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Le grenier de la mémoire 44 : Oheix versus Giuliani !

Publié le par Bernard Oheix

À l'heure où les ravages de la covid19 semblent s'estomper, après 43 articles plongeant dans les racines de ma mémoire, la retraite se dessinant à l'horizon de ma vie professionnelle, comment ne pas évoquer la Directrice Générale du Palais des Festivals, Martine Giuliani, avec qui j'aurai travaillé plus de 10 ans ? Des années vécues sur le fil d'un rasoir, entre la passion et la tension, les crises et les moments de bonheur, la haine et l'admiration !

Elle avait débarqué dans le sillage de l'élection de Bernard Brochand à la Mairie de Cannes en 2001 et son "duo" avec David Lisnard à la Présidence de la Semec, constitua le ferment d'une période riche, intense, contrastée.. où le pire pouvait côtoyer le meilleur !

 

Quand la nouvelle équipe s'installe au début de ce millénaire, un travail de fond a été largement entamé par leurs prédécesseurs... L'extension du Palais, gigantesque chantier mit aux normes nouvelles ce "bunker", offrant des possibilités largement renouvelées aux festivals et aux congrès (tous les dérivés des Midem Organisation, le TaxFree, le film pub...) qui remplissent le calendrier en apportant des dizaines de milliers de congressistes au fort pouvoir d'achat. La Direction de l'Évènementiel était en ordre de marche avec 4 saisons derrière elle, la Direction Financière sous l'impulsion de Michel Lefrancq fonctionnait avec rigueur et le plan pluri-annuel négocié avec la Mairie était un socle de développement solide. Les services techniques étaient composés de personnels compétents, connaissant leurs missions et les accomplissant avec professionnalisme.

Tout n'était pas rose, loin s'en faut, mais une base existait qui ne demandait qu'à se constituer en ciment d'un outil qui était le coeur vivant de l'activité économique de la ville de Cannes !

Et c'est là que David Lisnard et Martine Giuliani interviennent.

Je connaissais la nouvelle Directrice Générale car j'avais travaillé avec elle en plusieurs occasions, notamment sur "Les Nuits Blanches" du Suquet. Mes rapports avec la responsable du Casino Barrière installé dans une aile du Palais avaient été plutôt cordiaux. Elle contrôlait régionalement tous les casinos de la chaîne du Sud-Est. Arriver à s'imposer dans ce monde de la nuit "macho" était bien la preuve d'un caractère affirmé ! Sa réputation de "dame de fer" la précédait et elle en jouait avantageusement ! Son premier geste fut de rapatrier son homme-lige, Bruno Desmaret à la DRH qui avait cruellement besoin d'un cadre d'expérience, de recruter quelques Directeurs clefs à sa botte (Sécurité, Technique, Achats) et de remettre de l'ordre dans l'organisation interne en expulsant assez rapidement de l'organigramme quelques "gêneurs" afin de se constituer une garde rapprochée lui obéissant au doigt et à l'oeil.

Femme de pouvoir qui en jouissait, femme d'action qui ne reculait pas, femme déterminée... avec en corollaire, une tendance avérée à ne pas pouvoir se remettre en cause, à revenir en arrière, à reconnaître ses erreurs !

D'entrée, elle avait supprimé les réunions hebdomadaires réunissant tous les directeurs pour les remplacer par des entretiens individuels où elle recevait dans son bureau chaque responsable à la merci de son pouvoir  absolu.

Ainsi, tous les jeudi de 11h à 12h, dans mon cas, j'allais "à confesse" dans l'intimité de son sanctuaire où elle pouvait m'infliger des remarques cinglantes et humiliantes du ton d'un maître qui tance son petit élève, où elle débinait soigneusement tous mes collègues, où elle tissait sa toile en divisant pour mieux régner ! Plus de 400 réunions pendant cette dizaine d'années où j'appris à "subir ses foudres" tout en construisant des stratégies sophistiquées pour faire passer mes dossiers. J'ai cultivé l'art subtil de lui présenter des options de telle façon qu'elle ne puisse laisser échapper un "-non !" rédhibitoire, qui aurait enterré immédiatement toute discussion sans espoir de retour. Une fois qu'elle prononçait ce non, elle ne pouvait plus revenir en arrière et revoir sa position, c'était plus fort qu'elle !

Heureusement, le domaine de la culture n'était pas vraiment son obsession et elle ne brillait pas par une présence assidue aux spectacles !  J'étais aussi aidé dans ma stratégie par l'autre pôle du triangle, le Président Lisnard qui lui, avait un goût prononcé pour la musique, et avec qui je discutais intensément de mes choix.  Je jouais ainsi subtilement, du duo des décisionnaires, pour me dégager un espace de liberté réelle sur le terrain de la programmation ! 

Un exemple type de nos rapports ! Lire la note manuscrite de MG du bas et mon mail de réponse ensuite !

Un exemple type de nos rapports ! Lire la note manuscrite de MG du bas et mon mail de réponse ensuite !

Et pour vous, en prime, ce petit bijou d'échange ! 

Le contexte : Les Concerts de Septembre 2008. Je termine ma programmation en mars et je la présente, comme de juste à Giuliani et Lisnard. Je commence le jeudi 25 par une soirée Salsa Latin Bronx (Los Fulanos feat Joe Bataan/Mercadonegro feat Alfredo de la Fé). Le 26, j'enchaîne avec les enfants de Django et Thomas Dutronc et le 27 Eon Megahertz et l'inclassable Iggy and the Stooges. Et pour conclure, un dimanche, ma soirée fétiche de "songwriters" avec Suzanne Vega et Yves Simon que je vénère !

Evidemment, c'est sur lui que vont tomber les foudres de la mère Tape-Dur...

Pour preuve :

Le grenier de la mémoire 44 : Oheix versus Giuliani  !
Le grenier de la mémoire 44 : Oheix versus Giuliani  !
La soirée fut un triomphe, la salle pleine et Yves Simon, écrivain-chanteur, dont c'était le grand retour sur scène, embarqua tout le public dans ses ballades pleines de sensibilité tout en ressortant quelques "vieux tubes" (Au pays des merveilles de Juliette, J'ai rêvé de New York, Amazoniaque !). J'étais plutôt satisfait de mon coup et elle n'est jamais revenue sur ce concert même si je lui ai tendu la perche plusieurs fois avec gourmandise !

La soirée fut un triomphe, la salle pleine et Yves Simon, écrivain-chanteur, dont c'était le grand retour sur scène, embarqua tout le public dans ses ballades pleines de sensibilité tout en ressortant quelques "vieux tubes" (Au pays des merveilles de Juliette, J'ai rêvé de New York, Amazoniaque !). J'étais plutôt satisfait de mon coup et elle n'est jamais revenue sur ce concert même si je lui ai tendu la perche plusieurs fois avec gourmandise !

Pourtant, derrière la femme forte, le dragon de service, il y avait aussi quelqu'un qui pouvait être attachant, sensible aux drames humains et soucieuse de la santé des autres. Intelligente certes, brillante même souvent, elle avait une vraie vision à long terme de sa mission et une capacité hors norme de mettre en oeuvre des projets ambitieux. Le relooking du Palais des Festivals et le passage aux normes ISO sont deux beaux exemples qui restent de son passage... même si elle a complètement raté la rénovation des "mains de stars" et son potentiel touristique sur le parvis, ce qui est vraiment dommageable !

Entre nous, on alternait les moments de complicité et ceux d'extrême tension. Et cela passait souvent par l'écrit, aussi bien pour l'un que pour l'autre. Un vrai ping-pong épistolaire se concluant par un "-Ce mail n'attend pas de réponse" auquel je répondais systématiquement... bien évidemment !

Et comme un lien mystérieux, l'humour et l'ironie qui nous réunissaient souvent, et désamorçaient les grenades que l'on s'envoyait avec constance !

Je suis persuadé qu'elle avait de l'estime pour mon travail mais qu'elle savait que je ne pouvais entrer dans le moule de ses serviteurs zélés. Je ne lâchais rien, tant sur la programmation où je n'ai jamais cédé après ses rares interventions, que sur la défense du personnel et le rôle pivot de l'équipe qui m'entourait !

Mail à lire de bas en haut, symptomatique de la violence des mots que nous pouvions échanger à fleurets mouchetés !

Mail à lire de bas en haut, symptomatique de la violence des mots que nous pouvions échanger à fleurets mouchetés !

Après un de ses "scuds" coutumiers, ma réponse non moins cinglante !

Après un de ses "scuds" coutumiers, ma réponse non moins cinglante !

A l'heure du bilan final, je suis  satisfait d'avoir travaillé avec Martine Giuliani, même si la conclusion de nos relations sera des plus complexes... mais de cela nous reparlerons plus tard dans un prochain article sur ma Direction Artistique des Nuits Musicales du Suquet, post-retraite, assurée à sa demande et se terminant dans une certaine confusion, avec une Giuliani se situant du mauvais coté de la force !

Même si j'ai eu des moments particulièrement difficiles (confère le jour où elle m'a viré de son bureau après une algarade où je l'avais poussée dans ses ultimes retranchements et où je pensais recevoir dans la foulée ma lettre de licenciement !), j'ai eu aussi de grandes joies et la satisfaction de tirer le Palais et ma Direction vers le haut, d'aller jusqu'aux limites du possible quand nous étions en phase !

