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Mon festival du Film 2013.

Publié le par Bernard Oheix

MON FESTIVAL DU FILM....2013

Premier Festival de l’ère de la retraite... Terminé le badge Directeur du Palais, passer devant tout le monde, entrer par les «artistes», faire les empreintes des stars (Ah ! Kim Basinger !)... Etre in...

Place à l’anonymat des longues heures d’attente dans des files interminables, à la cohue pour se battre afin d’obtenir un siège bien placé, aux regards scrutateurs des cerbères sur le badge cinéphile suspendu à la poitrine comme une prothèse permanente... Etre out...

Et vous savez quoi, j’ai aimé mon Festival du Film 2013 et ces 37 films ingérés à raison de 3 à 4 par journée. Détaché de toutes contingences autres que celle d’une maison pleine (3 corses, 1 allemand, 2 enfants, quelques neveux et 1 marocain...), hôtel California, complet... mais si vivant ! Quand on est heureux, on partage ce bonheur. Quand on a la chance d’être dans la ville du cinéma en étant cinéphile, on s’offre le plaisir extrême d’aller à la découverte du monde par des pellicules interposées, entouré d’une famille recomposée, dans un happening cinématographique que même le mauvais temps ne peut entraver.

Etre heureux et donner du bonheur en en recevant, c’est cela mon festival de 37 films concentrés en deux salles périphériques, la MJC Picaud et la salle de la Licorne et un jardin de La Bocca.

Cette année, disons-le, ce fut un très bon crû, même s’il a manqué un chef d’oeuvre pour parachever ces 12 jours de folie. Beaucoup de très beaux films, passionnants, sur des sujets attractifs, comme si le coeur de l’homme venait battre à notre porte, avec des résonances étranges qui créent des parenthèses dans des univers improbables.

Deux thèmes se sont taillés la part du lion. Le premier est celui de l’homosexualité décliné dans toutes ses variantes, rebondissant d’un Libérace à La vie d’Adèle, la Palme d’Or, de films tragiques en comédies, de scènes très crues en esthétique suggestive. Le monde en ébullition des manifestations contre le mariage pour tous résonnait comme un écho délétère de ce mouvement d’idées traversant toutes les cultures de nombre pays. Et quand on ne transgresse pas le genre, alors, on dispense son corps comme une monnaie d’échange, tel la jeune fille de Jeune et Jolie de François Ozon qui se prostitue pour combler un vide, et parce qu’il n’y a plus de repères entre son corps et la «marchandisation» de son sexe, ou l’on construit sa vie sur une imposture, comme le remarquable et jouissif Les garçons et Guillaume, à table de Guillaume Gallienne, hilarante comédie où le garçon élevé pour être une fille et aimer les garçons, s’aperçoit qu’il aime les filles et pas les garçons !

Le deuxième est paradoxal puisqu’il concerne l’enfance et la filiation. De la naissance à l’adolescence, le poupon fut roi en ce festival de la recherche d’une filiation impossible. Sujet au coeur du japonais Kore-Eda Hirokazu, Tel père, tel fils, justement primé, qui tranchera pour la loi du coeur contre celle du sang, pour les liens de l’amour contre ceux plus hypothétiques du gène. Il y eut de fréquentes naissances, des bébés fripés grandissant pour devenir des enfants maladroits, sous l’oeil d’une caméra inquisitoire saisissant les rapports tendus entre adultes et enfants (Ilo, Ilo du singapourien Anthony Chen entre une servante philippine et un enfant roi insupportable, les rapports père-fille du magnifique et très cinéphilique Michael Kohlhaas de Arnaud des Pallières, l’ambigüe relation entre une petite fille et le docteur nazi Menguele dans l’émouvant et saisissant Wakolda de l’argentine Lucia Puenzo).

Mais dans ce déluge de scénarii, d’histoires renvoyant souvent à la réalité d’un monde en crise où les plus faibles (les pauvres et les jeunes) sont broyés par la violence (l’incroyable la Jaula de oro, de Quemada-Diez, épopée tragique par les trains poussifs chargés d’émigrants qui mènent 4 jeunes des bidonvilles du Guatémala au «paradis» des Etats-Unis, (un seul survivra), Omar de Hany Abu-Assad, ou l’impossible survie de 3 jeunes palestiniens plongés par l’absurdité d’une terre occupée qui sécrète sa propre violence et broie les individus, The Selfish Giant de Clio Barnard quand deux jeunes exclus du système anglais dévoilent l’intolérable misère de ceux qui restent en marge et survivent des miettes du festin de la société.

