mais que sont devenus les autres !), dans l’harmonie d’un départ maîtrisé, succession assurée avec Sophie Dupont, mon adjointe depuis des lustres qui se colle à la mission de régénérer et de donner un nouvel élan à la fonction de Directrice de l'Evènementiel (et Dieu sait comme elle réussit brillamment dans ce challenge pas évident !). Un président, David Lisnard et une Directrice Générale Martine Giuliani me tendant la main pour conclure ce beau parcours entamé au Palais des Festivals de Cannes il y a plus de 20 ans. Et même Bernard Brochand, le Maire de Cannes, décidant de m’offrir la Médaille d’Or de la Ville de Cannes, seule décoration que j’aurai glané dans ma carrière, mais ô combien symbolique et appréciée par l’iconoclaste que je suis resté tout au long de ces années.

Coeur de midinette, peut-être, mais tournant dans une existence, satisfaction du devoir accompli, libération des contraintes et possibilité d’entamer une dernière tranche de vie.

 

Cette année 2012 aura été aussi celle du voyage. La découverte enfin du continent Africain avec 3 semaines au Sénégal dont 8 jours en Casamance. Chaleur et amitié, plongé au coeur d'un peuple, dans une mission catholique de Thiais, entouré de prêtres à vous donner le désir de croire en un Dieu de miséricorde même pour un athée comme moi.

Et pour fêter cette retraite, la Crète en août, en famille avec enfants et conjoints, le pays de mon ami et associé Richard Stephant, producteur de spectacles, le soleil, la mer, des gens adorables plongés dans une crise qui dépasse l’homme mais n’altère en rien leur gentillesse !

 

Et puis le travail aussi puisqu’il y a une vie après la retraite. Une Direction Artistique des Nuits Musicales du Suquet avec des artistes magiques (Nigel Kennedy, Fazil Say, un Mozart visionnaire, Juliette et Sarah Nemtanu, William Sheller, Laure Favre-Kahn et Charles Berling), complet tous les soirs dans la ferveur d’un public séduit par leur talent et leur générosité...

Et comme un bonheur ne vient jamais seul, mon ami Gilbert Rozon qui me propose de monter avec son équipe un Mondial des Jeux à Montréal toiut comme la ville d’Atlantic City qui souhaite monter un Festival Pyrotechnique sur mon nouveau concept de «Battles»... même s’ils se font désirer et ne nous donnent toujours pas leur décision définitive !

Alors bonheur complet avec la reprise de la pièce de théâtre Linge sale en novembre pour 6 séances au Théâtre Francis Gag où j’ai vécu enfin la vie de ces comédiens que j’ai accueillis pendant des années de programmation intensive... Qualité humaine des comédiens professionnels talentueux que j’accompagnais dans un rôle taillé sur mesure pour moi par jean-Claude Grumberg, une blonde, une Martiniquaise et pour finir, un technicien de l’ombre mis en lumière !

Presque complet car le 22 novembre, dans la nuit de la dernière représentation, mon père disparaissait, jetant une note trouble dans ce qui était un parcours vers la plénitude.

Comme tu me manques.

 

Mais l’année 2013 se pointe. Elle est déjà là.

Et je sais que la vie est encore belle et que nous ferons encore des plans sur la comète. 

Je vous souhaite beaucoup de bonheur et mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année. Puisse-t-elle être chargée de tous les vents de l’amitié, de la rencontre, du partage et de l’émotion artistique si nécessaire à l’équilibre de l’être humain.

Oui, il y a une vie après le labeur et vive la retraite à 61 ans et six mois !

 

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Ciao Babbo !