Je n'ai jamais remis en cause ses compétences, tout au plus regretté qu'elle manque de souplesse et d'empathie ! Elle restera une grande énigme pour moi, capable du meilleur parfois, mais utilisant des méthodes manquant si cruellement d'humanité trop souvent !

Allez Martine G, on déjeune ensemble quand tu veux, on a encore des choses à se raconter et quelques rires à s'étouffer... de travers !

 

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Le grenier de la mémoire 43 : Série mortuaire !

Publié le par Bernard Oheix

Et la liste des artistes morts en champs d'honneur de mes écrits continue de s'allonger !

Avant-hier, jeudi 11 juin 2020, je suis à mon bureau en train de travailler sur un article. L'idée  m'est venue de proposer un bilan final des plus de 3000 programmations réalisées, un "Hit Parade" personnel, mon "best off" dans les catégories Musiques, Musique Classique, Théâtre, Animations, Danse et Grands Spectacles. Vous l'aurez bientôt ce billet...

Devant la pile des programmes de mes "Saisons Culturelles", je feuillette chaque sommaire à la recherche des pépites du passé  et note consciencieusement les élus !

Il y en a au moins un qui aurait sans doute apprécié que je n'ai pas cette idée et que je ne rajoute pas son nom à la liste théâtre !

Rare était les spectacles que je sélectionnais sans les avoirs vus ! Pourtant, quand j'appris cette création en tournée de l'Ecole des Femmes de Molière, je n'ai pas hésité une seconde. J'ai pris mon téléphone et j'ai calé une date, le 23 mars 2002, salle Debussy (1000 places) avec la certitude de faire un "bon coup" !

Le texte déjà, un Molière classique et j'essayais toujours d'en avoir au moins un à chaque saison. La distribution était encore inconnue mais le nom de Marcel Maréchal était en soi, le gage d'une certitude et, cerise sur le gâteau, non seulement il signait la mise en scène mais en plus il faisait partie de la distribution !

Aucune hésitation donc et j'étais fier de cette date où une légende du théâtre viendrait occuper, l'espace d'une soirée, le coeur du public Cannois.  

Le grenier de la mémoire 43 : Série mortuaire !

Marcel Maréchal était le représentant d'une génération née pendant la guerre qui  allait transformer le théâtre.

Au début de sa carrière, il monte des auteurs contemporain (Jacques Audiberti, Louis Guilloux, Jean Vauthier) qui deviendront ses amis. Il voyage sans arrêt entre Paris et la province, fondant le Théâtre du VIIIème à Lyon en 1968 puis La Criée à Marseille en 1981.

En 1995, avec sa compagnie, il récupère le Théâtre du Rond-Point à Paris qu'il restaure.

A partir de 2001, il prend la responsabilité des Tréteaux de France et va sillonner l'hexagone à l'image d'un Molière dont il a toujours été un admirateur fervent.

Couverts de prix, auteur de livres, acteur à la personnalité incroyable, il a côtoyé les plus grands artistes et s'est forgé une image d'homme ouvert sur le siècle, en prise avec l'histoire en mouvement, visionnaire dans ses choix et transmetteur de flambeau !

Ma génération ne pouvait que se reconnaître dans ce grand frère de la culture, un fou du roi pour ceux que les chaînes étouffaient !

Le grenier de la mémoire 43 : Série mortuaire !
Une délicieuse dédicace avant de monter sur les planches de Cannes. Une discussion passionnée par la suite, où sa "luminosité" rendait les autres plus intelligents !

Une délicieuse dédicace avant de monter sur les planches de Cannes. Une discussion passionnée par la suite, où sa "luminosité" rendait les autres plus intelligents !

Et voilà donc le parcours de Marcel Maréchal qui s'achève ! Ce vendredi 12 juin, j'ai appris son départ définitif pour des joutes oratoires éternelles avec ses copains qui brûlaient les planches et inventaient au jour le jour, un théâtre à la rencontre des hommes et femmes avides de comprendre le monde.

24 heures après l'avoir inscrit dans mon best-off en bonne place, il rejoint le panthéon de ceux dont l'art de vivre à modifié le théâtre et donné des lettres de noblesse à toute une génération d'auteurs et d'acteurs !

Merci Marcel Maréchal et merci pour ce bref moment du 23 mars 2002 où ma vie à rencontré un être de lumière !

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Le grenier de la mémoire 42 : poses en images !

Publié le par Bernard Oheix

Le grenier de la mémoire 42 : poses en images !

Bon, cela doit être (un peu) vrai ! C'est mon équipe qui, pour mon départ à la retraite, m'a offert ce livre, montage de photos où quelques visages connus posent avantageusement... avec et/ou pour moi ! 

Parmi les innombrables artistes accueillis, la plupart passaient comme de beaux rêves éveillés, deux chemins qui se croisent sans lendemain. Avec d'autres par contre, par la magie de rencontres improbables, de circonstances fortuites, d'évènements bizarres, un lien se nouait, éphémère bien sûr, mais tellement réel qu'il donnait à ces moments, une valeur inestimable. Une histoire en or dans le livre d'une vie en coulisse des grands artistes ! 

Nina Hagen en train de me déclarer son "amour", Bireli Lagrène, un vieux complice du Festival de Guitare, Nigel Kennedy, heureux d'avoir explosé le conformisme classique des Nuits Musicales du Suquet et Richard Gotainer avec qui je vais nouer de vrais liens d'une amitié qui perdure !

Nina Hagen en train de me déclarer son "amour", Bireli Lagrène, un vieux complice du Festival de Guitare, Nigel Kennedy, heureux d'avoir explosé le conformisme classique des Nuits Musicales du Suquet et Richard Gotainer avec qui je vais nouer de vrais liens d'une amitié qui perdure !

Louis Bertignac sympa même s'il ne le montre pas toujours, Maria Joao Pires, dans mon jardin, pour se détendre, elle fera une sieste chez moi et, rassérénée, m'offrira en retour un concert sublime, Goran Brégovic, sans mariages ni enterrements, juste un peu de joie de vivre, Marthe Villalonga une néo-cannoise avec qui je vais nouer des liens d'amitié (elle habite à 200 mètres de chez moi ce qui est pratique pour prendre un café à l'impromptu), Jean-Claude Rapin, un guitariste devenu membre de ma famille, et Najib Guerfi, un chorégraphe hip hop venu des banlieues pour se retrouver, par la grâce de son talent, en pays de paillettes et champagne !

Louis Bertignac sympa même s'il ne le montre pas toujours, Maria Joao Pires, dans mon jardin, pour se détendre, elle fera une sieste chez moi et, rassérénée, m'offrira en retour un concert sublime, Goran Brégovic, sans mariages ni enterrements, juste un peu de joie de vivre, Marthe Villalonga une néo-cannoise avec qui je vais nouer des liens d'amitié (elle habite à 200 mètres de chez moi ce qui est pratique pour prendre un café à l'impromptu), Jean-Claude Rapin, un guitariste devenu membre de ma famille, et Najib Guerfi, un chorégraphe hip hop venu des banlieues pour se retrouver, par la grâce de son talent, en pays de paillettes et champagne !

En noir et blanc, dans ma magnifique chemise de circonstance, au Festival de Guitare où Rudy Roberts, Denis Chambers, Pat O'May, Stuart Hamm, Jonathan Moover posent entre 2 jam's ! Et sur ce tapis rouge de toutes les convoitises, mon amie, la photographe Chiara Samughéo et la sublime Claude Cardinale !

En noir et blanc, dans ma magnifique chemise de circonstance, au Festival de Guitare où Rudy Roberts, Denis Chambers, Pat O'May, Stuart Hamm, Jonathan Moover posent entre 2 jam's ! Et sur ce tapis rouge de toutes les convoitises, mon amie, la photographe Chiara Samughéo et la sublime Claude Cardinale !

La belle et fascinante Surya Bonaly au jury des Feux de Chantilly, un débat animé du côté de St Gervais avec Mylène Demongeot, France Dougnac et Marc Simenon. La dernière photo est toute particulière. La saga de la venue d'Arno. Il a fallu 3 tentatives pour qu'il atterrisse enfin sur Cannes et que l'on puisse partager un bon plat de spaghettis à la Norma chez Marie, ma voisine, un soir de concert exceptionnel... et sauvé de justesse !

La belle et fascinante Surya Bonaly au jury des Feux de Chantilly, un débat animé du côté de St Gervais avec Mylène Demongeot, France Dougnac et Marc Simenon. La dernière photo est toute particulière. La saga de la venue d'Arno. Il a fallu 3 tentatives pour qu'il atterrisse enfin sur Cannes et que l'on puisse partager un bon plat de spaghettis à la Norma chez Marie, ma voisine, un soir de concert exceptionnel... et sauvé de justesse !

Comment ne pas terminer sur Sir Paul McCartney lui-même. Un 2ème Beatles dans ma panoplie d'autographes ! Il était un invité du Festival du Film et nous nous sommes retrouvés en train de lui écraser les mains dans la glaise ! Manifestement, cela a l'air de lui plaire !

