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Plaidoyer pour Timbuktu...

Publié le par Bernard Oheix

Voilà donc un jury du Festival de Cannes composé de gens éminents et respectables, dont chacun est une partie du cinéma contemporain, qui aiment le 7ème art et en sont des acteurs majeurs... Jane Campion, Carole Bouquet, Dafoe, Garcia Bernal, Refn, que du beau monde, la crème, l’élite. On ne peut douter de la probité de ces personnalités et aucun lobby au monde n’aurait les moyens d’influer sur leur jugement...c’est un fait avéré mais alors, comment expliquer que le palmarès soit indigne de leur talent !

Je suis persuadé que si vous invitiez à la maison l’un des membres de ce jury et qu’après un bon repas, vous l’invitiez à voir le film turc dans une salle de votre quartier, il en ressortirait horrifié en se demandant comment on peut infliger une heure de champs/contre-champs sur des dialogues ésotériques et abscons, insérés dans un film de 3h20 au spectateur même cinéphile le plus branché, même si par ailleurs le film a d’indéniables qualités artistiques, même si le final est, parait-il, très beau, ce final que je n’ai pas vu puisque je suis sorti épuisé après deux et quart de film ?

Le syndrome de L’Oncle Boonmen, celui qui se souvient de ses vies antérieures (ce filmThaïlandais de l’édition 2010 dont le président était Tim Burton) vient-il encore de sévir ?

Si la personnalité des membres du jury n’est pas remise en cause, alors c’est bien dans cet habit de jury du plus grand Festival du monde qu’il faut chercher, dans les mécanismes sans doute inconscients qui font que chacun se saborde et abandonne son libre-arbitre. Interdiction de prendre du plaisir, nécessité de faire compliqué, postulat de surprendre et de faire différemment, émulation malsaine qui débouche sur des choix absurdes. Fuite en avant vers les frontières du réel !

A la lecture des nombreuses Palmes qui parsèment les éditions du Festival, très souvent, la qualité prime, les choix sont offensifs entre le cinéma commercial et le cinéma d’auteur, tension évidente entre ces deux tendances qui animent la production mondiale. Cannes sait se positionner entre ces deux options, miracle d’équilibre, mais trébuche parfois aveuglé par la volonté de trop bien faire !

Pourquoi ne pas se laisser aller à la poésie tragique d’un film africain ? Il y a tout dans Timbuktu, et d’abord le sujet, l’intégrisme dont on peut penser qu’il pourrait primer sur le nombrilisme d’un adolescent attardé nous infligeant une nouvelle fois, les hurlements de sa mère (Dolan) ou une énième variation sur une émission de télé-réalité (le Meraviglie). Il y a une beauté sublime et désespérée dans la complainte d’une femme fouettée pour avoir chanté et qui exprime sa douleur devant les bourreaux en chantant cette douleur. Il y a toute la noblesse d’un père de famille vivant dans le désert qui sera abattu avec sa femme, unis dans l’amour comme dans la mort. Il y a l’absurdité des ordres des terroristes, les armes qui tirent et la force surréaliste d’un peuple qui lutte afin de garder sa dignité (la partie de football sans ballon). On convoque Kafka dans ce grand désert tout blanc où luit la mort avide, les surréalistes toquent à notre porte devant ce dialogue des intégristes sur la victoire de l’équipe de France en 1998 alors que le foot est interdit, ou dans ces dialogues que l’on traduit en langues multiples pour se faire comprendre. Il y a du suspense et une énergie sans limite dans une écriture cinématographique parfaite... mais qu’est-ce que tout cela devant des séquences d’une heure de dialogues abscons entre deux individus perdus dans leur solitude ?

Que devra faire l’Afrique pour être primée à Cannes ? On n’a pas souvent l’occasion d’hériter d’un tel chef d’oeuvre de ce continent pour avoir le droit de l’ignorer !

