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Festival du film 2012 : avant le palmarès !

Publié le par Bernard Oheix

Mercredi 14 juillet.

Pour mon 20èmefilm, Tralala, on pouvait s’attendre au meilleur comme au pire de la part des frères Larrieu dans ce que l’on annonçait comme une comédie musicale avec une distribution d’exception : Amalric, Balasko, Mélanie Thierry, Maiwenn, Denis Lavant… Et avouons-le, c’est du côté du meilleur qu’ils nous entrainent dans ce conte d’un chanteur de rue qui se retrouve à la recherche de son diamant bleu, cette « sainte » qui lui demande « surtout ne soyez pas vous-même ». Il va se laisser porter au fil des mélodies d’une pléiade de compositeurs (Dominique A, Cherhal, Bertrand Belin, Daho, Philippe Katerine) dans un univers qui n’est pas le sien mais où on l’adopte comme un autre, à Lourdes, jusqu’à la grande scène finale. C’est frais et sympathique, un film que l’on a envie d’aimer.

Plus tragique le Blue Bayou de Justin Chon qui interprète le rôle principal. Un enfant Coréen adopté à 3 ans, a trouvé l’amour de sa vie en Kathy et élève l’enfant Jessica qu’elle a eue avec un autre. Mais ce père qui l’avait abandonnée revient dans la course et le fait qu’il soit un flic n’arrange pas leurs affaires. Tout va se dérégler jusqu’à ce vide juridique de la loi américaine qui a régularisé les adoptions des enfants depuis 1998… sans prévoir la rétroactivité pour ceux adoptés antérieurement. Et après la démonstration renouvelée de l’impunité des forces de loi, cet authentique américain sera expulsé du pays vers une terre qu’il n’a jamais connue ! C’est un film déchirant, (attention, larmes en prévision), sur un destin brisé, sur l’amour et le dévouement, sur la situation de ceux qui ne sont pas dans les clous et peuvent à tout moment, voir leur vie se dérégler sous les assauts de l’injustice !

Une longue liste de cas similaires avec photos et noms montre à l’évidence que cette histoire n’est pas la seule et que l’intolérance devant l’autre est bien le dénominateur commun des sociétés qui se replient sur elles-mêmes !

Julia Decournau avait fait fort pour lancer, son sulfureux, Titane : un pitch réduit à la définition du titane, deux photos étranges et le bruit d’un ovni en compétition. Et cela a marché au-delà de toute espérance, avec évanouissements dans la salle, spectateurs sortant épouvantés après quelques minutes de film… Et pourtant, avant toute chose, Titaneest un film remarquable, au scénario diabolique, avec un couple d’acteurs époustouflants (Vincent Lindon et Agathe Rousselle), filmé comme un opéra cruel et moderne. Car de la cruauté, il y en a profusion, dans les meurtres rituels d’Alexia tueuse en série, dans sa transformation en Alex le fils de Vincent, dans une scène finale impossible à dévoiler. Il y a du Rosemary’s Baby de Polanski, puissance trash, dans un monde d’après, où les rituels sataniques ont muté en orgie de sang et de métal, et cela fonctionne parfaitement. Un film à couper le souffle.

Asghar Faradi, cinéaste Iranien connu pour ses films attachants (Une séparationLe client), capable de nous dévoiler les dessous d’une société iranienne entre le passé et le futur, entre l’histoire et le possible.

Avec Un Héros il ne déroge pas à sa règle, sur les pas d’un homme emprisonné pour des dettes qui tente de sortir de l’ornière dans laquelle il se trouve. Lecture multiple, une vérité chassant l’autre, les certitudes devenant des hypothèses, et l’inexorable poids de ce paraître d’une société iranienne qui n’accepte jamais les parts d’ombres. C’est beau et fort, touchant et intriguant, bien dans l’esprit de ce cinéaste qui scrute ses contemporains sans jamais donner de leçons.

Après une matinée de discussions avec un critique Burkinabé (Hervé, sympathique en diable !), je fonce sur ma moto vers la salle de La Licorne, non pas par peur de ne pas avoir de places, pour cela aucun risque, mais pour ne pas rater le début de la séance et tomber sous les foudres d’une administration bien peu cinéphilique !