Comment ne pas terminer sur Sir Paul McCartney lui-même. Un 2ème Beatles dans ma panoplie d'autographes ! Il était un invité du Festival du Film et nous nous sommes retrouvés en train de lui écraser les mains dans la glaise ! Manifestement, cela a l'air de lui plaire !

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Le grenier de la mémoire 41 : L'été à la plage ?

Publié le par Bernard Oheix

Les saisons culturelles s'enchaînaient, longues à souhait, démarrant fin septembre pour finir en avril au rythme épuisant d'une quarantaine de spectacles et de 4 festivals (Danse, Musique Classique, Marionnettes, Jeux). Après le mois de mai et son Festival du Film où la Ville s'ouvrait au monde entier, une nouvelle période de deux mois et demi complètement folle débutait ! Le temps de la plage n'était pas propice à bronzer en lézardant du côté de Cannes en cette fin de millénaire quand on travaillait à l'Évènementiel !

 

C'est avec la Fête de la Musique du 21 juin que les hostilités démarraient ! Une fête se déroulant sur une dizaine de lieux dont un grand plateau sur une scène aménagée sur le parvis du Palais où je me faisais plaisir  en testant des groupes et des artistes que l'on retrouvera souvent dans les saisons culturelles ou dans les Concerts de Septembre (Tekameli, Michael Jones, Omar Pene, Aston Villa, Enzo Avitabile, Manau, Darko Rundek et Cargo Orkestar...). 

Après ce baptême du feu,  en juillet, Les Nuits Musicales du Suquet et Le Jardin des Contes investissaient l'extérieur, sans compter un Village d'été des Jeux en extérieur comme un miroir de l'hiver.

Et cela sans oublier sur ces 2 mois, une compétition pyrotechnique qui drainait 150 000 personnes à chacun des 6 feux d'artifices en compétition avec en prime, un concert en clôture de soirée sur le parvis du Palais des Festivals destiné à fluidifier les départs qui engorgeaient les routes en provoquant des bouchons gigantesques. Je m'amusais vraiment sans contraintes en proposant Les tambours du Bronx, Sally Nyolo, Vocal Sampling, Orange Blossom, Vincent Absil et Contry Journal, les Espoirs de Coronthie...

Et pour corser un tout petit peu l'addition, une série de spectacles payants au Palais des Festivals (Chico et les Gypsies, I Muvrini, Sapho, Les tambours de Tokyo, La Castafiore, Sheila, Bernard Lavilliers, Les voix de Géorgie...) au rythme de 5 à 10 par été en ciblant aussi bien la clientèle de touristes étrangers que le public local !

 

Nougaro (12/07/97) et Sylvie Vartan (6/08/97) pour un remplissage maximum des 2400 places de la grande salle !

Nougaro (12/07/97) et Sylvie Vartan (6/08/97) pour un remplissage maximum des 2400 places de la grande salle !

Jusqu'en 2003, ma direction était aussi chargée des animations gratuites dans toute la ville. 15 à 20 concerts répartis dans les quartiers entre Cannes et La Bocca ! Je me suis régalé à programmer des ovnis, avec, je dois le dire, un certain succès ! Les Trogodes, Orchestre de Trompes de Banda Linda de Centrafrique tout droit arrivés de leurs villages de brousse, en déambulations musicales dans les rues de Cannes (choc mutuel assuré !), Carmen Mambo, Gotainer ou Raoul Petite, Urs Karpatz ou Huun Huur Tu, mais aussi Stone et Charden, François Valery, Herbert Léonard et Dave, tous particulièrement appréciés par le public Boccassien ! Un Festival incessant de rythmes cubains ou africains, de sons exotiques entrecoupés des vieilles gloires françaises qui allaient revenir sous les feux de la rampe avec l'opération "Stars des années 80".

L'ensemble de la programmation représentait environ 50 jours spectacles sur 2 mois... effrayant quand on songe que c'est la même petite équipe de 11 personnes qui enchaînait les 2 saisons !

Pourtant, avec l'arrivée d'un nouveau triumvirat, (Brochand, Lisnard, Giuliani), le paysage des animations allait se transformer en profondeur !

En 2001, David Lisnard fraîchement débarqué dans le fauteuil de Maire-Adjoint, homme de culture, prend ses marques avec moi. Le courant passe plutôt bien et nous avons une même idée : utiliser la grande esplanade du Vieux-Port pour créer un festival d'été au coeur du Cannes historique. Il me parlait bien d'un Festival Electro... auquel je ne comprenais, avouons-le, pas grand chose. Je monte dans l'urgence un plateau : Matmatah en pleine bourre en ouverture, une soirée afro-cubaine avec Alfredo Rodriguez, Sinsemilia pour les jeunes, une soirée électro avec NRJ, Ishtar, la voix d'Alabina, l'American Gospel Connexion et en clôture, Rachid Taha qui venait de sortir son CD Medina, un bijou bourré d'un rock électronique "transe", un des plus beaux concerts de ma carrière. Le succès est réel malgré les contraintes techniques d'un lieu nouveau avec plus de  7000 entrées. C'est le dernier soir, pendant le sublime show de Rachid Taha, alors que je suis ivre de fatigue mais heureux, qu'il me présente une personne  en me déclarant tout de go : "- Bernard, voici Jean-Marie Sevain, c'est lui qui programmera l'an prochain la Pantiero !". 

Violence extrême de la méthode !  Comment ne pas prendre des gants ? Mystère du pouvoir ! J'ai mis longtemps à lui pardonner même si, par la suite, nous avons pu recoller les morceaux et travailler en bonne entente.

Ce que je lui reproche, c'est cette manière de mettre au pied du mur et surtout le moment choisi ! Il aurait attendu la fin de l'été, provoqué une réunion, expliqué son projet électro... cela serait passé comme une lettre à la poste ! Je n'avais pas les "codes" de ce genre musical mais j'avais les clefs de l'action et j'aurais accepté sans état d'âme ! Mais là quand même.. un peu de tendresse, SVP !

Ma satisfaction malgré tout, sera que Jean-Marie Sevain, son ami "branché" et DJ d'opérette sur Lyon, s'avérera un piètre Directeur-Artistique. Il mettra plus de 5 années à égaler mon score d'entrées de la première édition et échouera, de par sa morgue, son incompétence et son mépris des "indigènes" locaux, à devenir un des acteurs majeurs de l'électro en France alors qu'il avait tout pour réussir : le site de Cannes, les budgets, un lieu magique, la terrasse du Palais des Festivals et l'amitié du responsable politique ! Tant pis pour lui même si La Pantièro nous offrit quelques belles pages de musique avec des artistes incroyables !

Le grenier de la mémoire 41 : L'été à la plage ?

À partir de 2002, Jazz à Domergue, le Festival Russe et La Pantièro, (déménagée avec bonheur à mon initiative sur le toit du Palais des Festivals) deviennent les institutions du mois d'août et complètent l'offre. Parallèlement, les animations gratuites basculent alors sur un service d'animations de la Ville, sous la houlette d'une adjointe médiocre et d'un ringard qui avait fait la campagne du bon côté ("-J'aurai ton poste la semaine prochaine", m'avait-il déclaré, les yeux dans les yeux, juste avant l'élection de Bernard Brochand !). Il s'est trompé quelque peu le sbire et n'eut que les miettes de l'été, ce colleur d'affiches pas seulement électorales !

Exit donc les concerts de musique du monde offerts aux cannois et aux touristes, bienvenue à la mauvaise soupe des multiples médiocres qui logeaient chez les tourneurs spécialisés dans ce créneau, avides de caser leurs poulains auprès des institutions municipales très souvent incompétentes... et à des prix prohibitifs  !

 

Pendant ces 15 étés qui courent de 1997 à 2012, c'est plus de 800 spectacles que j'ai assurés en programmation ou en production. Nombres d'entre eux résonnent encore en moi, sont toujours présents par la magie d'un public ému, touché, d'une foule aux yeux grands ouverts devant la beauté de la culture du monde ! Tout ne fût pas parfait, loin s'en faut, mais chaque soirée chassée par une nouvelle donnait à Cannes cette dimension d'un "village global"... cher au concept de David Lisnard !

La glorieuse incertitude de l'Art offrait des pages blanches à ceux qui étaient prêts à s'ouvrir aux autres pour mieux les comprendre ! Et à l'heure de la retraite, je pouvais regarder derrière moi avec la satisfaction d'avoir écrit quelques paragraphes en lettres d'or dans l'histoire de la culture cannoise !

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Le grenier de la mémoire 40 : pause avec Guy Bedos !

Publié le par Bernard Oheix

Et la série mortifère continue ! Pendant l'écriture du précédent article, emporté par l'enthousiasme, j'étais en train d'écrire :"-J'ai réellement eu une larme sur la tirade bouleversante de Cyrano par un Pierre Santini éblouissant ! J'ai vibré en résonance sur les Moines de Shaolin, éclaté de rire sous les saillies de Guy Bedos...", quand j'entendis en direct à la radio que Guy Bedos venait de décéder ! Un de plus qui n'aura pas trouvé grâce à survivre sous les traits de ma plume ! Le énième d'une série létale que j'ai parfois une certaine difficulté à m'expliquer ! Il faut dire que Guy Bedos, c'est une belle aventure pour moi, un moment émouvant au tout début de ma carrière de programmateur Cannois !

