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Les Musicales de Bastia 2014

Publié le par Bernard Oheix

Mais que ce passe-t-il dans le monde de la culture vivante ?

Que les financements de la culture se contractent, est une évidence au vu du séisme qui secoue la France et des économies nécessaires, indispensables... On a même réussi à l’intégrer au fond de nous !

Il n’en reste pas moins que cette culture, en France, est aussi un vecteur de développement, une réalité qui s’insère dans le tissu économique, une dimension du rayonnement culturel de notre pays et de ses valeurs devant le rouleau compresseur de l’idéologie dominante anglo-saxonne et son nivellement par le bas ! Pour ne pas en en avoir tenu compte à entraîner la ruine de certaines cultures européennes... Le cinéma Italien a payé un lourd tribut à, sa Berlusconisation ! La richesse de la scène musicale Allemande des années 70 a été broyée par le rouleau compresseur des «majors» américaines !

Là où les industriels Français se couchent en exportant leur production, en délocalisant leurs fortunes et leurs profits colossaux, là où les banques jouent l’international contre la France, les créateurs ancrés dans leur environnement, sont restés fidèles à une certaine idée de notre pays et de ses valeurs humanistes !

Et si la Lepenisation de la vie politique est rampante et envahit l’espace public, que la «zémourisation» des idées est en oeuvre, niant les réalités de l’histoire et des chiffres, il n’en reste pas moins que des forces vives, des penseurs, des chanteurs, des hommes de théâtre perpétuent la tradition d’une France fière d’elle-même et de son passé, de son présent et de son avenir et continuent à oeuvrer afin que la culture soit bien ce moment de rencontre et de partage, ce laboratoire du partage des différences !

Alors pourquoi donc, quand des responsables éclairés comme un Raoul Locatelli, philosophe et penseur, concentré sur l’essentiel de ne pouvoir embrasser le futile de par sa cécité, quand un tel acteur de la vie culturelle d’une île de Beauté, qui tente depuis des années d’importer la richesse d’une culture tendant la main aux idées les plus nobles... pourquoi donc est-il trahi par un public versatile qui ne veut s’abreuver qu’au flot télévisuel de la facilité et du formatage en lessivage. On lui propose un programme de qualité et d’exigence où le bon goût règne, pourquoi donc ne répond-il pas présent aux rendez-vous du coeur des musicales de Bastia ?

Il y a bien des ambiguïtés dans cette salle du Théâtre de Bastia qui résonne du vide des absents ? Où sont-elles ces légions des lendemains qui chantent ? Sont-elles chassés par les cohortes qui déambulent en éructant sur les trottoirs de la défense de valeurs familiales dépassées, qui s’arc-boutent sur le passé et nient le futur ? Le combat est-il perdu d’avance et fonçons-nous vers le mur des haines, des racismes et du repliement, de l’intolérance et du chacun pour soi ?

A travers sa programmation intelligente et subtile, Raoul Locatelli proposait une alternative à l’égoïsme et faisait appel à l’intelligence... Raté me direz-vous, s’en réjouiront certains ! Mais le combat pour un monde meilleur ne s’arrêtera pas devant les sièges vides d’un théâtre car du chaos ne naîtra pas un monde harmonieux !

Gardez-vous de vos démons, ils sont parmi nous et tentent d’imposer leur lois mortifères aux espoirs d’une vie meilleure !

Mais parlons aussi de culture !

Le jeudi 9 octobre, Raoul Locatelli avait conçu une soirée sur le thème de la Méditerranée. Ouverture en fanfare avec les Marseillais de Gacha Empaga resurgi des limbes... Manu Theron et Sam Karpienna invitant Ange B des Fabulous Trobadors, pionnier du «beatbox» à la Française. Renaissance d’un mythe avec quelques faiblesses dû au manque de temps pour figer le spectacle dans le cadre d’une scène majestueuse, mais énergie des 3 musiciens, des voix si différentes qui cherchent l’unisson et se trouvent dans de superbes envolées lyriques, composant un hymne à la fureur de vivre.