Las ! Encombrements aidants, le film Freda qui devait commencer à 12 h tapantes, me voit me présenter avec 6 autres retardataires à 12h04 ! Et je jure que c’est vrai, 4 mn de retard ! Mais les cerbères de l’entrée, intraitables, refusèrent de nous laisser entrer, et le responsable que j’invoquais en une ultime tentative nous fut irrévocablement refusé « -il n’y a personne ! ». Pascal Ainardi, mon ami Burgien cinéphile, dans la salle, m’attendait perdu au milieu de 80 spectateurs (dans une salle de 400 places !), et le film n’avait pas commencé ! Et quand bien même, un festival c’est aussi la passion, les incertitudes mais avant tout, l’amour du cinéma !

Cannes Cinéphile, le festival des Cannois qui devraient être heureux, cette salle, où Freda devait être mon 24èmefilm, où tout le monde se retrouve, où je campe comme un (vrai) cinéphile, obstinément close pour 4 mn de retard, crime impardonnable s’il en est ! Bravo et Merci aux responsables qui, non contents d’assister à un naufrage au jour le jour, se sabordent avec conscience sur l’autel de directives à faire respecter contre vents et marées à des spectateurs infantilisés que l’on traite comme des enfants mal éduqués !

Il a fallu donc attendre la séance de 15h pour reprendre le cours de mes projections, toujours avec si peu de monde dans la salle (j’étais à l’heure, cette fois-ci !) mais avec l’appendice énorme, gigantesque, d’un Mikey Saber, star du porno, en fond d’écran. Red Rocket de Sean Baker laisse un gout d’insatisfait. Dommage, le film plutôt intéressant se perd en route, trop long, mal fagoté, des digressions qui font perdre le fil de ce looser en train de rêver à un come-back. C’est désespérant, comme cette petite ville du Texas, noyée dans les fumées des usines, où l’espoir a depuis longtemps abandonné ses habitants qui ne rêvent plus… et le spectateur non plus !

Plus désespérant encore, Women do Cry de Mina Mileva et Vesela Kazakova où le parcours des femmes et filles d’une famille bulgare dans la tourmente d’une société qui se convulse. Entre le virus du sida, les amours lesbiens, les bondieuseries comme espoirs de rémission, le calendrier lunaire comme repère, entre le travail et la maternité, un cri déchirant qui résonne encore longtemps après le clap final !

Et la journée se terminera sur les Olympiades de Jacques Audiard sur un scénario de Céline Sciama, Léa Mysius et Jacques Audiard. Point de Tokyo à l’horizon, mais les barres d’immeubles du 13ème, le quartier chinois et la fac de Tolbiac. Dans ce Paris triste de béton, 4 personnages vont croiser leur destin. Émilie d’origine chinoise, Camille, un professeur de lettres noir, Nora une étudiante venue de Bordeaux et Amber Sweet une porno-star ! Les fils vont se nouer et se dénouer, les amours et les haines se conjuguer. C’est agréable, on ne s’ennuie pas, même si, dans ce noir et blanc du film qui correspond à la couleur des murs et à l’état des sentiments, une touche de couleur et de légèreté aurait pu être la bienvenue !

Dernier jour du festival. Haut et fort de Nabil Ayouch en compétition. Le rap marocain à l’épreuve des codes et de la tradition d’un pays musulman, les rapports hommes/femmes comme thermomètre de la violence faite aux femmes dans leur désir d’émancipation. Un professeur de l’atelier Rap, capitaine ô capitaine, va amener un groupe de jeunes d’un « centre culturel » à prendre conscience de sa force et de la nécessité de combattre pour soi afin de changer les autres. Un peu brouillon, parfois manquant de rigueur, le film, malgré tout, nous entraîne sur les chemins de l’espoir et force notre attachement. À voir, pour garder l’espoir envers ces jeunes qui nous offrent le meilleur d’eux-mêmes !

Enfin, dernier film en compétition et 28èmepour moi, France de Bruno Dumont où les portraits croisés d’une journaliste-star campée par Léa Seydoux, d’un pays en souffrance, le nôtre, et d’un système médiatique qui autorise toutes les manipulations mais permet aussi d’éclairer bien des aspects de notre culture et du rapport aux autres que nous entretenons. C’est réalisé avec beaucoup de soins et Léa Seydoux y est lumineuse. Quand à la bande musicale, elle est la dernière occasion d’apprécier le talent de Christophe qui colle au film avec des ambiances délétères.