Et si l’on aime pas l’Afrique, pourquoi ne pas reconnaitre aux frères Dardenne dans Deux jours et une nuit, l’incroyable originalité du sujet abordé et son traitement particulièrement dynamique. Un thème social scénarisé sous la forme d’un polar, la quête éperdue d’une Marion Cotillard éblouissante vers sa dignité et la reconquête de son honneur... Aller de famille en famille pour convaincre ses collègues de changer leur vote quand à son licenciement contre une prime, c’est moins glamour qu’une litanie de jurons hurlés avec l’accent Québécois, c’est moins exotique que les maisons troglodytes de la Turquie ou que la Belluci déguisée en fée ridicule...mais cela fonctionne quand on a les Dardenne aux commandes !

Que se passe-t-il dans la tête de chaque jury et comment en arriver à un tel échec du collectif sur le désir de l’individu ?

Pour avoir participé à de nombreux jurys (cinéma, chansons, humour...) et pour avoir géré pendant 15 ans celui de la pyrotechnie à Cannes, je pense qu’il y a un syndrome du membre parfait d’un jury qui se met en branle à endosser une responsabilité aussi importante. Il n’est pas aisé d’être celui qui va juger les autres et le collectif renforce cette tendance suicidaire à l’automutilation des sens les plus primaires. Comme si l’on s’aveuglait de trop regarder les autres au détriment de son propre plaisir !

Moi, en cette année 2014, ma Palme d’Or reste attribuée à Timbuktu et mon film fétiche demeure Le Dardenne... même s’il y avait nombre autres films qui auraient pu prétendre à être célébrés sans que l’on ait l’impression de déchoir.

Tant pis pour Jane Campion la présidente, dont on pouvait attendre plus de lucidité, tant pis pour les autres jurés...tant pis pour le cinéma Africain qui attendra encore pour être reconnu à sa juste valeur !

Et pour finir, ce lendemain de Festival nous aura offert un autre palmarès tout autant tragique, celui d’un FN à 25% pour une élection Européenne. La aussi, il y a un vers dans le fruit, une indécence à imaginer qu’un quart des électeurs auront choisi les chemins de l’horreur, le bourrage d’urnes de leur fiel, la complainte absurde de leur médiocrité. Les abstentionnistes nombreux sont comme leur pendant. Il n’en reste pas moins que des êtres dit civilisés en ce XXI siècle, osent faire balbutier l’histoire et trébucher les valeurs fondamentales de l’humanité. Comment se faire séduire par les sirènes d’un Bleu Marine à la teinte foncée en filigrane ? Relisons l’histoire, revoyons les formidables films de l‘Apocalypse diffusés par Arte, il y a quelques semaines, sur la montée du nazisme, écoutons les rumeurs du passé et comprenons bien que le séisme que nous avons vécu en ce 25 mai dépasse largement l'anecdote !

Nous sommes bien dans une crise majeure de la démocratie et pour ceux qui l’ignorerait encore, du chaos nait l’horreur, et le diable ne résiste jamais à être sollicité, il s’impose comme une évidence quand on l’invoque !

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Coup de folie sur la Croisette (3)

Publié le par Bernard Oheix

Que s’est-il passé en ces mercredi et jeudi 21 et 22 mai d’un Festival pas comme les autres... Tout a commencé par une panne de projecteur à la salle de la Licorne, haut lieu des cinéphiles, et c’était bien la première fois qu’un tel fait advenait,, nous privant de films pendant 24 h, puis par une éclipse de jour causée par des nuages noirs roulant dans le ciel, à laquelle a succédé un orage diluvien plongeant les festivaliers dans les bras de dizaines de noirs vendant des parapluies à 10€, surgis comme par magie, de tous les recoins de la ville, et pour finir, par vagues déferlantes une série de films magnifiques, comme pour me narguer, moi qui avait osé mettre en doute la haute tenue de cette édition 2014... Alors, petite revue d’effectifs !

