Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Rencontres Cinématographiques de Cannes 2017 ! Un vent d'Orient !

Publié le par Bernard Oheix

Il y a bien sûr le Festival de Cannes et son Palais des Festivals grandiose pour une semaine où il devient le centre du monde, l’évènement le plus médiatique à être couvert par les journalistes et critiques des 5 continents. Il y a aussi le Festival du Film Publicitaire, et les marchés professionnels des programmes  (MIPTV et MIPCOM).
il y a de nombreuses manifestations comme le Festival Panafricain et les séances spéciales de Ciné-Croisette et de Cannes Cinéma tout au long de l’année.
L’image est chez elle à Cannes et ce n’est que justice quand l’on voit la beauté de cette baie, les monts de l’Estérel dans les couleurs flamboyantes du couchant, les iles de Lérins fermer la baie de la Croisette avec la pointe du Palm Beach qui se referme sur l’horizon.
Plus haut, la Californie des riches, le Suquet des vieux Cannois avec sa tour de garde et encore plus loin, la colline de la Croix des Gardes où les villas accrochent des taches de couleurs pimpantes.
C’est Cannes comme le tableau d'un peintre où toutes les couleurs composent une ode à la beauté du sud, un charme envoûtant dans les senteurs du maquis et des pins orgueilleux.

En novembre décembre, dans les salles de Cannes, pour la trentième fois, un festival de cinéphiles, avec du bon cinéma va réunir le public des jeunes, ceux qui peuvent « optionner » le cinéma au Bac, et ceux qui peuplent les écrans de leurs rêves passés avec leur cheveux blancs.
Des retraités cinéphiles aux lycéens, ils vont se retrouver, les uns afin de compléter leur culture du 7ème art, les autres dans des stages « Moi, Jeune Critique », des masters classes et autres débats, vont tenter de se créer un palmarès à la mesure de leur soif d’apprendre !

Les Rencontres Cinématographiques de Cannes, c’est l’Autre Festival, celui au visage humain, celui qui permet de découvrir des films d’art et essai, de voir et revoir des chefs d’oeuvre…
Une occasion de plonger dans le défilement incessant des images qui parlent d’un monde, du monde, et de vivre une nouvelle aventure en pays de cinéma sans la pression de son grand frère du mois de mai.
Et cette année, pour le 30ème anniversaire des RCC, les films furent d’un niveau exceptionnel et les moments de rencontres passionnants !
Sur un vague thème des libertés, le vrai fond des histoires proposées tournait autour du Moyen Orient et du Maghreb et plus généralement des problèmes autour de la religion et des minorités opprimées.

Et tout de suite, un authentique chef d’oeuvre, un film qui fait date dans la vision d’un conflit sans fin et des mécanismes qui amènent à l’horreur : L’Insulte de Ziad Doueiri.
Dans les rues de Beyrouth, un chantier de rénovation va opposer un chef de chantier Palestinien et un locataire chrétien Libanais. Une insulte bien banale va dégénérer en conflit embrasant les populations clivées de la ville. De tentatives de réconciliation avortées en procès devant les tribunaux, c’est tout le pays qui s’embrase et réveille les tensions latentes d’une histoire jamais dite. L’Insulte ne sera lavée que dans un final à couper au couteau, véritable coup de poing dévoilant que ce qui réunit l’offensé et l’offenseur, c’est le drame de vies brisées, là ou chacun est à la fois victime et bourreau, subissant l’horreur et la générant. Pourtant, le « -je m’excuse » final, peut-être, laisse espérer qu’un jour, la lumière jaillira du chaos. Mais combien de drames encore, d’incompréhensions et de blessures secrètes faudra-t-il subir pour que l’espoir renaisse et que les fantômes s’évanouissent ? 

Wajib de Annemarie Jacir se déroule à Nazareth. Abu Shadi, professeur, accompli le Wajib à l’occasion du mariage de sa fille, c’est à dire la distribution personnelle des invitations accompagné de son fils qui s’est exilé en Italie.
Les rencontres, les absents, la mère qui a divorcé et vit aux Etats-Unis mais doit rentrer pour le mariage de sa fille, et surtout, les retrouvailles entre le père et le fils en support de la vie quotidienne à Nazareth dessine un tableau absurde, des non-dits, des impasses de la société israélienne et de la confrontation entre des peuples différents, des religions différentes et la pression permanente de l’environnement.
C’est un film subtil, dramatique et la question principale reste de partir ou rester, vivre ou lutter, se compromettre ou garder ses idéaux mais abandonner sa terre ! Bouleversant de justesse et ne jouant jamais sur le sensationnel mais sur la précision du trait et la formule juste.

Dans le même registre, Les Bienheureux de Sofia Djama revient sur la « guerre civile » en Algérie. A l’occasion de leur 20 ans de mariage Amal et Samir (Sami Bouagila) sont confrontés à la question de partir de l’Algérie afin de s’accomplir (et d’offrir à Faim leur fils, un avenir) où d’y rester pour la transformer. Les jeunes, pendant ce temps tentent de vivre et de rêver entre les problèmes de la religion, le poids d’un état militaire et l’absence de perspectives. C’est un film qui parle de l’intérieur de la société, entre les guerres du passé (et surtout celle des années de plomb de la terreur « islamiste ») et l’absence d’un horizon porteur d’espoir. Magnifiquement réalisé pour un 1er film, il jette un pont entre des évènements que nous avons vécus sans les comprendre, entre le passé de notre colonisation et la monté de l’intégrisme sur fond de désorganisation sociale et d’absence de liberté couplées à la corruption !