Reste l’énigme du jury. Parmi tant de belles propositions, de films forts et engagés, d’images pétries de bonnes intentions… comment décerner des prix. Casse-tête dont nous aurons la réponse dans quelques heures !

Au total j’ai vu 16 des 24 films en compétition. Et comment ne pas primer Annette de Léos Carax, Benedetta de Verhoeven,Tout s’est bien passé de Ozon, avec un Dussolier gigantesque, Titane la surprise du Festival, Léa Seydoux pour sa composition ? Que des français me direz-vous, mais le cinéma national était à l’honneur en ce 74èmeFestival du Film. Alors il reste la surprise du chef, un film africain Lingui, les liens sacrés de Mahamat Saleh Aroun pour départager tout le monde ! Et les 8 que je n’ai pas visionnés pour me faire une surprise !

Mais s’il y a une Palme d’Or qui s’impose, c’est bien celle collective décernée à tous les fabricants du cinéma, cet artisanat devenu industrie, les producteurs, les réalisateurs, les acteurs, les techniciens, les sélectionneurs, et tous les responsables, à tous les niveaux, d’un Festival 2021 arc-bouté sur l’espoir d’une victoire contre la morosité et la pandémie !

Alors attendons les décisions du Jury et rendez-vous en mai 2022, on l’espère !

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Festival du film 2021 : Au fil des jours !

Publié le par Bernard Oheix

 

Et le Festival continue, toujours devant des sièges vides, mais pour le plus grand plaisir des rares spectateurs conquis par la qualité et la diversité des propositions multiples qui viennent éclairer l’écran.

En ce dimanche 11 juillet, 3 films au programme.

La Civil de Teodora Ana Mihai suit le parcours d’une mère dans un Mexique où les gangs, la corruption de la police et la peur règnent. Sa fille kidnappée, elle se lance à corps perdu dans une quête désespérée pour la retrouver. 1erfilm d’une Roumaine, c’est attachant, même si quelques longueurs et quelques facilités diluent le propos. Cinéaste à revoir mais qui laisse présager d’un bel avenir.

Plus convenu le Flag Day de Sean Penn. Les affres des relations d’une fille avec un père « mytho » qui s’invente une vie sans jamais coller avec une réalité qu’il fuit. C’est sympathique même si cela laisse quelque peu dubitatif !

Mais la vraie réussite de ce jour de Festival du Film reste la victoire à l’Euro de Foot de nos cousins Italiens contre une équipe de Brexiteurs insupportables de morgue et de racisme. Il n’est que justice que ce soit cette belle équipe soudée qui l’emporte, prouvant que la solidarité et l’amour du jeu peuvent vaincre le repli et la haine. Siffler l’hymne italien, même sans les oripeaux d’un nationalisme exacerbé, ou enlever sa médaille d’argent en un geste concerté, est une injure aux valeurs du sport et de l’amitié entre les peuples ! Justice a été rendue par nos vaillants transalpins au bout d’une séance de penaltys asphyxiante ! E Viva l’Italia !

Après une journée consacrée au cinéma… mais à Nice et sur un tout autre sujet, concernant mon Maître et ami Jean A Gili, dont je vous reparlerai en temps voulu, à 18h Salle de La Licorne à La Bocca, devant une centaine de personnes (un record !), A Résidence de Aleksey German Jr avec un nouvel uppercut au visage. Un professeur d’université qui a osé dénoncer le Maire de la Ville qui détourne et pille les fonds publics sans vergogne, en mesure de représailles, est accusé d’avoir volé des chaises lors d’une conférence, assigné à résidence avec un bracelet électronique, privé d’Internet et de Téléphone et l’état policier déploie toute la panoplie de ses mesures coercitives pour le faire taire. C’est Navalny, c’est toutes les victimes d’un système mafieux mis en place avec Poutine en chef d’orchestre, c’est la morgue des politiques, la peur des victimes et collatéraux, c’est la dictature de l’horreur sur l’intelligence !

Et le film est sublime, une lutte dérisoire contre le mal, des étudiants qui aiment ce prof mais ne peuvent l’afficher, sa mère qui meurt et à qui on lui interdit de rendre hommage. C’est l’absurdité de la force sur la primauté de l’intelligence, un combat sans merci où les doutes ne peuvent faire plier le porteur de lumières.