Le grenier de la mémoire 40 : pause avec Guy Bedos !

Nous sommes dans un entre deux ! La Direction du Palais et Gilles Cima, l'adjoint au maire, viennent de m'annoncer la fusion des 2 évènementiels (culturel et animations) sous ma responsabilité et au passage, j'ai définis avec eux notre cahier des charges dans lequel trône en belle place la création de Saisons culturelles sur l'automne/hiver et un programme d'été ambitieux structuré autour des Festivals, de la re-création du Festival de la Pyrotechnie, et d'animations gratuites relookées ! La tâche qui m'attend est immense mais les délais font qu'entre décembre 96 et le début 97, il faut meubler comme l'on peut, en attendant la "vraie" première Saison Culturelle qui débutera en octobre 1997 pour aller jusqu'à  avril 1998 !

Je bricole dans l'urgence un petit programme avec, au passage, quelques belles pépites ! Une soirée de polyphonies, rencontre entre les corses du Choeur de Sartène dirigé par Jean-Paul Poletti et les niçois du Corou de Berra (qui  par la suite seront aux "Concerts sous la mer" de l'été 1999 et participeront à ma dernière soirée Voix Passions... mais je reviendrai sur cette clôture !). Beaucoup de Danse en profitant d'une belle tradition locale (Festival de Danse et Ecole Rosella Hightower sur Cannes depuis 35 ans), avec les Etoiles de Paris, Coppélia des Ballets de Marseille dirigé par Roland Petit et l'historique et fameuse Messe Pour le Temps Présent de Béjart...ma madeleine à moi dont je vous ai parlé précédemment !

J'y ajoute, avec une certaine audace, mon grain de sel d'une culture du monde pour ma première d'un réveillon du 31 décembre et du 1er janvier, Le mythique Opéra de Pékin avec Le Roi des Singes et La Princesse Cent-Fleurs... un coup de coeur et un triomphe !

C'est en préparant cette dizaine de soirées que je tombe sur une interview de Guy Bedos où il déplore de ne jamais passer dans le Sud-Est pour cause de "black-listing" par Jacques  Médecin. Bien qu'il soit exilé depuis 1990 à Punta del Este en Uruguay (un pays qui n'expatrie pas les délinquants politiques !!!), les "bébés Médecin" qui lui ont succédé n'ont apparemment pas levé son excommunication. Cela me donne des idées et je prends mon téléphone pour contacter sa boite de production.

L'affaire fut rondement menée et le contrat signé, d'autant plus que Mireille Dumas préparait un sujet pour son émission et serait présente avec son équipe de tournage pour faire un film sur ce personnage atypique de la gauche à l'humour grinçant sans concessions ! Je l'avais vu deux fois en show, dont l'une dans une  fête de la rose où il avait largement cartonné ces parents de gauche dont les enfants vireraient fatalement à droite !

Et je dois dire que sa programmation dans une Ville de Cannes, encore sous le choc de la chute du "Kennedy de la Côte d'Azur" qui faisait couler beaucoup d'encre, ne passa pas inaperçue ! Tous les élus s'étaient donnés rendez-vous ce soir-là dans la grande salle Louis Lumière (2400 places) bourrée à craquer... et le spectacle était aussi bien dans la loge et les travées de velours rouges que sur la scène !

Sa revue de presse fut mémorable et la distribution de gifles à la hauteur d'un Guy Bedos au zénith de son art iconoclaste !

Et pour l'anecdote, si vous visionnez le film de Mireille Dumas, vous me verrez en silhouette à la Hitchkok dans l'ombre de Bedos... et je n'en étais pas peu fier !

Le grenier de la mémoire 40 : pause avec Guy Bedos !
Le grenier de la mémoire 40 : pause avec Guy Bedos !

Désolé mon cher Guy de t'avoir cité dans mon article... mais tu ne pouvais que faire partie des Greniers de la Mémoire. Dans mon panthéon, tu occupes une place privilégiée, celle d'un coup de coeur et d'un coup médiatique, l'alliance parfaite d'une ouverture d'un cycle qui allait me porter à programmer des gens que j'aime (tu en faisais partie !), à découvrir les frontières de la Culture des autres, à casser le moule du conformisme et à proposer une évasion par le rire, le rêve et la musique !

Tu avais toute ta place dans cet interlude charnière de la fin 1996 et du début 1997 et je suis persuadé que dans l'acte de te choisir dans cette région où je t'ai permis de revenir, j'ai trouvé aussi mon style et une volonté de programmer ce qui dérange comme ce qui fascine !

Merci Guy Bedos pour ce moment que j'ai partagé avec toi !

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Le grenier de la mémoire 39 : des saisons et des rencontres !

Publié le par Bernard Oheix

15 saisons qui s'enchaînent, sans répit, sans possibilité de halte, de prendre du recul ! 

Entre 1997 et 2012, j'ai programmé près de 600 spectacles à marche forcée de septembre à avril, sans compter les festivals récurrents, juste le temps de laisser en mai la place au Festival du Film, ses stars, ses mains à imprimer dans la glaise, se gorger de cinéma... pour replonger immédiatement dans les animations de l'été.

600 spectacles dans les "saison de Cannes" et plus de 300 dans les 21 festivals dont 8 de Danse, 4 de marionnettes, 6 de musique classique et 6 concerts de septembre. Près de 1000 spectacles comme des rafales tourbillonnantes mettant l'Évènementiel sous une pression permanente !

Et cela sans compter les 15 Festivals des Jeux, une opération monstrueuse où plus de 150 000 personnes remplissent le Palais des Festivals en février, 15 000 joueurs du monde entier, du plus humble aux plus grands champions qui viennent s'affronter dans tous les jeux possibles et imaginables... une machine de guerre et notre opération la plus rentable pour la Ville en retombées économiques directes !

Un rythme épuisant, difficile à tenir. Il fallait conjuguer la présence sur le terrain, voir d'autres spectacles ailleurs, aller à des festivals, entretenir un réseau, chercher de nouvelles idées... tout en gérant l'humain de l'Évènementiel et en gardant les yeux sur les colonnes des chiffres de dépenses et de recettes.

Mais une tâche fascinante, exaltante dont la récompense suprême est le sourire heureux d'un public conquis, l'émotion d'une salle qui chavire !

Un des concerts incroyables que j'ai vécus... la légende Bécaud sur la Croisette pour un show étourdissant !

Un des concerts incroyables que j'ai vécus... la légende Bécaud sur la Croisette pour un show étourdissant !

Deux mythes. l'immense Juliette Gréco, et celui que j'avais le plus vu en concert (7 fois), un de mes chanteurs culte enfin dans "ma" salle !

Deux mythes. l'immense Juliette Gréco, et celui que j'avais le plus vu en concert (7 fois), un de mes chanteurs culte enfin dans "ma" salle !

Parfois, le désir et la réalité s'entremêlent, tissant un réseau inextricable de connexions ! J'avais découvert le cinema avec le Festival du Film et ses séances de Sonika Bo pour les enfants des municipaux. Mais j'avais été initié à l'art vivant par Maurice Béjart, l'immense, le cultisme Directeur du Ballet du XXème siècle au cours d'un périple en Avignon, en 1969, premier voyage en solitaire "arraché" à mes parents grâce à ma réussite au Bac. Cette récompense, je l'ai vécue sac au dos, dormant à la belle étoile de l'île de la Bartelasse. J'avais rencontré une bande de Belges qui zonaient avec moi et après quelques bouteilles de vin, ils m'avaient entraîné avec un billet gratuit dans la cour du Palais des Papes pour voir un ballet de Béjart : A la recherche de... avec Jorge Donn, Maria Casarès...

Ce Béjart, je j'avais entr'aperçu en arrivant sur Avignon avec de grandes lettres peintes sur la route qui dessinaient un "Béjart fait la pute sur le trottoir de la contestation" bien en phase avec l'exaltation d'un mai 68 qui était passé par là ! Il y avait aussi ce disque énigmatique de la Messe pour le temps présent de Pierre Henry et Michel Colombier qui courrait sur nos platines et ouvrait bien des oreilles à une musique savante envoûtante ! Quand au poster de Jorge Donn dans un saut aérien, bien des chambres étudiantes l'affichaient, comme une invitation à bondir hors de ses basques !

J'étais sorti subjugué de ce ballet récitatif et de ces chants d'une  Casarès étrange entourée de danseurs d'une beauté incroyable. Le lendemain, j'avais soldé mes maigres réserves de monnaies sonnantes et trébuchantes pour m'offrir un place payante d'un Roméo et Juliette d'anthologie ! 

Et le temps était passé jusqu'en ce mois  de mars 1995 où Yorgos Loukos, le Directeur Artistique du Festival de Danse, l'avait accueilli dans "Ce que l'amour me dit" avec le Béjart Ballet Lausanne. Je me suis retrouvé en compagnie de mon idole, un verre à la main et je lui ai raconté cette anecdote. Il a sourit et nous avons trinqué pour la Danse...

 

Le grenier de la mémoire 39 : des saisons et des rencontres !

