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Cinéma et Rencontres : un peu d'histoire !

Publié le par Bernard Oheix

Les 35ème Rencontres Cinématographiques de Cannes proposent des films sélectionnés et primés dans d'autres festivals et des avant-premières pour un public de cinéphiles et pour les jeunes de Cannes. 

Nées en 1965, je me souviens encore de la présentation de Quand passent les cigognes dans les ors du vieux Palais des Festivals, un de mes premiers grands chocs de cinéphile adolescent. C'est monsieur Francis Legrand, un professeur de philosophie du Lycée Carnot qui en était le maître d'oeuvre avec Henri Vogel, un professeur d'anglais et quelques autres cinéphiles avertis. Ils avaient conçu ces RIFJ (Rencontres Internationales Film et Jeunesse) comme un outil pédagogique,  pendant du grand festival, afin permettre aux jeunes de Cannes de mieux comprendre le cinéma, avec des débats sur des films exigeants. Âge d'or de la cinéphilie, quand les fenêtres sur l'ailleurs passaient par les 24 images secondes d'un film qui se déroulait en créant l'illusion d'une réalité.

À l'époque, la cinéphilie était portée par les directeurs et anciens directeurs des MJC de Cannes. Jean-Pierre Magnan, Liliane Scotti, Jean-Robert Gilli, furent successivement, avec leur passion, les responsables de l'entité Cannes Cinéma naissante. D'autres animateurs comme Myriam Zemour, Josée Brossard et Erwan Bonthoneau prirent leur envol dans ce foyer de créativité avec une Paquerette Madre présidente attentive aux jeunes qui partageaient l'amour du cinéma dans une ville qui se façonnait autour du 7ème Art. Des ouvertures vers la critique avec des ateliers d'écriture, des stages et des ateliers étoffèrent l'action pédagogique des enseignants, définissant une nouvelle manifestation tournée vers la jeunesse de Cannes.

Mais le monde moderne avançant à marche forcée, la télévision s'imposait comme un vecteur qui dévoilait l'horizon et à la fin des années 80, le cinéma, sous l'impulsion de la petite lucarne, entrait en mutation. Les élus de la ville de Cannes décidèrent de moderniser ces RIFJ qui en étaient à leur 22ème édition en 1987, Les Rencontres Cinématographiques de Cannes naissant sur les décombres des RIFJ dans la période précise où je devenais Directeur-Adjoint de l'Office de la Culture de Cannes sous la responsabilité de René Corbier, me faisant de facto un des acteurs de cette mutation. Cruelle ironie d'un monde qui basculait dans la modernité et dont j'étais partie prenante bien malgré moi.

J'ai même eu le privilège de gérer ces Rencontres pendant quelques années, avant que Cannes Cinéma ne prenne son envol  gérant les manifestations du cinéma et le volet cinéphile Cannois du Festival International du Film. Par la suite, j'ai eu le privilège d'être membre du Jury (avec Nilda Fernandez, mon ami), et en tant que cinéphile, un spectateur assidu des projections.

Mais coincé entre un président attaché à sa gloire éphémère pendant les 15 jours du "grand" Festival, une directrice qui ne connait rien au 7ème Art et gère à la baguette les cinéphiles comme un troupeau de moutons, le règne d'un Internet souverain et sa dématérialisation imposée aux forceps sans considération pour ceux qui partagent l'amour du cinéma et sont désarmés devant la technologie moderne, il ne reste que les effluves passées d'un avenir de lumière : le cinéma se meurt de devenir une vitrine officielle en perdant son humanité et les salles se vident avec constance depuis que les directives nouvelles sont appliquées sans ménagement et sans égards !

Le passé s'enterre vite et si j'ai disparu des écrans et des listing d'invitations aux premières des Rencontres Cinématographiques de Cannes, je n'en reste pas moins un fidèle des films. En cette 35ème édition, les 6 oeuvres que j'ai visionnées dans la salle trop vide de la Licorne ont résonné comme les lames acérées de la fureur d'un temps où le monde perd sa raison pour se réfugier dans la peur des certitudes !

