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Aucun Ours... mais un chef d'oeuvre !

Publié le par Bernard Oheix

Je m'en souviens encore, comme si c'était hier... Étudiant à l'orée des années soixante-dix, entrant dans une salle de cinéma de la MJC Gorbella à Nice, pour visionner le film d'un jeune réalisateur peu connu, Bernardo Bertolucci. Cette séance allait bouleverser ma vie et me donner l'occasion de prendre mon envol. Une maitrise de cinéma sur son oeuvre sous la direction de mon maître Jean A Gili dont une grande partie sera publié dans Études Cinématographiques, une maitrise de linguistique et un DEA de communication pour achever mon apprentissage, puis l'envol dans une carrière professionnelle où le cinéma sera toujours présent, jusqu'à la Direction de l'Évènementiel dans le temple du 7ème Art, ce Palais des Festivals de Cannes qui allait m'héberger pendant 22 années d'une vie de passions.

En ce samedi 7 janvier 2023, dans la nuit qui allait voir la mia mama partir en douceur pour une terre inconnue, je me présente au cinéma Raimu, petite salle de la MJC de Ranguin à la programmation remarquable que je fréquente avec assiduité pour un film d'un réalisateur iranien bardé de prix. Ours d'or, Lion d'or, Léopard d'or, une véritable ménagerie enchantée, Prix spécial du jury à Cannes après une caméra d'or pour des films fascinants comme Taxi Téhéran, Le cercle, Le Miroir, 3 visages... autant de perles serties dans un pays corseté par les interdits, la censure et la difficulté d'être un intellectuel épris de liberté dans un univers étranglé sous la botte des intégristes.

Jafar Panahi où l'intelligence et la sensibilité au service d'un Art humaniste.

Alors disons-le, quand je suis sorti de la salle, un demi-siècle après La Stratégia del ragno de Bertolucci, la même impression de vertige, la certitude d'avoir touché à l'essentiel sur les pas d'un réalisateur sachant allier la forme au fond d'une petite histoire ancrée dans une grande tragédie de la vie.

 

Le visage poupin de Jafar Panahi éclaire d'emblée l'écran. Le réalisateur joue le rôle d'un réalisateur qui télécommande le tournage de son film avec un assistant, par le biais d'un ordinateur trop souvent sans réseau. Lui, a fuit Téhéran et s'est réfugié dans une petite ville frontière, loin de la capitale, et son équipe de tournage a franchi le pas, exilée dans un pays riverain. Ce film qu'il tourne à distance parle d'un homme et d'une femme amoureux qui cherchent a fuir leur pays pour vivre leur amour dans la liberté.

On discerne dans l'entourage du réalisateur un village perdu confronté à sa présence inquiétante, source d'insécurité pour les habitants qui ont peur d'être sous le feu de la police à cause de lui. La réalité renvoie au sujet du film qu'il tourne dans une mise en abîme saisissante.

Il va parcourir ces chemins de traverse qui longent la frontière, lieu de tous les trafics, mais ne pourra physiquement la franchir afin de basculer de l'autre côté du miroir. Sa liberté ne peut se construire sur la fuite et le reniement de son pays, même s'il sort de quelques années de prison et que l'aile d'une justice aveugle peut s'abattre à tout moment sur le libre penseur qui filme la vie et s'interroge sur le temps présent. Alors il va continuer à télécommander le tournage, affrontant le filet qui se resserre autour de lui en apportant leurs nuages d'incertitudes.

Pendant ce temps, dans un décalage incroyable, les acteurs qui interprètent le rôle des deux jeunes amoureux se posent la question de fuir définitivement leur terre et leurs familles, troisième niveau d'une interrogation fondamentale : l'exil est-il la solution d'une vie rongée par l'interdit ?

C'est littéralement éblouissant techniquement, malgré des moyens limités, prouvant à l'évidence que le cinéma n'est pas seulement un Art de la démesure, bien au contraire, la fiction naissant d'une réalité triplement renvoyée à la vraie nature de ce que vivent les iraniens, les intellectuels et ces femmes prêtent à dénouer leur foulard pour crier leur révolte.