Et tout d’abord les prétendants à une consécration finale. Maps of the Star, de David Cronenberg. Peinture au vitriol de l’univers Hollywoodien...où la drogue et le sexe servent de toile de fond au pouvoir de l’image et du paraître, où l’inceste plonge dans l’histoire des familles, où l’enfant génial devient un tyran incontrôlable, où rien n’est respecté, même pas la mort, et où les assistants des stars sont traités comme des esclaves. Cronenberg signe ici, une de ses oeuvre la plus troublante, la plus dérangeante, véritable miroir d’un monde en train de se déchirer et dont les codes centrés sur des égos surdimensionnés transforment la machine à rêves en cauchemars. Il dispose d’une Julianne Moore terrifiante d’impudeur et de méchanceté en star déclinante. Une palme d’interprétation serait un minimum pour ce film et pour l’actrice.

Deux fois Palme d’Or déjà, les frères Dardenne venaient pour tenter la passe de 3 et ouvrir une nouvelle perspective à ceux qui tentent de décrocher l’or... Leur film, Deux jours, une nuit est génial, comme d’habitude, un bijou social transformant en aventure la quête éperdue vers sa reconnaissance d’une Marion Cotillard ouvrière licenciée par un vote de ses collègues à qui l’on demande de choisir entre une prime ou son poste de travail. Cette quête haletante chez tous ceux qui ont voté pour infirmer leur décision, donne au film une tension et un rythme étouffant. Les personnages, derrière leurs réponses, campent des positions souvent justes, reconnaissables sans manichéisme. C’est un grand film qui sera au palmarès, osons et disons pour un Prix Spécial du Jury... Réponse dès ce soir.

Il y a deux fibres chez Ken Loach, l’historique et la sociale. Dans Jimmy’s Hall, il réussit à nouer ces deux tendances qui parcourent son oeuvre. Un jeune irlandais débarque chez lui dans les années 1930 après 10 ans d’exil pour rejoindre sa mère et renouer les fils de son histoire. Il va raviver toutes les plaies non-refermées depuis son départ en rouvrant une maison associative, véritable MJC avant l’heure, malgré l’opposition des fascistes, des propriétaires terriens et d’une Eglise omnipotente et farouchement engagée dans son refus de laisser le peuple danser et se cultiver.

C’est un film d’une facture particulièrement classique, du Loach dans l’image, un monument à sa propre gloire. On y plonge avec ravissement... mais sans surprise. Un film indispensable, beau comme une page d’histoire, où la culture Irlandaise est mise en valeur et où les jeunes portent l’espoir d’un monde nouveau.

Un petit mot sur un très beau film tiré d’une histoire réelle qui s’est déroulée à la fin des années 90, Foxcatcher réalisé par Bennet Miller avec des acteurs incroyables (et souvent à contre emploi) comme Steve Carell, Mark Ruffalo, Channing Tatum. Dans le milieu sportif de la lutte, un milliardaire (John «Eagle» DuPont) fonde une école de lutte et réunit les meilleurs compétiteurs avec l’ambition de truster les médailles pour son pays et d’être reconnu comme un entraineur... et un père par ses lutteurs ! Sa folie débouchera sur un drame sanglant et la mort guette ceux qui s’approchent de son rêve mortifère.

Et s’il fallait donc se coller au jeu des palmes du mois de mai, un jeu typiquement cannois en ce dernier jour du Festival, cela pourrait donner...

Bon, Je ne vais pas me mettre à la place du jury mais vais vous offrir mon palmarès...

Et tout d’abord, n’ayant visionné qu’une partie de la sélection, (11 sur 18), certains films dont on dit le plus grand bien ont pu m’échapper... Assayas, Mike Leigh, Kawase, Hazanavicius... Excusez du peu !

Ensuite, je refuse tout idée de prix et de récompense pour le «chouchou» de la critique, l'hystérique Mommy du Québécois Xavier Dolan. Même si, pour son 4ème opus, il y a indéniablement une amélioration, son cinéma épileptique et ses tics «mégalomaniaques», sa capacité à se centrer sur sa petite personne et à coller des scènes sans logique (pourquoi la première ?), sa façon d’aborder la technique sous l’angle unique de l’effet, son rapport à l’histoire éternelle des liens avec «une maman» omniprésente déclinés à l’infini, sont insupportables. Qu’il ait un avenir est évident... mais qu’il grandisse vite, par pitié, afin de nous offrir ce cinéma adulte qu’il semble capable de porter !

