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Mon festival du Film 2013.

Publié le par Bernard Oheix

MON FESTIVAL DU FILM....2013

Premier Festival de l’ère de la retraite... Terminé le badge Directeur du Palais, passer devant tout le monde, entrer par les «artistes», faire les empreintes des stars (Ah ! Kim Basinger !)... Etre in...

Place à l’anonymat des longues heures d’attente dans des files interminables, à la cohue pour se battre afin d’obtenir un siège bien placé, aux regards scrutateurs des cerbères sur le badge cinéphile suspendu à la poitrine comme une prothèse permanente... Etre out...

Et vous savez quoi, j’ai aimé mon Festival du Film 2013 et ces 37 films ingérés à raison de 3 à 4 par journée. Détaché de toutes contingences autres que celle d’une maison pleine (3 corses, 1 allemand, 2 enfants, quelques neveux et 1 marocain...), hôtel California, complet... mais si vivant ! Quand on est heureux, on partage ce bonheur. Quand on a la chance d’être dans la ville du cinéma en étant cinéphile, on s’offre le plaisir extrême d’aller à la découverte du monde par des pellicules interposées, entouré d’une famille recomposée, dans un happening cinématographique que même le mauvais temps ne peut entraver.

Etre heureux et donner du bonheur en en recevant, c’est cela mon festival de 37 films concentrés en deux salles périphériques, la MJC Picaud et la salle de la Licorne et un jardin de La Bocca.

Cette année, disons-le, ce fut un très bon crû, même s’il a manqué un chef d’oeuvre pour parachever ces 12 jours de folie. Beaucoup de très beaux films, passionnants, sur des sujets attractifs, comme si le coeur de l’homme venait battre à notre porte, avec des résonances étranges qui créent des parenthèses dans des univers improbables.

Deux thèmes se sont taillés la part du lion. Le premier est celui de l’homosexualité décliné dans toutes ses variantes, rebondissant d’un Libérace à La vie d’Adèle, la Palme d’Or, de films tragiques en comédies, de scènes très crues en esthétique suggestive. Le monde en ébullition des manifestations contre le mariage pour tous résonnait comme un écho délétère de ce mouvement d’idées traversant toutes les cultures de nombre pays. Et quand on ne transgresse pas le genre, alors, on dispense son corps comme une monnaie d’échange, tel la jeune fille de Jeune et Jolie de François Ozon qui se prostitue pour combler un vide, et parce qu’il n’y a plus de repères entre son corps et la «marchandisation» de son sexe, ou l’on construit sa vie sur une imposture, comme le remarquable et jouissif Les garçons et Guillaume, à table de Guillaume Gallienne, hilarante comédie où le garçon élevé pour être une fille et aimer les garçons, s’aperçoit qu’il aime les filles et pas les garçons !

Le deuxième est paradoxal puisqu’il concerne l’enfance et la filiation. De la naissance à l’adolescence, le poupon fut roi en ce festival de la recherche d’une filiation impossible. Sujet au coeur du japonais Kore-Eda Hirokazu, Tel père, tel fils, justement primé, qui tranchera pour la loi du coeur contre celle du sang, pour les liens de l’amour contre ceux plus hypothétiques du gène. Il y eut de fréquentes naissances, des bébés fripés grandissant pour devenir des enfants maladroits, sous l’oeil d’une caméra inquisitoire saisissant les rapports tendus entre adultes et enfants (Ilo, Ilo du singapourien Anthony Chen entre une servante philippine et un enfant roi insupportable, les rapports père-fille du magnifique et très cinéphilique Michael Kohlhaas de Arnaud des Pallières, l’ambigüe relation entre une petite fille et le docteur nazi Menguele dans l’émouvant et saisissant Wakolda de l’argentine Lucia Puenzo).

Mais dans ce déluge de scénarii, d’histoires renvoyant souvent à la réalité d’un monde en crise où les plus faibles (les pauvres et les jeunes) sont broyés par la violence (l’incroyable la Jaula de oro, de Quemada-Diez, épopée tragique par les trains poussifs chargés d’émigrants qui mènent 4 jeunes des bidonvilles du Guatémala au «paradis» des Etats-Unis, (un seul survivra), Omar de Hany Abu-Assad, ou l’impossible survie de 3 jeunes palestiniens plongés par l’absurdité d’une terre occupée qui sécrète sa propre violence et broie les individus, The Selfish Giant de Clio Barnard quand deux jeunes exclus du système anglais dévoilent l’intolérable misère de ceux qui restent en marge et survivent des miettes du festin de la société.

Et maintenant donc, passons à quelques aspects particuliers de ces films en miroir. Des éléments qui surgissent au fil des heures de projections, qui se renvoient la balle et que l’on retrouve comme en leitmotiv. 5 tics sont apparus pour constituer un alphabet improbable de l’année 2013. Signalons que pour avoir l’honneur de figurer dans ce palmarès, il faut avoir été repérés 5 fois dans 5 films différents, dûment constatés par une cour de justice assermentée composée de l’ensemble des résident de mon «hôtel California».

  1. En 2013, on urine énormément dans le 7ème Art. Homme comme femme, avec des jets puissants, des commentaires acerbes (c’est les chutes du Niagara), dans toutes les positions, en devant de scène ou en arrière plan. Les «pisseurs» ont manifestement pris le pouvoir contre les «déféqueurs».
  2. En 2013, la sonate de piano envahit la bande sonore. Parfois, elle déborde même et s’insère comme un élément de l’image, les interprètes maniant le clavier comme moi, une boîte à outils, avec une certaine nonchalance et un immense talent. Les états d’âmes torturés des protagonistes retrouvent en contrepoint du jaillissement des «urineurs» désinvoltes, les notes cristallines de Schubert, Bach, Chopin...
  3. Les Films de cette année sont très souvent découpés en saisons, voire en mois. De l’été à l’hiver, de décembre à juillet, la fuite inexorable du temps, rythmée par les sonates de pianos bien qu’entrecoupées par des jets de pisse, montre à l’évidence que la linéarité est un leurre dans un monde où s’entrechoquent les violences d’un univers sans âme.
  4. Tout n’est pas aussi noir. Même brisé et à bout de souffle, les acteurs et actrices se lavent les dents avec régularité, et même la langue d’ailleurs, dans ce monde qui nous opprime. Ne jamais aller au lit sans passer par la case brosse à dents, quelque soit l’âge du protagoniste.
  5. Mais le danger guette. Opportunément, des plans de coupe avec des nuages viennent signaler les menaces extérieures, et quand on montre des nuages à l’écran, en 2013, ils sont forcément énormes, envahissant, cumulus-nimbus aux teintes bistres. Il ne suffit pas de les voir... Ils se décident à crever mais attention, quand il pleut au cinéma à Cannes, forcément, il tombe des trombes d’eau, des orages cataclysmiques, qui balayent tout sur leur passage et empêche même les essuies-glaces des voitures de fonctionner. Remarquez, les cinéastes étaient synchrones avec la météo cannoise de ces deux semaines de Festival. Prémonition quand tu nous tiens !

Voilà donc un petit tour d’horizon des manies du crû 2013 de nos cinéastes....Il faut signaler qu’un film réussit le tour de force de conjuguer les deux thèmes et la quasi totalité des tics de l’année. Il s’agit du Chateau en Italie de la soeur de..., enfin, de Valeria Bruni Tedeschi, film au demeurant intéressant, où la cinéaste tente une auto fiction dans la lignée des deux précédents opus...mais en s’améliorant nettement. Encore un effort, Valéria, et tu l’auras ta Palme !

Reste le Palmarès, éternel sujet de controverses, les pressions imaginaires, ou pas, que sont sensés subir des juges en train d’élire les vainqueurs de cette édition dans une tambouille que ne désavouerait point un gâte-sauce réfugié dans un temple du 7ème Art culinaire.