Publié le par Bernard Oheix

J'avais écrit, confère le 28 aout 2010 dans ce blog, un article intitulé, "Devenir le père de son père..." je me souviens encore de son regard et du geste étrange qu'il avait eu en le lisant sur son ordinateur... C'était juste avant qu'il ne décroche et cesse toute activité intellectuelle. Il m'avait donné un coup de coude en me disant "-Toi alors, merci, ton article !"  Et nous n'en avons jamais reparlé... comme nous avons si peu communiqué avec ce père omniscient mais au corset enserrant ses sentiments si fortement qu'il ne pouvait les exprimer. Et puis avait suivi une longue glissade de deux années vers le renoncement jusqu'à ce mois de juillet 2012 où nous avons partagé un dernier repas dans un restaurant à la Bocca. En août, son état empira. En septembre, un mois d'hôpital puis 5 semaines de clinique et 3 jours d'une maison de retraite avant un déces annoncé. Il est parti le 22 novembre à 7h30. Brutalement, à l'image d'une vie taillée à la serpe, sans fioritures. 

Je devais me rendre à Montréal pour travailler sur un Mondial des Jeux et le lundi  26 je m'envolais malgré tout, avec l'accord de ma mère et de mes frères, emportant avec moi la certitude que plus rien ne serait comme avant. Le dernièr rempart qui me protégeait de ma propre mort venait de sauter.

les obsèques ont eu lieu le jeudi 29 novembre, sans moi. Mon frère Michel  composa et lu cette oraison funèbre devant la famille, le casque de pompier de mon père posé sur le cercueil, juste avant la crémation. J'aurais pu l'écrire, je n'aurai pas fait plus juste, j'aurais dû être présent...

Alors pour ceux qui ont entrevu ce père Oheix, où par mon entremise, connu des bribes de sa vie, juste une dernière fois, comme pour un "dernier avant la route", l'ultime signal d'une vie en train de s'achever. Père Oheix, Gérard le pompier, Une femme et 4 enfants, Ciao Babbo !

 

Texte lu par Michel Oheix devant le cercueil.

 

"C'est le moment pour dire quelques mots sur Gérard OHEIX avant qu'il nous quitte définitivement. 

L'enfance de Gérard, notre père, le mari de Paulette, le frère d'Ivan, l'oncle, l'ami, est lumineuse et obscure. On sait que jeune enfant, moins de deux ans, il est un enfant aimé d'un jeune et beau couple du début de siècle, on sait que la fatalité  lui enlève brutalement ses deux parents et que très tôt, avec son frère il devient orphelin, à cet âge où les parents et leur amour sont tout pour l'enfant. Suivent des années douloureuses, malgré l'affection fausse ou vrai de celles et ceux qui remplacent ce père et cette mère définitivement absents. L'enfance est alors celle des années trente: dure, difficile, laborieuse avec comme horizon un apprentissage de boulanger. Les études supérieures ne seront pas pour cette génération! Il apprendra dans  cet apprentissage les dures leçons d'une vie où les rapports peuvent être violents, comme celui, par exemple, où l'apprenti mange à la table des patrons, mais ne partage pas les plats ! la viande au patron, les légumes pour l'apprenti. Ce n'est pas du Zola, c'est la vie simple d'un adolescent des années trente.

 

Avec la grande adolescence et la nouvelle grande guerre viendra le temps de l'émancipation, le temps des jeunes qui s'enivrent de la libération, le temps aussi, faut il le dire où l'apprenti boulanger devenu galant, pourchassé par le maître boulanger jaloux  franchit la passerelle d'un cuirassier pour s'engager dans la Marine Nationale. 

Finie la Vendée, finie l'enfance, c'est l'horreur d'une nouvelle guerre en Indochine qui le rendra adulte. De ce temps de guerre, nous ne savons pas grand chose, si ce n'est des histoires de peur, de dégout. Cette guerre ne sera pas racontée. C'est un nouvel homme qui à Nice, lors d'une escale, où belle gueule et bon pied, c'était un danseur agile, séduit la jeune et belle Paulette et avec qui il va construire une famille, la sienne, la leur, la notre. Quatre enfants, tous garçons naîtront, de 1949 à 1957 : ce fut, nous le savons, une période encore difficile où malgré le travail, tous les travaux possibles, l'argent était insuffisant pour nourrir la marmaille! Puis vint au milieu des années cinquante l'embauche comme sapeur pompier à Cannes, le temps, pour les enfants que nous étions,  d'un père héros, au blouson lourd sentant le cuir, au casque brillant, aux bottes bien graissées. Le temps aussi des silences pesant lorsque le métier devenait dur (nous savons ce que veut dire pour un pompier d'intervenir lors des graves accidents, les suicides, les grands malheurs de la vie).