Il est indispensable de lui attribuer un prix spécial, cher Jury, une médaille du courage d’un or pas frelaté, pour un film qui démontre que l’avenir ne peut s’ériger sur l’injustice et la loi du plus fort. Et même la victoire en trompe l’œil du professeur ne doit pas occulter la nécessaire reconnaissance de ce combat pour la morale ! Et en prime, la réalisation est parfaite, l’interprétation d’une justesse troublante même si cela reste un film, un vrai film… Il faudra juste comprendre comment une société russe aussi cadenassée, a réussi à laisser passer à travers les mailles de son filet, un cinéaste aussi critique envers le système. Chapeau l’artiste !

Je serai plus critique sur Bergman Island de Mia Hansen-Love. Une belle distribution avec Tim Roth, un cadre magique, l’ile de Farö où Bergman s’installa et tourna 6 films, une idée séduisante mais un film qui patine, qui se perd et ne sait conclure… un peu à l’image de la réalisatrice, héroïne du film qui n’arrive pas à en trouver une ! Et de ce point de vue, le film atteint son objectif de nous laisser sur notre faim !

Mardi 13 juillet

Deux films Français se télescopant par les hasards de la programmation, deux compositions sur la violence, la drogue et la fin de vie, bien dans le thème de l’année !

Dans Mes frères et moi de Yohan Manca, une fratrie de la zone de Sète est arc-boutée autour du corps en fin de vie de la mère. Enfants d’immigrés, père mort, il ne reste que ce corps qui agonise pour les souder. Il y a les grands frères et le petit qui passe La Traviata à sa mère en souvenir de son père italien qui l’avait séduite en jouant cet air.

Sa rencontre avec une prof de chant dans le collège où il effectue des Travaux d’Intérêt Généraux (TIG) va être déterminante. Pendant que chacun vit d’expédiant (trafic de drogues, prostitution, livraisons de pizza…) afin de payer le traitement palliatif de la mère qu’ils refusent d’abandonner, le chant va apporter une lueur d’espoir dans la vie de Nour.

Dans Les Héroïques de Maxime Roy, un ancien junkie de 50 ans qui s’est sevré résiste aux tentations en tentant de survivre. Il vit avec son enfant adulte et s’occupe d’un bébé qu’il a eu avec une femme qui l’a quitté. Sans travail, totalement asocial, un groupe de parole est son seul lien avec les autres. Son père qui ne voulait plus le voir est en fin de vie et lui demande de l’aider à mourir… Il va replonger mais réussira enfin à sortir de l’enfer, trouver une formation et renouer les fils de sa vie pour se dessiner un avenir.

Ces deux films, auxquels il faut rajouter La Fracture de Catherine Corsini et Tout s’est bien passé de François Ozon dépeignent à l’évidence une société malade, gangrenée par un mal de vivre profond, où les valeurs traditionnelles tendent à s’effacer devant les rigueurs du quotidien et l’impitoyable morsure du tragique. Des œuvres fortes, magnifiquement réalisées, avec des interprètes excellents qui transcendent leur réalité, un almanach de la vie au jour le jour confrontée aux mirages de la mort et de la désolation.

Enfin, reste pour s’achever, un film de 2h 30 mn qui démontre que le malaise n’est pas qu’hexagonal. Kirill Serebrennikov ne sera pas présent pour la montée des marches, interdit par les autorités Russe de déplacement à Cannes pour défendre son film, La Fièvre de Petrov. Errance entre le rêve et la réalité, dans une Russie où l’alcool coule à flots, les protagonistes hurlent et perdent tout repères entre le vrai et le faux… ce qui arrive aussi aux spectateurs du film partagés entre une fascination morbide et une lassitude de la mécanique répétitive du procédé. Ce cinéaste qui nous avait ébloui avec Leto, n’arrive pas à retrouver la magie de son œuvre précédente, perdu dans un délire exaltant la folie russe et le paroxysme permanent des situations.

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Festival 2021 : 2è étape !