Pour tout vous dire, je ne crois pas une seconde à un Steven Spielberg engoncé dans des choix partisans. Subjectifs certes, et c’est le propre d’un jury que d’exprimer sa sensibilité, de trancher entre les options multiples d’un agrégat de personnalités aussi diverses et prestigieuses. Forcément injuste et partial, mais reflet de leurs goûts, de leurs rencontres et de ce que d’authentiques professionnels du cinéma pensent de leur art et de son devenir.

Alors primer le mexicain Amat Escalante, Heli, mauvais film, pourquoi pas ? Reste que, même si Nebraska d’Alexander payne n’est pas un chef d’oeuvre, le prix de l’interprétation masculine à Bruce Dern, récompense une belle ballade douce amère d’un vieux père et de son fils à la recherche du temps retrouvé, moment intime de grâce et scanner de la société américaine de l’intérieur. Bérénice Béjo est excellente, mais le film Le Passé de l’iranien Asghar Farhadi méritait mieux que cette récompense en trompe l’oeil (un prix du jury me semblait plus adapté !). Tel père, Tel fils de Kore Eda Hirokazu et le Inside Llewyn Davis des frères Coen sont bien justement reconnus à leur place dans le palmarès final. Je n’ai pas vu le chinois A touch of sin de Jia Zhangke.. aussi n’en dirais-je rien, si ce n’est que le cinéma asiatique, longuement annoncé depuis des années, arrive à maturité et s’impose avec logique dans le concert général des films. Il lutte enfin à armes égales avec les cinématographies occidentales.

Des absents naturellement il y en a. Le troublant et réfrigérant Jeune et Jolie de Ozon, le Jimmy P de Desplechin, le Kohlhaas de Des Pallières... les français étaient vraiment au top niveau cette année, cocorico pour nous, il y a quand même des choses positives dans notre hexagone même si la météo est pourrie !

Reste la Palme d’Or, consécration définitive et baromètre de l’année. Je n’aurais pas misé un kopeck sur une adhésion des deux anglo-saxons (Spielberg et Kidman) sur l’opus sulfureux de Abdellatif Kéchiche, La vie d’Adèle. Raté ! Et ce n’est que justice. Même si je suis critique sur certains aspects du film, c’est une vraie oeuvre de cinéma, une plongée dans le coeur embrasé d’une jeune fille, et la force de son amour dépasse largement le strict cadre d’un amour lesbien. Elle devient universelle dans le tragique de ce qui réunit et divise un couple et les larmes amères n’ont pas besoin de sous-titres ni de commentaires pour exprimer la profondeur humaine. Alors pourquoi une certaine complaisance dans la longueur, pourquoi une redondance dans la crudité de la vision de deux corps féminins faisant l’amour ! Passion quand tu nous tiens ! Un peu d’humilité peut-être et de respect pour le travail des autres (il n’y avait même pas de générique, et que l’on ne me dise pas que c’est la faute d’un manque de temps !). Pas sûr de ce point de vue que cette Palme donne plus d’humanité au réalisateur. Mais son film restera comme un évènement, sans aucun doute le plus torturé et le plus incisif des commentaires sur la vie réelle qui tapait à notre porte dans les actualités d’un monde télévisé affichant les haines et les dissensions.

Bon, 37 films, c’est 3 de moins que mon objectif initial... Je ferai mieux l’an prochain ! Il faut juste que j’améliore mon rendement...

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Les Affres du Festivalier de base !

Publié le par Bernard Oheix

Cet article aurait dû sortir le 1er jour du festival... Problème avec mon blog aidant, le voici donc juste avant la fin du Festival...En attendant, 28 films après l'avoir écrit, il reste totalement d'actualité.

A bientôt donc !

Bon, d’accord, il pleut des trombes pour l’ouverture du 66ème Festival du Film. Mais c’est pas vraiment une surprise, il pleut à toutes les ouvertures ! Il pleut pendant le G20, il pleut toujours sur Cannes dès que les caméras du monde entier se pointent à l’horizon. A se demander comment nous pouvons conserver l’image d’une région où le soleil brille en permanence. Un micro-climat, peut-être, mais certainement pas pas quand les yeux de l’univers sont rivés sur nous. Dès que les caméras s’en retournent dans leurs pays pluvieux et venteux, alors soyez rassurés, nous on retrouve notre soleil !

Et la pluie, ce n’est pas vraiment pas le «top» pour le Festival du Film. En effet, le principe de base étant que pour un film visionné en salle, il faut passer un tiers du temps dans la queue qui est en extérieur pour y accéder, donc sous la pluie, (et sans parapluie pour ne pas avoir à le trimballer...), cela donne sur la base moyenne de 30 films d‘1H30 (ce qui est un film court dans l’esthétique médiane du Festival où le standard est de plus de 2H05 pour obtenir une palme), soit 30*30= 900 mn ou l’équivalent de 10 films sous des trombes d’eau ! De quoi être imbibé même si l’on sait qu’en général la pluie ne tombe que les jours d’ouverture et de clôture du Festival, juste pour ennuyer les organisateurs et permettre aux stars de brandir des parapluies pour affronter la montée des marches.

Il faut avouer que les marches, avec le tapis rouge, les caméras, les hallebardiers, cela en impose . Vous ne pouvez pas imaginer, les feux de la rampe éteints, combien sont déçus les touristes nippons qui déferlent en bus tout au long de l’année, en les contemplant. On les entend caqueter (en japonais) «-Comment cela, si petits ces escaliers ? pourtant, à la télé, ils sont grands, imposants, majestueux...» Et ils repartent au pays du Soleil Levant avec la certitude que l’Européen est hâbleur, menteur et fourbe, alors que l’on n’a même pas les yeux bridés, et nous taillent des croupières économiques pour se venger !

Bon, une fois dans la salle il faut trouver le bon siège. Ce n’est pas facile, les cinéphiles sont grégaires et cherchent toujours la bonne place, 1/3 de l’écran, légèrement décalé sur la gauche, meilleur angle de vision et balayage optimum de l’écran et des sous-titres dans une perception occidentale de lecture de la gauche vers la droite. Pour les arabes qui lisent de la droite vers la gauche nous conseillons d’inverser le positionnement en basculant vers la droite et pour les japonais qui lisent de haut vers le bas, de monter au balcon en central (cela uniquement s’il y a un balcon, bien naturellement). Bon, le problème c’est qu’il y a moins d’asiatiques et d’arabes que d’occidentaux et qu’on se retrouve tous dans la même zone à se battre pour ne pas être déporté vers les ailes de la salle de cinéma avec des angles de vision tellement latéraux que l’on a l’impression de voir le film à travers un prisme déformant.

Une fois que l’on est installé, on peut jouer sur son smartphone à Freecell, (mais discrètement en dissimulant l’écran, ce n’est pas toujours bien vu du vieux cinéphile de base qui est jaloux de ne pas maîtriser la technique !) même s’il est plutôt conseillé de se plonger dans les synopsis des films à venir, et cela jusqu’à ce que retentisse la musique du générique du Festival et que les lumières s’éteignent.

C’est là qu’il faut commencer à trouver une place pour ses genoux même si c’est une opération complexe et délicate. Dès que vous faites plus d‘1,72m, vous avez les genoux qui s’écrasent sur le dossier du spectateur qui vous précède. Il s’agit alors de caler vos articulations sur le fauteuil du devant pour basculer la tête sur votre propre dossier en infléchissant votre postérieur vers le rebord de votre propre siège. Il y a deux inconvénients majeur, si le spectateur qui est devant dépasse les 1,65, il occulte les sous-titres, ce qui est pénalisant pour les films Ouzbeck doublés en anglais. Le deuxième inconvénient est indépendant de la taille mais touche au volume et à la nature contondante des genoux. En général, ils font une pression sur le dos de celui qui vous précède qui a tendance à se retourner en grognant ce qui fait réagir les gens qui l’entourent, éructant des «-Chut» pour faire cesser ces bruits incongrus, ce qui entraîne tout le monde à réagir en un concert d’exclamations énervées sensées faire naître le silence... Et là, vous avez honte de votre taille et de vos genoux mal placés et contondants... De toute les façons, au bout de 20 mn, vous avez mal à vos articulations et serez dans l’obligation de changer de position, ce qui fait que tout le processus recommence et que la salle re-grogne a échéance régulière comme une bête agonisante !

