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Mon Festival 2016 à moi !

Publié le par Bernard Oheix

34 films visionnés dont 12 en compétition, 9 de la sélection Un Certain Regard, 4 de La Semaine de la Critique...

Et dans l’exercice de la prévision du Palmarès, passage obligé du dernier jour du festival pour tout cinéphile qui se respecte, un grand vide devant lequel je ne me risquerai pas !

Tous les grands films annoncés me semblent hors course et les bruits qui flottent autour de Ma Loute m’apparaissent si incongrus...

Je pourrai espérer retrouver dans ce palmarès, Agassi (Mademoiselle) de Park Chan Woo pour la mise en scène, I, Daniel Blake de Ken Loach et Julieta de Pedro Almodovar, deux films magnifiques, sommets d’un art de réalisateurs confirmés, Paterson de Jim Jarmusch pour son style et son sujet sur la poésie moderne dans une ville de l'Amérique profonde, American Honey, formidable épopée musicale d’une bande de jeunes de Andrea Arnold, ou même la journée terrifiante de Roméo dans le film roumain de Christian Mungui, Baccalauréat ou la très Personal Shopper d’Olivier Assayas qui se confronte au monde des ombres.

Mais laissons le jury prendre ses responsabilités et nous pourrons toujours critiquer ou encenser Miller et sa bande !

Un constat : L’extraordinaire qualité de la sélection Un certain Regard qui semble au fil du temps récupérer tous les bons films que la sélection officielle en compétition ne peut accueillir pour cause de «pipolisation» de la montée des marches ! A ce titre Harmonium du japonais Fukada Koji, Beyond the moutain and the hill de l’israelien Eran Kolirin, le génial Inversion de l’iranien Behnam Behzadi, sur une femme courage dans un Iran bien plus subtil qu’on l’imagine, le décisif Voir du Pays de Delphine et Muriel Coulin sur le sas de décompression d’un contingent français de retour d’opérations en Afghanistan...Mais aussi Le disciple du russe Kiril Serebrennikov ou Après la tempête de Kore Eda Hirokazu sur le un père, joueur compulsif qui grille sa vie et l’amour de son fils sur l’autel des «paris» !

Tous ces films vous accompagneront dans les mois à venir, au fil des sorties et le constat que l’on peut tirer de cette édition, est que d’une façon générale, le niveau moyen des productions semble très élevé en cette année 2016. Toutes les sélections bénéficient de ce «printemps cinématographique» et des films comme Tour de France de Rachid Djaïdani (Quinzaine des Réalisateurs) avec le monstre Depardieu où Grave de Julie Decournau (Semaine de la Critique) démontrent à l’évidence la formidable vitalité du cinéma Français !

Allez, on est à quelques minutes de l’énoncé du Palmarès, on va s’installer devant le petit écran pour assister aux résultats du grand !

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Des films, toujours des films !

Publié le par Bernard Oheix

Rafale de films en compétition, qualité exceptionnelle d’Un Certain Regard, pépites des autres sélections... Dans cette overdose d’images, d’histoires qui se télescopent, de pays et de sélections au plus grand Festival de Cinéma du monde, Cannes vit avec ses deux faces, aussi mystérieuses l’une que l’autre. L’une de frénésie, de rencontres et d’affaires, des professionnels centrés sur la Croisette qui dessinent le cinéma de demain, l’autre plus secrète, plus cinéphile, dans des salles périphériques, avec des spectateurs fascinés par cette extraordinaire exposition d’un monde ouvert sans frontières que les images tentent de dévoiler.

Evidemment, je suis dans la deuxième catégorie, avec mes 21 films visionnés dans la salle de la Licorne à La Bocca, un quartier périphérique bien loin des ors de La Croisette où se croisent spectateurs de tous âges, toutes origines, fraternisant dans des files d’attente, échangeant sur les films en des débats passionnés, évaluant le jeu des acteurs et les scénarios, se projetant dans des palmarès improbables, car dans chaque cinéphile, un membre de jury sommeille qui ne demande qu’à s’exprimer !

Américan Honey de Andréa Arnold est un road movie déjanté autour d’une bande de jeunes qui parcourent l’Amérique profonde afin de vendre des «magasines» alors que plus personne ne lit ! La reproduction des mécanismes d’une économie dans ce qui en est la face des laissés pour compte (la leader «capitaliste» qui impose ses règles, les codes de la vente et le principes d’une vie de groupe que l’on retrouve dans toute sa violence (interdiction de la sexualité dans un climat débridé, rivalité et sanctions pour ceux qui ne vendent pas assez (le combat des loosers), apprentissage du mensonge pour «fourguer» des revues à des gens qui n’en ont pas les moyens... tout cela soutenu par une bande sons où rap et rock rythment le temps éphémère...

Paterson de Jim Jarmusch propose une autre facette de cette Amérique profonde. Un conducteur de bus, poète dans la ville de Paterson, compose une oeuvre au quotidien pendant que sa femme s’invente une vie de ruptures et de rêves ! Déjanter le quotidien, ritualiser les espoirs, énigmatique porteur d’un avenir incertain, le film s’écoule comme si à tout moment, quelque chose pouvait entraver la marche du temps...