And the winner is...

Palme d’Or : Timbuktu de Abderrahmane Sissako

Prix Spécial du Jury : Deux jours, une nuit des frères Dardenne

Interprétation féminine : Julianne Moore (Maps of the Star de David Cronenberg)

Et pour les autres accessits, je fais confiance à Jeanne Campion, Carole Bouquet, Sofia Coppola, Willem Dafoe, Garcia Bernal.... qui composent un beau jury 2014

Enfin, comment ne pas parler de la dernière oeuvre de Wim Wenders, Le sel de la Terre, une révélation, un film qui ouvre l’intelligence et donne une leçon d’art, de vie, d’humanité au spectateur. Un film sublime et sublimé sur l’oeuvre d’un photographe Sebastiao Salgado dont on connait forcément quelques uns de ses clichés célèbres. Il a grandi au Brésil, s’est réfugié en France, a parcouru le monde pour le capturer dans sa boite noire. Il s’est d’abord centré sur l’histoire des hommes jusqu’à figer l’insoutenable, les massacres, les exodes, les charniers de cette fin du XXème siècle. Hutus et Tutsis, Ethiopie, Sahel, Sarajevo... Clichés mortifères qui le résoudront à fuir le monde des humains et à se réfugier dans celui de la nature. Utopie mise en oeuvre avec ce reboisement d’une forêt détruite au Brésil et ses derniers reportages sur les animaux et la végétation pour une ode à la création, lui le spécialiste de toutes les morts.

Le film mêle habilement, images animées et fixes, extraits de reportages passés et film en train de se tourner. On y trouve par séquences, une interview de Salgado rythmant les divers chapitres. Ce philosophe et humaniste, revenu de tous les combats parle en nous regardant droit dans les yeux. D’autres interventions de ses proches, sa femme si importante, son fils, co-réalisateur et auteur des séquences du passé, son père, dessinent un portrait en creux de Sébastiao Salgado.

Il y a dans ce film documentaire, toute la fiction du monde, toute la beauté et le suspense d’une vie en mouvements perpétuels. C’est un film indispensable à l’histoire de l’homme et un hommage aux forces nobles de l’être humain devant celles obscures qui tentent de détruire les fondements d’une humanité perdue !

Le Sel de la Terre de Wim Wenders et Timbuktu de Abderrahmane Sissako prouvent que l’on peur encore raconter des histoires, quelqu’en soit la forme, qui touchent à l’essence de l’être, et que la poésie est le moteur de l’homme et le ferment de l’espoir !

Voilà, le Festival se termine tristement pour moi, sur un 34ème film argentin attendu mais raté, Jauja, avec Viggo Mortensen à 10h11 en ce samedi 24 mai 2014. C’est loin de la cible des 4O films espérés mais pas catastrophique si l’on considère que j’ai perdu 24h pendant la panne du projecteur à la salle de la Licorne et fait l’impasse sur les deux derniers jours de projections pour me rendre à Nîmes pour une fête de famille.

Festival contrasté, bizarre, tourmenté, indécis, festival bien en phase avec le tempo de la crise actuelle, mais Festival du Film de Cannes tout de même, moments magiques aussi ou tout peut advenir, se déclencher, éclairer le monde et rendre plus lisible les pages brouillées de la vie !

Merci à tous les faiseurs d’images qui tentent de décrypter la réalité et nous offrent un peu de leur âme !

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Festival du Film 2... à mi-parcours !

Publié le par Bernard Oheix

Petit bilan à mi-parcours. Sauf à imaginer que les derniers jours ne présentent que des chefs d’oeuvre (ou des navets !), on voit bien après 20 films, les tendances de cette édition 2014. Disons-le tout net, ce ne sera pas un grand crû dont on se rappellera particulièrement pour son lot de découvertes et de coups de coeur. Ce n’est en aucun cas la faute du Festival et de ses programmateurs puisque cette tendance dépasse largement la seule compétition et touche aussi Un Certain Regard, La Semaine de la Critique, la Quinzaine et toutes les autres sélections diverses...

Petite revue d’effectif de nos déceptions et des quelques bonnes surprises !