Mais c'est les 8 et 9 mars 1997 que j'ai bouclé la boucle ! J'avais appris qu'une tournée exceptionnelle de "Messe pour le temps présent" était en train de se monter. Je me suis battu bec et ongles pour l'obtenir et les 2 séances ont affiché un complet absolu. Le bonheur de voir ma propre histoire se conjuguer au présent, un mythe se réaliser, une aventure culturelle en phase avec mon horloge interne ! J'étais ivre de bonheur et j'ai assisté aux 2 séances sans en perdre une miette, avec, au passage, une  nouvelle rencontre émouvante avec un des maîtres de la chorégraphie du siècle !

Le grenier de la mémoire 39 : des saisons et des rencontres !

Tant de moments où le temps semble se courber devant la beauté d'un geste, d'une voix, d'un corps en mouvement, de l'échange d'une réplique qui vous touche au coeur. J'ai réellement eu une larme sur la tirade bouleversante de Cyrano par un Pierre Santini éblouissant ! J'ai vibré en résonance sur Les Moines de Shaolin, éclaté de rire sous les saillies de Guy Bedos (En direct, on m'annonce qu'il vient de décéder à l'instant... la série mortifère continue donc !) ou de Mado La Niçoise, halluciné avec "les 7 doigts de la main", embarqué pour un voyage mystère avec Philippe Genty, dansé le Flamenco ou chaloupé sur la samba...

Tous les grands du spectacle se sont retrouvés sur les planches de Cannes pour nous convaincre que le génie de l'homme est incommensurable !

Et moi, au fond, j'ai été le premier spectateur de mes spectacles, gardant mon âme d'enfant rêvant tout éveillé à la beauté du monde. 

Pour finir ce billet, je ne peux qu'évoquer ma rencontre avec Madame Marguerite qu'Annie Girardot, reprenait pour une ultime tournée sous l'aile de la maladie. L'équipe qui la suivait nous avait annoncé qu'elle était fragile, que sa mémoire souffrait ! 

Je l'ai retrouvée avant son entrée, elle tapait du poing contre le mur du couloir qui mène à la scène en hurlant "-Tu vas te souvenir, rien oublier !" et son visage crispé exsudait la peur, elle qui avait tout connu des scènes du monde entier !

Après la représentation qui fut magnifique, intense, oppressante aussi, elle était heureuse et m'a dédicacé le programme ! Elle était en train de s'évanouir vers un pays peuplé de fantômes... mais jusqu'au bout, elle s'accrochait aux mots qui la hantaient afin de maintenir ce fragile équilibre qui la soutenait !

les derniers mots résonnent encore en moi !

les derniers mots résonnent encore en moi !

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Le grenier de la mémoire 38 : économie de la culture et les copains d'abord !

Publié le par Bernard Oheix

Après mon article précédent sur les Musiques du Monde, je me suis aperçu avec horreur, que je n'avais pas cité Les Tambours de Tokyo où la musique se chorégraphie, la belle Rokya Traoré à la voix si puissante qui donne la chair de poule, Enzo Avitabile e i Bottari, un napolitain rockeur fusionnant avec la tradition des percussions de transe, tous ces groupes corses, des Muvrini à A Filetta en passant par Les Choeurs de Sartène ou mes amis de L'ensemble Tavagna,  qui sont venus en ambassadeurs d'une île rassérénée, Juan Carmona, ou la guitare flamenca de génie, les reines du Fado (Misia, Mariza) aux langueurs d'un océan de mystère, les voix diphoniques de Huun Huur Tu de le République de Touva qui sont capables de chanter deux notes en même temps, l'une en continue comme mélodie de base, l'autre en modulant des variations... Un spectacle sidérant à voir et à entendre !

Et tant d'autres, source inépuisable de l'inventivité et de la nature humaine tournée vers l'expression de la beauté qui se sont retrouvés sur la scène des salles cannoises ! Je ne pourrai tous les citer mais pour qu'ils débarquent dans mes programmes, il fallait bien que des responsables les proposent et s'occupent de leurs tournées... ET c'est là que mes "frappadingues" interviennent !

 

mes producteurs préférés, ceux qui ont répondu à mon invitation de partager 4 jours de musique sur Cannes et de nouer des liens indéfectibles de travail et d'amitié. 

 

Chacun m'avait apporté une spécialité de sa région en cadeau...Un Tour de France des "gâteries", le Père Noël en septembre ! J'ai dû manger des trucs bizarres, d'Amiens, du Jura et d'ailleurs...Heureusement, il y avait un excellent Bordeaux pour faire digérer le tout !


Le monde de la culture en général et de la musique en particulier ne représente pas grand-chose en regard du poids économique de l’industrie, du commerce, des banques…Pourtant, dans une société en crise, quand l’emploi fond comme neige au soleil, l’industrie culturelle devient un complément effectif de la vie économique, un réservoir d’emplois et de richesse qui, bien que modeste, a sa place entière dans la société du XXIème siècle.

Notons que c’est dans ce domaine culturel que l’esprit « capitaliste » originel est encore possible. Avec une mise de départ dérisoire, on peut toucher le jackpot, une voix faire couler des richesses, un texte accumuler des biens. Esprit d’aventure, pas de règles, pas de normes…la culture est un Eldorado pour les aventuriers de l’esprit, les marginaux et ceux qui refusent une société trop formatée !

A l’intérieur de ce vaste domaine, on retrouve les clivages traditionnels de l’économie réelle. Il y a les gros producteurs et les grands artistes, indissolublement liés jusqu’à faire des couples solides qui trustent les entrées. Camus/Halliday, Coullier/ Polnareff, Drouot/Leonard Cohen…Ils détiennent les grandes salles (Zénith et autres Palais des Congrès), s’échangent les artistes « bancables », ne sécrètent que peu d’emplois, ayant recours aux statuts particuliers de ce secteur d’activité tout en  privatisant les gains conséquents générés.

Il reste alors les autres, artistes en mal de cachets, techniciens subissant l’intermittence des intermittents, les promoteurs locaux qui œuvrent à 3% du chiffre d’affaires et sont tenus à des objectifs impossibles de remplissage de salles, les tourneurs et producteurs positionnés sur des niches tellement pointues que plus personne ne les trouvent, les responsables des structures exsangues, tétanisés par la raréfaction des subventions, l’augmentation des tarifs artistiques, la fuite du public …

Dans ce constat amer, le public démissionne de son rôle moteur. Il ne va pas toujours là où il devrait aller et ne cherche plus depuis longtemps. L’esprit d’aventure est en train de se perdre, la télé et les médias poussant à une banalisation et une consommation de plus en plus ciblée de produits formatés à des prix prohibitifs. C’est l’ère des méga-shows et des foules de 50 000 personnes agglutinées dans des conditions indignes d’un spectacle vivant. Spectateurs robotisés, consommation et merchandising, fric es-tu là ?

 

Mais mes « frappadingues », me direz-vous ?

Dans cet univers de plus en plus aseptisé d’une industrie culturelle en marche forcée vers une productivité artificielle, il existe encore une armée du soleil, des hommes et femmes qui pensent la culture autrement, vivent l’artiste et le spectateur au quotidien, investissent leur temps avec passion afin de construire les bases d’une rencontre authentique entre le public et la scène. Ils sont des accoucheurs de bonheur, des praticiens de l’esthétique, panseurs de maux pour bonheurs éphémères…

On se rencontre au WOMEX (marché des Musiques du Monde), à Bab El Med, dans des concerts et des Festivals. Ils aiment la vie, rire, se défoncer et éperonner les conventions, êtres iconoclastes. Ils ont entre 25 et 40 ans, sont les cadres de demain, survivent difficilement dans cette jungle où les chausse-trappes sont nombreuses…Ils ne perçoivent que les miettes du festin de la culture mais en représentent les forces vives, régénérantes. Quand l’un d’entre eux sombre, il y en a toujours qui se lèvent afin de porter le flambeau de ceux qui marchent debout et perpétuent leurs espoirs. J’aimerais avoir leur âge, leur passion et leur insouciance, je les aime parce qu’ils sont fiers et beaux et qu’ils font exactement ce que je ferais à leur place si d’aventure, on m’enlevait une vingtaine d’années.

Moi, j’ai vécu les glorieuses années d’une culture rempart, frontière, bien que largement assistée, elle avait conquis son indépendance dans les luttes. Elle était apte à se revendiquer telle une citadelle inexpugnable. J’ai été Directeur de MJC, puis au Palais des Festivals de Cannes…Je ne savais pas que ce capital extraordinaire pouvait fondre et se dissoudre aussi rapidement dans l’indifférence, la montée des haines et l’ostracisme d’une société qui se contracte sur elle-même, soumise devant les idéaux religieux et le fanatisme, l’égoïsme et le mercantilisme.

C’est sans doute pour cela que je les apprécie encore plus mes « frappadingues », car ils me donnent la certitude que l’essence de l’art, la rencontre des univers multiples, des cultures différentes, des individus se fondant dans un groupe pour garder leur authenticité, tous ces gestes d’avenir ont encore des passeurs de rêves, mes amis remuants de la culture, cœur gros et plein d’espoir, les Frappadingues de Séville !