Sublime Julieta de Pedro Almodovar. Une femme tente de renouer avec son passé et une fille qui l’a abandonnée le jour de ses 18 ans. 12 ans ont passé sans nouvelles quand une rencontre fait ressurgir l’histoire enfouie... beau, ensorcelant, limpide, attachant... les adjectifs manquent pour décrire ce film où tout est ciselé et s’imbrique parfaitement dans la fuite du temps ! Du grand Almodovar, comme on a eu du grand Ken Loach !

Enfin, 3 films remarquable d’Un certain regard :

Harmonium de Fukada Koji. Une famille japonaise voit son présent exploser quand le père, pour une raison mystérieuse, embauche un homme et l’héberge jusqu’au drame ! 8 ans après, il faudra bien solder les comptes de ce passé caché. Intriguant, passionnant, tout en retenu !

Caini du Roumain Bogdan Miirica, est dans la lignée de ce cinéma un peu esthétisant et parfois étiré de l’école roumaine. Pourtant, il y a d’indéniables qualités dans ce western de l’Est, un jeune propriétaire tentant de vendre une propriété héritée d’un grand père, aux confins du pays, dans une terre de trafics où règne un boss cruel !

Un grand coup de coeur pour Derrière les montagnes et les collines de l'Israélien Eran Kolinn où un militaire après 22 ans de service, tente de se réinsérer dans la vie civile et de renouer des liens avec sa femme et ses deux enfants. Toutes les contradictions de cette société, de cet affrontement entre deux peuples, des désirs enfouis chez les individus dans un monde où tout peut exploser ! C’est un vrai film humaniste, un «certain regard» sans complaisance où chacun prend sa part d’un poids que l’histoire lègue et qui pèse sur tous les acteurs de la vie au quotidien !

Enfin coup de chapeau pour Chouf de Karim Dridi, où la peinture crue et sans espoirs d’un monde sans lois ni règles, où mêmes les composantes d’une fratrie explosent sous le poids de l’absurdité et des rivalités sans fin qui endeuillent les acteurs du marché de la drogue dans un Marseille de soleil. Presque un documentaire sur un monde où la vie importe peu, où le cancer de l’argent sale se métastase à l’intérieur des familles et brise tous les codes, où la place que l’on occupe est sans arrêt remise en cause par ceux qui poussent derrière pour prendre le pouvoir au bout de leurs armes, ou le futur n’existe plus que dans le fracas des armes aveugles !

Allez, encore trois jours d’ingestion de pellicules et l’on saura bien qui aura les honneurs de la Palme d’Or même si nous savons que c’est toujours le cinéma qui reste le grand vainqueur de cette orgie d’images et d’histoires !

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Festival du Film 2016 : les cannibales du 7ème art !

Publié le par Bernard Oheix

A chaque début de Festival, se pose cette question récurrente sur la qualité des films en sélection (La Compétition et Un certain Regard), leurs niveaux et les réalisateurs attendus ou espérés, l’originalité des histoires en forme de « pitch » de quelques lignes, les thèmes qui en ressortiront (chaque édition voit un thème ou deux embraser les écrans, se répondre en écho d’une partie du monde à l’autre), la diversité des sections en présence (Semaine de la critique, Quinzaine des réalisateurs, Ecran Junior, Le cinéma des antipodes...)....

A chaque fois, c’est le même rituel d’une maison qui se remplit d’une délégation de cinéphiles disparates, l’allemand, les deux corses, le fils et sa compagne, la copine des voyages, tout un groupe enrichi en ce 69ème Festival par la présence de ma petite Lise, plus jeune cinéphile de l’histoire du Festival avec son 1er badge pour ces 6 mois d’une vie si intense et pleine. C’est son sourire qui sera mon premier thème, et celui-ci me tient particulièrement à coeur !

De cinéma, il faut bien en parler avec deux constats sans équivoque. En tout premier lieu, la longueur inusitée des films dont une grande majorité se situe entre 1h50 et 2h15, pour culminer vers les 3h, signe, non-pas d’une accumulation de faits à traduire, mais bien de l’abandon d’une rigueur (conter une histoire) au profit d’une tentation (s’abandonner devant l’objectif). Cela traduit peut-être le poids de plus en plus décisif du « réalisateur soleil » devant les humbles scribes et collaborateurs d’une mécanique si complexe. Un film est l’assemblage de corps de métiers qui partent de la recherche de l’argent, passent par l’écriture du sujet, pour finir à travers le jeu des acteurs, dans les mains des métiers de l’image et du son jusqu’à la table de montage, avant d’être livré en pâture aux intermédiaires de la projection qui lui permettront de se retrouver devant vos yeux !

Quand le coût de la pellicule disparait au profit du tournage numérique et que le dieu réalisateur est aussi à la source de l’histoire et de son développement, cela peut donner ce manque de recul, cette absence de rigueur, cette complaisance qui fait que la plupart s’étirent interminablement. Crise d’égo et absence de recul ?

