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La Corse et Le principe d'incertitude

Publié le par Bernard Oheix

Samedi 15 décembre 2023. Nous traversons la Corse de Bastia à Ajaccio, par une route superbe, dans un soleil qui illumine les montagnes et accroche la lumière aux cimes enneigées. C'est la fin d'une semaine de plaisirs dans cette île magique, dans les repas de famille aux discussions alanguies, dans la chaleur d'une vie où tout semble plus simple, plus humain. La place Saint-Nicolas de Bastia, où les cafés se sirotent dans les incessantes rencontres de ceux qui ont toujours quelque chose à se dire, le vieux port en plein travaux avec ces voiliers se balançant au gré des flots dans une brise printanière et les terrasses qui débordent de rires et de voix chantantes.

Ce sont les amis que l'on retrouve plus vieux, avec des barbes et des rides mais qui renvoient au temps d'une jeunesse d'insouciance. C'est ma Corse, celle que j'ai épousée, il y a un demi siècle, et qui ne m'a jamais trahie même si elle m'a irrité trop souvent. Une corse du chant dans les mélodies des Muvrini et d'A Filetta, de ces concerts qui portaient l'espoir d'un avenir, du partage d'un Lonzo ou de Figatelli grillés délicieux arrosés d'un vin rouge de Patrimonio. C'est aussi et surtout l'espoir d'un monde à créer dans le tonnerre des armes que l'on veut plus juste, plus fraternel...même si la réalité nous trouvera si loin de nos idéaux !

Mais le temps des colères est terminé et les constats parfois amers n'ôtent point les rires du futur. La Corse, toujours rebelle comme un refrain qui berce nos attentes et s'alanguit de cette mer qui miroite à l'infini.

C'est aujourd'hui à Bastia que nous prenons la voiture pour rejoindre Ajaccio, passer à Corte accroché aux collines, boire un café à Ponte Leccia, grimper le col de Vizzavonne en traversant la fôret de Tattone et plonger vers la mer et l'anse des sanguinaires aux îles si mal nommées. 

Ce soir, c'est théâtre, et des retrouvailles avec notre fils, responsable de tournées théâtrales, qui présente une pièce avec Jean-Pierre Darroussin et Élodie Frégé au théâtre, et c'est complet, il n'y a pas d'incertitude !

 

L'anse du vieux port de Bastia, le vent du large !

L'anse du vieux port de Bastia, le vent du large !

Dans les frémissements d'une salle comble et attentive, le rideau se lève. Une femme étreint furtivement un homme sur un quai de gare. Elle est jeune et splendide, il est vieux et fatigué. Que cherche-t-elle dans cette approche incongrue ?

Toute la pièce va se dérouler dans ce tête à tête fascinant de deux acteurs d'exception. Lui, bourru, vieux, ayant perdu ses illusions et renoncé aux rêves d'un futur, elle, engoncée dans cet état de léthargie d'une femme inconnue, et qui l'aime, et n'est jamais la même, ni jamais une autre (air connu !).

Il va se laisser aller à ce vent de l'espoir, bien malgré lui, et de ces illusions perdues aux plaisirs charnels d'un corps de femme, peut-être retrouver l'espoir sans certitude d'un présent de volupté. 

Incertitude de cette attente d'une autre, incertitude de cet amour flamboyant contre nature, le couple va cheminer entre hésitation et fulgurance vers une destination inconnue !

Et c'est tout l'art de l'auteur de nous embarquer, sans jamais donner les clefs, sur ce radeau de la méduse des sentiments les plus intimes, quand aucunes règles ne peuvent définir la réalité d'un lien mystérieux entre deux êtres que tout sépare.

Une pièce magistrale d'ambigüité portée par un Darroussin plus que jamais héraut de son personnage, se confrontant à une Élodie Frégé qui capte la lumière et ne rend que le trouble de l'incertitude en pâture aux spectateurs.

La mise en scène de Louis-Do de Lencquesaing est ambitieuse et met en écrin les incertitudes des personnages. Et s'il ne devait se révéler qu'une certitude de cette heure et demie de dialogues et de silences, c'est que nous avons vécu un vrai moment de théâtre

 

Coucher de soleil sur les Sanguinaires...Ajaccio, la cité impériale au passé de légende !

Coucher de soleil sur les Sanguinaires...Ajaccio, la cité impériale au passé de légende !

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La danse sur un fil !