Et s'il ne devait rester que quelques images, alors courrez voir Divertimento de Marie-Castille Mention-Schaar, Saint-Omer d'Alice Diop, Petites de Julie Leray-Gersant et Youssef Salem a du succès de Baya Kasmi, 4 bijoux de films réalisés par des femmes cinéastes qui prouvent à l'évidence que le cinéma continue de muter et que les images ont encore un avenir dans un monde où la poussière du temps affronte l'arrogance des puissants !

 

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Tableau d'une exécution.

Publié le par Bernard Oheix

Depuis l'ouverture de la scène 55 à Mougins, avec sa magnifique salle de 600 places, René Corbier, le Directeur Artistique propose une programmation d'une extrême richesse, son goût sûr fait merveille et allie le jeune spectacle et les valeurs plus confirmées, les découvertes et les propositions sont multiples, faisant de ce lieu, une incontournable étape avec Antibes, Cannes et Grasse.

René Corbier, ex-directeur de la culture à Cannes, mon collègue et ami des années Palais des Festivals, cultive les amitiés fidèles, respectueux et toujours ouverts, bienveillant envers les artistes et créateurs qui lui rendent bien les soins qu'il a pour eux.

C'est à Cannes, à la représentation d'une pièce sur le Festival du Film (Cannes 39/90, une histoire du Festival par la compagnie Y dont je vous reparlerai) que nous nous sommes retrouvés et qu'il m'a proposé de venir découvrir une artiste, Agnès Regolo qu'il suit depuis des années et accompagne dans sa dernière création avec sa compagnie Du Jour au Lendemain : Tableau d'une exécution avec 4 jeunes comédiens de l'Erac (École Régionale d'Acteurs de Cannes) dans sa distribution.

J'avoue que je ne savais pas ce que j'allais voir mais un spectacle reste un moment unique de découverte et qu'il soit programmé par mon ami Corbier était une bonne motivation pour être présent en ce mardi 15 novembre à 20h30 dans la salle au moment où le rideau rouge se lève !

 

Le peech du programme : "Préférée à tous ses confrères peintres, Galactia est désignée par le Doge de Venise pour peindre la fresque monumentale célébrant la victoire des Vénitiens sur les Turcs (La bataille navale de Lépante au XVIème siècle)."

Pendant 1h30, nous allons être suspendus à une mise en scène éblouissante sertissant un texte sublime de Howard Baker, écrivain poète britannique encore vivant, qui interroge les rapports entre l'Art et le Politique, l'artiste et le pouvoir, la place des femmes et le pouvoir de l'image. 

Il y a une modernité dans cette pièce qui interroge le passé pour parler de notre présent. Galactia jouée par l'étonnante Rosalie Comby, porte sur ses épaules toutes les interrogations majeures de notre société contemporaine : le pouvoir et la culture, les rapports homme/femme, l'amour et la liberté, l'argent et la gloire, les convictions et les peurs. 

Les 8 comédiens évoluent dans un décor austère où chaque élément joue son rôle dans une fluidité surprenante : tables qui se transforment en scène, en prison comme en atelier de peintre, lumières ciselées à la perfection qui découpent l'espace, costumes sombres, accessoires minimalistes comme pour mettre en valeur le texte et le mouvement.

C'est du grand théâtre, une force incroyable qui suspend le temps et vous amène à des interrogations fondamentales sans didactisme mais avec sensualité, fait appel à votre intelligence tout en vous plongeant dans un univers d'émotions.

Bravo à toute l'équipe qui a réalisé cette performance sous la direction d'Agnès Régolo, une comédienne qui a été dirigée par les plus novateurs des metteurs en scène avant de devenir, elle-même, depuis 1997, une metteuse en scène avisée qui monte des pièces où la réflexion n'est jamais loin de l'émotion, qui sous l'aspect ludique parle de la noirceur de l'âme et de la beauté de la vie.

Et bravo à toute l'équipe de la Scène 55 qui prouve à l'évidence que l'on peut faire du grand théâtre dans un monde qui s'interroge sur ses propres errements et oublie parfois sa part d'humanité.

 

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