On en a un exemple parfait avec l’encensé Toni Erdman de Maren Ade (qui co-signe le scénario), un film de 2h42 dont 1h de trop, inutilement redondant, facilité sans intérêt et cassant l’apport ironique et onirique, la qualité dramatique du film bien réelle ! Comment ne pas se trouver lassé de ce temps qui s’écoule si inutilement et condamne le film à errer dans les limbes d’une nonchalance en opposition de plus en plus radicale avec la vie intense qui attend le spectateur au sortir de la salle ?

Cet exemple d’un film qui s’essouffle par la longueur alors qu’il aurait pu être excellent, on le retrouve aussi dans les 1h58 de L’exilé, film russe de Serebrennikov sur le thème crucial de l’intégrisme religieux d’un adolescent, version catholique orthodoxe. Le film passionnant pêche malgré tout par des longueurs verbeuses même si l’actualité du propos (la radicalisation religieuse débouchant sur le terrorisme et la mort) porte la réalisation vers une tension et une frénésie bien en adéquation avec le sujet.

Le deuxième constat portent sur le thème émergeant… en l’occurrence deux thèmes qui s’opposent frontalement en cette première moitié du Festival. Le premier est celui du cannibalisme et des vampires… 4 réalisations allant du meilleur (Grave, Julia Ducourneau/ Semaine de la Critique), un petit film admirablement joué, inquiétant et ancré dans le monde d’aujourd’hui (bizutage, végétarisme, sexualité) au pire du pire, l’insoutenable Ma Loute avec un Lucchini ridicule et des acteurs perdus dans ce gros machin que Dumont a fantasmé une nuit de beuverie. Ce qui passait dans l’humble Petit Quinquin s’échoue misérablement sur le grand écran d’une distribution sans appel au service de cannibales cht’i ! N’est pas la famille Groseille qui veut !

Le deuxième thème qui semble s’imposer, est celui de la « paternité » sous toutes ses formes et dans ses terribles difficultés. Le vieux père en recherche d’accord avec sa grande fille dans Toni Erdman, le jeune chien fou de Rester Vertical de Alain Guirodie qui échoue à renouveler le sombre Inconnu du lac et se vautre dans des errances sans intérêt au delà d’une provocation vide d’un nouveau père dans sa sodomie « euthanasiante » !

A noter le petit bijou d’une comédie qui ouvrit Ecran Junior C’est quoi cette famille ? réalisé par Gabriel Julien-Laferrière avec Julie Gayet et une pléiade d’acteurs qui inverse le propos et voit les enfants d’une fratrie composite se révolter et imposer leurs règles aux parents désemparés. Réjouissant bol d’air loin de tout cannibalisme et de prises de tête !

Mais il reste les grands films, ceux qui donnent la certitude que le monde est différent quand on sort de la salle, ceux qui permettent de mieux comprendre les autres, et de mieux se comprendre soi-même !

C’est le cas du vétéran anglais Ken Loach qui avec I, Daniel Blake, inscrit une nouvelle page dans la dénonciation des ravages du libéralisme anglais, la privatisation des services sociaux et le mépris de l’individu quand l’individualisme se fond dans le conformisme. Un ouvrier atteint d’une attaque cardiaque est privé de sa pension et se retrouve dans l’obligation Kafkaïenne de chercher un travail qu’il ne peut accepter ! Et pourtant, il va rester humain et tendre la main à ceux qui ont encore moins que rien ! Magique Loach au regard si plein de tendresse et à l’énergie sans cesse renouvelée pour dénoncer les tares d’un système économique et politique qui asservit l’être humain ! Les années passent sur lui sans entamer ni la lucidité de son regard, ni la tendresse qu’il a pour les gens, et toute son expérience est au service d’une cause humaniste qu’il filme avec maestria !

Deux films étranges pour finir. The Dressmaker de Jocelyne Moorhouse (Cinéma des Antipodes) avec la réjouissante Kate Winslet en vengeresse non-masquée d’un passé qu’il fallait solder par le feu. Petite ville du bush dans les années 50, la « couturière » débarque afin de régler ses comptes et fera exploser tous les secrets enfouis dans le pouvoir des hommes et la soumission des femmes !

Agassi de Park Chan Wook (compétition/Corée du Sud) est sans aucun doute l’un des films les mieux construits, filmés, interprétés de cette première moitié du festival. Une première partie d’une heure dévoile une histoire, une deuxième partie rectifie cette histoire dans un regard divergent, une troisième actualise et termine l’histoire avec au passage, la mort des méchants, la victoire des faibles et une sublime histoire d’amour entre une Thelma et une Louise amoureuses et complices ! C’est du cinéma de grand art, entre esthétisme et surréalisme, sensualité et dévotion aux mots, du grand cinéma que l’on retrouvera dans le palmarès, il fait nul doute !

Voilà, l’aventure continue, les films s’enchainent… Un autre projection de 2h42 (sic) Américan Honey m’attend dans quelques minutes. Y retrouvera-t-on quelques cannibales/vampires ou des parents angoissés devant leurs enfants ? Suite au prochain article !

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