Atomisé Egoyan que l’on attendait avec Captives, lassitude devant le vide de The Homesman de Tommy Lee Jones, films bancals comme Tourist ou l’attendu Eleanor Rigby de Ned Benson qui derrière une belle technique, étirent les plans à l’infini et se perdent dans des histoires à tiroirs, mauvais film pour l’italienne Alice Rohrwacher sur une famille germano/italienne descendant, il fait nul doute, de terroristes reconvertis en apiculteurs participant à une émission de télé-réalité sur les produits du terroir, film raté du Turc Nuri Bilge Ceylan qui commence bien son opus, le termine magnifiquement mais inflige d’insupportables dialogues en champs/contrechamps d’un verbiage pseudo philosophique comme pour éprouver le spectateur dans sa résistance à subir un vide de 60 minutes en plein milieu d’une oeuvre de 3h16. Winter Sleep aurait pu être un de ces coups de coeur que l’on affectionne et qui nous transporte, il reste un film mal maitrisé où le réalisateur se perd dans sa complaisance.

On passe sur Grace de Monaco qui réussit à conjuguer tous les défauts de Olivier Dahan (mais aussi quelques unes de ses qualités !), sur le pontifiant Amour Fou de Jessica Haussner où un acteur-pantin appelé à interpréter Heinrich Von Kleist cherche une âme soeur prête à mourir avec lui par amour (je vous assure que même vivre avec lui serait une punition !), sur Run qui tente de conjuguer tous les défauts du cinéma africain que le magnifique Tumbuktu a su éviter, et cela donne beaucoup d’amertume, des rendez-vous ratés et l’impression que la crise ne touche pas que nos portefeuilles mais aussi les esprits des scénaristes et des réalisateurs...même si les acteurs et les actrices semblent tirer leur épingle dans ce jeu de dupes !

Quelques réussites malgré tout, comme Les Combattants de Thomas Cailley, qui une nouvelle fois démontre le talent de la «french touch» tant sur le plan de la technique que des idées avec des réalisations qui pallient parfaitement le manque de moyens financiers par une inventivité et un soin dans la réalisation qui leur donne une vraie ambition. Paradoxe, dans le marasme semble-t-il du cinéma mondial, notre petit pays s’affirme avec une nouvelle génération de cinéastes et de techniciens qui promettent des lendemains heureux à l’heure où tous les indicatifs virent au rouge !

Autre petit bijou, le Relatos Selvages de l’argentin Damian Szifron qui avec des sketches imbriqués réussit à nous faire rire du tragique, sourire de la vie quotidienne et offre un bol rafraichissant de bonne humeur au festivalier épuisé !

Chaque année, nous voyons quelques tendances se dessiner, des thèmes en écho d’une polyphonie mondiale de l’image. Indubitablement, cette édition sera marquée du sceau de la présence des femmes, de leur rôle central et de personnages particulièrement affirmés, déclinant une place prépondérante dans l’univers fantasmé par le 7ème Art de la réalité ambiante. Même dans des films plus ou moins aboutis comme Homesman ou Self-Made, les femmes sont un pivot sur lequel tourbillonne les drames de la vie. Et la deuxième tendance qui semble s’inscrire en filigrane de ces pellicules, est la tentative de rire et de faire rire. Humour décalé de Turist, de Bunny et scènes diverses qui parsèment la plupart des films et apportent un peu de fraicheur dans l’eau tiède des bons sentiments.

Alors bien sûr, il reste les films des Dardenne, de Kawase, de Cronenberg, de Godard, tous ceux que l’on a pas vus et tous les autres aussi... En attendant, je file voir The Foxcatcher de Bennet Miller dont on dit beaucoup de bien et je reste accroché à mon idée d’une Palme d’Or pour le magnifique, sublime et si humain, Tumbuktu de Sissako, la révélation de cette première moitié du Festival qui récompenserait à juste titre la maturité d’un cinéma Africain qui n’a rien à envier aux canons de l’esthétique occidentale !

