Guy, Photo de Famille et Roulez Jeunesse !
Quelques films Français en cette chaude rentrée d’automne, une palette de bons sentiments et d’histoires pour mieux lire l’en-dehors. Une plongée bien de chez nous pour des émotions universelles ! Une façon de lire bien différente d’une industrie formatée au divertissement et qui fait honneur à ceux qui produisent, réalisent et interprètent les pages d’un 7ème Art à la Française !
Il y a tout d’abord un bijou d’intelligence et de finesse. Guy d’Alex Lutz qui part d’une idée profondément novatrice, un faux film de reportage devenant fiction. L’argument est simple. Un homme découvre à la mort de sa mère le nom de son géniteur, Guy Jamet, chanteur de variété qui a eu son heure de gloire et qui, surfant sur la vague de la nostalgie, se retrouve de nouveau sous les feux de la rampe. Vidéaste, il décide de le rencontrer sous prétexte de lui consacrer un film de reportage.
Il y a une mise en abysse de la réalité, fausses pistes permanentes entre le passé et le présent, l’être et le paraître, la vérité et le mensonge.
Alex Lutz joue lui même ce rôle d’un vieux « crooneur », plus vrai que nature, tant dans son aspect physique, que dans sa façon de s’exprimer, usé par les années, par ce regard de la gloire qui s’est posée sur lui. Il chante à merveille la ritournelle de ces années dorées d’une jeunesse envolée.
Le quotidien de ce chanteur devient du coup mystérieux, étrange, renvoyant au problème de la filiation, du rapport à la célébrité et au temps qui passe.
Dans le regard de ses fans, il y a toute la ferveur de ses admirateurs de toujours qui remplissent ses galas au nom d’un souvenir ému et viennent communier dans le souvenir.
Le film évite tous les pièges d’une redondance, renvoie parfois vers l’interrogation existentielle (Qui suis-je ? Qui puis-je ?), ouvre des pistes finement suggérées (le chanteur se doute-t-il de quelque chose dans certains regards interrogatifs ?). Bref, ce film, entre les lignes, dessinent le portrait d’hommes et de femmes à la recherche du temps qui passe, d’une parcelle d’humanité et d’un morceau d’éternité !
Tout aussi passionnant est Photo de famille de Cecilia Rouaud avec une distribution étincelante.
3 frères et soeurs, Vanessa Paradis gagne sa vie immobile, statue vivante dans les parcs de Paris, Pierre Deladonchamps en game designer autiste, Camille Cottin, la rage au coeur de ne pas réussir à tomber enceinte alors que toutes ses copines pondent allègrement (même la nouvelle jeune femme de son père !), se réunissent avec leurs parents, Chantal Lauby déchirante d’humanité et Jean-Pierre Bacri dans un registre plus sobre qu’à l’habitude, autour de la grand-mère qui ne peut plus vivre seule et veut « retourner » à St Julien, le lieu de leur enfance, pour y mourir. Derrière les déchirures de la vie, il y a, à fleur de peau, tous les mystères de l’amour et de la tendresse. Chronique douce amère d’une France de la confrontation des âges (4 générations coexistent), des familles où se tissent des liens que le temps écharpe, des ressentiments et de la générosité, de l’amour et de l’interrogation sur un futur qui nous guette.
Dans un registre plus mineur de la comédie mais d’une facture tout à fait honorable, Roulez jeunesse de Julien Guetta, un premier film avec Benjamin Roux en chef opérateur talentueux, sait naviguer entre les écueils de la facilité et les codes d’un genre, la comédie dramatique porté par un drame social. Alex, campé par un lumineux Eric Judor vit toujours chez sa mère en camionneur étouffé par son omniprésence. il rencontre au hasard d’une course, un fille allumée qui lui lègue en cadeau d’une nuit, trois enfants dont il va devoir s’occuper par nécessité. Entre la chronique sociale d’un Ken Loach et la comédie de moeurs à la française, le film oscille agréablement, cheminant vers les chemins de traverse d’un Tchao Pantin moins sombre et tourné vers l’espoir. C’est d’une facture intelligente et légère qui laisse augurer d’un avenir prometteur pour le réalisateur.
Reste une petite déception, Les Frères Sisters de Jacques Audiard. Si attendu, précédé d’une réputation flamboyante et d’une distribution exceptionnelle, ce film « western réaliste » étire sur deux heures les errements d’un duo de tueurs à la solde d’un « commodore » impitoyable traquant deux gentils allumés à la recherche d’un paradis à créer. D’où vient alors ce sentiment de longueur, cette impatience qui nous saisit dans les échanges sans fin entre le quatuor de bras cassés en butte aux hordes de tueurs lâchés leurs basques et la vie sauvage d’un Ouest en pleine conquête en ce milieu du 19ème siècle ! peut-être dans un trop plein d’images, de mots et de fureur. Bon, peut-être aussi dans une trop grande attente d’un « western à la Française ! »
En conséquence et malgré tout, vive le cinéma Français, si riche et vivant, si ancré dans la réalité et dans le rêve, dans l’ici et l’ailleurs, apte à nous transporter dans de belles histoires, de belles contrées, campé par des hommes et des femmes qui portent les drames et les joies d’une vie à construire.
Vive le Cinéma, Vive le Cinéma Français !