Le spectateur est un étrange animal à sang chaud qui a tendance dès le 4ème jour du festival à s’endormir pendant le 3ème film de la journée (vers 15H35) sur un total moyen de 5 pellicules quotidiennes, (remarque : ce n’est pas mal, et démontre à l’évidence une résistance certaine). Il faut dire qu’un plan fixe Hongrois de 6mn32 après un pan-bagnat, c’est long. Cet assoupissement temporaire et la position inconfortable provoquent alors des ronflements intempestifs mais étrangement, même les plus sectaires des cinéphiles hésitent à réveiller un spectateur qui dort. Il y a des principes sacrés et le besoin de récupérer est une frontière que très peu s’autorisent à transgresser. Comme quoi, que vos propres genoux soit endoloris, tout le monde s’en fout, alors que les narines bruyantes du voisin n’offusquent pratiquement personne. C’est la dure réalité du festivalier.

Il y a, heureusement, la sortie du film pour reprendre ses esprits en parlant de l’oeuvre que vous avez presque vue en entier. De nombreuses méthodes vous permettront de passer à travers les gouttes d’un jugement initial toujours délicat. Imaginez que vous annonciez que le scénario est nul et que ce réalisateur est un «branquignol» (bon, c’est vrai, vous vous êtes assoupi pendant la moitié du film !) alors que tout le monde clame au génie et lui attribue d’office une Palme d’Or (c’est un sport national de décerner les Palmes d’Or à Cannes, à se demander pourquoi il y en a si peu à l’arrivée... c’est comme pour les dimensions des marches, une distorsion de l’espace-temps caractéristique de la déformation due à une consommation excessive d’écrans), et que les critiques (que l’on vomit par ailleurs), lui octroient plein de petites Palmes dans les journaux...

Bon, on a un thermomètre pour se situer intuitivement, les applaudissements ou sifflets à la fin de la projection, car à Cannes, on manifeste toujours à la fin du film et même pendant la projection, d’ailleurs.

A partir de là, vous pouvez adopter plusieurs attitudes. Soit aller à contre-courant et encenser ce que les autres ont hué, ce qui vous assure d’être au centre des débats intenses d’après projections (avec son corollaire où vous démolissez ceux que les autres ont adulé), soit vous vous inscrivez dans le droit fil de la foule et vous vous épargnez toutes arguties (cela dépend parfois du fait que vous avez faim ou envie de faire pipi, car la position assise récurrente est tyrannique pour la prostate des cinéphiles de plus de 60 ans). Dans tous les cas, vous pouvez utiliser deux ou trois fois pendant le Festival quelques arguments massues, tels la distanciation Brechtienne ou le rapport entre la forme et le fond, en veillant toutefois à ne pas systématiser ces apports sous peine d’être taxé de pédant ce qui est contradictoire avec l’image de l’intellectuel proche du peuple cinéphile que vous désirez incarner.

Il reste aussi l’attitude interrogative qui peut vous donner la stature de celui qui cherche et soupèse mais là aussi, il ne faut pas s’enferrer dans sa reproduction, car on pourrait assez rapidement vous taxer d’être incapable de juger les films et vous marginaliser dans les discussions.

Mais pour voir les films, il faut avoir des invitations... et à Cannes, ce n’est jamais gagné, même pour les plus grands. Activité principale du mois de mai, la recherche du sésame qui autorise la montée des marches s’apparente à un chemin de croix. Les badgés et les VIP ont bien une longueur d’avance mais la véritable démocratie festivalière (les places ne s’achètent pas et les puissants doivent courber l’échine devant les responsables des bureaux divers et variés qui répartissent les milliers d’invitations quotidiennes) fait que les compteurs sont régulièrement remis à zéro et que tout le monde se bat pour avoir le passeport béni. Avouons malgré tout, que dans cette démocratie, quelques commerçants Cannois de la rue d’Antibes ont une longueur d’avance sur le cinéphile de base.

Le problème malgré tout, c’est qu’une fois que vous avez obtenue, après une heure d’attente dans une file bigarrée, une invitation pour la séance qui débute deux heures après, vous refaites la queue pour accéder au film et que, c’est à ce moment précis, en général, qu’un cerbère vous bloque alors qu’il n’y a plus que douze personnes entre vous et l’entrée... car la salle est pleine ! Et parfois il pleut, en plus !

Mais Cannes, c’est Cannes et pendant quelques jours vous êtes au centre du monde, dans le temple de la cinéphilie, au coeur de toutes les tensions du monde médiatique. C’est vrai que vous ne pouvez plus circuler en ville (d’où l’utilité d’avoir une 650 bandit Suzuki vendue par des Japonais qui vous détestent parce que vous lui avez fait miroiter une montée des marches sans commune mesure avec la réalité !), que se garer (même avec un deux roues) est un cauchemar, et que vos interlocuteurs pendant ces deux semaines de folie se résumeront à des hordes de cerbères, gardiens du temple et autres forces de police qui vous imposent dans la plus grande des confusions de cheminer en dehors des clous, sur des voies qui empruntent plus à Kafka qu’à un plan de la Ville... Mais quand les marches rouges apparaissent sur l’écran de tous les désirs, que la musique (Haendel ? Water Music ?) du générique retentit et que le noir se fait complice, alors, vous pouvez vous laisser aller et entrer de plein pied dans le monde d’un imaginaire débordant, celui de tous les rêves du possible.

Et vous pourrez tout au long de l’année dire «-Oui, j’y étais au 66ème Festival du Film.» Oui, depuis 1969 et la première édition de la Quinzaine des Réalisateurs (Easy Rider et If), j’ai participé à quasiment toutes les éditions (à l’exception de mes six années d’exil Burgien). J’ai eu des badges divers, des invitations de raccroc, des entrées par les portes de sorties, des cartes de Directeur ou des fausses cartes de presse imprimées en Corse, j’ai visionné 30 à 40 films par édition même s’il y en a 400 de présentés (ce qui fait que le vrai étalon d’un Festival n’est pas le nombre de films que vous avez vus mais bien l’ensemble de ceux que vous avez ratés !), j’ai rencontré Polanski et j’ai fait les empreintes d’Antonioni, j’ai joué dans la cour des grands et subit toutes les avanies d’un cinéphile mordu par le désir d’embrasser cette fenêtre sur le monde des images. Oui j’ai discerné à chaque édition des thèmes transversaux qui, de Singapour à la Bolivie, du Niger à l’Islande, entraient en résonance pour mieux comprendre le monde, pour mieux le lire en nous rendant plus intelligent...

C’est mon Festival du Film, et il n’appartient à personne d’autre qu’à moi, et je suis heureux d’aller voir dans quelques heures le film d’ouverture, Gatsby le magnifique, même si je n’attend pas grand chose de Léonardo Di Caprio.

Alors, Vive le Cinema !

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Les 50 ans de Christine.

Publié le par Bernard Oheix

Situons le contexte... Mon amie est étrange, une copine sorcière, Christine Raggava. Elle désirait que je sois présent à son anniversaire, un chiffre bien rond qui claque comme un coup de fouet, 5O balais, circulez, y a rien à voir !