Publié le par Bernard Oheix

La biennale de Danse de Cannes changeant tous les 6 ans de Directeur Artistique, c'est désormais Didier Deschamps (pas le footballeur, l'autre, le danseur) qui s'y colle avec bonheur. Sa connaissance aiguë de cet Art, son carnet d'adresses, sa passion qu'il utilise dans la réalisation d'une première édition somptueuse, ont transformé Cannes et sa région où sont décentralisés des spectacles (La Scène 55 à Mougins et le Théâtre de Grasse en particulier) en capitale d'une danse qui sort des sentiers battus et permettent de découvrir des créateurs hors du commun.

Avec le soutien de Sophie Dupont et de son équipe de l'Évènementiel du Palais des Festivals de Cannes, le public a vécu 15 jours d'une plongée dans des spectacles que les chorégraphes inventent à la frontière de tous les arts, là où le geste, le son et l'image ouvrent des horizons sans limites.

Antoine Le Ménestrel sur le fil d'Ariane d'une danse du vertige !

Antoine Le Ménestrel sur le fil d'Ariane d'une danse du vertige !

Avec sa compagnie Lézards Bleus, Antoine Le Ménestrel perpétue ses étranges spectacles "d'allumeur de rêves". Ici, dans la ville du cinéma, au sein du Festival de Danse, c'est au film muet de 1923 d'Harold Llyod qu'il rend hommage, projetant des extraits du film (la scène de l'horloge) sur la façade du Cinéum pendant qu'il est suspendu, accroché à un filin, et que ses complices se contorsionnent en se poursuivent sur les arêtes du bâtiment construit par l'architecte Rudy Ricciotti.

C'est fascinant, 40 mn de haute volée, dans une nuit fraîche où les spectateurs lèvent la tête pour assister à la fuite d'un équilibre dans la recherche d'une sens profond. Le cinéma sur le cinéma dans une danse de la vie !

Et des coups de coeur, il y en aura de nombreux, tant la scène actuelle est riche d'une pléiade de nouveaux chorégraphes arrivant à maturité.

C'est le cas avec Into the Hairy de Sharon Eyal et Gai Behar. Sharon Eyal, issue du vivier de la Batsheva, tente avec son complice de créer une danse envoûtante, répétitive et désaccordée, comme pour enrayer la fuite du temps. C'est étonnant et le spectateur reste enfermé dans l'univers de bruits et de fureur d'un monde désaccordé.

Plus traditionnel mais tout aussi passionnant, le dernier ballet créé à Cannes en avant-première par le Ballet de Biarritz de Thierry Malandin : Les saisons. Encore un peu frais, mais porteur de belles émotions.

Recirquel,la compagnie hongroise, sera un des coups de coeur de cette quinzaine. Entre le cirque et la danse, sur le thème de l'amour, des acrobates-danseurs vont évoluer sur la scène comme dans les cieux, à la recherche d'une harmonie où chaque corps tente de fusionner avec l'autre dans une recherche perpétuelle de l'accord parfait. Sublime !

Et bien sûr, les dernières oeuvres de Keléménis et Cie, le collectif espagnol de Kor'sia, David Coria, une compétition de films sur la danse et des moments de partage avec le public assidu et passionné.

Le Ballet du Grand théâtre de Genève

Le Ballet du Grand théâtre de Genève

Et pour terminer la flamboyance de deux oeuvres du Ballet de Genève. Skid du chorégraphe Damien Jalt, ou une fois encore, le danseur va faire reculer les lois de l'équilibre. Sur un plateau incliné à 34°, des corps apparaissent surgissant du néant pour glisser vers le sombre d'une fosse, ils vont tenter d'organiser le chaos en refusant la gravitation. Glissades, enchevêtrements, chaines humaines et ruptures du sens. Un moment de force sans repères pour troubler l'ordre naturel des choses.

Et Fouad Boussouf avec Via va achever en trois tableaux cette déconstruction de l'univers. Le rouge où les danseurs sautillent dans un paroxysme de trémoussements, la bleu où le geste se libèrent et les corps se cherchent et pour conclure, le jaune ou les danseurs deviennent fluides et réharmonisent l'espace en créant le mouvement sans attaches.

Bravo à Didier Deschamps et à l'équipe de Sophie Dupont d'avoir réenchanté l'univers de la danse sur les scènes de la région. Une danse libéré des contraintes de la scène, dans la ville où Rosella Hightower créa son école pour la postérité et qui lui rend bien son amour du geste juste, libéré, bien loin des affres d'un monde plongé dans l'obscurité !

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