6 Oscars... sinon rien !
180 jours sans un cinéma pour nous ouvrir ses portes, le noir complice, l'écran qui s'illumine, le silence qui tombe et nous aspire... Bon, pas pire que la fermeture des théâtres, des salles de concerts, des opéras... mais quand même !
Et pendant ce temps, quelle mouche a donc piqué la prestigieuse Académie des Oscars ? Déjà, faire une remise de prix alors que les films ne sont pas sortis, la faire en virtuel et en plus primer des films géniaux à l'opposé du glamour ! La Covid a parfois de drôles d'effets !
Par contre, Donald Trump en Oscar du meilleur second rôle, c'est pas mal, surtout en sachant que c'est Joe Biden qui a la meilleure réalisation !
Mais parlons un peu de cinéma avec 3 films merveilleux : l'un se confronte à la fuite du temps et à la perte de la raison, l'autre filme l'errance suite à une vie brisée et le dernier dévoile ce que l'affaire Floyd a mis en lumière, le mépris des institutions pour une couleur de peau !
Nomadland, Le Père et Judas and the Black Messiah nous permettent (encore et toujours !) d'espérer du cinéma !
Nomadland de la chinoise Chloé Zhao a trusté le prix du meilleur film, de la meilleure réalisatrice et de la meilleure actrice... sauf pour la Chine qui a banni son nom de tous les réseaux sociaux ! Frances McDormand, suite à un accident de la vie, voit son présent exploser. Elle se retrouve dans un van en train de sillonner les routes aux paysages grandioses de l'Ouest américain, croisant des êtres qui, comme elle, soit par nécessité ou par choix, roulent et se retrouvent en une communauté d'errants avec ses rites, ses petits jobs, la solidarité, la chaleur d'un peu d'amour ! C'est l'Amérique des gens blessés magnifiquement incarnée par une Frances McDormand déchirante. Jamais misérabiliste mais toujours sur le fil du désespoir ! Un grand film sur les petites gens !
Le Père de notre (cocorico) Florian Zeller et un chef d'oeuvre de subtilité sur une trame dramatique. Sur un sujet ardu, la perte de ses facultés dû à l'âge, Zeller va introduire un élément introspectif grâce à la technique. En supprimant la mince frontière entre le réel et la fiction, entre une caméra objective et subjective, il oblige le spectateur à démêler le vrai du faux par ses propres moyens ! On rentre littéralement dans la tête embrumée d'Anthony Hopkins. L'acteur est poignant et rien que pour la scène finale il mérite largement cet Oscar d'interprétation. Un film à voir de toute urgence... surtout si vous commencez à chercher les noms de vos amis, à perdre les dates des évènements de votre vie, à comprendre que l'âge a entamé son grand travail de sape mémorielle !
Jonas and the black Messiah est un film qui fait penser à la trilogie livresque parue chez Actes Sud ouverte avec "Le Brasier Noir" de Greg Iles, un chef d'oeuvre sur le racisme aux États-Unis. Fin des années 60, les Blacks Panthers sont pourchassé par la police et le FBI qui manoeuvrent au mépris de toutes lois et des droits humains pour éradiquer la menace des activistes noirs qui tentent de défendre leurs droits et d'organiser un front uni contre le pouvoir blanc et les capitalistes qui les exploitent ! Sur fond d'un racisme inimaginable, d'une crise sociale, d'un intégrisme "blanc", un informateur est retourné par le FBI qui les conduira vers l'assassinat du leader de la branche de l'Illinois, Fred Hampton, abattu lâchement au milieu des siens en pleine nuit après avoir été drogué. C'est une oeuvre forte qui prend toute sa dimension dans le "-je ne peux plus respirer" de George Floyd, dans les relents d'un Trumpisme qui a réveillé les démons en toute connaissance de causes, dans le mépris et le rejet de toutes les différences et de l'aspiration de tout être à offrir un avenir meilleur à son enfant !
Voilà de quoi permettre d'espérer du rôle de la culture et du cinéma en particulier. Avec malgré tout une interrogation : pourquoi après tant de films qui s'engagent, qui traitent des évènements dramatiques, qui dénoncent, les Z, Nuits et Brouillards, Apocalypse Now, Du vent dans les Aurès et tant d'autres... pourquoi malgré ces cris humains, est-ce toujours les forces de l'obscurité qui l'emportent ? Pourquoi les hommes n'arrivent-il pas à juguler les forces noires à l'oeuvre dans la constitution d'un monde de terreur contre un monde d'harmonie ? Vaste interrogation que les récents évènements mettent au centre du jeu ! Si tous les racistes, les exploiteurs, les oppresseurs, les passeurs prédateurs, les marchands de sommeil, les ultras riches se donnent la main, que restera-t-il de nos espoirs ?
Alors, Marine future présidente ? Oh, réveillez-vous, le vieux monde peut nous mordre la nuque !