Bon, je tenais à être avec elle pour franchir cette frontière d’une demi vie, un cap particulièrement important, l’impression étrange de monter des escaliers, d’arriver sur un palier après un demi siècle et d’entamer une descente dans un temps désormais mesuré....vers l'eden ou l’enfer ?

Christine est attachante, amie de coeur, douée d’étranges pouvoirs. Elle me masse et me magnétise depuis des années. De temps en temps, elle pousse des incantations bizarres en une langue incompréhensible, puis égorge un poulet avec ses dents et asperge mon corps de son sang....

Non, c’est une blague !

Je reste un cartésien et matérialiste convaincu, mais elle est chargée d’ondes ma copine, et je l’aime comme elle est, à la fois attachante et bien plus fragile qu’elle n’y parait et que ses pouvoirs de magnétiseuse ne pourraient le laisser penser... C’est une femme qui a cherché toute sa vie quelque chose en sachant qu’elle ne le trouverait jamais, une harmonie de l’air, une perfection du sentiment, l’absolu d’un moment unique que son compagnonnage avec les mystères de la vie lui dérobent...

Elle vit avec un ami, son Raphael, un black antillais génial, un homme qui la comprend et lui offre un peu de cette sérénité et de ce fatalisme issus d’une culture qui connait le poids des ombres.

Bon, à part cela, quand on est ensemble, on boit normalement, on raconte des stupidités et on mange avec des fourchettes...

Qui dit un chiffre rond, dit discours de Bernard.

Alors je lui ai offert, à elle et à toute sa famille réunie, ces quelques mots de tendresse.

 

 

Il y a un fait avéré aujourd’hui. Tu as 50 ans ma belle Christine ! 50 printemps derrière toi... plus que tu n’auras jamais d’automnes devant toi !

Il y a deux façon de prendre la chose.

La première est d’une logique désarmante. Tu es vieille désormais, tu rentres dans l’hiver de ton existence et le crépuscule s’annonce ! On t’autorise à pleurer, ma chère Christine, toutes les larmes de ton corps, il y a assez de serpillères pour éponger ce bal des occasions manquées.

Il y a la deuxième, celle qui implique de prendre un peu de recul (sic) !

Christine, soit positive. C’est un miracle que tu aies vécu jusque là, c’est un mystère, tu as eu une chance insolente !

Car il est évident, à quelques siècles près, que l’on t’aurait brûlée comme sorcière, que tu aurais fini sur le bûcher des peurs, immolée comme la rebouteuse de l’horreur, la main gauche de la nuit, celle qui fraye avec les forces occultes... Condamnée à finir suppliciée, on ne fraye pas avec l’au-delà sans en payer le prix.

Soyons optimistes. Tu as eu de la chance finalement car à partir du XXème siècle on a (presque) cessé  de brûler les sorcières !

Tu vois, il y a du positif dans tout... même dans le fait de franchir le mur des 50 ans... qui est tout sauf un mur des cons puisque nous sommes un certain nombre à l’avoir déjà franchi, dont moi d’ailleurs... regarde autour de toi !

Analysons alors ce que tu as fait de ces quelques dizaines d’années dont tu as héritées.

Un calcul très précis me permet d’affirmer que tu as massé 6632 fois pour dispenser cet étrange bienfait d’un magnétisme que tu ne demandais qu’a transmettre. Comment j’en arrive à ce chiffre ?

J’enlève les 20 premières années de ton existence car il faut exclure les jeux adolescents du docteur et de l’infirmière auxquels tu t’adonnais comme toutes les petites filles, ces impositions de mains s’apparentant plus à des jeux érotiques qu’à des massages régénérants... mais il fallait bien que tu en passes par là, comme tout le monde, car même les sorcières ont droit à l’enfance !

Evaluant un massage par jour sur une base de 5 jours par semaine (tu as aussi le droit de te reposer les week end) et comptant 10 mois de travail par année (les deux mois restant étant consacrés à 4 semaines de congés payés et à un grand voyage en Inde où tu te rends régulièrement chez tes gourous où en Afrique qui te fascine tant, que tu tentas même de t’y installer)... cela donne : 5*4*10*30 soit 6000 massages auxquels je rajoute 632 actes en bonus pour les périodes plus intenses où tu croulais sous les rendez-vous, soit, bien la somme annoncée de 6632 fois où tu pratiquas ton art sur des corps inconnus.

D’après cette enquête très poussée, cela a permis ma chère Christine :

 

1) De redonner goût à la vie à 143 personnes 

 A 75 autres de remarcher normalement

 27 de tes clients ont pu arrêter de fumer (hélas, avec moi, cela a échoué !)

 8 suicides ont pu être évités de justesse

 Et enfin, deux hommes ont retrouvé leurs pulsions sexuelles décuplées...mais rassure-toi, je ne donnerais leurs noms et leurs numéros de téléphone que contre une somme d’argent conséquente que nous partagerons.

Si j’avais le temps de creuser un peu plus, je trouverais, il fait nul doute, bien d’autres bienfaits à tes impositions de mains confirmant l’évidente efficacité de ton art magnétique... Entendre à nouveau le gazouillis des oiseaux, retrouver le sens de l’odorat, marcher sur les mains, réinventer la vie, multiplier les petits pains...

Voilà sans doute dévoilées quelques unes des raisons qui nous permettent, ma chère et tendre Christine, de te dire MERCI, et de te supplier de t’accrocher encore quelques années.

Nos corps ont besoin de tes mains, Christine, et nos têtes sont plus sereines une fois que tu as dompté nos flux intérieurs.

C’est pour cela que nous sommes fiers d’être avec toi en ce jour anniversaire de la moitié d’un siècle.

50 ans et après ?

Tu es belle comme un soleil brun, tu as trouvé un authentique trésor des caraïbes avec Raphael, tu as des enfants qui sont magnifiques, alors accroche-toi... Il faut que tu me masses la semaine prochaine... et le mois prochain... et toutes les années jusqu’à l’extinction de tes forces, vers 2075 après Jésus Christ.

Merci Christine et bon anniversaire !

 

Voilà, c’était le dimanche 28 avril, à Aix en Provence, et si vous pensez que j’exagère, j’ai son numéro de téléphone.

A bientôt Christine !


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Home Sweet Home !

Publié le par Bernard Oheix

 

Je n’ai jamais été un grand homme d’intérieur (sic) et en vieux libertaire soixante-huitard nostalgique, la propriété s’apparentant par trop au vol, me destinais à un régime de location permanente, quand, sous l’effet d’un ciel particulièrement heureux et d’une conjugaison d’astres au zénith, je me suis retrouvé possesseur d’une maison coquette avec jardin à La Bocca près de mon «rocher rouge», le rocher de Bernard, les pieds quasiment dans l’eau !

Béni suis-je !

Oui, c’est certain, mais encore faut-il l’entretenir cette maison au style si attachant et pouvoir y vivre en confort ! Et parfois, cela ressemble furieusement à une mission impossible et à une torture moderne.

 

Prenons la cuisine par exemple. 

A l’heure ou tout le monde se goberge de diners presque parfait et de Masters Chefs, où juste derrière les footballeurs et les starlettes, on compte une pléiade de «chefs» qui veulent nous inculquer la meilleur façon de faire un cassoulets aux olives ou des oeufs pochés aux champignons à grands renforts de recettes miracles et de petits trucs qui font des grands riens, moi quand j’y pénètre c’est pour manger le plus simplement du monde... et c’est pas gagné !

Par exemple, mon ami le micro ondes. Bien, efficace... mais quand les assiettes ovales ne peuvent y rentrer ou que les tasses de la grand mère à filet d’or provoquent un embrasement général. Même mon bol de café au lait le matin devient un problème. Pourquoi donc le contenant est-il toujours bouillant à s’en brûler les mains et le contenu à moitié froid ? Il y a là un vrai mystère dont j’aimerais lever le voile et un inventeur de génie ferait fortune à trouver une solution qui inverse le résultat. Un bol tiède avec du lait chaud...un rêve !