 

Gérard OHEIX fut un jeune gaulliste d'après guerre, porté par les idéaux de la Nation, de la République et sa rigueur morale : les idéaux dévoyés par un petit maréchal se retrouvaient si bien dans cette génération d'après guerre : Travail, Famille , Patrie! les années 68  en feront un homme de gauche, défendeur de nouveaux idéaux : solidarité, partage, tolérance, anti racisme. De toutes ces valeurs nous en fûmes, nous les enfants les premiers bénéficiaires. 

 

Gérard OHEIX a beaucoup sacrifié pour sa famille : ce ne fut pas un homme de bar, lui qui pourtant aimait bien.., il ne partait pas avec des amis pour de joyeuses bamboches, tout, finalement était réservé à la famille et à l'éducation. Mari absolument fidèle, il fut un père rigide dans son éducation mais choisissant, nous le disons plusieurs longues années plus tard, pour ses enfants les meilleurs principes : une morale rigoureuse, la scolarité prioritaire, l'éducation sportive. Sportif il le fut lui aussi, toujours. Il avait choisi un sport exigeant où on ne dépense pas d'argent mais où on souffre pour gagner son plaisir : le cyclisme! Si fier de ce sport, qu'à la fin de sa vie il affichait sur sa porte d'entré ses deux trésors : la grande reine Paulette, et son vélo, la petite reine. 

 

Cette rigueur dans l'éducation, parfois excessive, nous pouvons le dire, porta ses fruits. Il voulait que ses enfants réussissent leur scolarité, ce que, lui, la vie l'en avait  empêché : nous fûmes tous bacheliers, universitaires diplômés ou non, ce qui permit à chacun de ses enfants d'affronter leur vie d'adulte avec les meilleures armes, celles du savoir, de la connaissance. De cela, plus que tout autre chose nous lui sommes redevables et nous l'en remercions aujourd'hui, dans ce jour d'au revoir. Nous savons que c'est la plus grande fierté qu'il avait, celle d'avoir été un père qui avait donné à ses enfants l'éducation que lui n'avait pu avoir. Que sa mémoire sache aujourd'hui  que nous en sommes conscients et que nous le remercions. 

Gérard OHEIX ne fut pas un bavard, il était plutôt taiseux, ce ne fut pas un raconteur d'histoires, ce qui souvent nous manqua, il ne fut pas toujours souple, parfois trop rigide.

Il est mille fois pardonné pour ses défauts car ce que nous savons, dans notre intimité, c'est qu'il fut un mari aimant et fidèle et un père généreux et noble. 

 

Merci Gérard OHEIX, merci papa".   

 

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Dernière photo volée...quelques heures encore et il nous dira au revoir, pour toujours.

Ciao Babbo !

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Nono, Jones, Le Forestier et les autres

Publié le par Bernard Oheix

C'était la nuit de la guitare en hommage à Maxime Le Forestier. Une pléïade de musiciens exceptionnels réunis par le plaisir de jouer ensemble dans une soirée où tout était possible...même l'inconcevable !

La rythmique était assurée par trois instrumentistes hors classes, Dominique Di Piazza et Fred Vinquant à la basse et Franck Agulhon à la batterie, des métronomes donnant une sécurité absolue aux solistes, tendant un rideau de notes comme un filet de protection sur lesquelles il ne restait plus qu'à ourler des partitions enlevées. Ils tiendront tout le concert au bout de leurs doigts sans faillir.

Manu Galvin, nounours chaleureux qui donne du sens à l'idée même d'un phrasé musical, une sensibilité hors norme dans la maîtrise de son instrument se dévoile comme un conteur chaleureux. il est un interprète romantique, un toucher bien spécial, une façon si douce de se glisser dans les mélodies en ciselant le silence de ses perles serties de fulgurance.

