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Le festival du film de Cannes (2)

Publié le par Bernard Oheix

Je vous avais laissés un vendredi après-midi après une purge russe. Dans la foulée, une volée de cinéphiles a débarqué chez moi.  De l'Allemagne, de Corse, de Marseille, d'Avignon. Ils ont rempli la maison, dévoré les cartes d'invitation et dormi comme ils pouvaient dans le moindre recoin de la baraque ! Vive le Cinéma ! Petit détour par le stade pour voir Cannes-Clermont qui est entraîné par le beauf de Sophie et je termine la soirée à la Licorne, pour un dernier film. On est toujours vendredi 18 mai et les affres de la descente en CFA dévorent le « koop » cannois apathiques qui viennent de se faire passer 4 buts ! Tout le monde se fout du foot mais le club de Zizou peut-il plonger dans les abysses du ballon rond, réponse au prochain et dernier match de la saison !
 
22h. Héros. Réalisateur : Bruno Merle.
Patrick Chesnais a beau tout tenter (mais il passe presque la totalité du film attaché sur une siège et bâillonné !), Michael Youn en faire des tonnes, suscitant même parfois une émotion étrange dans ce rôle totalement décalé avec l'image qui est la sienne, mais que faire contre un scénario, un réalisateur et les dieux du Cinéma qui n'ont pas été convoqués au chevet de cette histoire absurde. Le thème aurait pu prêter à développement (le kidnapping d'un sosie d'une star de la chanson par un chauffeur de salle) mais quand tant d'à-peu-près règne, l'on ne peut que s'incliner devant le naufrage d'un bateau ivre dans un océan de prétention !
 
Samedi 19 mai
9h. Naissance des pieuvres. Réalisatrice : Céline Sciamma
1er film de la réalisatrice. Dans une piscine, un show de natation synchronisée réunit des jeunes filles. Il y a la belle qui se donne des airs délurés, la grosse qui est méprisée et la petite (son amie d'enfance) qui tombe en amour de la belle (l'ennemie) ! Eternel triangle où chacune chasse l'autre, où chacune cherche sa voie en blessant fatalement celle qui se trouve sur son chemin ! La recherche de cette première fois, de cet acte à accomplir pour libérer son corps de ses terreurs sera bien différente de l'une à l'autre. Un beau film sur les émois d'adolescentes, sujet éternel toujours magnifié quand l'art du cinéma permet d'infinies variations et que la sensibilité du réalisateur joue sur des actrices étonnantes de fraîcheur et de naturel.
 
11h No contry for old men (USA) Joël et Ethan Cohen
Depuis Fargo et The big Lebowski (c'est-à-dire au siècle dernier !), ils étaient éternellement attendus et n'avaient commis que des bluettes sans saveur (Ladykillers, Ô brothers...). Un roman de Cormac MacCarthy, une distribution de rêve et après avoir juste eu le temps de s'installer confortablement dans les superbes fauteuils rouges du palais, nous voilà immédiatement plongés dans un chef-d'oeuvre. L'Ouest Américain moderne, Tommy Lee Jones en vieux shérif blasé, un ancien du Vietnam qui tombe sur une valise de billets qu'il n'aurait pas du emprunter, un tueur sanguinaire (Javier Bardem, hallucinant) à la poursuite de tous ceux qui vont s'interposer, une bande de Mexicains basanés qui veulent récupérer l'argent... Le film se déroule tel un opéra western, une balade sanglante où la vie se joue littéralement sur un coup de dès, où la pitié n'a pas sa place. Les images sont somptueuses, le final étonnant, comme si l'histoire ne pouvait que bégayer éternellement ! Merci les frères Cohen, il était temps !
 
14h : Nos retrouvailles. David Oelhoffen.
C'est un 1er film de la Semaine de la Critique. Jacques Gamblin, un homme de la nuit raté, petit truand sans envergure, au crépuscule de ses espoirs, va renouer avec son fils qui fait la plonge dans un restaurant et vit sa solitude comme une transition obligée vers un avenir incertain. Il va peser de ces retrouvailles pour l'utiliser dans un coup forcément foireux. Le fils ira jusqu'au bout du possible, sauvant au passage la vie du veilleur de nuit avec lequel il avait dû sympathiser pour récupérer des informations sur les systèmes de gardiennage. Dans l'échec minable de ce casse sans envergure où rien n'a fonctionné, il va se libérer de cet amour paternel et la dernière image inverse le champ des rapports père/fils. C'est le père qui s'accroche une ultime fois à son fils pour se donner du courage. Il n'y a plus alors de mystère, juste deux individus qui devront continuer leur route séparément, le père vers la fin programmée d'un ratage, le fils vers un monde où il lui faudra trouver sa place, libéré de toute attache ! Pour un premier film, c'est une belle réussite, avec quelques longueurs malgré tout qui appesantissent la dynamique d'une belle histoire d'hommes !
 