Publié le par Bernard Oheix

Ce vendredi 9 juillet est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du Festival du Film : 27 personnes pour un film en compétition à 12h dans la salle de 400 places de la Licorne à La Bocca ! Voilà bien la preuve, si besoin été, de l’inconséquence des mesures prises qui, en gros, chassent les vieux cinéphiles cannois dépassés par la complexité du système et la nature particulièrement répressive de la présentation des nouvelles mesures dont cette billetterie « on line » sur un site capricieux, chassent les cinéphiles de passage, non-accrédités, dans l’incapacité d’obtenir des places sur un site dédié n’offrant aucune options pour les séances de films en compétition de La Licorne, chassent le tout-venant qui pourrait désirer « voir un film » du Festival comme on observe un monument en détresse !

Pourquoi ne pas réagir et tenter de répondre au problème ? Pourquoi ces salles désespérément vides ne peuvent-elles décréter un moratoire dans l’exécution des nouvelles mesures en décidant, par exemple, une « entrée des dernières minutes » pour tenter de meubler ces fauteuils rouges des salles périphériques dans lesquelles le vide se fait tant ressentir ! Attention, dans une semaine, il sera trop tard pour rattraper le coup !

Mais la vie continue et les films, pour les rares spectateurs présents, continuent d’offrir des moments de rêve. C’est le cas avec Lingui, les Liens Sacrésde Mahamat Saleh-Haroun dont j’avais encensé en 2010, L’Homme qui crie.

Dans N’Djaména la capitale du Tchad, Amina survit en dépeçant des pneus pour fabriquer des objets d’artisanat qu’elle vend au long des routes. Fille-mère, abandonnée par un homme qu’elle aimait, rejetée par sa famille et la société, elle élève sa fille adolescente Maria qui se fait renvoyer de son lycée car elle est enceinte. Dans ce pays musulman, où l’avortement est interdit par la loi comme par la religion, elles vont tenter de trouver une possibilité d’avorter et régler leur compte, tant avec l’homme qui a violé l’adolescente, qu’avec une foi qu’elles rejettent pour s’émanciper et retrouver leur dignité. Ce film est un uppercut à notre vision occidentale bienséante, un hymne à l’entraide et la solidarité des femmes, un pardon pour les fautes du passé et une lucarne sur l’avenir de ces femmes qui déclinent leurs blessures dans le drame et le rire de l’espoir.

Pitié cher jury : ne passez pas à côté de ce film si engagé contre les forces obscures qui règnent, ne faites pas comme en 2014 avec la bande de Jane Campion incapable de saisir l’importance de Timbuktu en l’ignorant dans la remise des prix.

Un prix spécial du Jury est le minimum imposé pour cette œuvre filmée avec une immense rigueur, une esthétique « propre » dans une ville capharnaüm, des actrices parfaites, un montage fluide et sur un temps d’1h30 qui tranche avec les longueurs en vigueur ! Bravo à Mahamat Saleh-Haroun.

Bon, la série des bons films devait bien s’arrêter un jour ! C’est chose faite avec la 7èmepellicule, Julie en 12 chapitresde Joachim Trier que j’ai décliné en 8 pour aller reposer mes yeux et sur La Colline des Lionnesde la jeune surdouée Luàna Bajrami qui a écrit ce scénario à 16 ans mais prouve à 20 ans, que même si elle a du talent, l’âge n’excuse pas tout. Au travail Luana, tu as un bel avenir devant toi, il faut nous le prouver désormais en montrant un peu plus de rigueur et un peu moins de complaisance devant tes sujets !

Samedi 10 juillet : Une journée au paradis du 7è Art !

Que se passe-t-il en terre de cinéphilie ? Comment imaginer un tel foisonnement de qualité, dans des genres si différents et des univers si disparates. Du jamais vu à Cannes !

Cela commence avec La fracturede Catherine Corsini, en compétition. Un service d’urgences par temps de manifs et de répression policière. S’y croisent dans une panique générale, des « patients » normaux, des accidentés de la vie et des réprimés par les forces de l’ordre, tout cela au milieu d’une équipe soignante débordée, sans moyens et s’accrochant à la nécessité de sauver envers et malgré tout. Ce n’est jamais misérabiliste, bien au contraire, un humour féroce décape les scènes de tension. A noter les compositions de Valeria Bruni-Tedeschi, de Marina Fois et de Pio Marmaï qui portent sur leurs épaules ces respirations salutaires qui renvoient à la vie réelle. Et comment ne pas être éblouis par Aissatou Diallo Sagna, aide-soignante qui joue son 1erpropre rôle, tour de contrôle de ce service d’urgence qui craque de toutes parts, dont les plafonds s’effondrent et que les gaz tirés par des policiers envahissent. C’est un bijou de film social et cruel, humoristique et passionné, qui tend la main à toutes les déchirures. Un film d’allégresse sur un sujet brûlant à voir en urgence… mais pas dans ce service !

