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Introduction à La Métisse du Peuple des Épines

Publié le par Bernard Oheix

Je vous offre le paragraphe qui ouvre mon livre, comme une pincée de cet air du large qui m'a séduit dans la vie de Talike, cette incroyable aventure humaine d'une femme à la recherche de ses rêves dans une île de mystère. De ce feu qui hante ses nuits, à la quiétude d'un retour au pays, auprès des siens, après une vie de femme et de mère, et un exil pour chanter sur les scènes du monde entier les histoires de son peuple, il y a tout le courage de celles qui affrontent leurs désirs sans se renier, leurs passions, en acceptant les revers d'une vie dans une région où le prix de son existence se mesure à l'aune de son courage. Talike est une métisse, petite fille du dernier roi du Peuple des Épines, et sa voix résonne comme un hymne à la liberté et à la différence !

Le phare de l’enfer. Chaque volute grimpe à l’assaut des étoiles, se contorsionne et projette des nuages incandescents qui retombent en pluie de feu, irisant la nuit de particules rougeoyantes. Chaque bras s’échappant du foyer vient se fondre dans la matrice infernale qui grossit et gagne en hauteur, atteignant des sommets démesurés. Les flammes tutoient le néant. Un grondement sourd manifeste la colère des cieux. Le brasier se nourrit des tonneaux de rhum entreposés dans la cave, se gorgeant des bouteilles d’alcool qui explosent sous l’action de la chaleur. Tout lui est bon pour s’enrichir et conforter sa violence. Le bois des charpentes, les meubles, les papiers et les draps l’alimentent sans faiblir. Il rue par saccades et croît dans une tornade de fumée noire zébrée d’éclairs carmin. Nuit d’apocalypse.

Il paraît que l’incendie fut visible à plus de 40 Km. Sur ces contreforts de l’Androy, au sud de Madagascar, cette tragédie provoqua des rassemblements dans chaque hameau. Les familles se regroupaient, nez en l’air, cherchant la cause d’un sinistre qui illuminait l’horizon. Les vieux hochaient sentencieusement la tête, les femmes jacassaient en pointant du doigt le foyer qui rugissait, les enfants hurlaient. Quelques hommes se rendaient à pas pressés vers le lieu du sinistre, ombres furtives s’évanouissant dans les ténèbres. Chacun pressentait qu’un tel incendie annonçait un drame terrible.

Je marchais dans l’obscurité, m’éloignant du crépitement assourdissant de la chaleur. Les gens couraient autour de moi, se dirigeant vers l’épicentre de ce bouleversement. À contre-courant, du haut de mes 4 ans, je me fondais dans le noir, suivant des chemins inconnus entre les cases, contournant les carrefours où la population se regroupait. Le silence m’attirait. J’avais si peur du bruit. Je chantonnais une comptine que ma maman me psalmodiait pour m’endormir et à chaque refrain, j’avançais de quelques pas, persuadée qu’elle me protégerait contre les fantômes qui profitaient de cette confusion pour narguer les vivants.

 

On m’a retrouvée à l’aube, dans la forêt d’épineux, les pieds lacérés par les dards, la peau striée de cicatrices où le sang perlait, un pouce dans la bouche, les yeux secs d’avoir trop pleuré. Des voisins me reconnurent, ils me ramenèrent à ma grand-mère, la vazaha dont la maison-restaurant venait de se consumer.

Les cendres étaient encore chaudes, quelques fumerolles sourdaient de l’amas noirâtre, un tas impressionnant de meubles hétéroclites gisait dans un coin de la cour. L’incendie avait épargné les cases de mes oncles et tantes. La population avait extrait tout ce qu’il était possible du brasier, sauvant quelques bribes de la puissance de mes grands-parents paternels. Ma mère était absente. Elle avait accouché dans cette nuit d’horreur et se remettait au dispensaire de la naissance d’un enfant qu’elle appelera Afolahy, « enfant du feu », en mémoire de ce drame qui ensanglanta le jour de son arrivée intempestive sur cette terre Malgache. Plus tard, il apprit à marcher sur les braises et à dompter les flammes. Il se produisait sur les marchés, avalant des flammèches, jonglant avec des massues ardentes, devenant célèbre dans la région de l’Androy. Son existence se décline autour de ce maître du feu tout puissant qui l’accueillit avec tant de fracas la nuit de l’incendie qui illumina le ciel des Antandroy.

 

C’est ma mère qui avait donné l’alerte. Le terme s’annonçait, elle ne réussissait pas à dormir et avait perçu la fumée en train de ramper, se glissant comme un serpent venimeux à travers les interstices des parois, les trous dans les plafonds. Une fumée noire chargée des fureurs de l’enfer qui dégorgeait sans bruit en roulant sur le plancher, attendant de se réveiller et de rugir. Elle avait crié de toutes ses forces et senti se déchirer son ventre rebondit. Ses eaux inondant le plancher, elle s’était traînée dans la cour, entamant sa parturition pendant que chacun tentait d’éteindre le brasier, de sauver quelques meubles, d’arracher des souvenirs à la gueule brûlante du dragon qui ronflait d’aise. Une sage-femme arrivée à la rescousse l’avait soutenue et c’est dans la cour dévastée de mes grands-parents que mon frère naquit, par une nuit de folie où la nature avait décidé de se révolter contre la loi des hommes.

 

Mon père et mes oncles n’étaient pas encore revenus de la mine de pierres précieuses qu’ils exploitaient sur les contreforts d’Ambatomika. Depuis des semaines, ils s’acharnaient à extraire de minuscules saphirs, des tourmalines et améthystes d’une veine épuisée. Ils espéraient récupérer dans le sous-sol quelques miettes d’un festin abandonnées par les précédents exploitants. Ils étaient en route dans leur voiture cabossée sur les chemins défoncés qui sinuaient à travers la péninsule. Il n’y avait que les femmes et les enfants pour contempler les dégâts et tenter de remettre un peu d’ordre dans le chaos qui régnait.

Ce sont les policiers qui ont découvert le cadavre de mon cousin dans sa chambre. Personne ne s’était aperçu de son absence. Son corps desséché et recroquevillé restait le seul témoin de ce qui s’était déroulé dans l’ombre d’une nuit malfaisante.

Ce cousin qui venait de mourir, aîné de trois enfants, avait été élevé par ma famille. Après la guerre d’Indochine, son propre père, engagé dans un bataillon d’élite des fusiliers marins, était retourné en France et avait disparu. On ne savait pas ce qu’il était devenu. Évanoui dans la nature, ses enfants avaient naturellement trouvé refuge au sein de notre fratrie.