Et maintenant donc, passons à quelques aspects particuliers de ces films en miroir. Des éléments qui surgissent au fil des heures de projections, qui se renvoient la balle et que l’on retrouve comme en leitmotiv. 5 tics sont apparus pour constituer un alphabet improbable de l’année 2013. Signalons que pour avoir l’honneur de figurer dans ce palmarès, il faut avoir été repérés 5 fois dans 5 films différents, dûment constatés par une cour de justice assermentée composée de l’ensemble des résident de mon «hôtel California».

  1. En 2013, on urine énormément dans le 7ème Art. Homme comme femme, avec des jets puissants, des commentaires acerbes (c’est les chutes du Niagara), dans toutes les positions, en devant de scène ou en arrière plan. Les «pisseurs» ont manifestement pris le pouvoir contre les «déféqueurs».
  2. En 2013, la sonate de piano envahit la bande sonore. Parfois, elle déborde même et s’insère comme un élément de l’image, les interprètes maniant le clavier comme moi, une boîte à outils, avec une certaine nonchalance et un immense talent. Les états d’âmes torturés des protagonistes retrouvent en contrepoint du jaillissement des «urineurs» désinvoltes, les notes cristallines de Schubert, Bach, Chopin...
  3. Les Films de cette année sont très souvent découpés en saisons, voire en mois. De l’été à l’hiver, de décembre à juillet, la fuite inexorable du temps, rythmée par les sonates de pianos bien qu’entrecoupées par des jets de pisse, montre à l’évidence que la linéarité est un leurre dans un monde où s’entrechoquent les violences d’un univers sans âme.
  4. Tout n’est pas aussi noir. Même brisé et à bout de souffle, les acteurs et actrices se lavent les dents avec régularité, et même la langue d’ailleurs, dans ce monde qui nous opprime. Ne jamais aller au lit sans passer par la case brosse à dents, quelque soit l’âge du protagoniste.
  5. Mais le danger guette. Opportunément, des plans de coupe avec des nuages viennent signaler les menaces extérieures, et quand on montre des nuages à l’écran, en 2013, ils sont forcément énormes, envahissant, cumulus-nimbus aux teintes bistres. Il ne suffit pas de les voir... Ils se décident à crever mais attention, quand il pleut au cinéma à Cannes, forcément, il tombe des trombes d’eau, des orages cataclysmiques, qui balayent tout sur leur passage et empêche même les essuies-glaces des voitures de fonctionner. Remarquez, les cinéastes étaient synchrones avec la météo cannoise de ces deux semaines de Festival. Prémonition quand tu nous tiens !

Voilà donc un petit tour d’horizon des manies du crû 2013 de nos cinéastes....Il faut signaler qu’un film réussit le tour de force de conjuguer les deux thèmes et la quasi totalité des tics de l’année. Il s’agit du Chateau en Italie de la soeur de..., enfin, de Valeria Bruni Tedeschi, film au demeurant intéressant, où la cinéaste tente une auto fiction dans la lignée des deux précédents opus...mais en s’améliorant nettement. Encore un effort, Valéria, et tu l’auras ta Palme !

Reste le Palmarès, éternel sujet de controverses, les pressions imaginaires, ou pas, que sont sensés subir des juges en train d’élire les vainqueurs de cette édition dans une tambouille que ne désavouerait point un gâte-sauce réfugié dans un temple du 7ème Art culinaire.

Pour tout vous dire, je ne crois pas une seconde à un Steven Spielberg engoncé dans des choix partisans. Subjectifs certes, et c’est le propre d’un jury que d’exprimer sa sensibilité, de trancher entre les options multiples d’un agrégat de personnalités aussi diverses et prestigieuses. Forcément injuste et partial, mais reflet de leurs goûts, de leurs rencontres et de ce que d’authentiques professionnels du cinéma pensent de leur art et de son devenir.