J'avais lancé une invitation comme une bouteille à la mer. Viendra qui voudra ! Une poignée de producteurs et diffuseurs de Musiques du Monde se sont retrouvés à Cannes pour les Concerts de Septembre 2009 avec un programme de circonstance : Bertignac et le Band of Gnawa, Babyshambles, Archive et en apothéose, Enzo Avitabile e i Bottari (un Napolitain fou et génial dont les percussionnistes perchés sur d'immenses tonneaux provoquent la transe) et le seigneur Goran Brégovic avec son Orchestre des Mariages et des Enterrements. Dans ce mini groupe qui débarqua par un beau soleil, on retrouvait Ourida Yaker (la femme forte d’un Maghreb ouvert, un roc, elle résiste à tout !) et Sabine Grenard (la douce et efficace spécialiste des voix…A Filetta, Sam Karpiena, Darko Rundec...). La secrétaire du groupe informel de Séville, Aurélie Walfisz, administratrice du Festival d’Amiens, pétulante et hilarante, remplie de tendresse et capable d’autodérision jusqu’à en pleurer des larmes de joie. Elle sème le rire sans se départir de son air lunaire. Claire Henocque, la « big mama » du reggae (Alpha Blondy), une gamine élégante en pays de barbus fumeurs d’herbe. Laurence Samb, une métisse sénégalaise belle comme un soleil d’Afrique, perdue entre Berlin et le Niger, à moitié toujours ailleurs. Et puis les mecs aussi. François Saubadu, grosse agence à Turin avec un fond latino, qui fait des affaires sans oublier de vivre, l’équilibre dans le désordre, toujours prêt à s'enthousiasmer pour un artiste et à passer du futile au sérieux. Valentin Langlois, visage d’ange absent, toujours attentif derrière sa nonchalance affectée, il analyse son entourage sans en donner l'impression et possède l'art d'être juste où il faut comme s'il n'y était pas. Laurent Benhamou, de Crunk Production, féroce dans son humour et sa volonté de foncer à 100 à l’heure dans le fou rire et la passion de vivre. Il dérègle les codes, éperonne le consensus et lance des éclairs de génie qui laissent un sillon enflammé derrière lui ! 

Je les ai casés au Gray d’Albion, 4*, plage privée, badges « all accès », mangeant au catering avec les artistes, copinant avec la sécurité, ils se sont fondus dans le Palais comme s’ils y avaient toujours trainé leurs guêtres, terminant tard dans la nuit, à la fermeture du Sun7 avec Thomas, le patron, qui les a adoptés en leur servant force « morito » ou « Champagne-vodka ».

Sur la plage des Rochers Rouges, ma plage ! Un des rochers (celui que l'on entrevoit en arrière-plan), sera officiellement dénommé "Le Rocher de Bernard"). En attendant, ils ont fière allure ces Guevarra de la culture, à poser pour l'éternité en consommant les biens fort terrestres d'une Côte d'Azur hospitalière !


Ils ont eu droit à des baignades tous les jours avec un soleil estival, à des pâtes chez mon voisin « Di Giuglio » et nous avons ri en reconstruisant le monde comme si la vie pouvait se résumer à un grand pied de nez à la conformité et à la tristesse.

Les concerts furent fabuleux et je les aime toujours plus, mes « frappadingues », parce qu’ils sont une partie de mon passé et un morceau de cet avenir que le temps me dérobe. Ils me permettent d’exister encore et de rêver que la culture sera, demain, au centre du monde, une vraie fraternité basée sur l’harmonie universelle !  


Ils sont repartis. Au mur l'affiche montage qu'ils m'ont offerte et le chapeau vert mascotte qui fit toutes les scènes de Séville à Paris et se retrouva sur la tête du chanteur des Gnawas. J'ai une mission, le convoyer jusqu'à Copenhague où je les retrouverai pour la plupart  pour de nouvelles aventures  !

C'est un article que j'avais écrit il y a plus de 10 ans. Et pourtant ! Plus que jamais il m'apparait d'actualité, tant la marchandisation de l'artistique, l'omniprésence des médias et des réseaux sociaux ont formaté l'offre culturelle ! De produits calibrés en shows aseptisés, la part de marché des Musiques du Monde continue de se réduire comme une peau de chagrin ! Et avec elle, c'est la mémoire du monde qui s'efface, qui disparait dans les limbes d'un ultra-capitalisme dévastateur. Au fond, ce qui est à l'oeuvre dans le domaine de la Culture, c'est exactement ce que la mondialisation débridée et sans contraintes a provoqué dans l'industrie, le commerce, la finance... Un monde sans racines et livré à la spéculation, avec les conséquences que l'on connait désormais en cette période de pandémie, révélatrice de tous nos manques et nos choix erronés !

Alors, on ne change rien et on poursuit sur les chemins de l'aberration ? La question est posée mais les "frappadingues" sont toujours présents pour relever le défi d'un réveil de nos consciences !

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Le grenier de la mémoire 37 : Musiques du Monde et série en cours !

Publié le par Bernard Oheix

Bon, cela a commencé dès le premier opus de cette saga des Greniers de la Mémoire en exhumant un article jamais paru sur La grande Bouffe de Marco Ferreri... le simple fait de parler de l'acteur Michel Piccoli semble lui avoir été fatal... mais il ne m'en voudra pas, je l'encensais ! Tout comme notre barde national Christophe qui a vu ses mots bleus s'étrangler comme une marionnette enrouée  dès que je me suis empressé d'écrire sur lui !

Idir a été encore plus loin dans l'élégance au moment de disparaître ! C'est le jour même où je citais son nom comme le premier artiste à avoir ouvert les 15 saisons "Sortir à Cannes" que j'allais diriger, qu'il se décida à rejoindre le paradis des Kabyles en chantant A Vava Inouva !

Bon ,cela semble quand même un peu "too much", n'est-ce point ?

J'ai toujours été un admirateur des Musiques du Monde. Le 37ème article du blog (celui-ci donc !) devait être consacré aux stars de cette musique que j'ai su porter et imposer à Cannes, ville cosmopolite au public plutôt cultivé ! Youssou N'Dour ministre chanteur au faîte de sa gloire, Salif Keïta l'albinos déchirant, Cesaria Evora la chanteuse aux pieds nus, fumant et buvant sur scène dans un show chaloupant aux vents de l'Atlantique, la féline Angélique Kidjo, Goran Brégovic entre mariages et enterrements... ont tous produit des shows exceptionnels dans ce Palais des Festivals quasi plein à chaque concert !

Mais comment ne pas évoquer cette soirée du 4 février 2005 :

 

Le grenier de la mémoire 37 : Musiques du Monde et série en cours !

La belle et fascinante Noa et le roi du "Soul Makossa", Manu Dibango, réunis pour un double plateau ! Une soirée comme on en rêve mais que l'on ne pourra plus renouveler (hélas !) avec la disparition, il y a deux semaines, de Manu Dibango qui a rejoint son paradis de notes, fusion entre le Jazz et la musique soul africaine, entre la tradition et la modernité ! Encore un donc qui s'est décidé à rejoindre ses potes musiciens tiraillés par ma plume perfide !

Malgré tout, comme si cela suffisait à mon bonheur, il me reste tant d'artistes que j'ai programmés dans cet univers de la Musique du Monde...  tous ayant un jour imposé leur talent sur la scène cannoise, leur gentillesse (souvent !), leur bonheur (toujours !) d'être les hérauts d'une planète multicolore sans frontières, de parcourir le monde en répandant une parole d'ouverture et de communion, de partage et d'acceptation des autres dans leurs différences... Tiken Jah Fakoly et sa révolution africaine, sublime Angélique Ionatos dans une création originale du Canto General de Neruda produite par mon ami Richard Stephant qui lui aussi est tombé en "chant" d'honneur de la culture. Le brésilien Zezinho, le roi du Tic, Tic et Tac faisant danser La Bocca de  BoccaSamba, Ismaël Lô qui est reparti de Cannes en emportant mon pull dans son sac (par erreur, je l'espère !), Ray Lema et Chico Cesar se partageant une soirée où le Brésil retrouvait ses racines africaines... Et ce double programme du 1er avril 2002 qui n'était pas un poisson... Geoffrey Oryema, la comète lancée par Peter Gabriel, dont on se souvient du Yé, Yé, Yé du générique du "Cercle de Minuit", et qui avec "Spirit" s'imposa comme un "rocker" africain à la croisée de tous les rythmes !

C'est avec Mory Kanté qu'il partagea sa soirée cannoise. Le Guinéen Mory Kanté dont le Yéké Yéké à la kora électrique avait révolutionné en 1987 la scène musicale. Le "griot électrique" survolté avait atteint en un morceau et un clip qui passait en boucle sur toutes les télévisions, une gloire planétaire.

Il est lui aussi mort il y a deux jours et avec Manu Dibango, ils doivent faire un boeuf d'enfer et auront, je l'espère, une petit pensée pour moi !

Le grenier de la mémoire 37 : Musiques du Monde et série en cours !

Bon, je ne vais pas m'inquiéter outre-mesure ! Parmi tous les artistes que j'ai programmés, il y a en bien certainement quelques-uns qui vont survivre... normalement !

Mais cela me rappelle aussi quelques faits troublants... A une époque, il courait le bruit qu'être programmé à Cannes était particulièrement dangereux ! Dernière tournée de Gilbert Bécaud passant par Cannes, ultime tour de Claude Nougaro au Palais des Festivals, last exit pour Alain Bashung dans la cité du Festival... Même Darry Cowl venant se griller une dernière fois sur la scène de la salle Debussy !