 

C’est ma grand-mère vazaha qui régentait ce lieu, moitié bar, moitié restaurant, halte à mi-chemin sur la route reliant Fort Dauphin à Ifotake. Équidistant des deux villes, le bourg d’Amboasary était une étape indispensable pour tous les marchands qui sillonnaient ce pays de l’Androy où le peuple des épines avait élu domicile, quelques siècles auparavant, quand aucune route ne perçait les buissons infranchissables. C’est dans cette grande bâtisse carrée qu’ils pouvaient se restaurer, boire en nouant des discussions avec les représentants des hameaux voisins. Ils écoulaient leur marchandise, prenaient des commandes, réglaient leurs affaires en consommant l’alcool de palme, le whisky où la bière française que des camions déversaient une fois par mois dans l’immense cour pour être stockés dans un cellier au rez-de-chaussée. C’est là que le feu avait pris pour se répandre comme une traînée de poudre.

 

La famille de mon père avait fui les persécutions en Alsace au milieu du 19èmesiècle. Dans les guerres qui ravageaient les terres des confins, il n’y avait pas de place pour des Bonapartistes espérant le rétablissement d’un empereur déchu au retour de l’île d’Elbe. C’était une période trouble pendant laquelle la vie était dure et incertaine dans les campagnes reculées. L’immensité océane ouvrait une route aux aventuriers que rien ne rattachait à leur pays. Ils s’étaient embarqués pour un confetti perdu au milieu de l’océan Indien, important leurs idéaux de justice et de fraternité auprès d’une population qui émergeait de l’oppression. Ils avaient créé une coopérative pour fabriquer des tonneaux de bois sur l’île Maurice avec d’anciens esclaves, puis imaginé un phalanstère pour cultiver une plantation de canne à sucre, échouant avec constance, incapables d’assumer les contradictions d’une société primitive où la force brute servait d’étalon à la réussite. Finalement, ils débarquèrent à Madagascar au début du 20èmesiècle, dans le sud désertique et sans eau d’une région sauvage coupée de toute civilisation. Ma grand-mère avait investi toutes ses dernières économies dans cette maison de bois d’un étage au centre d’une cour immense où chacun avait construit une case pour abriter sa famille.

 

Mes parents paternels sont donc des vazahas, blancs venus d’un pays lointain. La couleur de leur peau fait d’eux des colons, ces hommes qui régentent le pays, dictent leurs propres lois, construisent les routes, enseignent à l’école et perçoivent les taxes en important leur culture. Ils n’ont bien souvent que mépris pour les populations locales, indigènes à la peau foncée qu’ils croisent du haut de leurs certitudes, et toisent sans aménité. Mais plus que le mépris pour les indigènes, il y avait leur haine pour les métisses, les mulâtres, ces traîtres à leur race, jamais du bon côté, versant sombre de leurs peurs qu’ils ne pouvaient situer avec certitude sur une échelle des rapports humains. Les sangs mêlés semaient la confusion, ils étaient porteurs d’indécision devant les certitudes des blancs.

Mes ascendants étaient différents, leur blancheur qui commençait à se colorer n’était pas synonyme de désir de puissance. Ils étaient sur les routes depuis des lustres, chassés de toute part. Ce coin perdu à l’écart de tout était l’aboutissement d’une errance qui avait commencé si longtemps auparavant. Bien sûr qu’ils avaient la peau blafarde, que mon père avait poursuivi ses études en France et qu’il était employé comme contremaître à l’usine de sisal de Tsiarapoke, juste en face du village de Befaitse où il avait croisé le regard de ma mère. Mais ils avaient abandonné cette couleur de peau pour se fondre dans la vie des Antandroy, adopté leur rythme de vie, épousé leurs croyances.

 

La nuit, le ciel de mon pays a la pureté d’une eau translucide. La voûte étoilée rase le crâne, on a l’impression d’être plongé dans une mer sombre déchirée de lumières. Le firmament est constellé d’étoiles qui scintillent, l’air semble immobile quand le soleil se lève à l’horizon et que ses rayons viennent réchauffer la nature.

Il me manque mon ciel.

J’avais quatre ans le jour de l’incendie et j’ai entendu ma grand-mère pleurer. C’était la première et la dernière fois que j’ai vu des perles couler de ses yeux et suivre les chemins de ses rides, contourner chaque preuve de ses douleurs et tomber sur la terre sèche pour s’engloutir. Elle savait que la malédiction perdurerait, qu’ils n’auraient nul repos pour les fautes inconnues, qu’il fallait bien assumer pour ceux qui les avaient précédés en leur léguant ce fardeau. Mais la vie a continué.

J’avais 4 ans et je ressens encore cette langue incandescente surgir et tenter de me mordre, se débattre et hurler mon nom. J’ai toujours peur du feu.

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La Métisse du Peuple des Épines

Publié le par Bernard Oheix

La Métisse du Peuple des Épines

Après de longues vicissitudes, ce livre écrit en 2008 vient de naitre officiellement au Festival de Mouans-Sartoux, un Festival de toutes les passions qui a su s'imposer comme un des lieux incontournables de la création et de l'édition en France. 

Prévu pour fin octobre, c'est Laurence Berlioz, la collaboratrice de mon éditeur Frédéric Ovadia qui m'a convaincu de foncer afin d'être présent avec une édition spéciale pour le festival. Et c'est ma correctrice et amie, Myriam Zemour, qui a fait un travail superbe, qui a été heureuse de ce challenge, dans l'obligation de cravacher afin de tenir le délai. Et le miracle a eu lieu en ce vendredi matin du 6 octobre, à 9h, pour l'ouverture, un colis de 20 livres signés de Bernard Oheix m'attendant sur le stand des éditions Ovadia. Émotion indicible de voir l'objet, de toucher ce papier, de sentir cette encre encore fraiche, d'aimer cette couverture concoctée par Laurence.

Le vendredi, 7 exemplaires vendus dans cette foire d'empoigne, dont 5 à des inconnus séduit par la couverture, par Madagascar et par cette héroïne des temps modernes que je vendais avec passion !

