Le rêve américain
Entrer aux Etats-Unis, c’est un peu comme mettre les pieds dans un bunker. Des formalités tatillonnes d’un pays enfermé dans un corset de règles contraignantes que ne renieraient pas les républiques des ex-pays de l’Est, des personnels peu amènes aux frontières qui vous scrutent, vous font déchausser (même les tongs sic !), sans aucun ménagements, comme un bétail parqué, rythment de leur doigt des files d’attentes qui s’éternisent au bon vouloir de leurs désirs dans un inconfort absolu.
Les uniformes, sûrs de leurs droits, règnent en maîtres absolus. ils vous posent des questions comme si vous étiez coupables d’entrer chez eux, que vous portiez toute la noirceur du monde sur les épaules.
Pas d’humour, ni d’humanité, le «patriot act» est passé par là. On vous prend les empreintes digitales, on vous photographie, on vous demande le nom de vos père et mère, si vous êtes venus faire un attentat et transportez des explosifs, avez touché des animaux...
Il y a comme de l’humour à faire l’inventaire «courtelinesque» des démarches ubuesques pour satisfaire son rêve américain de manger un hamburger au pied de la Maison Blanche.
Le pays qui ouvre les frontières des autres aux forceps, au nom d’un ultra-libéralisme qui doit satisfaire son économie, et impose des traités de libre-échange où il se taille la part du lion, n’est plus capable d’accueillir les visiteurs d’un soir !
Pire ! Il les méprise et les soupçonne de toutes les vilénies possibles.
Cela se ressent d’ailleurs quand on pose les pieds sur ce sol qui nous faisait tant rêver. Le pays des cow-boys et des indiens, des affranchis et de la liberté, des écrivains et des cinéastes, des grands espaces s’est refermé sur lui. Son espace est devenu vide, sa grandeur, une frontière du passé. L’hospitalité réelle et légendaire s’effiloche au fil d’une histoire qui s’écrit au présent. Comment imaginer qu’une nation qui donne le tempo au monde en soit à se demander si élire un Donald Trump serait une réponse aux drames de la planète ? Comment conjuguer la grandeur de quelques uns avec la médiocrité générale de tous ?
Et comment devons-nous concilier le fait qu’ils soient collectivement coupables d’une partie des maux du monde (l’ultra-libéralisme «reaganien», les interventions en Afghanistan et en Irak (on attend toujours les armes de destruction massive), l’écroulement des politiques culturelles au nom d’un impérialisme de l’American way of life, l’espionnage systématique même des alliés, tout cela entres autres !) et refuse d’en assumer individuellement la responsabilité !
Il y a tant de belles choses dans ce pays, il est si chargé d’histoires ce pays neuf, que nous avons de la peine à voir sa face noire prendre le-dessus. Quand vous vous baladez dans Washington, que vous voyez de vos yeux le Capitole, les mémoriaux de Thomas Jefferson et de Martin Luther King, la Maison Blanche dans l’alignement de la stèle qui crève le ciel bleu, vous pouvez percevoir toute la beauté des rêves que ce pays a générés, toute la fascination que nous lègue son histoire... Mais que cela semble dérisoire désormais, et combien cet écrin de verdure d’une ville-monde peut paraître en décalage avec la réalité.
Marchez dans les rues d’Alexandria ou de Laurel, les magasins vides condamnés par des planches affirment une crise réelle, les gens qui se détournent et ont peur de l’autre, les grands complexes commerciaux écrasés de chaleur, sans âmes et sans espoir pour les laissés pour compte, toute ce vide atomisé auquel les américains veulent répondre en votant pour un homme dont on peut se demander si son équilibre mental l’autorisera à garder ses doigts bien loin du bouton nucléaire et s’il saura assumer le désordre d’un monde que les Etats Unis ont contribué à engendrer !
Alors oui, j’ai eu le privilège de parcourir les routes de l’Ouest et de faire un tronçon de la 66 en dormant dans des motels désuets, de sillonner La Vallée de la Mort, de rêver aux grands espaces à Monument Valley, de grimper dans les tramways du vieux «Frisco» et de manger une soupe de crabes sur le wharf, de jouer sans espoirs quelques dollars à Végas, j’ai mangé une viande succulente à Boston et j’ai communié à New-York avec les cultures du monde, j’ai arpenté le bord de mer d’Atlantic City en imaginant mes «battles in the sky» en lettres d’or dans le ciel, j’ai adoré l’écrin vert de Washington...mais je n’aime pas l’Amérique de Trump, je n’aime pas ce que ce pays devient, et cela fait peur !
La beauté de Washington est incroyable... L'eau, les parcs fusionnent en un incroyable entrelacement d'où émergent des bâtiments que nos livres d'histoire nous ont appris à aimer !