Alors primer le mexicain Amat Escalante, Heli, mauvais film, pourquoi pas ? Reste que, même si Nebraska d’Alexander payne n’est pas un chef d’oeuvre, le prix de l’interprétation masculine à Bruce Dern, récompense une belle ballade douce amère d’un vieux père et de son fils à la recherche du temps retrouvé, moment intime de grâce et scanner de la société américaine de l’intérieur. Bérénice Béjo est excellente, mais le film Le Passé de l’iranien Asghar Farhadi méritait mieux que cette récompense en trompe l’oeil (un prix du jury me semblait plus adapté !). Tel père, Tel fils de Kore Eda Hirokazu et le Inside Llewyn Davis des frères Coen sont bien justement reconnus à leur place dans le palmarès final. Je n’ai pas vu le chinois A touch of sin de Jia Zhangke.. aussi n’en dirais-je rien, si ce n’est que le cinéma asiatique, longuement annoncé depuis des années, arrive à maturité et s’impose avec logique dans le concert général des films. Il lutte enfin à armes égales avec les cinématographies occidentales.

Des absents naturellement il y en a. Le troublant et réfrigérant Jeune et Jolie de Ozon, le Jimmy P de Desplechin, le Kohlhaas de Des Pallières... les français étaient vraiment au top niveau cette année, cocorico pour nous, il y a quand même des choses positives dans notre hexagone même si la météo est pourrie !

Reste la Palme d’Or, consécration définitive et baromètre de l’année. Je n’aurais pas misé un kopeck sur une adhésion des deux anglo-saxons (Spielberg et Kidman) sur l’opus sulfureux de Abdellatif Kéchiche, La vie d’Adèle. Raté ! Et ce n’est que justice. Même si je suis critique sur certains aspects du film, c’est une vraie oeuvre de cinéma, une plongée dans le coeur embrasé d’une jeune fille, et la force de son amour dépasse largement le strict cadre d’un amour lesbien. Elle devient universelle dans le tragique de ce qui réunit et divise un couple et les larmes amères n’ont pas besoin de sous-titres ni de commentaires pour exprimer la profondeur humaine. Alors pourquoi une certaine complaisance dans la longueur, pourquoi une redondance dans la crudité de la vision de deux corps féminins faisant l’amour ! Passion quand tu nous tiens ! Un peu d’humilité peut-être et de respect pour le travail des autres (il n’y avait même pas de générique, et que l’on ne me dise pas que c’est la faute d’un manque de temps !). Pas sûr de ce point de vue que cette Palme donne plus d’humanité au réalisateur. Mais son film restera comme un évènement, sans aucun doute le plus torturé et le plus incisif des commentaires sur la vie réelle qui tapait à notre porte dans les actualités d’un monde télévisé affichant les haines et les dissensions.

Bon, 37 films, c’est 3 de moins que mon objectif initial... Je ferai mieux l’an prochain ! Il faut juste que j’améliore mon rendement...

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Les Affres du Festivalier de base !

Publié le par Bernard Oheix

Cet article aurait dû sortir le 1er jour du festival... Problème avec mon blog aidant, le voici donc juste avant la fin du Festival...En attendant, 28 films après l'avoir écrit, il reste totalement d'actualité.

A bientôt donc !

Bon, d’accord, il pleut des trombes pour l’ouverture du 66ème Festival du Film. Mais c’est pas vraiment une surprise, il pleut à toutes les ouvertures ! Il pleut pendant le G20, il pleut toujours sur Cannes dès que les caméras du monde entier se pointent à l’horizon. A se demander comment nous pouvons conserver l’image d’une région où le soleil brille en permanence. Un micro-climat, peut-être, mais certainement pas pas quand les yeux de l’univers sont rivés sur nous. Dès que les caméras s’en retournent dans leurs pays pluvieux et venteux, alors soyez rassurés, nous on retrouve notre soleil !

Et la pluie, ce n’est pas vraiment pas le «top» pour le Festival du Film. En effet, le principe de base étant que pour un film visionné en salle, il faut passer un tiers du temps dans la queue qui est en extérieur pour y accéder, donc sous la pluie, (et sans parapluie pour ne pas avoir à le trimballer...), cela donne sur la base moyenne de 30 films d‘1H30 (ce qui est un film court dans l’esthétique médiane du Festival où le standard est de plus de 2H05 pour obtenir une palme), soit 30*30= 900 mn ou l’équivalent de 10 films sous des trombes d’eau ! De quoi être imbibé même si l’on sait qu’en général la pluie ne tombe que les jours d’ouverture et de clôture du Festival, juste pour ennuyer les organisateurs et permettre aux stars de brandir des parapluies pour affronter la montée des marches.