L’Alba enchaînera, et là où tout était tension et énergie, imposera la douceur de ses mélodies et la suavité de ses voix polyphoniques. Un des meilleurs groupes actuels à l’évidence d’une Corse si riche musicalement. Je les avais accueillis il y a quelques années dans les Saisons de Cannes et depuis, ils ont encore progressé, gagné en maitrise, créé des chansons qui s’appuient sur une richesse instrumentale et un curieux harmonium à la mélopée grinçante, et dont les voix sont les vecteurs d’une émotion brute, issue de la nuit des temps. L’Alba, c’est le rappel du passé et la promesse de l’avenir...

Pour terminer ce voyage en Méditerranée, les «salentinois» du Sud de l’Italie de Mascarimiri réussiront à nous transporter aux rythmes de la «Tarente», formidable machine à remonter vers la tradition. Derrière la modernité d’une console électro, les tambourins, clarinettes et lyre calabraise, servis par la voix d’un leader charismatique, nous ouvrent à la ferveur d’une foule en train de défier la nature et les dieux, vers la liesse populaire au coeur d’un village perché sur un éperon dominant le bleu de la mer, s’embrasant aux rythmes lancinants du «pizzicato» pour des débordements de fête où le corps exulte !

Changement de couleur radical le vendredi 10 octobre avec une soirée dédiée à la Chanson Française. En ouverture, Nicolas Reggiani vient rôder son spectacle «Parfum de Femmes», avec des textes essentiellement écrits et chantés par des femmes même si Léo Ferré et quelques autres écrivains s’immiscent dans le show. Accompagné avec beaucoup de sensibilité par lke jeune et talentueux Joseph Robinne au piano, sa belle silhouette donne vie aux mots, souligne les élans de coeur de femmes en recherche d’harmonie, font jongler les rimes de grands poètes...Tout en douceur, Nicolas Réggiani trace son chemin à sa manière propre, en renouant avec une tradition de la chanson française où la voix et les paroles donnent du sens et éclairent les sentiments de la vie. Vous avez dit Poète romantique ?

C’est vers le non-sens que Loïc Lantoine nous détournera en clôture de soirée. Accompagné d’un batteur-harmoniciste éblouissant, d’un guitariste qui fait chanter les cordes, d’une contrebasse folle donnant une énergie décalée, Loïc Lantoine chante, déclame des textes réalistes, des poésies brutales, invoque les sentiments déchirés pour des complaintes à fleur de peau ! Sa gestuelle erratique, son humour grinçant, la qualité du son et les rythmes envoûtants sont une véritable révélation pour la plupart des spectateurs. A mi-chemin d’un rocker nommé Arno ou de l’énergie d’un groupe comme Les Ogres de Barback, son spectacle éperonne tous les codes, déglingue les usages, rompt avec nos certitudes.

Loïc Lantoine est un chanteur lunaire. Il délivre un message d’espoir pour ceux qui luttent contre le conformisme et tentent d’inventer des images nouvelles sur des mots nouveaux avec des recettes anciennes !

Voilà, on pourrait rajouter à ces deux soirées, un groupe de filles qui présentent les soirées en chantant, des révélations et jeunes talents, des rencontres et «afters» dans le hall du superbe Théâtre de Bastia.. Toute une vie où les bénévoles s’activent avec gentillesse, où les artistes sont généreux d’être coupés de leurs réseaux et habitudes, où les techniciens font un travail remarquable... Tout cela pour un public trop clairsemé mais ravi... C’est la dure vie de l’action culturelle de terrain, en province, quand tout repose sur le désir et la bonne volonté... Honneur à Raoul Locatelli, à tous ceux qui ont fait les Musicales de Bastia 2014, et à l’an prochain, on vous en supplie, pour de nouvelles aventures culturelles !

Loïc Lantoine, jongleur de mots, déjanté sue scène, rimeur d'absurde et conteur d'humour !

Loïc Lantoine, jongleur de mots, déjanté sue scène, rimeur d'absurde et conteur d'humour !

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