Jafar Panahi, lui, refuse de partir et sera emprisonné dans les geôles d'Evin, le 11 juillet 2022 à l'âge de 62 ans pendant qu'Aucun Ours obtient le prix spécial du jury à Venise. Les spectateurs du monde entier auront la possibilité de voir son oeuvre pendant qu'il croupit derrière des barreaux. Sa libération intervient le 3 février 2023, en pleine crise d'un régime à bout de souffle que les femmes viennent éperonner en dévoilant leur visage et en exhibant leurs mèches de cheveux.

Jafar Panahi, en plus d'être un très grand cinéaste est un grand monsieur... alors chapeau l'artiste, et continue de filmer tes bouts de misère pour parler de la grandeur de l'homme !

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1er janfévrier 2023 : enfin la nouvelle année !

Publié le par Bernard Oheix

En hommage à une Mama d'amour et de tendresse !

En hommage à une Mama d'amour et de tendresse !

Et là, je ne triche pas ! C'est bien dans l'eau à 14° d'une Méditerranée hivernale que je barbotte pour fêter, avec un décalage d'un mois, l'entrée dans une nouvelle année particulièrement chaude sur tous les plans, sauf bien évidemment, sur la température d'une eau de mer bien peu accueillante !

Le mois de janvier restera celui de la disparition d'une femme de bonté, un soutire d'humanité qui s'est effacé, emportant un torrent de souvenirs, 95 années d'une vie de maman où l'autre avait toute sa place dans son coeur, avec ses différences et son refus du racisme et du rejet.

Elle avait souffert à l'adolescence d'un rejet de la Paoletta Icardi qu'elle était, fille d'un immigré Italien à une époque où sur Nice, fleurissait un racisme violent contre les "ritals", ces "mangia polenta" qui sous la botte de Mussolini, imposaient leur alliance avec les nazis en rêvant d'un monde vêtu de chemises noires. 

Elle n'était que la fille d'un immigré qui envoyait de l'argent à sa famille pour élever ses frères accrochés à un lopin de terre près de Acqui-Terme où ils cultivaient la vigne afin de produire une Barbera qui atterrirait sur les tables du Piémont.

C'est à l'ainé de la tribu, Paolo, mon grand-père qu'étaitt échu le rôle de partir pour nourrir à distance, sa famille qui vivait chichement et savait ce que la faim voulait dire !

Étrange résonance avec ces migrants poussés par la misère, dérivant à la recherche d'un Eldorado, qui portent le devenir de leurs frères et soeurs dans leur acharnement à trouver du travail. 

La mama refusait le racisme et tous les extrèmismes, accrochée à sa mission de mère aux côtés de l'homme de sa vie, Gérard Oheix, afin de nourrir sa progéniture et les copains et copines qui déboulaient à sa table accueillante.

Reine de la soupe au pistou, elle avait le sourire généreux et une aptitude au bonheur ancré dans les rires de ses enfants.

Elle a vécu les 5 dernières années de sa vie dans un EHPAD à Cannes, heureuse d'une vie sociale et d'amies qu'elle savait enjôler ! À l'heure où ces établissements sont si critiqués, à juste titre quand le profit l'emporte sur le sort des pensionnaires, Les Gabres à Cannes prouve que l'on peut accueillir et choyer des anciens qui n'ont plus que le passé pour survivre et y trouvent un espoir de vie sociale et de bonheur.

Mais son temps était venu et juste avant que l'aile de la peur et de la douleur l'effleure, après le départ de sa grande et dernière "copine", Santa la corse, elle s'est endormie pour ne plus se réveiller.

Et ses 4 garçons et les cousins, quelques ami(e)s et les responsables de l'Ehpad se sont retrouvés pour lui dédier une dernière page définitive d'amour et de tendresse pour celle qui en débordait.

Et pendant la cérémonie au crématorium, je savais que je lui dédierai ce bain rituel d'une nouvelle année qui commencerait pour moi le 1 février 2023. 

1er janfévrier 2023 : enfin la nouvelle année !

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