Le samedi, jour blanc, le mariage d'un ami très cher avec sa compagne belle comme un soleil Brésilien, m'empêchant d'être au rendez-vous. Mais il restait le dimanche et dès le matin, mon réseau s'activa, avec l'inéluctable frustration de n'avoir plus de livres à vendre à 13H. Il faut dire que l'article ci-dessus d'une demi page dans le Nice-Matin du jour, m'a bien aidé dans ma tentative de séduction ! Merci à toi Alexandre Carini d'avoir aimé ce roman biographique d'une chanteuse Malgache

Alors, avec le dernier exemplaire restant, j'ai pris les commandes (35 unités) et j'attends désormais la livraison des 100 exemplaires qui me permettront de réaliser ce doux rêve de donner un peu de son âme à des lecteurs attentifs.

Oui, j'étais bien à Mouans-Sartoux, dans la cohue de ceux qui tentent de partager un soupçon de leurs passions avec ceux qui désirent ouvrir leur yeux aux horizons du large.

Alors, si cela vous tente, vous savez où me contacter en attendant la diffusion du livre dans 200 librairies de France !

 

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James Blake : la cérémonie pas secrète !

Publié le par Bernard Oheix

La façade de la salle mythique de Paris arborant le nom d'un extraterrestre !

La façade de la salle mythique de Paris arborant le nom d'un extraterrestre !

Assister à un concert de James Blake dans un Olympia bourré à craquer, les têtes chenues cotoyant allègrement les visages juvéniles de ses fans, c'est entrer dans un monde bien surprenant, un univers sonore étrange où toutes les règles sont bousculées. En effet, de cette voix si particulière dont il joue avec bonheur, en la faisant grimper dans les aigus au fil de ses mélodies aux arrangements modernes portées par ses 3 musiciens sur scène, il n'y a qu'une frontière qui éperonne toutes les conventions. Blake fait du Blake et c'est ce que l'on attend de lui.

Entre l'opéra-rock, la messe électro et le concert d'un chanteur hors-norme accompagné d'un bassiste et d'un batteur, le spectateur est envouté, porté par une sophistication du son dont l'ingénieur est le garant, des lumières exigeantes qui donnent une signature si particulière au concert. Félicitations à ces 2 techniciens qui jonglent avec un univers en perpétuel mouvement et permettent à James Blake d'être le porteur d'un message universel : la musique comme une lettre d'amour !

Et moi, en ce jour de froidure parisienne, j'ai eu chaud au coeur d'assister à ce concert et de partager l'enthousiasme des 2000 fans qui s'étaient donnés rendez-vous pour cette cérémonie d'un temps présent !

Debout, assis, l'Olympia comme jamais je ne l'avais vu !

Debout, assis, l'Olympia comme jamais je ne l'avais vu !

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Naissance de la Quinzaine des Réalisateurs et d'une vocation : ma cinéphilie !

Publié le par Bernard Oheix

La mémoire comme un coup de fouet ! En 1969, quelques mois après un mai 68 qui allait bouleverser ma vie, les bruits d'une étrange manifestation nichée au sein d'un Festival du Film qui succédait à la précédente édition avortée, Godard et Truffaut s'accrochant au rideau du vieux Palais afin d'interrompre les projections dans une France qui s'insurgeait contre un pouvoir fatigué et usé qui n'avait pas su comprendre l'évolution des jeunes et leur soif de liberté.

La Quinzaine des Réalisateurs venait étoffer le conformisme d'un Festival engoncé dans ses ors et ses rites désuets. Une porte s'ouvrait et je m'y suis engouffré avec délectation !

5) La Quinzaine des Réalisateurs : Mai 1969. 1re édition et révolution permanente.

C’est à quelques semaines d’un Baccalauréat qui aurait nécessité un peu plus d’attention et de concentration de ma part que j’ai eu le privilège de vivre une expérience cinématographique fondamentale qui allait bouleverser mes choix et donner un sens à ma vie. Derrière les ors de la compétition officielle au Palais des Festivals, dans une petite salle de la rue d’Antibes, le Rex, une fête du cinéma débutait aux portes grandes ouvertes. La Quinzaine des Réalisateurs sous le slogan « Cinéma en liberté » démarrait dans l’effervescence d’un groupe de réalisateurs (Doniol Valcroze, Costa Gavras, Louis Malle, Jacques Deray, Albicocco...) décidés à casser le moule de la sélection officielle et à imposer des œuvres qui ne se retrouvaient pas sur les écrans du Palais des Festivals.

« Les films naissent libres et égaux » ! Un foutoir gigantesque, accumulation de 62 long-métrages sans critères de sélection, vont se succéder devant un public qui s’entassait dans les travées, en présence des réalisateurs et des équipes des films. Une orgie à l’accès libre, sans protocole, où l’on pouvait dévorer des films représentants cette génération qui aspirait prendre le pouvoir dans le cinéma en imposant un style de rupture.

Barravento de Glauber Roccha, Le Lit de la vierge de Philippe Garrel, Notre Dame des Turcs de Carmelo Bene, le cinéma québécois, La pendaison de Oshima, Le nouveau cinéma Français (Luc Moullet, Michel Baulez, Jean Daniel Pollet), des films de cinématographies inconnues du public (Hongrie avec Jancso et Mészaros, Cuba avec Gomez (La première charge à la machette) et Humberto Solas (Lucia). Et tant d’autres bijoux, important l’air du grand large et des cultures nouvelles dans la Ville des paillettes et des stars.

Il y avait aussi des films de la compétition officielle qui venaient à la rencontre de ce nouveau public jeune et passionné. If, la future Palme d’Or de Lindsay Anderson avec le tout jeune Malcolm McDowell qui portait sur ses épaules notre désir de révolte et croisé dans la salle bondée. Easy Reader de Dennis Hopper, en présence de Peter fonda et de Jack Nicholson que j’aurais pu toucher en tendant le bras...

Des heures scotchées devant l’écran, un monde qui s’ouvrait en direct et des réalisateurs qui s’invitaient pour partager nos rêves d’un avenir meilleur, d’une lecture de notre univers.
Je n’ai pas beaucoup suivi de cours entre les 8 et 23 mai 1969, j’ai beaucoup menti à mes parents sur mes journées et mes soirées, mais j’ai su, après ces 11 jours, que ma vie avait basculé. Désormais, le cinéma y occuperait une place centrale. Je ne pouvais que l’accepter parce que c’était ainsi !

J’ai eu mon Bac malgré tout, et avec mention, s’il vous plait ! En octobre 1969, j’ai intégré l’Université de Nice, section histoire, seule filière qui débouchait sur une Maitrise de Cinéma, mon objectif.
J’étais devenu un Cinéphile et je savais ce que je voulais !