Il faut avouer que les marches, avec le tapis rouge, les caméras, les hallebardiers, cela en impose . Vous ne pouvez pas imaginer, les feux de la rampe éteints, combien sont déçus les touristes nippons qui déferlent en bus tout au long de l’année, en les contemplant. On les entend caqueter (en japonais) «-Comment cela, si petits ces escaliers ? pourtant, à la télé, ils sont grands, imposants, majestueux...» Et ils repartent au pays du Soleil Levant avec la certitude que l’Européen est hâbleur, menteur et fourbe, alors que l’on n’a même pas les yeux bridés, et nous taillent des croupières économiques pour se venger !

Bon, une fois dans la salle il faut trouver le bon siège. Ce n’est pas facile, les cinéphiles sont grégaires et cherchent toujours la bonne place, 1/3 de l’écran, légèrement décalé sur la gauche, meilleur angle de vision et balayage optimum de l’écran et des sous-titres dans une perception occidentale de lecture de la gauche vers la droite. Pour les arabes qui lisent de la droite vers la gauche nous conseillons d’inverser le positionnement en basculant vers la droite et pour les japonais qui lisent de haut vers le bas, de monter au balcon en central (cela uniquement s’il y a un balcon, bien naturellement). Bon, le problème c’est qu’il y a moins d’asiatiques et d’arabes que d’occidentaux et qu’on se retrouve tous dans la même zone à se battre pour ne pas être déporté vers les ailes de la salle de cinéma avec des angles de vision tellement latéraux que l’on a l’impression de voir le film à travers un prisme déformant.

Une fois que l’on est installé, on peut jouer sur son smartphone à Freecell, (mais discrètement en dissimulant l’écran, ce n’est pas toujours bien vu du vieux cinéphile de base qui est jaloux de ne pas maîtriser la technique !) même s’il est plutôt conseillé de se plonger dans les synopsis des films à venir, et cela jusqu’à ce que retentisse la musique du générique du Festival et que les lumières s’éteignent.

C’est là qu’il faut commencer à trouver une place pour ses genoux même si c’est une opération complexe et délicate. Dès que vous faites plus d‘1,72m, vous avez les genoux qui s’écrasent sur le dossier du spectateur qui vous précède. Il s’agit alors de caler vos articulations sur le fauteuil du devant pour basculer la tête sur votre propre dossier en infléchissant votre postérieur vers le rebord de votre propre siège. Il y a deux inconvénients majeur, si le spectateur qui est devant dépasse les 1,65, il occulte les sous-titres, ce qui est pénalisant pour les films Ouzbeck doublés en anglais. Le deuxième inconvénient est indépendant de la taille mais touche au volume et à la nature contondante des genoux. En général, ils font une pression sur le dos de celui qui vous précède qui a tendance à se retourner en grognant ce qui fait réagir les gens qui l’entourent, éructant des «-Chut» pour faire cesser ces bruits incongrus, ce qui entraîne tout le monde à réagir en un concert d’exclamations énervées sensées faire naître le silence... Et là, vous avez honte de votre taille et de vos genoux mal placés et contondants... De toute les façons, au bout de 20 mn, vous avez mal à vos articulations et serez dans l’obligation de changer de position, ce qui fait que tout le processus recommence et que la salle re-grogne a échéance régulière comme une bête agonisante !

Le spectateur est un étrange animal à sang chaud qui a tendance dès le 4ème jour du festival à s’endormir pendant le 3ème film de la journée (vers 15H35) sur un total moyen de 5 pellicules quotidiennes, (remarque : ce n’est pas mal, et démontre à l’évidence une résistance certaine). Il faut dire qu’un plan fixe Hongrois de 6mn32 après un pan-bagnat, c’est long. Cet assoupissement temporaire et la position inconfortable provoquent alors des ronflements intempestifs mais étrangement, même les plus sectaires des cinéphiles hésitent à réveiller un spectateur qui dort. Il y a des principes sacrés et le besoin de récupérer est une frontière que très peu s’autorisent à transgresser. Comme quoi, que vos propres genoux soit endoloris, tout le monde s’en fout, alors que les narines bruyantes du voisin n’offusquent pratiquement personne. C’est la dure réalité du festivalier.

