Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pantiero show

Publié le par Bernard Oheix

 

La grand-messe de l’électro s’ouvrait dans les tourmentes d’un vent à décorner tout être affublé d’une prothèse infamante sur la tête. Un vent méchant, sec, avec des rafales à 70km/h, un soleil étouffant à brûler la peau, dessécher la gorge, un climat à maudire n’importe quel Festival pour ceux qui y travaillent. Nous sommes sur le pont depuis un mois et la fatigue est là, insidieuse, permanente.

 

Vendredi 8 août.

The Invisible ouvre le bal. Voix fausse, notes dans le vent, que dire d’un groupe dont on a rien à dire ?

Mouse On Mars remplaçant au pied levé Ladytron, le groupe allemand composé d’une percussion, d’un clavier et d’un mix offre une version déchirée d’un électro saturant jusqu’à la transe. C’est plutôt fort, hypnotique avec un jeu de lumières particulièrement réussi, taches colorées, éclairs zébrant la scène, halos fantomatiques. C’est un son gras qui remue, univers post-Kraftwerk d’une société atomique où la répétition débouche sur la pulsion ravageuse. Vagues sans temps morts, des lambeaux de sons qui viennent s’échouer comme si une scie découpait l’espace concret de nos sens pour les mettre à vif.

Archie Bronson Outfit. On les attendait, ils sont repartis. Entre-temps, un set qui laisse insatisfait. L’explosif s’est muté en pétard mouillé. Faute d’un son pas à la hauteur ? Mauvais jour… on ne le saura jamais mais les chants étranglés étaient aphones, les riffs tombaient à côté et le cocktail détonant s’est transformé en brouillon insatisfaisant.

Metronomy. Enfin un coup de cœur. Un rock désuet sert de base qui va être éperonné en un décalage permanent. Voix claires en canon, ritournelles détournées, rythmes sautillants, sons trafiqués pour donner une grâce à l’ensemble. Musique aérienne qui capte par la profondeur de son assise. C’est un groupe à écouter qui trouve sa modernité dans un rock classique en pointillé miné par des trouvailles sonores qui le transcendent.

 

Samedi 9 août. Le vent est tombé, la chaleur transfigure la nuit. C’est la grande foule, plus de 2500 personnes escaladent les escaliers qui amènent à la terrasse du Palais. Il y a de l’impatience dans l’air.

Dan le Sac vs Scroobius Pip.

L’un sort des séquences de sons en mix et des chants poétiques sur lesquels l’autre enchaîne avec un rap de scansion, tous les deux produisent un curieux mélange et ressemblent à des bûcherons venus du grand nord du Québec. C’est plutôt intéressant et leur univers contrasté ouvre la soirée sur une curiosité.

Ratatat.

Trio composé d’une batterie, clavier et guitares avec quelques petites machines pour corser les sons. C’est un rock décapant, ouvert sur toutes les influences, aérien. La rythmique lourde permet toutes les audaces et ils vont emporter le public avec des morceaux qui arrachent. C’est une version ouverte d’un rock sans attaches, quelques belles plages mélodiques émergeant d’un univers de fureur. Une des découvertes à l’évidence de ce Festival.

Antipop Consortium.

On attendait beaucoup de ce groupe mythique de la scène alternative New-Yorkaise des années 90. Après s’être séparés, ils se reforment en annonçant la sortie d’un prochain album. Ils ont déçu. Un son brouillon dans une course effrénée pour rattraper le temps perdu. Leurs enchaînements manquent de cohésion, leur hip-hop manque cruellement d’originalité. On peut avoir été grand et perdre sa magie. A(u) revoir.

Birdy Nam Nam.

Une table avec 4 platines pour mixer. Les 4 acolytes sont alignés et démarrent une plongée dans les hauts fonds d’un son ravageur. Je suis parfois sceptique sur l’accumulation des mix’ mais là, chapeau bas. Les sons travaillés à l’infini deviennent voix, les voix découpées à l’extrême se transforment en son, le rythme est étourdissant, hypnotique, chacun des DJ’s joue son rôle à la perfection et sculpte la matière sonore. La scénographie est en phase avec la pulsation qui prend au corps. Jeux de lumières, effets optiques, la foule se met à tanguer, les corps sautent. Ils vont, dans un rappel hallucinant, clôturer la soirée en laissant chacun ivre de cette vibration qui ouvre les sens au désordre intérieur.

 

Dimanche 10 août. Petite brise fraîche. Corps fatigués. Les heures commencent à peser sérieusement. Trop de cigarettes, marcher sans cesse, boire aussi parce que c’est la fête et que les rencontres sont des moments d’échange.

Sébastien Tellier.

Ouvrir à 20 heures avec la vedette médiatique de la soirée, j’ai connu mieux comme idée originale. Mais bon, le Directeur Artistique en a décidé ainsi et malgré nos avertissements n’a pas voulu en démordre. Tant pis. Après une conférence de presse très sexe (il faut rouvrir les maisons closes pour les adultes et en chasser les maladies !), il monte donc sur scène dans les feux d’un soleil couchant devant une poignée de personnes rapidement renforcées par ses fans qui déboulent en force pour sauver la face.

Que dire de Sébastiern Tellier ? Si ce n’est que le personnage est autant « frappadingue » que ses mélodies sont belles. Deux claviers, un batteur et lui à la voix, au piano et à la guitare. Ritournelle en tête de gondole, sexe et autres thèmes de prédilection comme la drogue, le refus du conformisme, un décalage avec le bon sens. L’univers musical est de qualité, sa voix disparaît dans les plages sonores des claviers mais ce n’est pas grave, elle est un des éléments de son univers et c’est plus son attitude qui porte le sens profond qu’il veut transmettre que le contenu de ses mots, partie intégrante de la musique. C’est un beau set avec un électro-rock élégant qui sait porter des coups quand il est nécessaire. Ses interventions éclairent sa volonté de briser l’harmonie, c’est parfois limite dans le bon gout, mais cela sonne souvent juste pour ce personnage de déglingue qu’il incarne avec les trippes.