Mothering Sundayd’Éva Husson nous transporte dans les années 1920, dans une Angleterre Victorienne. Une belle servante devient la maitresse d’un fils de famille promis à une autre. Les drames passés (la mort des frères à la guerre) se répètent et le temps n’épargne personne. Le film oscille entre un conte en costume et une chronique de l’ascension d’une jeune fille vers la célébrité. Il y a du James Ivory dans cet univers peint par une Française qui respire l’air de ces 3 familles aristocrates unies par le deuil et les faux-semblants. La servante deviendra cette romancière à succès qu’incarnera, en un ultime clin d’œil, Glenda Jackson, l’immortelle Charlotte Corday du Marat/Sadede Peter Brook et l’amante passionnée de Music Loversde Ken Russel ! Un beau film émouvant et sensuel.

Oranges Sanguinesde Jean-Christophe Meurisse, présenté en séance de minuit est un formidable coup de poing à la bienséance et au conformisme. Hilarant du début à la fin, un rire franc et contagieux qui a embarqué la salle sans pouvoir s’arrêter !

Un fil ténu relie une palette de personnages : un vieux couple surendetté qui tente de gagner un concours de rock, l’avocat manipulateur d’un ministre des finances corrompu, une jeune fille en attente de son premier rapport sexuel, un détraqué sexuel qui se jette sur ses proies… mais tous les liens convergent vers un règlement de compte général où la morale sera sauve ! Les seconds rôles sont exceptionnels (Blanche Gardin en gynécologue, monumentale, Dedienne et les autres membres du jury du concours de rock, historique, un chauffeur de taxi odieux, fabuleux). Et de voir un prédateur sexuel dans l’obligation de dévorer ses propres couilles, préalablement chauffées au micro-ondes, n’arrive pas souvent, avouons-le !

Fou-rires garantis, déraison au service de la raison, Oranges Sanguinesest LE FILM à voir si vous avez le cafard et que la Covid vous traumatise. Il devrait être remboursé par la sécurité sociale !

Reste le Benedettade Paul Verhoeven, et un casse-tête de plus pour le jury dans son attribution de la Palme d’Or ! Les délibérations s’annoncent chaudes !

Virginie Efira intègre toute jeune un couvent dans l’Italie du XVIIéme siècle. Entre miracles et impostures, elle va découvrir les plaisirs de la chair dans les affres de son amour pour un Dieu tout puissant. Dans des décors sublimes, une image d’une beauté renversante, des acteurs et actrices incroyables (Lambert Wilson, Charlotte Rampling…), le film parcourt tous les chemins de croix d’une rédemption, dans le cauchemar d’une peste qui rôde, des jeux de pouvoir et de séduction. Lectures multiples à tiroir, aveuglement d’une foi qui oblitère la nature humaine, somptuosité des effets, grâce d’une bande son subtile… tout est réuni pour faire de Benedettaun prétendant à une Palme d’Or qui s’annonce particulièrement convoitée en cette année 2021. Et c’est tant mieux pour les rares spectateurs qui sont dans les salles de cette édition de tous les contrastes !

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Un Festival pas comme les autres !

Publié le par Bernard Oheix

On savait que cela allait être compliqué ! Nous sommes gâtés !

Après une année 2020 blanche, le déplacement en juillet et les nouvelles contraintes, tant sanitaires qu’organisationnelles, annonçaient des lendemains cinéphiliques difficiles.

Et c’est le cas, avec une organisation de réservation de places uniquement par Internet, sur un site de tickets en ligne, avec en corollaire ces heures de patience auxquelles il faut s’armer afin de vaincre une technique rétive, la défaillance des réseaux, l’absence de catalogues et j’en passe !

Mais la soirée d’ouverture eut lieu, Jodie Foster a été sublime, et l’Italie a gagné contre les espagnols le droit d’aller en finale de l’Euro de Foot !

