Festival du Film 2015 : 44 films... et moi, et moi, et moi !
Il n’aura pas plû sur Cannes en cette année 2015 ! C’est déjà un miracle ! Désormais, il reste une dernière montée du tapis rouge, celle fatidique des récompenses avec son corollaire, en ce jour de remise des Palmes, l’exercice de haute voltige des prédictions et des supputations, sport de tous les critiques en herbe, cinéphiles professionnels et autres monteurs de marches ! Oracles du cinéma, donnez moi la force aujourd’hui, du haut de mes 44 films, de m’offrir le plaisir divin de prévoir l’avenir !
J’aurais pu malgré tout, avant, vous parler des derniers jours avec nombre films passionnants...
Par exemple, Alias Maria, du Colombien Jose luis Rugeles Oracia, plongée hallucinée dans les maquis des FARC, où l’on s’aperçoit, une fois de plus, qu’il n’y a pas de guerre juste, et que chaque fois que les armes parlent, la raison s’éteint ! Masaan, de Neeraj Ghaywan est une comédie romantique indienne ancrée dans la réalité d’un monde dur, police corrompue, castes qui emprisonnent, codes rigides et tabou de la sexualité. Le destin d’une jeune femme qui tente de s’émanciper et d’un garçon qui veut s’élever au-dessus de sa condition vont se croiser au bout d’une longue route semée d’embuches. Magnifique et vibrant ! Dommage pour Le Trésor de Cornéliu Porumboiu (Roumanie) mais l’étirement des scènes et le manque de rigueur gâche une belle histoire et un talent naturel à l’humour.
L’humour, c’est dans un bijou injustement maltraité par le critique de Libération qu’on le trouvera dans A perfect day de Fernando Leon de Aranoa (Espagne). Une mission humanitaire à la fin de la guerre des Balkans tente d’apporter une aide aux populations serbes... Le drame et le rire, comme un cocktail funeste sur l’absurdité du conflit et l’incapacité des armées de l’ONU à remettre de l’ordre. Benicio Del Toro et Tim Robbins, formidables dans leurs rôles d’humanitaires professionnels désabusés confrontés aux démons de la bureaucratie et à la folie des dernières poches de résistance, naviguent en eaux troubles, celles d’un puit dans lequel un cadavre a été plongé et qu’ils tentent d’extraire avant que l’eau ne soit contaminée ! Jouissif, délirant et terriblement humain !
Il y a aussi Louise Bourgoin dans le magnifique rôle d’une paumée, dans Je suis un soldat de Laurent Larivière (France). Démarrant comme une satyre sociale, débouchant sur un polar autour de la traite des chiens, le film oscille sans réellement trouver son équilibre mais les acteurs portent à bout de bras ce projet ambitieux et réalisent une performance qui permet de nous tenir en haleine !
Mais voilà, le Palmarès de ce Festival qui pointe son nez à l’horizon ! Avec son lot d’incertitudes et de mystères.
Le film le plus fort, à mon goût, véritable coup de poing, est le Fils de Saul de Lazlo Nemes que je situe au niveau d’un Grand Prix Spécial du Jury. Pourquoi pas au sommet ? Parce que le sujet, la façon de le traiter et la désespérance qu’il véhicule ne me semble pas lui ouvrir les portes du paradis !
La Palme d’Or reviendra à Youth de Paolo Sorrentino. Extraordinaire performance des acteurs, scénario enlevé sur une réflexion libre sur la création, images en décalage, luxuriantes et baroques, techniquement parfait et dégageant une vraie émotion qui traverse le film comme un fil conducteur vers la sérénité et la mort. Variations permanentes qui, à la différence de ses précédentes oeuvres à mes yeux, sont en phase avec le propos et la volonté esthétique de créer de l’étrange dans un univers (un Spa de luxe dans les Alpes Suisse) aseptisé. A noter l’incroyable présence d’un «Pibe de Oro» plus vrai que nature et une pléiade de personnages «Félliniens». Il a tout pour emballer les frères Cohen !