Yuksek.

Un DJ aux sons violents, jonglant avec des plages subtiles pour enchaîner avec des rythmes lourds et efficaces. C’est un de ces DJ’s dont on reparlera dans les années à venir, qui ira dans les grandes salles des messes de l’électro des boîtes branchées pour une jeunesse dorée et pleine de fric. Il fait parti de cette touche française qui sait en découdre avec les anglo-saxons et emmener son public à se mouvoir en phase avec ses reprises exacerbées.

The Presets.

Des Australiens stars dans leur « bush », débarquant en Europe pour conquérir la scène de l’électro-pop. Il fait nul doute qu’ils ont un beau chemin à parcourir. Un batteur fou, un chanteur préposé aux machines avec des bandes qui tournent pour enflammer le plateau, cela donne un concert nerveux, un vrai rock qui embrase, porté à bout de bras par deux musiciens complices se livrant sans retenue.

SebastiAn.

DJ hors pair, hors catégorie, dans la rubrique des extraterrestres. Moi qui avais quelques réserves sur la nature même du rôle du DJ et sa place dans la musique actuelle, après Birdy Nam Nam et SébastiAn, je dépose les armes, me rends au verdict des baffles, des oreilles en feu. Vraie création sonore, jouant sur les contrastes, dérivant dans des sons « exotiques » où percent des mélodies connues, des airs de notre culture musicale pour s’enflammer à coups de beats rageurs et syncopés qui entraînent la foule à sa suite. SébastiAn, le timide, le calme qui rugit sur scène pour jongler avec les rythmes et offrir un son tribal au public déchaîné. C’est une belle révélation, la preuve, si besoin était, que l’excellence transcende les genres et qu’un DJ remixant la musique des autres peut aussi être un créateur à part entière. C’est le talent qui fait la différence !

 

Lundi 11 août.

Poney Poney

Bof ! Petits jeunes sympathiques au rock basique. Pas grand-chose à en dire si ce n’est qu’il fallait bien qu’un groupe ouvre la soirée…

Midnight Juggernauts.

Comme leur nom ne l’indique pas, ils arrivent d’Australie. Leur CD Dystopia est un bijou. Leur concert fut à la hauteur de leur réputation grandissante. Un rock fin avec une voix bien présente, des chœurs en canon qui viennent étayer le soliste, une base rythmique composée de batterie, percussions et basse, les guitares et claviers assurent un volume d’élégance. Il y a quelque chose d’un Dépéche Mode au tempo spidé, un air rétro injecté de futur, actualisé, avec des voix qui gémissent éperonnées par des glissandos de clavier, des refrains où hommes et instruments se conjuguent dans la recherche d’un rythme qui laisse le public en déséquilibre. Il y a de l’hypnotisme dans ces morceaux qui s’effilochent en rebondissant sur les arêtes d’un clavier omniprésent et omnipotent. C’est une vraie révélation du Festival, un des groupes qui maîtrise le mieux son univers musical et la scène ouverte aux étoiles d’un ciel d’azur.

Goose.

Le vrai coup de cœur du Festival. Un groupe de Belges qui débarquent avec la rage au corps. Ils sont quatre et investissent le public avec la délectation de ceux qui vont tout dévaster. Imaginez un rock, un vrai pop-rock au format traditionnel bien saignant et greffez ce rock sur des nappes sanglantes de synthé syncopé. C’est comme deux étages que vous vous prendriez sur la gueule. Les fondations parlent à vos tripes, la superstructure à votre tête. Entre les deux, tout disparaît, s’évanouit dans la foule en train de sauter en rythme. Les voix sont claires, dominent les riffs de guitares rageuses, surnagent au-dessus d’une batterie en contrepoint, et toujours cette vague sombre qui occulte les interstices, gomme les silences. Le rythme est simple et efficace, il écrase toute velléité de s’échapper de leur univers, il nous capture pour nous enfermer dans ses boucles sans fin à la puissance dévastatrice. C’est fort et c’est si bon !

Simian Mobile Disco.

Bon, on annonçait un extraterrestre, je veux bien. Mais comparé à la prouesse d’un SébastiAn, à la force d’un Yuksek, Simian reste en-dedans, jongle efficacement avec les sons, casse les rythmes, introduit des ruptures avec un brio qui confine à la facilité… comme si c’était un jeu sans enjeu. Cela reste très superficiel, clin d’œil pour affidés convaincus de son talent.

 

Reste les « afters » jusqu’à 4 heures, quand l’aube pointe son nez, un volume de décibels encaissés  pendant 4 jours comme si un 40 tonnes vous martelait la tête sans arrêt, trop de bières et de cigarettes, des rencontres aussi, journalistes de Libé et de France Info, artistes, fans, public.

Une équipe exsangue de foncer dans la nuit en enchaînant les manifestations (Nuits Musicales du Suquet, Feux d’artifice, Fiesta Flamenca et maintenant la Pantiero…), soutenue par nos stagiaires efficaces, belles et si passionnées. Les corps las, les membres lourds, combien de kilomètres parcourus ? Des rêves toujours  parce que la vie est si belle quand les notes de musique l’éperonnent pour y insuffler un sens caché. C’est ma drogue, elle est dure mais on aime s’y accoutumer, sentir le souffle du vent, savoir que l’on est dans l’œil du cratère, qu’il n’y a plus de repères, juste à côté de l’avenir !

 

Commenter cet article