Formidable et rafraîchissant (ce qui est un comble pour un film se déroulant dans un hammam !), A mon âge je me cache encore pour fumer de Rayhana confronte des femmes face à la domination de l’homme et de la religion dans le sanctuaire bien fragile d’un Hammam. Le drame fera pourtant irruption, encore un fois sous les traits d’un frère fanatique voulant venger l’honneur de sa famille souillée par une naissance hors mariage. Magnifiquement interprété par une pléiade de femmes toutes plus belles et pétillantes, le film est une lecture cruelle d’un monde dans lequel l’oppression religieuse et machiste impose son joug aux femmes, les prive des droits les plus élémentaires. Pourtant, dans la femme courageuse qui se bat pour exister et fume une cigarette comme un défi à l’homme, il y a l’espoir d’un souffle nouveau capable de changer le monde…

Une comédie pour achever ce tour de l’islam au cinéma. Sou Abadi propose avec Cherchez la femme, une parabole édifiante et humoristique sur le voile intégral. C’est l’homme qui se glissera sous ce voile noir qui cache afin de retrouver son amour, mis en cage par son frère de retour du Yémen avec des idées intégristes et une barbe de « barbus ». Sauf que le frère va tomber amoureux de la femme cachée sous l’homme au voile ! On rit, on sourit, on aime à la folie la déraison et l’humour du contre-pied. Une vraie et belle comédie qui lance des messages d’alerte et traite par le futile un vrai drame !

D’autres productions comme le superbe Jasper Jones de Rachel Perkins du Cinéma des Antipodes échappaient à l’étouffante problématique d’un Orient gangrené par la religion de l’intégrisme et la domination du mâle sur le bien ! Mais ce qui est étonnant et beau, c’est que tous ces films étaient réalisés par des représentants de cette culture et que quatre étaient portés par des femmes. Espoir d’une parole libérée capable de transformer le monde !
En attendant, une semaine de Rencontres Cinématographiques de Cannes, comme les promesses d’un monde qui change ! 

Voir les commentaires

Roman Polanski... L'ambiguïté et l'incertitude en miroir !

Publié le par Bernard Oheix

Ce titre, tiré d’une interview de Bernardo Bertolucci, et support de ma maitrise de cinéma soutenue en 1974 à Nice sur son oeuvre, (Bernardo Bertolucci, Etudes Cinématographique. 122/126), semble parfaitement adapté à cerner le dernier film de Roman Polanski. 

« D’après une histoire vraie » est l’adaptation à l’écran du roman éponyme de Delphine de Vigan. Et n’en déplaise à nombreux critiques qui font la fine bouche sur son ultime opus, le film fonctionne parfaitement et livre une parenthèse sur le bien et le mal particulièrement réussie. Une oeuvre très Polanskienne où la réalité et la fiction s’affrontent subtilement sans que l’une puisse prendre le pas sur l’autre.
Une écrivaine décidée à se livrer à un travail « fictionnel » en échappant à sa marque de fabrique (l’autofiction) qui a fait son succès, est en panne devant sa page blanche. Entre deux signatures de livres, elle tente d’accumuler dans des petits carnets, un matériel pour trouver l’inspiration et se lancer dans la rédaction de ce roman que tout le monde attend.
Sa rencontre avec une fan, elle même « nègre » sur des biographies d'artistes, de vedettes ou de personnalités médiatiques, va l’entrainer dans un jeu de séduction et de pouvoir où tout se dérègle. Les ingrédients qui vont gripper le quotidien sans aspérités de ses jours sont subtilement dévoilés, par petite touche, comme si rien n’avait d’importance. Pourtant, la présence de plus en plus envahissante de « l’autre » la coupe de son réseau, la rend dépendante puis victime de son bourreau.
Un séjour dans la maison de campagne vide de son compagnon en déplacement va crisper les évènements et déclencher une crise violente…
Mais la réalité est-elle aussi simple ? L’ «autre » est-il un leurre pour accoucher d’une oeuvre où un vrai personnage qui fait irruption dans sa vie pour l’empêcher de créer ?
Les deux lectures s’emboîtent parfaitement et tant l’une des hypothèses que l’autre sont plausibles au final dans une grille de lecture totalement ouverte et symétrique.
Il reste alors la superbe réflexion sur le travail de la création, sur les fantômes qui peuplent les nuits de l’écrivaine, sur le processus d’accouchement d’un livre, sur le rapport de dépendance à l’autre, sur la violence des sentiments et la perversité de la séduction. 
Tous ces thèmes que Roman Polanski a décliné avec tant de talent dans toutes les oeuvres qui parsèment une carrière où il ne s’est jamais trahi cinématographiquement parlant.

Comment ne pas être particulièrement touché par cette mise en abîme, ce glissement progressif de la normalité vers la déraison, cette peinture cruelle d’une solitude de la création qui ne peut se partager.

Peut-être que dans cet accueil mitigé, Polanski paye pour d’autres fantômes issus des nuits de feu d’un passé jamais cicatrisé et qu’un évènement a brutalement ravivé. L’explosion Harry Weinstein n’en finit pas de déclencher des vagues. En cela, son oeuvre sulfureuse renvoie bien à un présent particulièrement douloureux qu’il ne pourra jamais solder.
Mais est-ce bien une histoire vraie qu’il tente de décliner à l’infini ?

 

Voir les commentaires