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Festival du Film 2014. Cannes. 1ère étape

Publié le par Bernard Oheix

le Festival du Film 2014 a pris son rythme de croisière...maison pleine, 5 films par jour, des files d’attente, les repas dans les jardins, les discussions acharnées, il ne manque que les parties de rami Corse traditionnelles... et on se croirait au Festival du Film de Cannes !

Au 14ème film, après 5 oeuvres françaises, 2 australiennes et une palette de polonais, kazakh, turc, israélien, autrichien et autres, un petit état donc de la situation du cinéma mondial !

Et tout d’abord, le miracle du Cinéma Africain existe, nous l’avons rencontré. Comment imaginer que Timbuktu, le chagrin des oiseaux ne soit pas palmé... La vraie question porte sur la nature du prix qu’il obtiendra, consécration finale, une Palme d’Or, ou un accessit ? Il est un peu tôt pour le dire, mais avouons que ce film Malien de Abderrhmane Sissako est un vrai bijou, un ovni, un formidable film en résonance avec une histoire contemporaine tragique, la prise du pouvoir par des intégristes de la ville de Tombouctou. A l’heure du Jihad qui fascine tant de jeunes du monde entier, ce film est une réponse étonnante à la fascination de l’absolu, une réponse en images aux rêves désespérés d’imposer une morale par la force. Les premières décisions des conquérants sont l’interdiction de fumer, d’écouter et de faire de la musique, et l’obligation pour les femmes d’être voilées et de mettre des chaussettes et des gants dans un pays écrasé par le soleil où le sable envahit la vie quotidienne !

Le film, d’une poésie à couper le souffle par la beauté de ses images et une bande son très soignée, une technique parfaite, va offrir à une pléiade d’acteurs jouant particulièrement juste, de mélanger l’onirique et le réel, la beauté et le sordide, l’absurde et l’humour. Il reste en mémoire des scènes d’anthologie. Le football étant interdit (même si ces intégristes parlent longuement entre eux de la victoire de la France en 1 998 et de Zidane !), les joueurs jouent donc sans ballon en une pantomime savoureuse devant les gardes qui ne savent comment réagir, la musique est prohibée, les musiciens chantent des sourates du Coran, la poissonnière interrogent les gardiens pour savoir comment elle doit travailler le poisson avec des gants, les mariages forcés permettent une savoureuse exégèse par l’Imam intégriste de la nécessité de forger les corps des combattants par la pureté des jeunes filles. Si l’humour est la politesse du désespoir, alors ce film est un chant désespéré pour invoquer une vie de beauté sur les champs démembrés d’une atrocité sans limite.

La noblesse d’une civilisation millénaire se fracasse sur la ronde des 4/4 chargés d’hommes en armes qui tirent sur tout ce qui bouge et pourchassent une gazelle du désert en une métaphore explicite sur la beauté que l’on assassine. La lapidation du couple adultère est insoutenable, non dans l’image montré réellement, mais surtout dans la symbolique évidente du massacre de l’amour !

Des téléphones portables sans réseau et des mégaphones pour dispenser toujours plus de contraintes à la population soulignent l’ubuesque mosaïque des langues véhiculant les ordres des envahisseurs. Le rapport d’un intégriste se fera en anglais car son arabe est jugé trop mauvais par son chef, le jugement s’effectuera avec 3 traducteurs, un en idiome local qui traduit en arabe afin qu’un 3ème puisse formuler en anglais et que les décisions justes soient prises par le responsable ! Comment ne pas imaginer la douleur de cette femme fouettée pour avoir osé chanter en étant seule avec des hommes dans une chambre et qui sous les coups, dans les larmes, se met à vocaliser sa peine et sa douleur en un ultime défi à ses bourreaux !

Ce film est le plus bel hommage à la tolérance qu’un cinéaste pouvait réaliser. Il prouve que la caméra est encore une arme pour ceux qui tentent de mettre un peu d’ordre dans le chaos !