Il y a, heureusement, la sortie du film pour reprendre ses esprits en parlant de l’oeuvre que vous avez presque vue en entier. De nombreuses méthodes vous permettront de passer à travers les gouttes d’un jugement initial toujours délicat. Imaginez que vous annonciez que le scénario est nul et que ce réalisateur est un «branquignol» (bon, c’est vrai, vous vous êtes assoupi pendant la moitié du film !) alors que tout le monde clame au génie et lui attribue d’office une Palme d’Or (c’est un sport national de décerner les Palmes d’Or à Cannes, à se demander pourquoi il y en a si peu à l’arrivée... c’est comme pour les dimensions des marches, une distorsion de l’espace-temps caractéristique de la déformation due à une consommation excessive d’écrans), et que les critiques (que l’on vomit par ailleurs), lui octroient plein de petites Palmes dans les journaux...

Bon, on a un thermomètre pour se situer intuitivement, les applaudissements ou sifflets à la fin de la projection, car à Cannes, on manifeste toujours à la fin du film et même pendant la projection, d’ailleurs.

A partir de là, vous pouvez adopter plusieurs attitudes. Soit aller à contre-courant et encenser ce que les autres ont hué, ce qui vous assure d’être au centre des débats intenses d’après projections (avec son corollaire où vous démolissez ceux que les autres ont adulé), soit vous vous inscrivez dans le droit fil de la foule et vous vous épargnez toutes arguties (cela dépend parfois du fait que vous avez faim ou envie de faire pipi, car la position assise récurrente est tyrannique pour la prostate des cinéphiles de plus de 60 ans). Dans tous les cas, vous pouvez utiliser deux ou trois fois pendant le Festival quelques arguments massues, tels la distanciation Brechtienne ou le rapport entre la forme et le fond, en veillant toutefois à ne pas systématiser ces apports sous peine d’être taxé de pédant ce qui est contradictoire avec l’image de l’intellectuel proche du peuple cinéphile que vous désirez incarner.

Il reste aussi l’attitude interrogative qui peut vous donner la stature de celui qui cherche et soupèse mais là aussi, il ne faut pas s’enferrer dans sa reproduction, car on pourrait assez rapidement vous taxer d’être incapable de juger les films et vous marginaliser dans les discussions.

Mais pour voir les films, il faut avoir des invitations... et à Cannes, ce n’est jamais gagné, même pour les plus grands. Activité principale du mois de mai, la recherche du sésame qui autorise la montée des marches s’apparente à un chemin de croix. Les badgés et les VIP ont bien une longueur d’avance mais la véritable démocratie festivalière (les places ne s’achètent pas et les puissants doivent courber l’échine devant les responsables des bureaux divers et variés qui répartissent les milliers d’invitations quotidiennes) fait que les compteurs sont régulièrement remis à zéro et que tout le monde se bat pour avoir le passeport béni. Avouons malgré tout, que dans cette démocratie, quelques commerçants Cannois de la rue d’Antibes ont une longueur d’avance sur le cinéphile de base.

Le problème malgré tout, c’est qu’une fois que vous avez obtenue, après une heure d’attente dans une file bigarrée, une invitation pour la séance qui débute deux heures après, vous refaites la queue pour accéder au film et que, c’est à ce moment précis, en général, qu’un cerbère vous bloque alors qu’il n’y a plus que douze personnes entre vous et l’entrée... car la salle est pleine ! Et parfois il pleut, en plus !

Mais Cannes, c’est Cannes et pendant quelques jours vous êtes au centre du monde, dans le temple de la cinéphilie, au coeur de toutes les tensions du monde médiatique. C’est vrai que vous ne pouvez plus circuler en ville (d’où l’utilité d’avoir une 650 bandit Suzuki vendue par des Japonais qui vous détestent parce que vous lui avez fait miroiter une montée des marches sans commune mesure avec la réalité !), que se garer (même avec un deux roues) est un cauchemar, et que vos interlocuteurs pendant ces deux semaines de folie se résumeront à des hordes de cerbères, gardiens du temple et autres forces de police qui vous imposent dans la plus grande des confusions de cheminer en dehors des clous, sur des voies qui empruntent plus à Kafka qu’à un plan de la Ville... Mais quand les marches rouges apparaissent sur l’écran de tous les désirs, que la musique (Haendel ? Water Music ?) du générique retentit et que le noir se fait complice, alors, vous pouvez vous laisser aller et entrer de plein pied dans le monde d’un imaginaire débordant, celui de tous les rêves du possible.