Certains producteurs en souriaient même jaune, me demandant d'éviter de sélectionner leur poulain pour mes prochaines saisons...

Finalement, le métier d'artistes semble plus dangereux que celui de programmateur... ou alors, c'est que je suis un chat noir et que je porte la poisse et dans ce cas, tant pis pour ceux que j'ai cités dans cet article !

Youssou N'Dour avec ses belles fans africaines en tenues chamarrées !

Youssou N'Dour avec ses belles fans africaines en tenues chamarrées !

Salif, l'un de mes artistes fétiches, programmé plusieurs fois... Un jour, devant une salle qui ne décollait pas de son siège, il s'est mis à genoux pour déclarer : -c'est mon anniversaire aujourd'hui, alors comme cadeau, vous allez vous lever pour partager avec moi ma musique !" Le public s'est dressé comme s'il n'attendait que ce signal et le show a viré à la folie !

Salif, l'un de mes artistes fétiches, programmé plusieurs fois... Un jour, devant une salle qui ne décollait pas de son siège, il s'est mis à genoux pour déclarer : -c'est mon anniversaire aujourd'hui, alors comme cadeau, vous allez vous lever pour partager avec moi ma musique !" Le public s'est dressé comme s'il n'attendait que ce signal et le show a viré à la folie !

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Le grenier de la mémoire 36 : Archive, encore et toujours !

Publié le par Bernard Oheix

C'est le fan qui va parler aujourd'hui ! Et pour cause... si l'on devait me créditer d'un coup de génie dans ma carrière (en plus de celui des "Concerts sous la Mer" d'août 1999 ! Voir l'article n° 32 ), indubitablement, c'est de la "saga" d'Archive (prononcer Archaïve !) qu'il s'agirait !

Mais cette gloire, je la partage avec mon ami Michel Sajn, le Directeur de la Strada, un complice de toujours avec qui j'ai suffisamment rêvé pour enclencher cette production en dehors de tous les systèmes du showbiz !

Pour vous en parler, cet article que j'avais écrit le 3 octobre 2007 !

C’est il y a près d’un an, que Michel Sajn m’a présenté un projet tordu, un de plus, une usine à gaz ce Sajn qui survit depuis des années dans le monde si étroit de la culture niçoise. Que je campe le personnage. Michel, c’est un trio, composé de Gaby Basso, d’Evelyne Pampini et de lui-même. Chacun a sa place. Gaby est le technicien carré, l’homme de tous les défis, celui sur qui repose l’exécution, Evelyne, la femme de communication, l’attachée de presse, celle qui maintient les liens entre la cellule d’Image Publique et le reste du monde. Reste Michel, un homme étrange, un mélange de passion et de colère, un visionnaire aventuriste parfois incontrôlable, souvent plus conscient qu’il ne le montre lui-même et connaissant les limites entre la charge héroïque et l’avancée en terrain ennemi. Car Michel S…c’est un être bourré d’une tendresse qui ne peut s’exprimer. C’est une fleur bleue dans une cuirasse façonnée par une vie à l’emporte-pièce d’un rêve d’adolescent dans un monde de brutes. Sans jamais s’appuyer sur une structure, sans jamais avoir la certitude que le lendemain sera assuré, il navigue en eaux profondes, slalomant entre les écueils d’une vie où se mélangent la culture, la politique et l’argent. Petite structure née dans l’enthousiasme de l’organisation des concerts, s’inscrivant dans les cursus de développement de la culture, aboutissant à des responsabilités importantes en termes de technique et de relations presse, ils créent la seule revue intéressante de la région : La Strada, un gratuit reflet du dynamisme et de la création de cette région.

Manger avec Sajn, c’est prendre un risque calculé, celui de ne comprendre qu’une partie de ce qu’il lance aux cieux en tempêtant, c’est aussi la certitude d’une lumière qui viendra nimber de brouillard la table, entre les clopes qu’il fume à la volée et ce regard étrangement limpide qu’il pose sur la réalité. Il a des rêves à la hauteur de son délire, mon pote, il est de ce bois qui ne peut se consumer, qui doit brûler avec éclat.
Bouffe à Saint-Laurent. Septembre 2006. Un projet de plus. Il m’explique qu’il a eu l’idée d’un concert exceptionnel d’Archive avec un ensemble symphonique. Il cherche un producteur, Monaco est sur les rangs. Un éclair m’illumine. J’ai envie de le réaliser ce p… de projet complètement inconscient, de m’engager en sachant que ce sera douloureux, long et qu’il y a une vraie prise de risques, tant dans le déroulement que dans la juxtaposition de ces deux univers antagoniques : le classique et le rock. Je me souviens parfaitement du moment où je bascule, de ma voix qui lance malgré moi, un : -Pourquoi on ne le réalise pas ensemble, pourquoi pas à Cannes ? 

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Bernard et Maria : une voix d'ange et un démon ! Darius Keller et Dany Griffiths les têtes d'Archive !
 
Il faut dire qu’Archive est un groupe mythique. Ce sont Julien et Angéla, qui m’en ont parlé pour la première fois et m’ont fait écouter leur galette comme une révélation. Par la suite, j’ai assisté à un de leurs concerts au Festival de Jazz de Nice, il y a 3 ans. Archive s’est structuré autour de Darius Keller et de Dany Griffiths auxquels se sont joints 6 musiciens au fil du temps. Ils sont stables désormais, comme une factory qui aurait trouvé son équilibre. A l’origine, ils se situaient dans une veine Trip-Hop, qui a viré vers le rock progressif, enfants contrariés des Pink Floyd, troquant le power flower initial par le sentiment révolté d’être plongé dans un monde d’injustice, déchirant, cruel. Leur musique s’appuie naturellement sur les nappes fluides des synthétiseurs qui sont brisées par la batterie et les guitares. Dans les intervalles, les voix envoûtantes cristallisent l’attention. Les interstices sont propices à percevoir l’irruption des violons et des cuivres classiques.
Mieux même, ils n’attendent que cela, c’est cette vision qu’a eue Michel Sajn, c’est cette perception qui le rend unique, qui définit sa capacité de rêver les yeux ouverts !
 
On se tope tout excité dans les mains, comme deux maquignons complices. Mes responsables acceptent le projet avec un certain enthousiasme, j’ai une somme de 50 000€ sous la main et Philippe Bender, le chef de l’orchestre Régional de Cannes, me donne son accord sans hésiter. Le bateau ivre commence sa traversée au milieu des remous d’un show-biz désarmé.

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Pollard, voix et guitare.
 
Que dire du montage et des pérégrinations qui nous ont permis d’arriver à bon port ? Qu’elles furent complexes et que nous frôlâmes des catastrophes, c’est vrai ! Mais jamais les membres du groupe Archive ne renoncèrent à ce concert. Ils le voulaient, ils le désiraient tout autant que nous. Mixte entre une logique anglo-saxonne et un enthousiasme partagé entre les organisateurs français et le groupe Archive, nous pouvions avancer et mettre en place le dispositif complexe de leur show. Je me souviens d’une soirée délice, un après-concert d’Archive ou nous nous sommes retrouvés tous ensemble dans leurs loges, et des délires sur le projet avec les musiciens enthousiastes. Ce qui sera déterminant, c’est cet engouement réel du groupe pour une opération atypique, leur désir de réaliser ce concert et d’aller jusqu’au bout ! Pas un moment de doute de ce point de vue, même si les embûches furent nombreuses. Les contacts avec le producteur français, avec le management des Anglais, le compositeur Graham Preskett qui réécrit les partitions, le responsable de la tournée, Gaby chargé du réceptif, notre régisseur en interface avec les équipes du Palais, Choukry le tour manager français, Beks, la manager anglaise d’Archive. C’est une véritable armada qui s’ébranle, cela paraît parfois surréaliste, mais chacun a son rôle à jouer… et le jouera jusqu’au bout dans le seul but d’un challenge relevé !
100 mails et quelques angoisses plus loin…Il manque des violons et des trompettes, qu’à cela ne tienne ! Il y a du retard sur les partitions, tant pis ! Il n’y aura pas d’enregistrement car les syndicats de l’orchestre n’ont pas été associés, dommage ! La presse spécialisée parisienne nous snobe une fois de plus, c’est normal, leur vision de la culture s’arrêtant là où commence le périphérique !
La scénographie s’ébauche, les répétitions commencent. Quand je me pointe pour les saluer, je sens un vrai contact d’amitié et de chaleur, ils n’ont pas oublié notre soirée délire avec Michel. Celui-ci est scotché devant la console et assiste à la magie d’un mix que les doigts d’or de l’ingénieur du son font surgir de la confrontation entre les musiciens classiques et les rockeurs. Il ouvre des yeux comme des billes et chasse les idées noires d’un jour de deuil. Evelyne filme, Gaby promène sa nonchalance affectée…Cela fleure si bon le succès ! A la pause, les musiciens mangent en compagnie de l’équipe de Mano Solo. Sanseverino passe la tête en permanence pour assister aux répétitions dans la salle Debussy. C’est une fête de la musique qui va se dénouer devant le public, pour une première et unique prestation. Un remède contre la morosité !
Car 1800 personnes se pressent le lendemain devant les escaliers au tapis rouge. Jeunes fans d’Archive, moins jeunes supporters de l’orchestre classique venant découvrir cette soirée spéciale, ils sont tous là et se mêlent, se côtoient et s’acceptent. Désormais, les couloirs du Palais résonnent de cette tension perceptible par ceux qui ont accès aux coulisses de l’événement. Le rideau se lève, les premières notes s’envolent, les voix viennent emplir la cathédrale du Palais des Festivals du bruit des ailes des anges, les synthés pleurent et les percussions dansent, les trompettes déchirent, les guitares "riffent" en créant l’harmonie d’une fusion absolue et totale. C’est un opéra-rock, c’est un hymne à la modernité, c’est la preuve sonore que la musique classique peut être belle comme un jour qui se lève ! Que la musique moderne est le classique de demain, que les deux mondes peuvent cohabiter et s’enrichir. Dans la salle, cela fonctionne, l’émotion est perceptible, le respect absolu, la communion totale.
Que c’est court 1h40 de bonheur, que c’est intense 1h40 de perfection. Le public debout, jeunes et vieux réunis, fera un triomphe comme rarement entendu. Les murs résonnent encore de cette symphonie de bonheur que 1800 personnes ont lancé aux musiciens comme un cadeau d’adieu. Jamais dans ma vie de programmateur je n’ai assisté à une telle ovation pour des musiciens classiques, jamais un groupe de rock n’a été autant légitimé par un public de passion.