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Extraits du Grenier de ma Mémoire !

Publié le par Bernard Oheix

Texte écrit à la suite de la sélection de Frédéric Flamand comme Directeur artistique, en remplacement de mon vieux complice, Yorgos Loukos avec qui j'avais réalisé environ une dizaine d'édition. Moment d'émotion avec au passage, une remontée de souvenirs et des noms et des visages mythiques surgissant de ces années de programmation si intense ! Merci mon Yorgos pour ton amitié qui fut arrachée aux aléas d'une rencontre explosive entre nos deux personnalités.

 

Depuis 20 ans, Yorgos Loukos, Directeur du Lyon Opéra Ballet, assurait avec talent la direction artistique du Festival de Danse de Cannes. C’est grâce à lui que la manifestation a trouvé son identité, s’appuyant sur de nombreuses créations, résolument axée vers le contemporain, et présentant les nouveaux talents de la scène françaises, les leaders historiques de la modernité américaine, le fond inépuisable des grands chorégraphes.

 

Nous avons décidé, en accord avec Yorgos Loukos, de confier à Frédéric Flamand, Directeur des Ballets de Marseille, les éditions 2011 et 2013 et sa thématique autour des Mythologies Modernes nous a convaincus. Un thème en phase avec notre belle cité « arlequin », à cheval entre le passé et le futur, petit port méditerranéen qui se vit comme un village mondial, au cœur de l’univers, balayé par les vents de l’ailleurs.

 

La danse, à l’instar du cinéma, y a toujours trouvé une place privilégiée, et ce n’est pas un hasard si aux ombres fugaces des écrans du mois de Mai, se conjugue cet art de la « chair », cette présence physique d’un corps vivant sculptant la lumière pour faire émerger le rêve d’un absolu.

 

Que Yorgos soit remercié pour toute cette passion qui l’a animé au service de notre image, et bienvenue à Frédéric qui apporte son souffle et sa fraîcheur pour perpétuer l’excellence des scènes cannoises.


 

Lettre envoyée aux membres du Jury du Festival Pyrotechnique de l'été 2011, dernière édition avant mon départ à la retraite. J'avais choisi mon pote Richard Gotainer comme Président, et j'avais bien eu raison... On ne s'est pas vraiment ennuyé pendant les six feux de l'été 2011 et ce fut vraiment un vrai feu d'artifice pour mon départ !

 

A mon meilleur jury de toute la préhistoire des feux d'artifice.
Bon, faut peut-être pas exagérer, il faut quand même moduler... Entre celui qui parlait trop et semblait atteint de "nationalïte" aiguë, (n'est-ce point Christian S... "Il faudra se souvenir du feu  Français", trémolos dans la voix !), celle qui était discrète mais flashait pour la virilité velue des Portugais (Paola C, c'est toi), celui qui parlait mal (le Président, avec sa voix de satyre pornocrate), il y avait aussi le renieur de Monégasques prêt à vendre son Président pour devenir membre permanent du jury, la commerçante suisse et son tiers-monde de blacks people accrochés à ses basques, l'avocate parigote qui couchait (bon, qu'avec le Président, et encore, il a failli être punie d'abstinence parce qu'elle votait mal !), et l'ancien pote de Daniel qui pensait qu'à dédicacer son livre (au fait, il est très intéressant pour moi qui ai vécu pas mal de ses anecdotes !)... Finalement, meilleur jury, c'est peut-être beaucoup !
Mais comment ne pas aimer des gens qui votent pour un feu russe sans avoir une kalachnikov dans les reins, qui provoquent une standing-ovation pour un "jeune et brillant" Directeur de l'Evènementiel à son ultime remise des Prix, qui offrent un superbe cadeau à une belle stagiaire alors qu'elle a même pas couché, qui avalent la fumée du feu italien sans y prendre du plaisir tout en restant stoïques, qui sont capables de rire et de pleurer, et d'être iconoclastes, fleurs bleues, sérieux et maniaco-délirants, obsédés de la chose et comme des enfants éblouis par la beauté d'un ciel embrasé...
Alors oui, en y repensant, vous êtes bien une exception et je vais garder longtemps dans mon cœur, le dernier jury de ma carrière, celui qui m'aura définitivement relaxé en abandonnant toute charge contre moi...
Et le chemin des gens de bonne volonté ne peut que se chevaucher à l'infini, jusqu'aux frontières de la tendresse.
La biz.
 

 

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Oppenheimer : Le cinéma au service de l'intelligence !

Publié le par Bernard Oheix

Moi qui m'insurge à longueur de temps contre les films qui s'étirent au long de la complaisance des réalisateurs, je dois avouer que les 3 heures de Oppenheimer sont indispensables pour entrer dans le cerveau et la vie tumultueuse du père de la bombe atomique, Robert Oppenheimer. 

C'est à une véritable page d'histoire que nous convoque Christopher Nolan, celle d'un homme de génie dans la tourmente d'un pays aux prises avec une guerre et qui devra se relever  dans un monde où les règles sont définitivement changées, à cause, entre autre, de son apport à l'invention la plus terrifiante de l'humanité.

Christopher Nolan, cinéaste britannico-américain à réalisé de grosses machines à cash, Inception, Interstellar, The Dark Knight... Habitué des podiums avec 11 oscars, il est sans conteste, un des acteurs de ce cinéma grand public intelligent capable de drainer des cohortes de spectateurs devant les écrans.

Avec Oppenheimer, il s'est confronté à un personnage de légende, renvoyant à l'histoire controversée d'un pays aux prises avec la réalité d'une guerre monstrueuse, avec l'affrontement d'un bloc communiste, et les tourmentes d'un monde à recréer après l'horreur nazie et la fureur d'une guerre avec le japon ou les soldats américains tombaient les armes à la main devant l'incroyable résistance d'un peuple qui ne cédait rien ! 

Et c'est une belle réussite qui, il fait nul doute, contribuera à accroitre sa collection de statuettes sur les étagères de son succès.

Le film se penche sur 3 périodes de sa vie : sa jeunesse étudiante, gestation d'un cerveau hors-norme, puis le projet Manhattan où la bombe nucléaire devient une réalité dans l'enclave secrète d'Alamo avant d'être larguée au dessus de Nagasaki et de Hiroshima et enfin, l'après guerre où le Maccarthysme tente de le faire chuter, de déboulonner l'idole de la communauté scientifique en raison de ses amitiés avec des communistes.