Pour l’interprétation masculine, je rêve de voir le jury offrir à Vincent Lindon la consécration. Pour lui d’abord, cet acteur si présent, pour les choix de sa carrière, pour sa composition dans un chef d’oeuvre social, La loi du marché de Stéphane Brizé qui mériterait d’être palmé mais dont le format et le genre ne devrait pas trouver grâce. Plongée dans l’univers hyper réaliste d’un chômeur et dans les réponses d’un système à bout de souffle, Vincent Lindon se retrouve vigile dans un supermarché... Que nos hommes politiques et nos capitaines d’industrie aux salaires indécents et aux retraites mirifiques soient obligés de le visionner serait une mission de salut public !
On aurait pu, ces prix d’interprétation, les offrir à Gérard Depardieu et à Isabelle Huppert pour Valley of Love de Guillaume Nicloux. Mais c’est plutôt dans la catégorie prix du jury que l’on devrait retrouver cette superbe balade dans le cadre mystique de la Vallée de la Mort. Errance autour d’un fils mort qui donne rendez-vous à ses parents par delà l’au-delà… l’idée originale tient la distance et va jusqu’à son dénouement sans tomber dans le «christique» ou le bazar d’une bondieuserie de pacotille !
Voilà donc pour résumer et sans marc de café :
Palme d’Or : Youth de Paolo Sorrentino
Grand Prix Spécial du Jury : Le fils de Saul de Lazlo Nemes
Prix de la Mise en Scène : Le Conte des Contes de Matteo Garrone
Prix du Jury : Valley of love de Guillaume Nicloux
Interprétation Masculine Vincent Lindon
Reste à caser un accessit à Mia Madre de Ninno Moretti…. mais cela ferait 3 italiens au Palmarès, du 100%, du jamais vu… et pourquoi pas !
Et ce, nonobstant que je n’ai pas vu Carol de Todd Haynes avec un prix d’interprétation féminine à la clef ou plus si affinités !
Au jury de me donner raison, dans quelques heures !
Sinon, on ne peut terminer ce dernier article sur le Festival de Cannes 2015 sans parler des tics et des tocs des réalisateurs. En cette 68ème édition, les oiseaux ont souvent poussé de stridentes trilles venant percer les bandes-son et ce, d’autant plus, que ce fut l’avènement des «diamants sous canopée»...Innombrables plans de couvertures végétales en toutes saisons avec invariablement un soleil ou une lune pour percer le tissu arboré des branches.
L’Art Culinaire a rejoint le 7ème Art. La cuisine à joué un rôle primordial dans de très nombreuses pellicules et les bons petit plats ont servi de grands plans ! Les lieux d’enfermement ont été largement diffusés au service d’une jeunesse en délicatesse. Les animaux (moutons, béliers, chevaux, chiens et autres félins) ont servi la cause des hommes de bonnes volontés trop souvent pendus à leurs smartphones....
Enfin, si la production française était de grande qualité, en général, nombre de ses films mériteraient qu’un soin plus important soit porté à leurs scénarii... Il y a malheureusement un problème récurrent de construction filmique qui les empêchent d’arriver à l’excellence. La confusion des genres et le sacro-saint pouvoir du réalisateur sur le scénariste... qui sont souvent les mêmes en l’occurence, expliquerait cette difficulté pour l’homme du cut final à partager son pouvoir avec un censeur potentiel de l’histoire ! Un peu de rigueur que diantre !
Et aujourd’hui, pour mon ultime film, Office de Hong Won-Chan, à potron-minet, m’aura permis de goûter aux joies simples d’une méga-entreprise Coréenne, avec employés maltraités, stagiaires rudoyés, directeur stressé et bains de sang en apothéose pour un règlement de compte à OK Dollars avec courbe de ventes inversement proportionnelle à la monté de l’adrénaline chez la tueuse. Vive nos petites entreprises et rendez-vous tout à l’heure devant votre poste de télévision pour un vrai palmarès !
En attendant le Festival 2016 !