Beks, une anglaise heureuse sur le continent.
 
Dans leur loge, après ce show délirant, ils m’ont tous embrassé comme si nous étions devenus mystérieusement, par la grâce de ce spectacle, les membres d’une famille universelle unique, celle de la beauté éphémère. L’after fut à la hauteur de l’événement. Tous heureux, dans un simple pub de la ville, à boire des bières, au milieu de leurs fans, ils ont communié comme de grands enfants béats. Les photos parlent d’elles-mêmes, les sourires en disent plus que des discours inutiles. A Cannes, en ce 29 septembre 2007, la vie a été plus forte que la mort, la beauté a vaincu la laideur.
Il ne reste juste qu’un regret, que cela soit passé, terminé, fini. Un seul regret, celui d’avoir touché à la perfection, et le beau sourire d’un Michel Sajn, qui, ce jour-là, a su que le monde pouvait parfois se plier aux désirs les plus fous, que la fortune sourit aux innocents capables de rêver les yeux grands ouverts.
Vive Archive for ever, vive la musique ! 

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The end, Bernard et Michel..HEUREUX !
 

Il y aura une suite à ce concert. Un enregistrement pendant une semaine de la partie "musique classique" aux studios de la Victorine à Nice pour un nouvel opus avec toute l'équipe et l'Orchestre Régional de Cannes grâce à mon intervention au printemps 2008, la sortie de Controlling Crowds sur la pochette de laquelle, Michel Sajn et Bernard Oheix sont crédités (!), un concert sublime à Cannes pour présenter cette oeuvre le 27 septembre 2009 dans un Palais des Festivals comble, et quelques rencontres dans les coulisses de leurs concerts à Paris, au Théâtre de Verdure de Nice, au Midem de Cannes, où à chaque fois, Darius, Dany et Pollard me faisaient la fête en buvant des canons !

Archive, à écouter de toute urgence !

Le grenier de la mémoire 36 : Archive, encore et toujours !

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Le grenier la mémoire 35 : La folie des Concerts de septembre !

Publié le par Bernard Oheix

Après le lancement de la première édition de 2006, tous les mois de septembre résonneront comme une rentrée des classes joyeuse, impression rare de retrouver ses marques dans un grand bain de culture régénérant !

Il n'y avait pas de lignes conductrices précises mais des axes de programmation que l'on retrouvent avec constance... des doubles soirées avec deux artistes équivalents, de la culture française dans ce qu'elle a de marginale et métissée, les grandes gloires du rock, quelques OVNI's et des croisements atypiques...

Et mon premier supporter était David Lisnard, le Président du Palais des Festivals qui me poussait dans mes ultimes retranchements afin de sortir du conformisme et d'oser... C'est grâce à son soutien que j'ai pu m'affranchir de certaines règles et programmer les sulfureux Iggy Pop ou Pete Doherty dans les ors de la grande salle du Palais des Festivals sans craindre les habituelles dégradations que ce type de concerts engendrent !

Lui, cela l'amusait... on ne peut pas en dire autant de la Directrice-Générale plus circonspecte devant les quelques accoudoirs brisés, joints écrasés sur les fauteuils rouge où autres vétilles subies malgré une "sécurité" renforcée et un contrôle drastique à l'entrée !

Mais l'imagination des spectateurs est sans limites quand il s'agit de donner libre cours à sa passion !

L'année 2007 fut marquée par les soirées Mano Solo/Sanseverino, une touche très colorée entre le rose de Rose et le rouge d'Axelle Red, le poète des mots Grand Corps Malade et El Club de Michael Jones... mais surtout, l'évènement Archive avec l'Orchestre Régional de Cannes, une création Rock/Classique sur laquelle je reviendrai vu que c'est une vraie production et le "best" des concerts que j'ai eu l'honneur de programmer !

L'année 2008 a chaloupé sur la Salsa Latin Bronx avec Los Fulanos invitant Joe Bataan et Mercadonegro avec Alfredo De La Fe, on a swingué sur Les enfants de Django et Thomas Dutronc, on s'est bercés avec Suzanne Vega et mon ami Yves Simon dans sa tournée come-back mais c'est avec Iggy and the Stooges qu'on s'est défoncés la tête dans l'un des shows les plus échevelés que j'ai jamais vu !

La solitude du rocker de fond ! Sur No Fan, il invite ses fans à le rejoindre sur scène devant les regards épouvantés de la "sécurité"... ils ne s'en sont pas privés !

La solitude du rocker de fond ! Sur No Fan, il invite ses fans à le rejoindre sur scène devant les regards épouvantés de la "sécurité"... ils ne s'en sont pas privés !

L'année 2009 comme un sans faute : les Babyshambles d'un Pete Doherty éblouissant, Louis Bertignac et the band of Gnawa, Enzo Avitabile e i Bottari/Goran Brégovic et L'orchestre des Mariages et des Enterrements et en apothéose, The Young Gods et Archive le retour, dans Controlling Crowds, leur dernier CD enregistré avec le support de l'Orchestre Symphonique de Cannes et un crédit à votre serviteur sur la pochette du CD... non mais ! Chaque soirée comme une pépite ! 

Le grenier la mémoire 35 : La folie des Concerts de septembre !
... et rebelote pour la sécurité du Palais quand Pete Doherty, se sentant seul, invite ses fans sur la scène. Certaines avaient anticipé en lui jetant leurs petites culottes (sic) ! Las ! Il y perdra un morceau de son oreille et la boucle qui y était attachée ! La vie de rock-star n'est pas toujours simple !

... et rebelote pour la sécurité du Palais quand Pete Doherty, se sentant seul, invite ses fans sur la scène. Certaines avaient anticipé en lui jetant leurs petites culottes (sic) ! Las ! Il y perdra un morceau de son oreille et la boucle qui y était attachée ! La vie de rock-star n'est pas toujours simple !

L'année 2010 m'autorisera un nouveau rêve : Nilda Fernandez dans le Grand Auditorium (2400 places) pour une soirée avec l'Orchestre Symphonique de Cannes (toujours prêt à me suivre dans mes délires grâce à son Directeur, Philippe Bender, mon ami !) et une pléiade d'invités dont Laurent Korcia, le violoniste fou et génial dans une Méditation de Thaïs à tomber par terre... Avec en prime une première partie de Cedric O'heix, mon cousin poète marin, issu de la Nouvelle Star ! Une soirée JL Murat/Christophe comme une madeleine et un live électro Laurent Garnier/Etienne de Crecy dans une structure pharaonique.

L'année 2011, sera ma dernière édition. Elle proposera l'African Révolution de Tiken Jah Fakoly, une soirée Rap/Trip Hop avec Saul Williams/Stupeflip et un mythe iconoclaste, à la demande expresse de mon président David Lisnard qui m'avait supplié pour mon dernier "opus" de lui offrir sa part de rêve avec Les Stranglers, le groupe le plus controversé et provocateur du Punk-Rock Britannique. Mission accomplie !

Et voilà avec le temps qui passe la porte de sortie qui s'annonce ! Mais rien ne m'enlèvera la certitude d'avoir marqué, avec cette vingtaine de soirées, l'histoire de la musique à Cannes ! Plus de 40 artistes et groupes, des centaines de musiciens, dans tous les genres, du classique à l'électronique, se télescopant, provoquant une véritable fusion entre les publics, les artistes dans un lieu aussi magique que le Palais des Festivals !

Les concerts de Septembre ne me survivront pas... peut-être parce que j'ai eu la chance d'arrêter avant que la situation n'évolue irrémédiablement vers un nouveau modèle de  marchandisation des spectacles de plus en plus évident ! C'était mon chant du cygne en programmation pure, et ce chant avait la beauté des accords parfaits ! 

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