Dans la machine à laver la vaisselle, c’est le service si beau, jaune et bleu aux grands formats, qui bloque les pales, les couteaux ne coupent pas (même s’ils sont magnifiques), les petites cuillères se tordent quand on les plantent dans un pot de Haggen Dazs, les verres ont tendance à se dépareiller à grande allure en chutant comme un métronome sur le carrelage qui se soulève et la cuisinière refuse de s’allumer électriquement ce qui m’oblige à chercher les allumettes que l’on me cache en permanence...détails que tout cela certes, mais pour manger un boeuf qui a fait les champs de courses en hennissant ou des fruits qui n’ont aucun goût, des avocats durs comme de la pierre ou des légumes aux pesticides...c’est pas gagné !

 

C’est comme le jardin, c’est beau... en été, la tonnelle où l’on fait la sieste malgré les hordes de moustiques qui vous dévorent et les aboiements du chien du voisin qui n’a de cesse de se manifester des que vous fermez les yeux...couvrant les hurlements des sternes qui vous chient sur la gueule. Mais ces tonnes de feuilles, ces arbres à émonder, les sacs de détritus que l’on dépose subrepticement (on a pas le droit de les mettre au ramassage sur la voie publique) en un mille feuilles dans les bacs bleus que l’on sort mais pas avant 22 heures (une couche bonne, une mauvaise) en jouant au chat et à la souris avec les braves employés qui courent comme des dératés derrière leurs bennes pour vous refiler leur calendrier de merde à Noël que l’on rajoute à la poubelle (mais celle du papier, la jaune) car on fait le tri sélectif en bon citoyen, (pour le verre, il faut se rendre aux bacs verts au coin de la rue) ce qui nous oblige à avoir plein de conteneurs de couleurs différentes et des boîtes à piles usagées de partout...

 

Bon vous me direz, on peut toujours aller dormir. Mais expliquez-moi donc pourquoi les draps housse des lits ne sont jamais au format. Soit ils sont trop grands et fripent, ce qui est désagréable surtout en haute saison quand on transpire, soit ils sont trop petits et dès que vous vous couchez, les coins sautent et le drap, se replie pour friper de nouveau... ce qui est vraiment très désagréable, je vous le rappelle ! De toute façon, si les draps s’en mêlent, la couette, invariablement, est, ou trop chaude, ou trop froide.

Je passe sur la malédiction du mouton, où comment et pourquoi, une horde de poussières se déposent avec persévérance dans les coins et sous les plinthes les plus inaccessibles et recouvrent mes livres d’une couche sale qui a tendance à s’incruster et que je suis obligé de nettoyer avec un chiffon humide ce qui fait apparaître de la rouille sur les belles jaquettes de mon intégrale des Anticipation Fleuve Noir, vous savez, les couleurs délicieusement rétro des couvertures avec la fusée sur la tranche...

Bon, il y a aussi le sacro saint miroir dégotté à la brocante du mercredi à accrocher. Jamais le bon tournevis, la perceuse avec un forêt à géométrie variable et la cheville qui n’est jamais à la taille idoine. Ou la tringle à rideaux qui ne veut plus s’extirper de son support et que l’on arrache avec colère en manquant basculer de son escabeau branlant avant de la re-fixer sans pouvoir réussir à la mettre de niveau... Pourquoi donc le monde penche-t-il toujours d’un côté après une de mes opérations ?

Des satisfaction il y en a pourtant, le barbe-cue, dans le jardin quand il fait beau...quoique je n’ai jamais compris l’alchimie d’un feu. En bon fils de sapeur-pompier, je suis doué pour l’éteindre mais certainement pas pour l’allumer. Entre le bois qui ne prend pas et le papier tout feu tout flamme, je manque toujours de cendres et la viande finit carbonisée d’un côté et crue de l’autre ! Reste les joies de l’informatique et de la télé, reliés par une box capricieuse qui tente à chaque finale de la champions’s ligue de sauter, qui font apparaître des noirs intempestifs dans des films en couleurs ou transforment le visage de l’héroïne au moment du baiser final, en masque de Fu Man Chu !

Et quand épuisé par tant de contraintes, vous vous allongez sur votre canapé trop petit avec les pieds qui dépassent pour une sieste réparatrice, le téléphone sonne et une hôtesse d’un pays exotique écorchant votre nom, vous demande si vous voulez changer de pack téléphonique ou vous invite à la grande kermesse de l’habitat qui a lieu à deux pas de chez vous avec à gagner, une magnifique trousse à outils qui ne servira jamais puisque vous détestez le bricolage, la cuisine, le nettoyage, la lessive, le rangement et tout ce qui peut s’apparenter à une forme d’aliénation moderne !

 

Oui,finalement,  Proudhon avait bien raison... La propriété, c’est le viol ! Même si c’est vraiment agréable de pouvoir flemmarder chez soi, dans son home bien coquet et si propret... Quand les fées de la maison vous permettent de profiter pleinement de votre petit coin de paradis en croisant vos panards dans le confort de l’égoïsme !

 

PS : si vous avez des problèmes de bricolage, n’hésitez pas, vous connaissez mon numéro !


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Editorial du Suquet

Publié le par Bernard Oheix

Voilà en avant-première l'éditorial que j'ai composé sur les Nuits Musicales du Suquet dont je suis le Directeur Artistique.

J'espère que cela vous donnera l'envie de venir sur les remparts de l'Eglise, tout en haut de Cannes, dans une de ces nuits étoilées où l'on peut prendre conscience que le monde est beau, que la musique est belle et que les les sternes qui planent ent en piaillant dans l'azur de la scène ont bien de la chance.... 

Et pourquoi pas vous ?

 

Rêves d'ailleurs

Chaque édition d’un Festival est une aventure, chacune nous offre son lot de mystères, ses rendez-vous ratés compensés par ses heureuses conjugaisons, une étrange alchimie dont le résultat ne dépendra que de votre adhésion... ou pas !

La programmation idéale n’existe pas. Il n’y a que l’impérative nécessité d’offrir des moments magiques de rencontres, de découvertes, de plaisirs, de communions. Et de ce point de vue, juillet 2013 devrait vous permettre de rêver à nouveau, la tête si près des étoiles...

Que ce soit avec l’Orchestre Régional de Cannes PACA dirigé par Philippe Bender qui invite, sur les rives de la Méditerranée, à goûter la poésie et la musique d’Albert Camus, avec les mots si forts d’une Marthe Villalonga et d’un Daniel Mesguich en contrepoint...

Que ce soit dans cette rencontre si belle où l’histoire est convoquée, d’un affrontement célèbre, Mozart versus Salieri, que le premier par son génie écrasa à jamais... Mais qui est Salieri, quelle musique réelle sous ce nom que le vent de la défaite emporta ? nous la redécouvrirons, et nous nous apercevrons peut-être, ce sera à vous de le dire, que les notes de musique ne meurent jamais !

Où bien avec Cyprien Katsaris, dans un programme interactif que le public guidera, surprises et connivences, quand le génie au piano permet toutes les audaces et rompt la forme d’un concert classique pour lui donner une puissance et une force sans mesure.

Mais aussi la Sinfonia Flamenca dont le premier mouvement fut créé à Cannes il y a quelques années et que l’Orchestre de Toulon nous offrira enfin dans son intégralité en prolongement d’une fête espagnole où la musique et la danse seront à l’honneur.

Et encore, un clin d’œil au Festival de Pietrasanta dirigé par Michael Guttman, qui viendra accompagner le fantastique Boris Berezovsky et le quatuor... dans un programme dédié à la musique russe.

Et Mikis Theodorakis, un des artistes qui a jonglé en permanence entre le classique et le populaire. Du Cantique des cantiques au thème de Zorba le Grec, il n’y a que quelques pas aux sons d’un bouzouki qu’il franchit avec gourmandise.

