L'Arrivée du Train en Gare de... Nice !
Un nouveau projet en train de naître !
Plonger dans les racines de ce qui a structuré mon existence. Toute ma vie, le cinéma a été présent, comme un fil qui me reliait à la réalité. Ce n'était que justice après tout pour un enfant qui allait grandir dans la ville du Festival du Film !
Alors des émotions initiales devant la lanterne magique à la fréquentations des têtes couronnées du 7e Art, il va se passer du temps et bien des aventures !
Voici la première page de ce nouveau chapitre !
J’ai échappé une nouvelle fois à la surveillance de ma mère. Il faut avouer qu’avec mes 2 frères et tout le travail de la maison, elle a fort à faire. Il y a toujours un moment où je peux franchir la porte, traverser la petite cour et ouvrir les deux battants qui me permettent de pénétrer dans ma caverne mystérieuse ! Je me faufile dans le bruit électrique d’une musique et de mots que je ne comprends pas. Ce n’est pas grave ! J’ai l’habitude et même pas peur ! Je m’assieds sur un des fauteuils, mes pieds ballants dans le vide. Il fait noir, mais en levant la tête, je vois un pinceau de lumières qui jaillit d’une ouverture en scintillant.
Et quand je regarde devant moi, c’est l’illumination. Des ombres noires et des taches blanches, des silhouettes qui courent, des masses qui dérapent, des pleurs et des rires. C’est ma caverne secrète et j’aime m’y réfugier même si je ne comprends rien à ce qui s’y déroule.
Nous sommes en 1955 et j’ai 5 ans. Mes parents habitent un appartement de pauvres parce qu’on l’est ! Traverse Longchamps à Nice, derrière la rue de France. Deux pièces où l’on s’entasse, donnant sur l’arrière-cour du « Cinémonde », avec la cabine du projectionniste à laquelle on accède par un escalier métallique extérieur en face de notre entrée et l’issue de secours du cinéma barrée par cette porte à deux battants que j’ai appris à franchir discrètement.
Mais il y a toujours un moment où je sens une main me saisir pour me ramener dans la cour et tomber les reproches de ma mère, « -J’étais folle d’inquiétude, je t’ai dit de ne pas aller dans la salle tout seul, c’est dangereux ! » Frisson rétrospectif délicieux. Il faut alors que je promette de ne plus m’y rendre, ce que je fais en sachant pertinemment que, dès que je le pourrai, je retournerai dans ce monde d’une lanterne magique où rien n’est vrai, mais tout si réaliste…et que ma mère viendra de nouveau me rechercher !
Au fond, entre l’affolement des premiers spectateurs d’un art nouveau, qui se lèvent précipitamment et fuient devant une locomotive qui entre en gare de La Ciotat en fonçant sur eux, et mon attirance pour cet objet confus qui me fascine, il y a la même part de mystère, la même dose de magie qui échappe à la raison ! L’inconscience du public en ce 25 janvier 1896 devant ce film de 50 secondes n’a d’égale que mon jeune âge qui obère ma perception de la réalité, 60 ans plus tard ! Le spectateur est toujours prêt à être un grand enfant, moi, j’étais un petit enfant toujours prêt à être un grand spectateur !
En 1957, nous deviendrons un peu moins pauvres. Mon père troquera sa tenue de livreur en vélo dans une maroquinerie niçoise contre celle plus chamarrée d’un sapeur-pompier à Cannes, et nous déménagerons. Entre temps, j’avais appris à escalader cet escalier de fer, et le projectionniste m’avait ouvert les entrailles de son domaine. Des appareils qui grondent, de la pellicule qui défile, le contrôle par la lucarne, le point à l’objectif… même tout petit encore, je comprenais que derrière le mystère, il y avait la mécanique d’une technique bien rodée que des accidents pouvaient entraver, déchirure de la pellicule, charbons à changer en urgence…
Mais avec ce déménagement de Nice à Cannes, j’ai perdu ma cachette préférée : une salle de cinéma !