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Indignation

Publié le par Bernard Oheix

 

J’ai longuement hésité avant de publier ce texte. Mais ce blog est un espace de liberté, le mien avant tout, parce que je l’ai décidé et créé. C’est aussi le vôtre, parce que vous pouvez interrompre à tout moment votre présence en cliquant sur « end », voire répondre à mon texte dans la rubrique des commentaires. Je ne parle pas de politique, ou ce serait dans un sens si large que la grille de lecture ouvrirait sur des espaces infinis. Ce n’est pas une polémique autour de la libération d’Ingrid Betancourt qui m’a poussé à écrire ce texte, mais il s’agit bien d’humanisme, d’ouvrir les yeux sur la réalité, d’accepter nos imperfections pour remettre du sens dans la marche de l’humanité. Ma parole n’a de sens que parce que je décide d’ouvrir mon cœur, je vous livre donc mes états d’âme concernant cette indigestion d’une libération orchestrée par les dieux de la pub !

 

 

 

Voilà donc libérée la femme la plus célèbre des otages de la planète, on ne peut que s’en féliciter. Le sort d’une femme à qui l’on a dérobé six ans de sa vie ne peut que nous toucher.

Mais on va en bouffer des commentaires, des discours et des sourires béats. On peut être certain que cela va pleurer dans les chaumières, je vois déjà les yeux humides de la ménagère de 50 ans ! Qu’elle soit de la grande bourgeoisie, notable parmi les notables, avec une famille riche et des soutiens effectifs, des relais dans l’opinion, tant mieux ! Est-elle pour autant obligée de nous infliger une génuflexion et la prochaine bénédiction du Pape ? Pourquoi notre président campe-t-il comme un Artaban au siège de la victoire ? Cela a un fâcheux goût d’infirmières Bulgares, de récupération et d’autocongratulation. Oublié la pantalonnade de l’avion sanitaire, l’agitation vibrionnante d’un ministre Français des Affaires Etrangères, les discours de la méthode et les positions divergentes d’avec Alvaro Uribe, envolée la thèse de la négociation forcenée, de l’appui du sulfureux Chavez…Que la victoire est belle, surtout quand elle tombe si opportunément d’un ciel assombri par tant de nuages !

Reste un monde dans lequel on voudrait nous refourguer une nouvelle icône, une madone du courage, qu’elle est sans doute, mais dont l’utilisation sent la poudre aux yeux à plein nez !

Que fait-on pour les centaines, les milliers d’otages des Farc comme de toutes les autres organisations terroristes ou mafieuses qui restent derrière des barbelés et n’ont, comme défaut, que d’être pauvres et invisibles ? Que fait-on contre la forme la plus aboutie de l’esclavage moderne d’un ultralibéralisme qui conjugue l’oppression de l’homme au service de l’économie ? Ces millions de travailleurs immigrés qui triment 7 jours sur 7, dans des conditions indignes, sans aucune protection, bien au contraire, avec l’aval et sous la férule des autorités. Qu’ils soient Chinois, Pakistanais, Arabes, noirs, jaunes ou blancs, qu’ils viennent de quelques horizons que ce soit, ils sont des otages modernes, et eux, n’ont pas l’espoir d’une libération prochaine. C’est leur vie sur les chantiers des Emirats, dans les souks de l’Orient, dans les ruelles sordides de notre confort, qui est leur enfer quotidien !

Que fait-on pour les enfants soldats embrigadés dès leur plus jeune âge, à qui l’on apprend à tuer comme d’autres respirent ? Que fait-on pour les poupées Russe ou Moldave jetées sur les trottoirs de notre prostitution, otages de l’avilissement de la femme par l’homme pour une poignée d’€ ?

On a construit une société où les plus forts sont de plus en plus forts, où les riches sont de plus en plus riches, où ceux qui ont raison, ont raison contre tous les autres, et l’on voudrait nous fourguer une Jeanne d’Arc en barrage à la terreur !

C’est le monde qui est malade, malade d’égoïsme, malade de l’abus du pouvoir, de la perte de l’identité et des repères, de l’acculturation forcenée. Ce sont les mêmes qui sèment la mort par asphyxie à des populations entières en butte à la famine parce que la spéculation a gagné les cours des matières premières. Que les fonds de pension décapitent par leur exigence de rentabilité des pans entiers de l’économie, on trouve cela normal, c’est le capitalisme triomphant de ceux qui n’ont même plus en mains les rênes du travail, mais en possèdent les leviers pour se distribuer des dividendes. Que l’on massacre la planète en refusant d’ouvrir les yeux, que l’on ai créé les conditions des haines qui déciment des populations en Afrique, que le colonialisme se soit transformé en une oppression encore plus terrible dans des pays qui crèvent de faim pendant que leurs dirigeants corrompus croulent sous les richesses, que les flux avec les pays pauvres soient en défaveurs de ceux-ci, que la crise des « subprimes » soit soldée par les plus pauvres et pas par ceux qui en ont largement profitée et se sont constitués des trésors de guerre, à l’abri de toutes fluctuations…

Je ne peux avoir de commisération sélective, je ne peux imaginer que l’utilisation de la libération d’une Ingrid Bétancourt serve la juste cause des opprimés, des vrais, ceux qui sont nés pour être des esclaves et le resteront à jamais.

Alors désolé, Ingrid. Vos larmes sont touchantes mais n’assèchent que vos yeux, les miens sont ouverts sur des drames tellement plus terribles, où la vie n’a plus de valeur, où l’espoir ne peut renaître puisqu’il n’a jamais existé !

Et si nous décidions tous d’ouvrir les yeux, alors ce ne serait point des larmes qui en jailliraient, mais des rires, celui des enfants qui auraient enfin un avenir pour chasser leur passé de misère.

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E
Merci bernard, tu dis haut et fort et tu écris bien ce que nos coeurs ressentent.Mireillle
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G
Tout à fait exact !!! Bises et bien à Vous - Gaëlle (ancienne stagiaire)
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