Et vous pourrez tout au long de l’année dire «-Oui, j’y étais au 66ème Festival du Film.» Oui, depuis 1969 et la première édition de la Quinzaine des Réalisateurs (Easy Rider et If), j’ai participé à quasiment toutes les éditions (à l’exception de mes six années d’exil Burgien). J’ai eu des badges divers, des invitations de raccroc, des entrées par les portes de sorties, des cartes de Directeur ou des fausses cartes de presse imprimées en Corse, j’ai visionné 30 à 40 films par édition même s’il y en a 400 de présentés (ce qui fait que le vrai étalon d’un Festival n’est pas le nombre de films que vous avez vus mais bien l’ensemble de ceux que vous avez ratés !), j’ai rencontré Polanski et j’ai fait les empreintes d’Antonioni, j’ai joué dans la cour des grands et subit toutes les avanies d’un cinéphile mordu par le désir d’embrasser cette fenêtre sur le monde des images. Oui j’ai discerné à chaque édition des thèmes transversaux qui, de Singapour à la Bolivie, du Niger à l’Islande, entraient en résonance pour mieux comprendre le monde, pour mieux le lire en nous rendant plus intelligent...

C’est mon Festival du Film, et il n’appartient à personne d’autre qu’à moi, et je suis heureux d’aller voir dans quelques heures le film d’ouverture, Gatsby le magnifique, même si je n’attend pas grand chose de Léonardo Di Caprio.

Alors, Vive le Cinema !

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Les 50 ans de Christine.

Publié le par Bernard Oheix

Situons le contexte... Mon amie est étrange, une copine sorcière, Christine Raggava. Elle désirait que je sois présent à son anniversaire, un chiffre bien rond qui claque comme un coup de fouet, 5O balais, circulez, y a rien à voir !

Bon, je tenais à être avec elle pour franchir cette frontière d’une demi vie, un cap particulièrement important, l’impression étrange de monter des escaliers, d’arriver sur un palier après un demi siècle et d’entamer une descente dans un temps désormais mesuré....vers l'eden ou l’enfer ?

Christine est attachante, amie de coeur, douée d’étranges pouvoirs. Elle me masse et me magnétise depuis des années. De temps en temps, elle pousse des incantations bizarres en une langue incompréhensible, puis égorge un poulet avec ses dents et asperge mon corps de son sang....

Non, c’est une blague !

Je reste un cartésien et matérialiste convaincu, mais elle est chargée d’ondes ma copine, et je l’aime comme elle est, à la fois attachante et bien plus fragile qu’elle n’y parait et que ses pouvoirs de magnétiseuse ne pourraient le laisser penser... C’est une femme qui a cherché toute sa vie quelque chose en sachant qu’elle ne le trouverait jamais, une harmonie de l’air, une perfection du sentiment, l’absolu d’un moment unique que son compagnonnage avec les mystères de la vie lui dérobent...

Elle vit avec un ami, son Raphael, un black antillais génial, un homme qui la comprend et lui offre un peu de cette sérénité et de ce fatalisme issus d’une culture qui connait le poids des ombres.

Bon, à part cela, quand on est ensemble, on boit normalement, on raconte des stupidités et on mange avec des fourchettes...

Qui dit un chiffre rond, dit discours de Bernard.

Alors je lui ai offert, à elle et à toute sa famille réunie, ces quelques mots de tendresse.

 

 

Il y a un fait avéré aujourd’hui. Tu as 50 ans ma belle Christine ! 50 printemps derrière toi... plus que tu n’auras jamais d’automnes devant toi !

Il y a deux façon de prendre la chose.

La première est d’une logique désarmante. Tu es vieille désormais, tu rentres dans l’hiver de ton existence et le crépuscule s’annonce ! On t’autorise à pleurer, ma chère Christine, toutes les larmes de ton corps, il y a assez de serpillères pour éponger ce bal des occasions manquées.