19h30. Savage Grace. (USA). Tom Kalin.
Barbara Baekeland, actrice fantasque, a épousé le non moins original Léo, petit-fils de l'inventeur de la bakélite (le plastique !). L'histoire de leur couple orageux se déroule des années 50 aux années 80. Le couple vit en Europe, essaime les stations balnéaires et entraîne leur fils dans une vie dissolue où la drogue et l'homosexualité sont des expériences de vie qu'aucune limite ne restreint. La mère abandonnée par le père qui part avec la fiancée du fils, va se réfugier dans les bras de celui-ci, entretenant une liaison incestueuse qui mènera au meurtre et au suicide. C'est un sujet particulièrement scabreux abordé avec beaucoup de doigté par le réalisateur qui évite les scènes de voyeurisme. Julianne Moore est très convaincante, la distribution impeccable. Un film plutôt réussi dans une reconstitution d'un esprit « libertaire » des années 60 (vous savez, cette période qu'il faut gommer de notre histoire !!!) où tout semblait autorisé !
 
Dimanche 20 mai.
9h. Magnus (Estonie/Grande-Bretagne). Réalisation : Kadri Koussar
La fée nicotine s'est penchée sur les fonts baptismaux de cette histoire sombre à souhait. Anticomité de tourisme, le réalisateur s'efforce de filmer tout ce qui est glauque en Estonie. Les mères sont des maquerelles, les femmes des prostituées qui postulent à travailler en Allemagne à la demande de leur mari, la soeur est lesbienne, le père trafiquant de drogues est un self-service de produits illicites pour son fils et pour couronner le tout, celui-ci avait une maladie des poumons qui le condamnait mais a été sauvé par un nouveau médicament... pour pas longtemps puisqu'il va enfin se suicider pour terminer le film ! Bon, vous avez compris, on ne rigole pas tous les jours chez nos amis Baltes !
 
Parenthèse dans le festival. De temps en temps, je travaille aussi, même un dimanche ! Ma mission, et je l'ai acceptée, faire les empreintes des stars (vous savez, l'anecdote de Kim Basinger dans les histoires vécues du blog !). Me voilà donc avec Nadine et Cynthia pendant les répétitions de la fête du soixantième anniversaire qui a lieu ce soir. Une vingtaine de cinéastes sont réunis. J'ai les yeux qui me sortent de la tête. Wim Wenders, Cimino, Loach, De Oliveira, Wong Kar Waï, Kitano... ils sont tous là. J'accroche mon « Dieu » vivant, Roman Polanski est obtient un autographe, je coince Jane Campion dans l'ascenseur pour la même punition. Finalement, la moisson de mains sera petite mais rien que pour Gus Van Sant, le voyage valait le coup. Au dernier moment, ils sortent par le hall alors que nous étions backstage, je rattrape in extremis Tsaï Ming Liang  et je rentre avec plein de soleil dans les yeux. On ne se refait pas !
 
17h Boarding Gate. France. Réalisation : Olivier Assayas.
Bon, ça parle français, anglais et cantonais. On va voyager. Asia Argento est sublime, elle a des seins merveilleux. Pour le reste, une longue exposition de rapports sado-maso entre l'héroïne et son ancien amant qu'elle recontacte, débouchant sur un meurtre, contrat d'un commanditaire inconnu, des trahisons à la pelle, de l'exotisme, Hong Kong plus vrai que nature, des poursuite, du sang... mais l'histoire dans tout cela. Ha ! oui ! Le truc qui s'appelle scénario et qui s'écrit avant. Bof, filmons, il en restera toujours quelque chose !
 
22h Breath (le souffle) de Kim Ki Duk. Corée du Sud.
Invitez Bataille, Sade, Genet et Georges Orwell dans une prison de Séoul. Donnez-leur un réalisateur qui sait ce que filmer veut dire, rajoutez-y des acteurs troublants et beaux, mettez-le produit fini en compétition... Cela donnera un film trop intelligent, trop beau pour être palmé ! Une véritable oeuvre dérangeante et engageante. Une femme trompée va sublimer sa détresse en devenant la maitresse d'un condamné à mort qui tente de se suicider. Elle lui fait vivre à chaque visite une saison différente sous l'oeil d'un directeur de la prison dont on ne voit que le vague reflet sur les écrans et qui peut interrompre le jeu à tout instant. L'histoire riche, sophistiquée mais étonnamment limpide s'avance sans à coup, dans une fluidité qui est l'exact contraire des sentiments survoltés des protagonistes. Tout est symbole, tout est lecture intérieure d'une réalité à décrypter... mais comme pour les grandes oeuvres qui marquent l'histoire du cinéma, tout est si naturel dans cette réorganisation du chaos que l'on a l'impression de comprendre de l'intérieur chaque élément d'un puzzle qui nous dépasse !
Voilà, l'authentique souffle universel du cinéma n'est pas prêt de s'éteindre avec des réalisateurs comme Kim Ki Duk !
 
 13 films depuis le début du Festival...Je continue mon marathon de celluloïd, on parle avec les amis des films visionnés, on échange dans ces attentes des impressions sur les opus proposés et des souvenirs de vieux combattant. On retrouve des cinéphiles et amis que l'on ne voit que pendant le mois de mai, pendant le festival. C'est une vraie fête païenne dédiée à un dieu qui se tapi au fond des salles obscures, celles que la clarté d'un film illumine du sceau du génie, du talent d'un message universel que rien ne peut entraver ! Vive le 7ème art !
 
 
 
 
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