Tout cela sans oublier les quatre concerts de 19h comme des perles serties dans l’écrin de la cour du Musée de la Castre. De jeunes talentueux solistes de la région (John Cage et Dorian Rambaud) à David Levy dans un programme Espagnol (encore et toujours l’Espagne si généreuse et fascinante), Riccardo Caramella ou quand la musique des petits flirte avec le plaisir des grands, pour finir avec Forabandit, une extraordinaire fusion entre la musique orientale et l’esprit des troubadours, produit d’une résidence d’artistes sur les nouvelles musiques traditionnelles, entre la mandole, le «baglama», un luth turc, et des percussions iraniennes pour l’enchantement d’une nuit saupoudrée de mystère.

Voilà, à vous désormais de vous inviter à ces rencontres, d’habiter cet art d’un bonheur fugace mais si réel, de rêver jusqu’à la naissance du monde, jusqu’au début du bonheur à l’unisson.

Et qui aurait imaginé qu’un fil étrange, celui de la Méditerranée se fraie un chemin à l’intérieur de ces propositions... De Chypre à Mikis, de Salieri au Festival de Pietrasanta, du Flamenco à cet Hommage à Albert Camus...

Parfois, l’histoire nous convoque bien malgré nous sur nos rives si belles !

 

Bernard Oheix


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Les 40 ans de Blandine

Publié le par Bernard Oheix

Voici donc un discours bien prononcé, mais oublié dans les tiroirs d'un Internet rétif depuis de longues années... A la relecture, j'ai eu l'envie de vous le faire partager... Pas mal non, pour fêter ses 40 ans de vie pleine et entière ! Bon, j'ai pris un coup de retraite sur la gueule depuis, mais elle !

 

 

Marie-Antoinette, ma secrétaire si efficace et préférée, celle qui tente de réguler mes pulsions et d’orchestrer mon temps de travail, enfin qui s’y essaie tout au long de l’année ! Depuis quelques jours, que dis-je, quelques semaines, elle me pourchasse avec cette antienne : Bernard, il faut que tu penses au discours sur Blandine, tu sais, elle va avoir ses 40 ans…C’est son tour suivant la belle règle qui s’est forgée au fil du temps que pour les anniversaires « ronds », je compose une ode en l’honneur de celle qui passe un cap, comme si un malheur n’arrivait jamais seul… non seulement l’impétrante prend l’année comme un coup de massue, 365 jours pour une décade dans la gueule, mais en plus, il lui faut subir mon discours devant ses congénères en pamoison devant ma plume acérée !

 

Mais quel discours puis-je écrire dans ce cas précis ! Que puis-je inventer qui serait particulier ? Après tout, elle n’est pas vraiment de la famille de l’Evènementiel, tout au plus campe-t-elle comme une rapportée, elle qui est censée s’occuper de la Presse dans une région où il n’y a jamais eu de presse et dont la principale mission consiste à réserver le siège 13 du rang D pour l’Aurore, l’unique critique artistique de la Ville à pouvoir faire lever le soleil de l’intelligence dans la masse des pondeurs de mots qui noircissent les pages de notre quotidien local !

D’habitude, le cap des 4 décennies se caractérise par une envolée stylistique sur la plénitude de la femme, son port altier, une beauté dégagée de toutes contingences, sa sérénité devant l’avenir ! Elle est au zénith notre femelle, enfin maîtresse de son corps, n’ayant plus peur de se perdre dans les abysses de ses angoisses existentielles (suis-je belle, miroir, mon beau miroir ?), apte à choisir son destin et à embrasser ses désirs. Elle sait, la perfide, le pouvoir qu’elle possède sur les hommes démunis de toute résistance. Elle peut encore tâter à dose homéopathique de la santé virile de quelques jeunes trentenaires tout comme se lover dans l’anse rassurante d’un vieux que les affres de la cinquantaine n’ont pas encore ravagé. Elle peut même décider d’aller au ciné avec les copines tant elle a fait le tour de la question et compris que son avenir ne passe pas forcément par les étreintes brutales d’un rut masculin ou les bières fraîches d’un compagnon vautré sur le canapé d’un Barcelone-Manchester que sa nuisette rose ne peut empêcher d’aller jusqu’aux prolongations, et même aux tirs au but juste avant de s’endormir en ronflant…

Non, tu sais tout cela… quoique tu commences à régler la facture de quelques nuits sans dormir pour un ancien « saigneur » et maître que tu as largué fort justement par un soir de colère après qu’il t’ait permis d’enfanter en déposant son spermatozoïde à la mi-temps de France- Brésil (Et un, et deux, et trois zéro !). Légères pattes d’oie au coin des yeux, teintures et mèches régulières pour dissimuler des cheveux blanchissants et perdant de leur soyeux, yaourts taille fine 0% pendant les 2 mois qui précèdent les premières expositions sur la plage…sans oublier surtout ces damnés nibars qui refusent de rester la fleur à la boutonnière, droits et imperturbables, mais qui bien au contraire, s’avachissent et que les hommes sont désormais obligés de dénicher plus près des chaussettes que des épaulettes du décolleté !

Qu’à cela ne tienne, tu sais faire la part des choses et reste bien cette femme-femme de toutes les certitudes, impériale à la croisée de tous les chemins, détachée des futilités mais point liée aux drames du monde, une perle qui entame enfin la plus belle des périodes de la vie, celle du mitan du lit, des aventures grisantes et des mecs enfin sélectionnés sur casting et plus sur des coups de…tête !

Tout cela, c’est ce que j’aurais pu, ce que j’aurais dû te dire ma Blandine, ce qui colle théoriquement aux minettes de 40 balais, qui est la caractéristique de cette entrée dans la plus belle des maturités, la quarantaine rugissante des femmes guerrières !

 

Oui, mais voilà ! Qu’entends-je ? Qu’ouïs-je ?

Que nous fais-tu, Blandinette ? Tu repars par la case départ sans même toucher les 20 000 francs de la carte chance ? Tu redeviens féconde et laisse croître dans ton ventre accueillant le fruit d’un amour crépusculaire ! Alors, je te pose la question, que dirai-je pour tes 50 ans, quand tu seras une maman affairée sortant des couches-culottes pour emmener ton précieux enfant faire du football sur un stade boueux et venteux par un dimanche d’hiver glauque, où ta petite fille en tutu rose au sortir de l’école de danse jazz d’un Vandelli cacochyme après tes heures de travail et avant la préparation d’une ratatouille pour son géniteur occupé à composer une grille de turfiste éternellement malchanceux !

Tu nous en fais une drôle, Blandine et c’est sans doute la plus belle aventure qui pouvait t’advenir puisque tu l’as consciemment conçu ce bébé de l’amour. Il vient à point nommé pour combattre toutes ces idées reçues, bien formatées, sur les âges de la vie et les étapes d’un tour d’humanité. Tu brouilles les cartes et en cela, tu fais un pied de nez à la morosité ambiante. Avec toi, foin de la crise et d’un avenir d’angoisse, un beau rayon de soleil, une naissance comme une renaissance et vive la vie, elle est belle quand on allie les charmes de la quarantenaire que tu es et les émois de la future maman que tu seras, à l’horizon de cette fin d’année.

Blandine, ce n’est pas vraiment ce que j’aurais pensé écrire, il y a peu… mais c’est ce que j’exprime au nom de toutes les équipes de l’Evènementiel et de la Presse si chères à mon cœur : tu nous as vraiment bluffés en nous faisant le coup de la lapine et l’on restera à tes côtés même pendant les douleurs de l’enfantement que tu as dû manifestement quelque peu oublier, pour remettre ainsi le couvert !

Longue vie à la quarantenaire, et le bonjour à celui ou celle qui débarquera sous peu dans sa vie privée !