C'est dans une série d'aller/retour permanents que ces 3 univers se télescopent  avec leur logique intrinsèque. 

Dans la jeunesse, il y a l'éblouissement d'un cerveau sans limites, des rencontres avec d'autres génies, l'intuition comme un clef qui ouvre le futur, les voyages, les langues apprises, la mobilité et l'agilité d'un esprit enfermé dans un corps en train de grandir.

Dans la période de production de la bombe, on trouve sa responsabilité directe dans la constitution d'une équipe de chercheurs, son rôle fédérateur, l'organisation qu'il impose pour fonder la base secrète de Los Alamo où une ville surgit dans le désert habitée par une pléiade de ses relations acceptant de le suivre afin de résoudre le problème d'une première bombe atomique. Mais il y a aussi son rapport à l'armée et à l'autorité qui contrôle tout, ses amitiés avec des communistes, ses doutes, sa peur d'utiliser un fléau pour combattre un autre fléau... et les femmes de sa vies.

Reste la période de l'après-guerre où après avoir été célébré comme le père de la "bombe", il se retrouve dans les mailles du maccarthysme, devant une commission chargée de le piéger et de faire chuter l'idole du monde scientifique. Son retrait, son refus de se défendre, sa découverte des amis traitres et des traitres amis, jusqu'à un rebondissement final qui le lavera de toute tâche et le laisse avec ses doutes et la mort de centaines de milliers de japonais sur les épaules... mais aussi avec cette course définitive vers la bombe H et la création d'une arme que les blocs pourront faire peser comme une menace permanente contre l'humanité.

Cruelle plongée dans un monde qui nous rapproche de ce qui se déroule à l'heure d'une guerre d'Ukraine où les bombes sont brandies comme des flambeaux et menacent directement notre art de vivre. Il restera un homme déchirant, Oppenheimer, partagé entre des idéaux de fraternité, une volonté de paix, l'amour des autres qui restera celui qui a généré l'arme la plus extrême d'une humanité bien incapable de composer avec la raison pour faire cesser la course aux armements... et cela nous concerne tous !

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Le Phoenix, Zaho de Sagazan, et de la musique !

Publié le par Bernard Oheix

Grâce à l'excellente programmation de Sophie Dupont, la directrice de l'Événementiel du Palais des Festivals de Cannes, 2000 spectateurs ont communié avec Phoenix, un des plus grands groupes de Rock de la scène musicale Française et internationale, et avec la pépite émergente de 23 ans, Zaho de Sagazan, qui  a convaincu tous les présents d'un avenir radieux.

Il faisait chaud sur Cannes en ce jeudi 13 juillet et la silhouette de l'église du Suquet en fond de scène découpait l'horizon, offrant un paysage magnifique à ceux qui avaient décidé de s'offrir une place sous les étoiles d'une Méditerranée envoûtante pour renouer avec le passé et l'avenir d'un rock aux multiples facettes.

Et ils ne l'ont pas regretté ! Et moi non plus, retrouvant toute cette équipe de l'Évènementiel si passionnée et évoquant les belles années d'un parcours commun qui nous a mené aux cimes de la béatitude musicale.

C'et Zaho de Sagazan qui a ouvert le bal des fous de musique !

C'et Zaho de Sagazan qui a ouvert le bal des fous de musique !

Zaho de Sagazan est toute jeune, elle vient de produire son premier opus, La Symphonie des éclairs dont elle est l'auteure et la compositrice. Accompagnée de deux musiciens qui jonglent avec leurs machines pour créer les sons électro qui sertissent sa voix si pure, elle s'empare de la scène, et captive le public, parle et bouge avec justesse, déclenche sa voix qui vient servir des mots étrangement cristallins parlant de la vie, de sa vie, de ses rencontres, de l'amour, de son corps et de l'attente de l'autre.

C'est magnifique et si frais dans un déferlement de plages sonores électro qu'elle maîtrise avec audace et simplicité.

Nul doute que son chemin est tout tracé et qu'elle s'imposera comme une grande artiste de scène comme de studio tant elle a à dire... et avec la manière en plus !

Le phoenix des hôtes de ce toit du Palais !

Le phoenix des hôtes de ce toit du Palais !

Phoenix est né en 1997, sur la base d'un groupe d'amis se connaissant depuis le collège. Ils vont exploser en surfant sur l'électro et la French Touch et conquérir la scène anglo-saxonne pour devenir un des plus grands groupes de rock international. On ne compte pas les premières et évènements exceptionnels qui parsèment leur carrière depuis 25 ans même s'ils affichent toujours ce désir de convaincre et d'emporter le public dans les volutes de leurs partitions échevelées.

Dans cette soirée cannoise, la première fois qu'ils jouent un concert complet dans la ville du Festival du Film, ils proposent un set particulièrement rock, deux guitares, basse et batterie, et la voix de Thomas Mars comme fil conducteur. C'est un rock tribal, une plongée dans les riffs et les sons déchirants, du rock pur et dur.

La mise en scène est superbe avec des effets visuels particulièrement réussis dans cet écrin magique. Ils vont emporter le public et le guider sur les traces de ces années de bonheur qu'ils ont traversées sous les sunlight d'une renommée qui n'a pas entamé leur désir de rocker avec les spectateurs.

Phoenix, un parfum d'histoire dans une page qui s'écrit chaque jour de notre existence. Et le public ne s'y est pas trompé qui leur a offert une ovation à la romaine !

Mais il y a aussi deux Cd hérités d'une plongée vers Lyon et La Bresse que je souhaite vous présenter ?

Le premier est issu d'une rencontre impromptue, une cousine de Thérèse qu'elle n'avait pas revue depuis 25 ans et des retrouvailles émues à Sathonay Camps. Le temps d'un repas avec un homme à la coupe de rocker sympathique, une discussion passionnée et déjà le temps de se séparer pour continuer notre route avec la certitude d'avoir passer un beau moment et la promesse de se retrouver sur les chemins de la musique !

Et quoi de plus sincère que de vous transmettre la lettre que j'ai écrite à Jean-Jacques Fau à l'issue des écoutes de ce CD venu d'un monde inconnu.

 
N’étant pas un grand spécialiste du Hard-Rock, j’avais quelques appréhensions à écouter ce CD que tu m’avais si gentiment 
offert.
Une semaine on the road again, et l’arrivée en mon home avec la Méditerranée comme horizon et enfin prêt à subir les affres des Fauz.
 