Nelson Veras, un jeune Brésilien, éblouira par son jeu tout en retenue, d'une délicatesse et d'une puissance étrange, comme si les influences conjuguées de sa culture d'Amérique du Sud et celles d'un son plus européen produisait un musicien sans frontières, ivre de toutes les libertés.

 

Nono fait pleurer sa guitare. Revennu de tous les sommets et de toutes les aventures du show-biz, tutoyant les plus grands, il reste un incomparable instrumentiste au toucher sans égal. Il possède une aptitude à faire corps avec son instrument et à transformer la plus simple des mélodies en opéra sauvage, en hymne à la déraison, en tonnerre de sons où le chaos ne plie à sa volonté de l'orchestrer. C'est Nono, un homme de coeur, dans toute sa simplicité, un génie de la guitare qui s'avère un gentleman pétri d'humanité.  

Maxime était la star, celui pour qui cette constellation de musiciens s'était réunie. Il va jouer son rôle à la perfection, distribuant les temps d'exposition, permettant à chacun de s'exprimer, débridant le concert autour de ses chansons complexes, difficiles à  interpréter. Il n'avait pas choisi un répertoire facile, piochant dans son répertoire celles qu'il affectionnait, pas toujours celles qui avaient rencontré le grand succès. Voix au grain si particulier... Même si l'âge le rattrape, il est d'une jeunesse éternelle, comme certains de ses tubes qu'il offrira en rappel au public. Merci Monsieur Maxime Le Forestier de rester cette icône de toutes les révoltes qui échappe aux temps de la soumission et au conformisme ambiant.  

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 Norbert krief dit Nono                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               Maxime Le Forestier

 

Comment ne pas parler de mes deux complices. Jean-Claude Rapin, l'homme aux bottes rouge et à la crinière léonine. Avec lui, j'ai tout connu. Et avant tout l'amitié ! C'est un bluesman déjanté, qui peut introduire des distorsions dans toutes les mélodies les plus sophistiquées, toujours en rythme, apte à se mettre au service des autres, il part en vrille et explore des champs inconnues en cherchant à s'évader des contraintes dès que l'opportunité s'en fait sentir. C'est mon ami. C'est lui qui avait, à ma demande réuni ce panel de musiciens autour de Maxime Le Forestier. Un sans faute mon Jean-Claude. Bravo à toi.

Elève de Marcel Dadi et de Chet Atkins, Michel Haumont est le grans spécialiste du finger-style en France. il dévore des torrents de notes et distribue à la volée des cascades de sons si délicats que sa guitare chante sous les projecteurs. C'est un esthète serein, un magicien des cordes, un équilibriste de haut-vol et aussi un très vieux complice, depuis le début des années 90, du temps du Festival "Guitare Passion" qui nous a tant marqué.

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          Jean-Claude Rapin                                                                                                                                                                                                                                                             Michel Haumont

 

Reste Michael Jones. je l'ai programmé à de multiples reprises. Complice de JJ Goldman, il existe bien en dehors de son ombre tutélaire. Musicien sauvage, voix aux chaudes inflexions galloises, showman avéré, il est tout cela et bien plus encore. Il fait partie de ces leaders naturels qui s'imposent en douceur, par la puissance d'un riff, l'intonation d'un couplet qui touche le public au plexus, une façon d'être élégante et précise, d'accompagner et de prendre ses responsabilités quand la situation l'exige. Il est un grand de la musique... Il est aussi d'une simplicité et d'un abord chaleureux. C'est Michael Jones, le plus français des gallois, mon ami.    

 

 

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                                                             Michael Jones. photo d'Eric Dervaux

 

 

Et si vous n'étiez pas là au rendez-vous, si vous avez raté cette soirée au Palais des Festivals de Cannes, alors tant pis pour vous ! La prochaine fois, soyez attentifs, de tels moments sont volés à la logique du show-biz et du marketing, ils sont rares et uniques. Comme l'a déclaré Maxime Le Forestier sur scène, "des soirées comme celle-ci, nous en avons connu mais normalement, nous les partageons entre musiciens... sans le public, dans nos caves et pour l'amitié. Ce soir, vous étiez présents pour notre plus grand bonheur !"  

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