Et vive la révolution sexuelle et l’accaparement par les femmes de leurs outils de reproduction !

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Lasers (toujours) à rien !

Publié le par Bernard Oheix

Un des épisodes le plus ridicule de toute ma carrière : il méritait bien un petit coup de rétro-projecteur !

Alors, si vous voulez vous moquer de moi, pas de problème, ce ne sera rien à côté de ce que j'ai vécu en cet été 1990 et comparé au souvenir cuisant de mon échec !

Le Laser, à ne pas mettre entre toutes les mains et à déguster à toutes petites doses !


Eté 1990. Une nouvelle municipalité s’est installée à Cannes avec Michel Mouillot à sa tête. Françoise Léadouze est une adjointe à la culture passionnée, mère Térésa des « sans culture », révolutionnaire humaniste persuadée qu’elle peut transformer la réalité à coups de rêve. Elle nous booste, bobo avant l’heure, et nous oblige à trouver du sens à notre action.
Nous sommes une équipe jeune, celle de l’Office de la Culture, Une dizaine de filles dont je suis le directeur-adjoint, chargées des manifestations. Elles sont issues de stages, de Tuc, de bric et de « broque », manquent cruellement d’expérience mais compensent avec une farouche volonté de bien faire, une capacité de se dépasser et d’accomplir des miracles. Elles sont jeunes et belles, et moi, moins jeune mais toujours rêveur ! 
Et justement, en ce mois de mars 1990, le miracle a eu lieu. Dans mon esprit torturé, mon imagination débordante a encore sévi. L’espoir fou de marquer l’histoire (de Cannes !) et de laisser une trace indélébile me provoque une acné tardive et entraîne toute mon équipe dans un de ces cauchemars récurrents dont je suis un grand spécialiste. 

Tout est venu, à ma décharge, d’une rencontre avec un Belge trop amateur de bière dont les effets néfastes sur son équilibre intellectuel le poussa à me proposer d’illuminer la rade de Cannes avec des lasers dont il faisait la promotion et la commercialisation. Il me dessina si bien le tableau de ce qui adviendrait, que je la voyais cette immense baie, éclatante de soleil de nuit, croulante sous les faisceaux se décomposant en myriades d’étoiles, découpée comme les remparts de Carcassonne, montagnes de lumières assemblées par un architecte divin. C’était moi, ce Dieu de l’impossible, j’allais montrer à quel point le désir est capable d’imposer sa loi à la réalité. 

Le projet consistait à illuminer la Croisette à l’aide de lasers, à l’entracte d’un concert qui se déroulait sur le parvis du Suquet, la colline qui surplombe Cannes de son clocher où se déroule un festival de musique classique. Pour corser l’affaire, nous avions récupéré l’écran géant du stade de foot (à l’époque, Cannes avait une bonne équipe… Zidane, Vieri, Micoud…etc.) pour l’installer sur le parvis du Palais des Festivals afin de retransmettre le concert en « direct live ». Il manquait juste une montgolfière pour y accrocher des miroirs réfléchissants qui renverraient les lasers vers les cieux cléments. Une bagatelle somme toute au vu de ce que nous envisagions. 

Je me souviens alors, de ces nuits de repérages au port Canto, à la pointe du Palm-Beach, des essais pour aligner les faisceaux sur les palaces, visant des disques minuscules qui permettaient de faire diffracter les pinceaux lumineux. Du phare du quai du vieux port pour cibler la pointe du Palais et même la colline du Suquet. Pour être honnête, j’avais l’impression très nette de ne rien voir mais vu les exclamations enthousiastes des techniciens belges, je mis sur le compte de ma fatigue et de mon inexpérience cette absence d’émotion…ce qui aurait dû m’alerter. 
Et puis, nous avions tant de choses à préparer. Trouver la montgolfière, organiser le transport de cet écran géant, obtenir les autorisations de la marine, de la sécurité, ceinturer le parvis du Palais, tirer des tracts dont le titre alléchant explosait en un : « illumination aux lasers de la Baie de Cannes » comme un vœu qui allait rapidement devenir pieux. 

Le soir du concert arrive, l’Orchestre de Vienne interprétant des valses, dirigé par un chef autrichien hilare devant le bordel ambiant. Inquiétude générale. Au dernier moment, les lasériens belges nous demandent un bateau pour étendre un rideau de fumée sur la mer trop étale et claire. Imaginez le ridicule d’une barcasse avec un enfant de Wallonie en tête de proue, le bras levé comme la Victoire de Samothrace, qui dégage à l’aide d’un fumigène un maigrelet trait de brouillard qui se fond dans la vastitude du plan d’eau. Qu’à cela ne tienne ! Il faut désormais boire jusqu’à « l’hallali » cette coupe frelatée de mes propres délires. 

Pendant la première partie du concert, le vent se lève et la nacelle de la montgolfière arrimée au bord de l’eau se couche sur l’eau, endommageant irréversiblement le matériel et faisant courir des frissons auprès des spectateurs inconscients qui batifolent autour du ballon secoué comme un prunier. Un effet à l’eau, déjà, et en l’occurrence, ce n’est pas qu’une image ! 

Le public, aussi bien dans l’enceinte du Suquet que sur le parvis, chaloupe et tangue dans la tempête qui se lève. Une nuit de soufre. A l’entracte, le maire de Cannes et les invités de marque se massent au bord du muret dans l’attente du flamboiement de la baie. Après quelques minutes d’intense attente, un filet vert s’échappe presque par hasard du port Canto. Frémissement dans la foule. Enfin le spectacle commence. Las, c’était l’effet final ! Deux doigts anémiques se courant l’un après l’autre, tentant vainement d’accrocher l’attention et de s’imposer devant le grand vide de la baie ouverte à mon désespoir. Je disparais derrière les buissons et me cache aux yeux de tous. Séparé des officiels par un rideau de buissons, j’entends les commentaires fuser, portant tout autant sur le ridicule des lasers que sur la température trop élevé de la coupe de champagne où sur les petits fours rances que le traiteur nous avait refourgués. Certains même se gaussent de moi et je ne peux les en blâmer, sincèrement, j’avais autant envie qu’eux de me moquer de moi. J’ai honte comme rarement un directeur peut avoir honte. Le voile rouge devant les yeux, la gorge nouée, c’est Sophie mon adjointe et Françoise Léadouze qui viennent me déloger de ma tanière. Elles tentent maladroitement de cautériser les plaies à vif de mon orgueil et ne réussissent qu’à me rendre ombre qui marche, zombie de la culture, pâle ectoplasme du pouvoir de faire.
La deuxième partie du concert fut un feu d’artifice (enfin) d’humour et de déraison. C’est comme si un vent de folie venait doubler les rafales qui soulevaient les tentures du Suquet. En bas, sur le parvis, des milliers de personnes valsaient en riant de cette fête impromptue et gratuite où le grain de la déraison dispensait ses vapeurs hilarantes. 
Pourtant, sur ma vespa, j’entendais, encore et toujours, rire des fameux lasers qui avaient inoculé une dose confortable de ridicule dans l’ego et les couleurs d’un directeur dérouté ! 
La conclusion. Le lendemain, Michel Mouillot m’attendait dans son bureau de maire. En entrant, dans mes petits souliers, je m’excusai platement…Eclats de rire ! J’ai rarement vu le maire de Cannes rire autant et si franchement. Il en avait les larmes aux yeux de me raconter son attente des lasers. Il doit s’en régaler encore et j’entends sa voix me glisser entre deux hoquets : « Oheix Bernard, il n’y a que les imbéciles qui ne se plantent pas… mais là, vous avez fait fort !!! Par contre si les huiles ont pâti d’être sur les hauteurs, mes électeurs étaient en bas et se sont bien amusés. Bon, avertissez-moi quand même si vous avez une autre idée de ce genre ! » 
Et la vie a continué… comme quoi, on survit au ridicule… même si, quand j’entends parler de lasers belges, je me mets à avoir des palpitations et que le rouge me monte au visage.