Et je dois dire que le 1er titre m’a un peu, légèrement, beaucoup... déstabilisé…. particulièrement hard dans le vrai sens du terme !
Mais je suis tenace, et j’ai continué mon écoute en bravant Le Cul des sorcières et puis, et puis… Bon, j’espère que cela ne vous décevra pas de la part d’un non-spécialiste du Hard… mais j’adore votre CD !
Les 2 intros musicales de Story of little Grapefrut et de Metalorganic Heart sont de vrais bijoux !
L’écume des jours est une superbe ballade avec un texte magnifique.
Et quelqu’un capable de ce rire satanique après avoir prononcé le nom honni de Donald Trump dans Poor James ne peut être que quelqu’un de bien !
 
On perçoit l’osmose du groupe, son métier né dans tant de plans galères et dans ces soirées à rêver d’un son unique, les guitare, basse, batterie en harmonie même parfois violente, les textes riches servis par des voix graves comme un élément à part entière de la composition.
 
Bravo à vous, vieux routiers du Hard et vive les riffs effrénés de vos passions !
 
Amitiés
 
Bernard Oheix, le mari de la cousine !
 
 N'hésitez pas, si vous avez la chance de croiser le chemin de Fau'z, allez les voir en concert et achetez leur CD, il vaut le détour par la voie du Hard-Rock ! 
Le Phoenix, Zaho de Sagazan, et de la musique ! Le Phoenix, Zaho de Sagazan, et de la musique !

Et le petit dernier pour la route, Astoria avec À l'écart du Chaos, un CD composé par Thomas Le Gall pour les paroles et la musique avec une bande de copains aux guitares, basse et batterie. Groupe de Boug en Bresse, composé de jeunes quadragénaires, ce CD est excellent et prouve que la richesse et la nouveauté ne sont pas incompatibles, qu'ils ne riment pas forcément avec un nom et une histoire. Ici, c'est le désir qui s'exprime dans de superbes ballades, et l'on sort des mots si intelligents portés par une musique de qualité un peu plus émerveillés par l'inventivité et le chaleur d'une jeunesse qui a tant de choses à dire.

Bravo à Thomas Le Gall (guitare et choeur), à Sylvain Eymery (voix et choeur), Guillaume Delage (batterie et clavier), Laurent Costechareyre (basse et choeur), et autres acteurs de cet opus. Et félicitations à l'équipe d'enregistrement et de  mixage du Studio de la Façonnerie dirigé par Fred Sonnery.

Le Phoenix, Zaho de Sagazan, et de la musique !

Et voilà une belle plongée dans un paradis de notes et de mots chargés d'espoir. Et cela n'est pas rien en cette période de doute général que des porteurs de lumières éclairent notre avenir. Quand le monde semble se figer dans l'horreur, il y a toujours des voix pour nous inciter à croire en un avenir meilleur. Les bateleurs des temps modernes sont toujours les hérauts d'une espérance et le vent l'emportera contre les tourmentes qui nous enchaînent à une réalité parfois bien trop pesante avec ses chaînes qui veulent nous ligoter dans le désespoir. Vive la musique !

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La Métisse du Peuple des Épines.

Publié le par Bernard Oheix

C’était dans la première décade d’un nouveau millénaire. De par mes fonctions de directeur de l’Évènementiel du Palais des Festivals de Cannes, j’avais le privilège de voyager à travers le monde, de sauter de la Russie aux États-Unis, de la Chine à l’Afrique.

Arrivant de New-York où j’avais rencontré un producteur de danse et écumé quelques salles de Broadway avec mon ami producteur Richard Stephan, Séville m’ouvrait ses nuits chaudes aux sons de la musique du monde : le Womex, marché international réunissant les producteurs et les artistes d’une musique qui tentait d’émerger et de rayonner à travers les scènes et de conquérir un public friand des sons d’ailleurs. J’en programmais avec constance, de Salif Keïta à Huun-Huur-Tu, des Mory Kanté Youssoun N’Dour, Idir et Tiken Jah Fakoly, Rokia Traore ou Ismaël Lô…

Présentés dans Les Saisons de Cannes que j’avais créées en 1997, une trentaine de soirées autour de la danse, du théâtre et de la musique de septembre à avril, complété par des festivals et des animations en été. Je ne pouvais imaginer que ces voix portant les siècles et les couleurs de l’ailleurs ne retentissent pas pour emporter le public dans les volutes de l’étrange. Et cela marchait formidablement. Des salles pleines d’un public chamarré et bon enfant.

Je venais donc faire mon marché à Séville, trouver des pépites, ouvrir des horizons, en compagnie d’une bande de jeunes producteurs et tourneurs particulièrement passionnants pour lesquels j’étais devenu, de par mon statut cannois, un grand frère amical. Trois jours de bonheur, de rencontres, de concerts, et de recherches d’un mystérieux chapeau vert, avant de prendre un taxi pour l’aéroport et un retour au bercail. Las, des incidents techniques en cascade, trois heures minimum de retard avant l’embarquement, un bar comble avec une table de libre, un café les yeux dans le vague.

-Pardon monsieur : mon avion pour Bruxelles a du retard, toutes les places sont prises. Acceptez-vous que je m’installe à votre table ?

Elle était superbe la belle inconnue qui venait d’interrompre le cours lâche de mes idées vagabondes. Une métisse au teint caramel, des cheveux noirs brillants, une lueur dans les yeux qui accrochait la lumière.

 

Comme deux inconnus que le hasard rapproche, des mots d’échange, de bienvenue, l’évidence pour moi qu’elle venait du Womex, sa surprise d’apprendre que j’étais un programmateur, et la discussion qui s’engage sur Madagascar : des anecdotes, son apprentissage du chant au long de la rivière Mandrare et des garçons qui rivalisaient avec elle par chants interposés en questions/réponses d’une rive à l’autre, son grand-père le dernier roi du Peuple des Épines, sa vie en Belgique avec son groupe Tiharea dont elle m’offrit un CD, comment elle avait grandi aux sons des veillées avec les vieux qui racontaient les louanges des anciens guerriers en luttent contre les envahisseurs.

Et le temps qui file, désormais trop vite, jusqu’à une annonce informant que les passagers pour Nice étaient attendus et mon départ, non sans avoir récupéré son numéro de téléphone, son mail et son adresse.