Dans la série des découvertes heureuses, une séance spéciale de la Semaine de la Critique, une catégorie sélectionnant les 1er ou 2ème film de réalisateurs. Mélanie Laurent avec Respire nous offre une oeuvre magnifique, toute de tension et de crispation. Une nouvelle élève vient bouleverser le quotidien d’une jeune fille brillante mais réservée qui prépare son baccalauréat. Elle va vers ses 18 ans et a tous les tourments de cet âge, portent toutes les ambiguïtés de cet ultime passage vers le monde des adultes ! Cette amie s’avèrera une redoutable manipulatrice et sèmera le chaos autour d’elle jusqu’à un final en apocalypse. Le film échappe largement aux clichés habituels sur les films d’adolescents. Il interroge sur le rapport aux adultes sans jamais caricaturer, avec doigté, évoquant les tourments intérieurs sans être explicite, évitant le piège d’une «sexualisation» de l’attirance des deux jeunes filles. Toute la partie finale monte en un crescendo insoutenable que la bande son souligne par des phases de saturation déclenchant une vibration interne physique. Ivresse, cigarettes et sexe, vieux triptyque, mis au service d’une mythomane et qui débouche sur le drame et l’incompréhension. La dernière image nous permet enfin de respirer, et ce n’est pas le moindre des succès de la réalisatrice que de nous tenir en haleine tout le tiers final de son film !

A noter l’éblouissante performance des deux actrices, les jeunes et talentueuses Joséphine Japy et lou de Laäge.

Enfin dans les films à voir, on peut noter Bunny de la polonaise Annika Glac, un couple lunaire déguisé en lapine et en renard, propose des prospectus dans la rue. Une belle histoire nimbée de cet humour polonais, de ce «non-sense» illustré par tant de réalisateurs de ce pays et qui fait penser au Polanski des origines. Party Girl est un film Français réalisé par trois réalisateurs (Claire Burger, Samuel Théis, Marie Amachoukeli)... cas de figure assez original pour une oeuvre de tendresse sur les gens du nord, héritiers des corons, à la frontière Flamande, un peuple à la désespérance ancrée dans une soif de vivre et d’exister. Il n’y a pas de misérabilisme dans cette femme de soixante ans aux charmes usés, vivant dans un bar pour hommes et qu’un vieux retraité demande en mariage ! Leçon de vie, de tolérance et insatisfaction d’une femme pourchassée par la peur du vide et qui brise le bonheur autour d’elle comme pour exorciser ses propres démons...

Reste un film d’horreur pure de David Robert Mitchell, It Follows où comment le diable se transmet par le sexe et comment s’en débarrasser ! Accrochez-vous à vos fauteuils même s’ils n’y sont pour rien ! C’est un genre suffisamment rare à Cannes pour noter sa belle réalisation et le vrai suspense qui en découle !

Allez, je vous quitte, le 15ème film m’attend, un argentin à sketches, je vous en parlerai peut-être, l’Argentine, je connais !

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Festival du Film Panafricain de Cannes

Publié le par Bernard Oheix

Basile est ainsi, un extraterrestre, un OVNI en terre de culture, un lettré à la mode du passé plongé dans le monde bouillonnant du lendemain, un homme de coeur et de rencontres, un médiateur de toutes les bonnes volontés. Basile Ngangue Ebelle, d’origine Camerounaise, Français de vie, qui porte sa couleur comme un emblème de tous les possibles.

Qui, à part lui, pourrait, dans l’inconscience la plus totale, monter et s’arc-bouter afin de tenir les rênes d’un Festival du Film à 500 mètres de la Croisette, 15 jours avant l’autre, le grand, et cela depuis 11 ans...

Un Festival Panafricain, reflet d’un continent trop souvent perdu, si peu représenté dans les manifestations, qui peine à se développer, à trouver un public, à s’insérer dans le tissu démantelé des sociétés de pays déchirés par la pauvreté, gangrenés par la prévarication, où le bon sens à parfois tant de peine à exprimer ses besoins. On connait une poignée de cinéastes Africains reconnus pour un continent vaste comme le coeur de l’humanité. C’est si peu et tellement injuste !

