La jeune fille qui va bien : et vous ?
Bon, c'est pas la fête tous les jours !
Pour preuve ce débat pathétique pour les élections présidentielles, ces postures tragi-comiques où chacun court derrière les idées les plus extrémistes et le refus de l'autre en une surenchère nauséabonde.
Et il y a toujours Poutine, embusqué derrière sa ligne de front pour jouer le grand méchant loup du haut de ses centaines milliers de soldats et de son absence de scrupules.
Mais heureusement, il y aura eu cette belle unanimité autour des jeux olympiques les plus anti-écologiques de toute l'histoire, où les affaires de dopages (tiens, revoilà les russes !), de l'exploitation du sportif comme une chair à canon pour vendre son "China made in live" et tout cela avec la certitude que les Ouïghours continueront à crever dans l'indifférence polie de la diplomatie.
Ils sont devenus fous...
Mais il reste parfois, comme un éclair de beauté, la certitude du bonheur, un film, une pièce de théâtre, des porteurs de lumière pour nous rappeler que le génie existe encore et qu'il se niche dans notre culture pour s'épanouir et nous rendre plus intelligent, plus fort !
C'est le cas avec Une jeune fille qui va bien, le premier et particulièrement réussi film de Sandrine Kimberlain. On la connaissait comme actrice pouvant tout jouer, provocatrice et souriante, mais en passant derrière l'objectif, elle nous offrre une vraie sensibilité de réalisatrice, une femme pudique qui propose une vision particulièrement romantique de la tragédie d'une jeune fille dans les années sombres d'une France dirigée par "celui qui a sauvé les juifs français (sic)".
Dans une période non définie d'une France Pétainiste, sans jamais voir un uniforme allemand ni la tenue noire d'un milicien, Irène, jeune fille française dans la fleur de l'adolescence, rêve de théâtre et tente d'intégrer une grande école en passant un concours.
Entre deux amourettes, la disparition mystérieuse de son partenaire du concours, sa profonde joie de vivre dans un corps qui exulte le bonheur, elle va nous permettre de suivre un hors-champ dramatique où les signes du drame en train de se jouer sont bien présents.
Des voix allemandes d'abord, comme un rappel de ce qui est en train de se jouer, puis cet infamant "JUIF" en lettre rouge apposé sur les cartes d'identité française, la récupération de tous les postes et téléphones par l'état pour les empêcher de communiquer, jusqu'à cette étoile jaune qu'elle est obligée de porter comme le signe de l'abandon de toutes les valeurs humaines par un pouvoir féroce qui les désigne à la vindicte.
Pourtant, dans cette famille juive, il y a toute la diversité d'une France d'accueil. Le père haut fonctionnaire dans une administration qui pressant le drame en train de se dérouler, la grand-mère qui refuse de prier et de se plier aux diktats d'une loi qui est sensée les protéger, la religion, le frère que son grand amour quitte à l'apparition de cette sombre étoile...
Qu'à cela ne tienne, Irène vit pour le théâtre, trouve des substituts pour se maintenir dans la course, refuse le côté obscur de ce qui est en train de se jouer.
Mais le soir du concours, après avoir réussi son audition, dans la fête qui réunit les étudiants, c'est dans les yeux de sa partenaire que va se dérouler le drame. Deux bras engoncés dans une tenue noire vont l'enfermer pour le plus tragique des destins, celui d'un camp et d'un holocauste qui va la rattraper et sceller son destin.
Ce film est un hymne sensible au partage des valeurs les plus nobles et ne montre jamais, mais suggère l'horreur en marche. C'est un bijou d'humanité à l'heure où notre société rejoue les grands drames de l'antisémitisme et du jeu avec le feu des passions ignobles.
À voir de toute urgence pour nous rappeler à notre devoir de mémoire !
Il y a aussi le théâtre pour nous permettre de rire et d'exulter avec Panayotis Pascot... encore un d'ailleurs qui risque de devoir changer son prénom si le zèbre s'impose dans sa course à l'échalote.
Dans un spectacle créé en 2019 et 2 fois reporté mais qui arrive enfin à Cannes, dans une salle de La Licorne à La Bocca remplie à ras bord. Il nous entraine dans un show débridé où il va dévider le fil d'une histoire personnelle pleine d'humour et de tendresse. Plus qu'un one man show, c'est une pièce riche et dense qui joue sur la corde de la déraison en permanence pour déclencher le rire et l'émotion.
Des amours contrariés, des parents comme tous les autres, de l'incommunicabilité à l'acceptation de sa différence, de l'ami victime d'un cancer à la fuite du temps qui l'oblige à grandir, tout y passe pour le plus grand bonheur d'une salle chavirant dans des cascades de rire et qui le suit au fil de son jeu en déséquilibre permanent.
Bête de scène, il s'appuie sur un texte fort pour déraper avec conscience et amener le public à son point de fusion.
Panayotis, révélé par le "petit journal" et un grand monsieur de l'humour et régénère ce genre en lui donnant toute la force et l'énergie d'un bateleur au grand coeur.
Bravo Monsieur Pascot pour votre réelle performance et merci de nous avoir offert la possibilité d'une évasion et d'un partage revigorant.
PS : à noter, l'excellente première partie d'un Abderhamane qui rempli parfaitement son rôle de chauffeur de salle en dévoilant un talent qui promet pour la suite de sa carrière.
Voilà donc quelques raisons d'exulter et d'espérer. Le rire franc et ouvert, l'émotion à fleur de peau, la tendresse des sentiments comme une cure régénérative bienvenue en ces heures tristes qui s'illuminent parfois de l'aile du talent de l'humour et de l'amour.