En arrivant à Cannes, j’avais sa voix dans la tête comme un litanie qui refusait de me quitter. Je me suis précipité sur mon ordinateur et j’ai commencé à taper, sans savoir où j’allais, brodant sur des mots entendus, des images imaginées. Trente pages dans la frénésie que je lui envoyais avec un message : « -Si tu le souhaites, on peut continuer ? ».

Elle m’a répondu, émue, me demandant comment j’avais réussi à rêver sa vie. Et nous avons entamé un véritable travail, à base de rencontres sur Paris ou Bruxelles. Je l’interviewais, remplissais des carnets de notes et retournais dans ma solitude pour orner sa vie à l’aide de mes phrases et de mes espoirs. Je les lui renvoyais alors et elle corrigeait, agrémentais de commentaires et de précisions mon travail.

C’est ainsi que cela a commencé. Rencontre impromptue, fascination mutuelle, amitié réelle naissant sur un livre en train de s’écrire au fil du temps et d’une matière si riche que mon imagination se contentait d’errer sur les chemins d’une île que je n’avais jamais parcourue mais qui me hantait désormais.

Au fil du temps et des rencontres, ce livre s’est dessiné, moitié sa vie, moitié rêvé. Elle en a lu des extraits à sa mère et me racontait en riant, qu’elle ne savait plus si ce qu’elle lisait à haute voix parlait d’elle ou d’une étrangère.

Les années ont passé et un jour, Basile Ngangue Ebelle, au cours d’une discussion, a appris l’existence de ce manuscrit dans les greniers de ma mémoire. Il m’a demandé de pouvoir le lire et après avoir créé une commission de lecture, a décidé de l’éditer pour la vingtième édition du Festival Panafricain de Cannes, en octobre 2023.

Vous l’aurez bientôt entre les mains et s’il vous guide en territoire inconnu, si vous chassez les épines en compagnie de la belle Talike, alors, peut-être que vous sentirez le parfum de la liberté errer sur la mémoire des hommes et des femmes qui tentent de vivre l’avenir sans renier leur passé.

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Festival du Film : cap sur l'ailleurs !

Publié le par Bernard Oheix

35 films et toujours cette interrogation au moment où l'écran s'illumine : être ou ne pas être ? Être scotché à l'image, dévoré par une histoire, fasciné par un plan, une lumière, un cadrage, l'écho d'une musique... ou bien rester sur la touche, à sentir le siège inconfortable, suivre paresseusement une intrigue sans saveur, sentir le temps s'écouler comme un jour sans fin, telle est la question que chaque séance nous pose et à laquelle nous répondons avec nos corps et notre esprit !

Et cette année 2023 nous offre beaucoup de propositions devant lesquelles il est impossible de rester insensible !

C'est avec Banel et Adama de Ramata Soulaye Sy en compétition que nous inaugurons une série de films particulièrement bien construits sur l'Afrique. Dans un Sénégal où les conventions de la communauté et les rites dépassent largement l'amour de deux êtres, quand la sécheresse et le vent bousculent les certitudes, l'amour fou ne trouve plus sa place et s'échoue sur les rives de la réalité. Film bien construit et particulièrement sensible sur la condition de la femme et le poids des traditions.

On enchaînera avec Goodbye Julia de Mohamed Kordofani, pour Un Certain Regard. Dans un Soudan déchiré entre les catholiques et les musulmans, entre le nord et le sud, entre les notables et les exclus, sur cette terre qui résonne cruellement des affres d'une guerre sanglante actuelle, le réalisateur pose un regard sans complaisance sur la culpabilité d'une femme, sur sa frustration d'avoir abandonné ses rêves et sur les désirs inassouvis. C'est un film magistral, ensorcelant.

Pierrette Mambar est couturière à Douala. Elle porte la responsabilité de ses enfants, de sa mère et son mari a disparu la laissant totalement démunie. Elle va subir un vol à la tire, une inondation dans son atelier et continuer son chemin sans jamais faillir, luttant au jour le jour pour assurer un avenir à ses proches, dans la solidarité de ceux qui n'ont rien, sinon leur courage et leur détermination. Un film qui ouvre les portes d'un ailleurs sans concessions.

On pourrait alors rajouter le If only i could Hibernate de la mongole Zoljargal Purevdash où Ulzii, un adolescent vivant dans un quartier défavorisé d'Oulan Bator, se retrouve en train d'assumer son frère et sa soeur pendant que sa mère retourne au village avec ses deux autres enfants. Brillant à l'école, il tente de présenter un concours national afin de gagner une bourse et pendant ce temps, doit trouver du bois pour se chauffer et à manger pour la fratrie. Un film déchirant qui renvoie à l'abondance de nos sociétés face au dénuement de ceux qui vivent au jour le jour.

 

En complétion officielle, Le Jeu de la Reine de Karim Aïnouz présente une page sanglante de l'histoire de l'Angleterre. La 6ème et dernière femme d'Henry VIII va tenter de survivre aux délires paranoïaques d'un roi rongé par la maladie et le délire de persécution. Une belle fresque qui fait passer notre Charles III actuel pour un roi bien sage et Camilla pour une gourgandine !

Anatomie d'une chute de Justine Triet malgré un Swann Arlaud particulièrement juste et un Antoine Reinartz sulfureux, trouve ses limites et manque de créer une authentique sensation. Les 2h30 de projection étaient par trop ambitieuses et 30 mn de moins eussent été salutaires pour l'attention (et la tension !) du spectateur. Hopeless du coréen du sud, Kim Chang-Hoon, restera une des belles surprises de ce festival. Un adolescent confronté à un beau-père qui le bat, est aspiré dans un réseau maffieux pour une dette d'honneur. Face à l'ultra-violence, devant un chef charismatique, il va grandir et vaincre ses démons pour trouver l'espoir et le bonheur. Un film coup de poing où derrière le sang de la mort se dessine l'espoir d'une vie meilleure.

Le 4ème volet de la trilogie d'Aki Kaurismaki, Les Feuilles Mortes, est une déambulation douce amère entre un homme et une femme paumés que tout doit séparer. Pourtant, dans leurs blessures et dans les hasards malencontreux comme bénéfiques de leurs solitudes, un unique et dernier amour va naître enfin. C'est beau comme du Karismaki et tendre comme ceux qui veulent encore espérer de la noirceur de la vie !