3 cinéastes «congolais» réunis par les hasards de la sélection, dans une conférence commune, faisaient le constat des dérives du système, de la puissance des actions individuelles, de l’énergie d’un «nollywood» en train de se structurer, de l’espoir de trouver une oreille attentive auprès d’un responsable haut placé d’un président, afin de lancer un embryon de «CNC» à l’africaine et de permettre aux cinéastes de tourner, de croître, de se voir en miroir d’un continent, de vivre de leur art et de créer une dynamique. Tous affichaient leur détermination, mais derrière l’espoir réel d’ouvrir une voie vers l’avenir, une sombre ombre de fatalisme nimbait leur propos.... Et si l’histoire balbutiait encore et toujours... Et si chacun n’était que la énième vague d’une nouvelle jamais aboutie... Et si le système n’était que la perpétuation d’un démantèlement social, culturel... Et si le rien guettait ceux qui oeuvrent à affirmer leur spécificité afin d’ouvrir des brèches dans un 7ème Art en train de muter !

C’est ce que le Festival Panafricain tente d’offrir, une part de rêve, à tous ceux qui espèrent en ce continent fascinant et en la passion de ces acteurs culturels qui prêchent dans les déserts démembrés de leur absence de perspectives !

Que ce soit en haute couture, en musique, en arts plastiques, dans les salons d’un hôtel cannois, ou sur l’écran d’une salle de conférence qui a vu projeter une cinquantaine de films, courts et longs métrages, fictions et documentaires, l’équipe de Basile et son festival multi-culturel, renvoie clairement la problématique de l’existence d’une dynamique novatrice sur le continent noir, à la capacité d’influer de tous les acteurs d’un monde nouveau à créer, loin des déchirements et si proches des passions.

Sur quelques films :

Laurent et Safi. Réalisateur : Anton Vassil. 115 ‘

Tout sépare Laurent, jeune cadre qui doit se marier et Safiatou, une Malienne vivant en France. Et pourtant...

Il y a des «Chansons d’amour» dans cette comédie romantique plutôt réussie, un bric à broc sympathique qui force l’adhésion vers le happy-end d’une mixité possible, de couleurs, de classes sociales, de cultures... Mais ce n’est pas une thèse, juste une comédie avec des chansons plutôt réussies, des acteurs de qualité... Un «bollywood» à l’Africaine re-mixé à l’ascenseur social Français perdu !

A coeur Ouvert. Réalisateur : Ayekoro Kossou. 15’

Un couple mixte, une belle mère odieuse, un coeur qui lâche... Petit film au sujet grave, bien joué et à la morale surprenante. Une fiction comme un test pour aller vers le long métrage, une carte de visite que le réalisateur c’est donné afin de convaincre les décideurs. Une belle réussite !

Entre le marteau et l’enclume. Réalisateur : D’Amog Lemra. 98’

Construit comme un puzzle, autour de petits sketches avec des personnages récurrents, le film est une peinture saisissante de la société du Congo, de l’univers de Brazzaville de la pauvreté latente et de la richesse extrême de certains.

Il y a Pascal, le chef d’entreprise odieux, écrasant le monde de son argent, satisfaisant ses désirs lubriques sans égards pour ses victimes... Il y a la femme abusée par son pasteur, la fille dépressive du père qui a sombré dans l’alcool, le vendeur de médicaments amoureux... Toute une galerie de portraits savoureux qui dépeignent la ville, la société, l’injustice profonde du pouvoir de l’argent !

Dans une économie de moyens forcenée, le film n’en est pas moins très soigné, plans sobres, montage intelligent, raccords harmonieux. A noter la qualité d’expression des acteurs, pour la plupart amateurs, et les voix bien posés et audibles !

Une classe d’enfants regardent le film, effet miroir du cinéastes vivant en France et retourné dans son pays pour y tourner cette fiction bien plus vraie que la réalité.

Voilà une brève sélection parmi les nombreux films présentés et, disons-le, la plupart étaient de facture honorable, voire de grande qualité. Au dire des organisateurs, le niveau s’élève d’année en année et les cinéastes prennent enfin leur destin en main ! Acceptons en l’augure et que mille fleurs s’épanouissent au chevet du cinéma africain. Le monde à besoin de leur regard !

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