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La glorieuse incertitude de l'art

Publié le par Bernard Oheix

 
L'industrie culturelle, forme ultime du rapport de l'art à l'économique, n'est pas un monstre froid paré de tous les vices dont l'art se libèrerait d'être déconnecté de son temps et de ses règles. Cette vision mécanique est à bannir même si l'on peut regretter que trop souvent des chefs de produits remplacent les directeurs artistiques au sein des quelques firmes qui se partagent désormais le marché de l'art vivant. Elle est aussi le produit de notre logique, d'un monde que nous avons créé, des règles que nous nous sommes données pour architecturer l'économie de l'art. A nous d'en repérer les failles afin d'introduire dans cet univers de la rentabilité, la notion du long terme en opposition d'un profit à court terme.
Pour l'industrie culturelle née sur l'expansionnisme de deux catégories de consommateurs dans les dernières décennies, les jeunes de moins de 25 ans et les ménagères de plus de 50, le problème est de placer sur des parts de marché, des offres qui se combinent et assurent un taux de pénétration maximum. Si la ménagère a des désirs mesurables d’une grande stabilité que l'on peut approcher par des enquêtes, il n'en est pas de même pour la jeunesse. Inventant le monde au jour le jour, déconnectés de la réalité, les adolescents et leurs grands frères détiennent des moyens conséquents prêts à être engloutis dans les concerts, au cinéma, dans l’achat de matériel audiovisuel... Ils introduisent toutefois un facteur aléatoire, une prise de risque inhérente en corollaire à leur aptitude au zapping, aux modes de consommation, à l’effet kleenex qui brûle aujourd’hui ce que l’on a encensé hier. Ils sont la grande inconnue des équations économiques dans les firmes capitalistes qui tentent de dompter le marché… même si leur absence de défenses permet une captation par l’effet mode entretenu par le levier pub.
 Le succès d'une "Star Academy" provient de la conjugaison du désir des jeunes, assimilation au statut de star/miroir (la réussite sans l’effort !) et de celui de la ménagère, le revival reflet de sa jeunesse passée et de ses émois d’antan. Il génère des profits colossaux, engrangeant sur le dos du consommateur mais aussi de l’artiste (confère son statut et les contrats signés à la sélection qui le dépossèdent de tous ses droits) des sommes astronomiques que le promoteur heureux détourne dans son escarcelle, inversant le rapport traditionnel entre l’artiste et son producteur. On connaît le nom de Gérard Louvain, le deus ex-machina de la « star’ac », qui se rappelle encore les prénoms des premières lauréats de l’Academy, version An 01.
Il est significatif par ailleurs que les artistes issus de cette télévision n’aient plus de noms mais soient revêtus de prénoms, comme s’il était inutile de les affubler d’un véritable patronyme puisqu’ils sont destinés à rejoindre l’ombre dont on les a extraits, dès la fin de leur épopée, dès que les sunlights s’éteignent… même et surtout si une poignée survit à la fuite du temps et obtient un succès de circonstance.
 L'échec d'un certain nombre de comédies musicales, après les triomphes de "Notre-Dame de Paris" et "Roméo et Juliette" démontre pourtant que la cause n'est jamais gagnée d'avance pour ces capitaines d’une industrie culturelle florissante et que, quels que soient les moyens investis et le niveau de compétence des managers, il reste une part non maîtrisable dans le montage d'une opération artistique, cette « glorieuse incertitude de l’art » qui nous laisse espérer que la mécanique des flux de l’argent de la culture ne sera jamais un long fleuve tranquille et viendra toujours perturber la règle du jeu qu’ils tentent d’imposer.
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G
            Je me permets d’émettre mon avis, peut être puis-je apporter une vision différente, plus au cœur de la « jeunesse », élément décrit comme instable, mais sûrement plus simple que ce que beaucoup de gens peuvent penser, sensible à la sincérité et ouvert à<br /> la différence. Bien<br /> entendu mes raisonnements sont davantage fondés sur l’intuition que sur l’expérience et ne sont surement pas parfaits.<br /> <br />  <br /> <br />             Il y a deux grandes tendances dans le choix de la jeunesse. <br />             Les artistes éphémères sont choisis par la publicité, pour les jeunes. Ils ne sont fondés que sur le battage médiatique et ne peuvent donc durer sans cet appui. Le lien entre le public et l’artiste, c’est la publicité, une relation indirecte. Lorsqu’un de ces artistes bancal disparaît, ce ne sont pas les adolescents qui ont choisi de ne plus l’aimer, mais bien les médias qui décident qu’il n’est plus aimable.<br />             La deuxième tendance est une relation directe, un lien sincère (et non promu par un tiers avide) qui perdure et n’est pas sensible au phénomène « mouchoir de papier » que vous évoquiez.<br />             Tryo, figure emblématique de l’artiste sous médiatisé, a su conquérir son public par l’honnêteté de ce qu’il donne et de ce qu’il produit. Ce groupe a laissé le choix à la jeunesse de l’aimer ou pas. Les jeunes ont choisi, ils aiment et le lien est solide.<br />             Ainsi, le public adolescent n’est pas si instable une fois que l’on a su distinguer les artistes choisis pour les jeunes, des artistes choisis par les jeunes. Il y a une réelle sensibilité et un attachement fort pour certains groupes ou artistes élus par ce public, qui sait rester fidèle si on parvient à gagner sa confiance.<br /> <br />  <br /> <br />             Concernant les comédies musicales, les échecs successifs ne sont pas dus à une part non maîtrisable dans le montage de l’opération artistique, mais bien à une erreur humaine. C’est l’effet de répétition, celui qui lasse, on ne remet pas 50 euros pour une catégorie si singulière, lorsque l’on a déjà vu deux fois un spectacle du même type. La faute en revient aux producteurs opportunistes qui veulent s’engouffrer dans la brèche ouverte par Notre-Dame de Paris sans prendre en compte qu’une comédie musicale est un genre particulier qui souffre d’une production trop forte de spectacles divers. <br />             Tout cela est relativement maîtrisable. Aujourd’hui, n’importe qui de tant soit peu lucide, sait que le nouveau Brandon ou Steven de la Pop star 12ème édition brulera sous les feux médiatiques avant de n’y laisser que ses cendres…<br /> <br />  <br /> <br />             Il me semble que cet aspect non maîtrisable n’est pas un effet du hasard mais provient de l’impossibilité humaine à gérer trop de facteurs (contrôlable un à un) simultanément.
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F
l\\\' ART en tant qu\\\'expression d\\\'un Idéal peut -il échapper à la grande bouChe du KitCsh ? Le Kitsch , grand usurpateur qui glane et colporte les  signes culturels afin de créer chez celui qui le regarde une certitude quant à sa signification s\\\'épanouit....<br /> le besoin est satisfait reste le Désir ...et l\\\'Artiste en quête de symbole n\\\'écoute pas le vide...il risque la chute ...il risque le rire ....mais il vole l\\\'âme du monde artifice et la mange sans la détruire...<br />
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