Perfect Days de Wim Wenders est une pérégrination passionnante sur les traces d'un homme que le quotidien écrase de son poids. Ce nettoyeur des toilettes de Tokyo, vit dans un rituel mutique mais va être confronté à des évènements qui vont bousculer sa solitude et dérégler ses habitudes. Fascinant même si exigeant ! 

35 films et moi, et moi ! Un appareil défaillant dans cette salle de la Licorne nous a privé du Bellocchio, du Ken Loach et de tant d'autres surprises. Il n'en reste pas moins que cette édition nous aura offert de belles propositions, un niveau de qualité réel et un regard aigüe sur l'état d'un monde en déliquescence.

À noter la confirmation de l'émergence de nombres réalisatrices qui occupent enfin une vraie place dans ce paysage de l'image animée, l'arrivée à maturité d'un cinéma africain qui se regarde dans un miroir sans concessions, et la prégnance d'une fibre "écologique" naturelle !

Pour le reste, pour ce palmarès qui va tomber dans quelques heures, il ne fait aucun doute à mes yeux, nonobstant ceux (nombreux) que je n'ai pu visionner, que The Zone of Interest de Jonathan Glazer sera ma Palme d'Or et que les filles d'Olpha un magnifique prix du Jury... et que le Kaurismaki pourrait créer une surprise !

Et pour le prochain festival, rendez-vous dans un an ! Et en attendant, rappelez-vous, le cinéma c'est dans une salle que cela se déguste, pas dans le fast-food d'un écran de salon !

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Festival du Film de Cannes 2023 : 4 jours, 16 films, et après ?

Publié le par Bernard Oheix

C'est reparti pour une rafale de films dans ce monde en colère où les images de la réalité sont bien plus dramatiques que celles des fictions d'un après-covid qui a laissé des traces. L'option pandémie semble trainer dans de nombreux films, comme si les certitudes d'antan vacillaient devant le spectacle de l'incertitude générée par un virus délétère.

Mais la vie doit continuer et regarder notre passé, c'est aussi construire l'avenir !

À l'évidence de ces premiers jours, deux films en compétition que l'on retrouvera dans le palmarès... si le jury est à la hauteur de sa mission ! Réponse dans une semaine !

Le premier est un chef d'oeuvre, The Zone of interest de Jonathan Glazer et fait la jonction avec mon précédent article consacré à Simone Weil, les combats d'une effrontée.

Rudolf Hoss est le commandant du camp d'Auschwitz, particulièrement apprécié pour son efficacité, sa capacité organisationnelle dans le traitement de l'extermination des juifs, sa rigueur dans la gestion des équipes de SS...

Sa femme et ses enfants ont construit un hâvre de paix sous les murs de ce camp que l'on ne verra jamais... si ce n'est quelques cheminées rougeoyantes, une litanie de cris sourds et les fumerolles de trains débarquant leurs cargaisons.

Mais une promotion va éloigner Rudolph de son lieu de vie et sa femme refuse de le suivre, s'accrochant à ce jardin fleuri, à cette paix si durement gagnéé par son mari.

C'est dans le final qu'enfin nous pourront entrevoir la réalité de l'horreur en jeu, dans un saut temporel où les vestiges d'une humanité perdue nous sautent aux yeux dans l'insoutenable tragédie d'un siècle perdu.

La construction originale, les vides d'un écran emplit des noirs desseins de la folie humaine, nous parlent au coeur et font de ce film une oeuvre majeure pour entrevoir les failles d'une humanité perdue.

Tout aussi passionnante est l'horreur moderne que dessine Les Filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania. La plongée dans l'univers de Daesh de deux soeurs est confrontée au sort de la mère courage et des deux autres filles trop petites pour faire le grand saut. Des années après, dans un film sur le film passionnant, de la réalité à la fiction, quand les contours du jeu d'actrices affrontent le documentaire d'une vie, s'affrontent le silence des absentes aux regrets des présentes.

C'est un film sur la radicalisation de deux tunisiennes dans une après-dictature qui a libéré toutes les forces les plus néfastes de la société au service d'une religion intégriste mais dont le sourire d'une mère laisse augurer que la vie sera plus forte que la mort.

En attendant, les deux soeurs sont détenues dans un camp en Lybie et espèrent une extradition vers la Tunisie.

Reste quelques belles pépites qui font espérer... Ama Gloria de Marie Amachoukeli à la semaine de la critique (1er ou 2ème film), où les vacances d'une petite fille chez sa nounou adorée obligée de rentrer dans son pays, au Cap-Vert. Le rapport entre Cléo et Gloria rythme le tempo de ce beau film émouvant et sincère.

Dans la même catégorie, Vincent doit mourir de Stéphan Castang, où l'excellent Karim Leklou se retrouve agressé par des inconnus qui croisent sont regard à cause d'un virus (!) mystérieux. Le film est délirant et plein d'humour, un OFNI (Objet Filmique Non-Identifié) qui part dans tous les sens et nous offre quelques scènes d'anthologie sur la manière de faire l'amour sans croiser le regard de l'autre ou d'entraver sa partenaire avec des menottes sans esprit sm mais avec l'instinct de survie !

Le Retour de Catherine Corsini est un beau film loin du parfum de scandale dont il était précédé. Khédidja, une nounou (encore !) a le tort de retourner pour son travail en Corse avec ses 2 filles adolescentes Jessica et Farah. Le passé va resurgir, les haines d'antan se cristaliser, les non-dits se découvrir dans une île pas toujours tendre avec les autres. Mais la vie sera plus forte que les haines.

Et comment ne pas parler des films ratés qui auraient pu être bons, comme Los délincuestes de Rodrigo Moreno qui, sur une bonne idée, réussit à gâcher son film en l'étirant sur 2h30 et en massacrant la 2ème partie à coups de hache dans le scénario ! Tout aussi regrettable, l'explosion en plein vol de The New Boy de Warwick Thornton qui massacre ses images superbes, une Cate Blanchett sublime et une histoire qui aurait pu être passionnante en se perdant dans les tourments intérieurs d'une jeune aborigène fascinant !

Quand à Jeunesse de Wang Bing, 20mn sur les 3h de film m'auront suffit pour apprécier la qualité de la démarche sans en supporter la longueur insupportable infligé au spectateur !

Dommage !

Mais le grand cirque continue et les films de demain seront peut-être meilleurs  que ceux d'aujourd'hui, alors vite, aux écrans, dans une course contre la montre d'une horloge qui suspend son vol !

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