Il y a la deuxième, celle qui implique de prendre un peu de recul (sic) !

Christine, soit positive. C’est un miracle que tu aies vécu jusque là, c’est un mystère, tu as eu une chance insolente !

Car il est évident, à quelques siècles près, que l’on t’aurait brûlée comme sorcière, que tu aurais fini sur le bûcher des peurs, immolée comme la rebouteuse de l’horreur, la main gauche de la nuit, celle qui fraye avec les forces occultes... Condamnée à finir suppliciée, on ne fraye pas avec l’au-delà sans en payer le prix.

Soyons optimistes. Tu as eu de la chance finalement car à partir du XXème siècle on a (presque) cessé  de brûler les sorcières !

Tu vois, il y a du positif dans tout... même dans le fait de franchir le mur des 50 ans... qui est tout sauf un mur des cons puisque nous sommes un certain nombre à l’avoir déjà franchi, dont moi d’ailleurs... regarde autour de toi !

Analysons alors ce que tu as fait de ces quelques dizaines d’années dont tu as héritées.

Un calcul très précis me permet d’affirmer que tu as massé 6632 fois pour dispenser cet étrange bienfait d’un magnétisme que tu ne demandais qu’a transmettre. Comment j’en arrive à ce chiffre ?

J’enlève les 20 premières années de ton existence car il faut exclure les jeux adolescents du docteur et de l’infirmière auxquels tu t’adonnais comme toutes les petites filles, ces impositions de mains s’apparentant plus à des jeux érotiques qu’à des massages régénérants... mais il fallait bien que tu en passes par là, comme tout le monde, car même les sorcières ont droit à l’enfance !

Evaluant un massage par jour sur une base de 5 jours par semaine (tu as aussi le droit de te reposer les week end) et comptant 10 mois de travail par année (les deux mois restant étant consacrés à 4 semaines de congés payés et à un grand voyage en Inde où tu te rends régulièrement chez tes gourous où en Afrique qui te fascine tant, que tu tentas même de t’y installer)... cela donne : 5*4*10*30 soit 6000 massages auxquels je rajoute 632 actes en bonus pour les périodes plus intenses où tu croulais sous les rendez-vous, soit, bien la somme annoncée de 6632 fois où tu pratiquas ton art sur des corps inconnus.

D’après cette enquête très poussée, cela a permis ma chère Christine :

 

1) De redonner goût à la vie à 143 personnes 

 A 75 autres de remarcher normalement

 27 de tes clients ont pu arrêter de fumer (hélas, avec moi, cela a échoué !)

 8 suicides ont pu être évités de justesse

 Et enfin, deux hommes ont retrouvé leurs pulsions sexuelles décuplées...mais rassure-toi, je ne donnerais leurs noms et leurs numéros de téléphone que contre une somme d’argent conséquente que nous partagerons.

Si j’avais le temps de creuser un peu plus, je trouverais, il fait nul doute, bien d’autres bienfaits à tes impositions de mains confirmant l’évidente efficacité de ton art magnétique... Entendre à nouveau le gazouillis des oiseaux, retrouver le sens de l’odorat, marcher sur les mains, réinventer la vie, multiplier les petits pains...

Voilà sans doute dévoilées quelques unes des raisons qui nous permettent, ma chère et tendre Christine, de te dire MERCI, et de te supplier de t’accrocher encore quelques années.

Nos corps ont besoin de tes mains, Christine, et nos têtes sont plus sereines une fois que tu as dompté nos flux intérieurs.

C’est pour cela que nous sommes fiers d’être avec toi en ce jour anniversaire de la moitié d’un siècle.

50 ans et après ?

Tu es belle comme un soleil brun, tu as trouvé un authentique trésor des caraïbes avec Raphael, tu as des enfants qui sont magnifiques, alors accroche-toi... Il faut que tu me masses la semaine prochaine... et le mois prochain... et toutes les années jusqu’à l’extinction de tes forces, vers 2075 après Jésus Christ.

Merci Christine et bon anniversaire !

 

Voilà, c’était le dimanche 28 avril, à Aix en Provence, et si vous pensez que j’exagère, j’ai son numéro de téléphone.

A bientôt Christine !


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