 

Enfin ! J’ai pu assister le mercredi 7 à mon 1erfilm de l’édition 2021, dans la catégorie Cinéma des Antipodes, Palm Beachde Rachel Ward !

Bon, nonobstant une salle à moitié vide, un froid glacial dû à la climatisation, le film aurait pu me réchauffer avec sa pléiade d’acteurs incroyables… s’il n’avait porté sur les retrouvailles de vieux rockers dont deux ont des cancers, plus aucun ne peut avoir d’érection, et tous portent la croix d’un crépuscule de leur vie non soldée ! Glacial comme la température de la salle, une version trash de Mes meilleurs copains, 30 ans après et sans filtre !

Et on enchaîne avec Robuste de Constance Meyer, avec un Gérard Depardieu monstrueux et une actrice black phénoménale, agent de sécurité, Déborah Lukumuena, avec 50 personnes dans la salle, pour cette page blanche des derniers moments d’un acteur de légende, Gérard Depardieu en un Depardieu himself, confronté aux borborygmes de la fin de sa vie !

Au passage, effet Covid ou pas, on a déjà notre thème du Festival : les vieux ! Et le fait que je sois devenu un vieux cinéphile n’est pas pour me plaire, bien au contraire !

Dans des salles toujours désespérément vides, la journée continue avec l’évènement Annettede Léos Carax, le film d’ouverture en compétition. Pour ne pas déroger à sa réputation sulfureuse, il lui a fallut 9 années pour le concevoir après Holy Motors. Un ovni inclassable, uppercut assuré. Ni comédie musicale, ni film opéra, mais une œuvre de cinéma portée par deux acteurs possédés, Adam Driver et Marion Cotillard, avec la conjugaison sublimée d’une technique éblouissante, d’un scénario enlevé et un rapport permanent entre l’artifice et le naturel. À voir avec passion.

À 15h, film en compétition devant une assistance maigrelette de 80 personnes prouvant à l’évidence la réussite du nouveau système d’accréditation chassant les cinéphiles et les curieux des salles obscures. Nadav Lapid nous propose Le Genou d’Ahed, critique féroce de la société Israélienne et de la victoire des forces fascisantes qui régissent le quotidien des artistes et verrouillent toutes possibilités de libération et d’émancipation dans le pays. Un intellectuel, ancien membre de Tsahal, débarque dans une petite ville pour projeter son film. Il est en train de finaliser un scénario sur une chanteuse à qui les forces de police ont brisé le genou afin de la rendre impropre à se révolter. Le film est un collage sous amphétamines de scènes déstructurées, avec un acteur qui peut prétendre à la récompense ultime, et dérivant vers un final en apnée laissant entrevoir l’immense tâche de remettre un peu d’ordre dans la société Israélienne !

Reste, pour coller au thème de cette édition, Tout s’est bien passéde François Ozon. Un homme atteint d’un AVC demande à une de ses filles de l’aider à mourir. D’une grande actualité après la reculade du gouvernement incapable d’assumer la nécessaire adaptation de la loi Léonetti qui date désormais et fait que la France est un des pays les plus rétrogrades en Europe sur cette question.

Alors je me lance : une Palme d’Or pour cette œuvre majeure d’un réalisateur à la filmographie passionnante, et si d’aventure un autre film s’impose (on est qu’au premier jour !), assurément le prix de l’interprétation pour un formidable André Dussolier qui éclaire le film de sa prouesse d’acteur ! Et les actrices ne sont pas en reste (Sophie Marceau, Géraldine Pailhas, Charlotte Rampling), toutes en finesse et dans des partitions différentes. Le film, malgré l’intensité du propos n’est jamais dans le « pathos », bien au contraire, il oscille entre le tragique et l’humour, émaillant le cheminement vers sa libération finale de notes gaies ou de tensions salutaires. Et finalement, tout s’est bien passé pour l’équipe de réalisation comme pour les spectateurs !

Alors, après 5 films, des salles à moitié vides, un Festival à la recherche d’un équilibre précaire, l’incroyable richesse de ces films, de ces propositions toutes marquées du sceau de l’intelligence et de la complexité de la nature humaine nous laisse espérer de l’intelligence collective !

Le Festival continue donc ?

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