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Michèle, ma belle, sont des mots...

Publié le par Bernard Oheix

Situons l'affaire. Le service de la billetterie du Palais des Festivals est dirigé depuis plus de 20 ans par une personne haute en couleur, au caractère bien trempé. Michèle Gastaldi. L'âge de péremption, qui nous guette tous, arrivant à grand pas pour elle, son équipe décide de lui organiser une fête surprise et me charge de lui faire un discours pour son départ à la retraite. Ma réputation de "discoureur" n'étant plus à faire en ce lieu que j'ai hanté pendant plus de 20 années où je l'ai côtoyée au quotidien... Mission complexe !

J'ai donc entamé mes déambulations oratoires en l'invoquant, annonçant que, par ce fameux principe de l'arroseur arrosé, elle avait eu vent de l'affaire et m'avait contacté afin que je lise son propre discours. On n'est jamais si bien servi que par soi-même !

Et j'ai donc présenté ce qui était sensé être sa prose. Et elle a pleuré... même si les autres ont beaucoup rit...

 

 

Moi, Michèle Gastaldi, âgée de soixante et... (Bip), saine de corps et d’esprit, même si certains peuvent en douter, en mon âme et conscience, déclare faire don de moi-même et du reste d’ailleurs au Palais des Festivals de Cannes...

Car qui mieux que ma personne peut symboliser les dernières décennies de ce Palais des Folies de Cannes ?
Qui mieux que Michèle Gastaldi, peut vous replonger dans la préhistoire de la Semec, la Société d’Economie Mixte pour les Evénements Cannois. J’étais presque là quand ils ont créé le Festival du Film, (bon, j’exagère un peu quand même...), j’étais toujours là quand ils ont abattu le vieux Palais, j’étais une des premières à occuper un fauteuil dans le nouveau bâtiment ultra laid qu’ils ont érigé et qui portait bien son nom de bunker, je me suis lové dans ce bureau de la vente des billets avec la satisfaction d’avoir atteint mon but...C’était dans la décade avant la dernière décade du précédent millénaire... Vous suivez ?
Au début c’était dur, on attendait les clients comme le messie (pas le footballeur, j’ai jamais aimé les footballeurs même si leurs jambes musclées et fuselées parfois me le faisait regretter), faut avouer qu’on avait (presque rien) à vendre, Jean-Pierre Carriau ne venait qu’une fois par an avec sa Performance d'Acteurs, Bernard et Sophie n’étaient pas encore dans nos murs et ne programmaient pas ces concerts bizarre de nègres chanteurs ou de rappeurs hurleurs, ces cirques à moitié cinglés de déjantés, ces ballets modernes où l'on se trémousse sur la scène... Non, non, au début, j’avais pas de clients mais des vrais spectacles, du théâtre bien de ce soir, des danseuses en tutu de Ballets Russes, des chanteurs à voix de la variété française, des musiciens vraiment très classiques...enfin des choses normales, quoi !
Bon, c’est vrai que c’était pas facile techniquement. Tout était manuel. J’avais bien formé mon quarteron de filles à faire des beaux traits avec des belles couleurs sur des plans papiers des salles et je pouvais gommer et mettre qui je voulais ou je voulais...
Mais Michel Lefrancq, le Directeur fiancier de l'époque, m’a obligée à passer à l’informatique, et du coup, il a fallu que j’apprenne à pianoter sur l’écran, à maîtriser des codes, les listing si froids, les soldes jamais justes...avec le crayon, c’était plus facile, un coup de gomme et hop, l’opération s’équilibrait... Non, c’est dur de vivre la mutation...mais je l’ai fait !
Et puis il a fallu que je m’adapte aux cinglés de l'Evénementiel. Cela a été le plus difficile pour moi. Ils voulaient toujours avoir raison. Moi, je leur disais, faites moi des ballets russes le 31 décembre, et eux, ils programmaient de l’Opéra de Pékin avec plein de chinois et leurs couinements de sauvages qu’on a toujours l’impression qu’ils se coincent les roubignoles dans le sas du Grand Audit, ou même des rockers que je savais pas qu’ils étaient encore vivants, l’iguane, un mec qui se retrouve à poil sur la scène et éructe des mots que l’on ne comprend pas vu qu’ils sont couverts par la musique, et quand je dis musique ! Ou l’autre drogué de Pete Doherty que les filles lui envoyaient leur petite culotte, même que je me suis laissée emporter et que je lui ai envoyé ma culotte petit bateau... il n’en a pas voulu et me l’a renvoyée... Après ces soirées, c’est moi qui devait m’expliquer avec les abonnés, c’est à moi qu’ils confiaient leur désespoir...
Parce que pour bibi, c’est un service public que j’assumais. Les autres, la haut, ils avaient bien construit comme si c’était une révolution, un système d’abonnement et de réseau de relais... Mais qui les dorlotait individuellement, qui les coucounait, leur offrait un chocolat dans son bureau, qui donnait de sa personne pour les convaincre de résister et d’accepter que le monde change... Et Dieu sait s’il mutait ce monde incompréhensible !
J’ai été une mère poule (et celui qui dit mère maquerelle, je lui défonce la tronche !) de mes filles de la billetterie. Et que je te les formes à avoir un beau sourire, et que je choisisse leur soutien gorge, et que je te les manage pour monter des horaires à faire rêver un Philippe Lougarre, l'actuel Directeur Financier, obnubilé par l’idée de faire du chiffre, (...mais monsieur Lougarre, c’est pas moi qui programmait, hélas, c’est eux) , et que je m’occupe de leurs soucis, de leurs amours trahis, de leurs bobos...

Mais je suis fière de cette belle aventure. Je dois reconnaître, que j’ai même aimé quelques uns des spectacles des autres olibrius, que parfois, j’ai eu des compliments de la part de mes abonnés chéris, et que au fil du temps, j’ai eu la très nette impression que je pourrais rester éternellement derrière mon bureau, près de la cave, sans fenêtre, avec l’issue de secours où tous les jeunes drogués du coin venaient se soulager la vessie, à vendre pour l’éternité des spectacles qui n’étaient même pas Julien Clerc où Le Lac des Cygnes....

Et si je restais d’ailleurs, si je rempilais pour une petite décade ?
Quand Bernard O. est parti, pour être honnête, j’y ai sérieusement pensé... Je me disais, enfin, il se casse le pornocrate du Crazy Horse, on va enfin programmer des choses sérieuses... Mais quand j’ai vu que l’autre blondasse qui lui a succédé me faisaient un Lac des Cygnes avec des vrais cygnes qui chient partout sur la scène et des danseurs qui se vautrent dans des baignoires, ou un Benjamin Bioley qui est quand même le chanteur qui a le moins de voix de toute la planète, et qui est le dernier à se dire de gauche et à ne pas se tirer en Belgique, ou encore deux aveugles qui en plus sont noirs (est-ce que c’est une excuse, non mais !), je me suis dit, «-Ma Michèle, ils ne t’auront pas.. Passe la main, donne les clefs à Alexandrine, et part sur la route accrochée aux basques de ton motard, la route 66, mais sans Bob Dylan, siou plait, occupe-toi de toi-même, pense à toutes les années qui te restent pour faire ce que tu désires, ce que tu aimes... Je pourrais même militer de nouveau, avec les trotskistes cette fois-ci...ou ailleurs, aller à la pêche, faire du tricot, garder mes petits enfants (mais qu’est-ce ça hurle un chiard!), et peut-être qu’un jour, par erreur, sans le savoir, l‘Evénementiel programmera un bon théâtre avec des acteurs sympathiques comme je les aime, un Darry Cowl ou une Simon Valère (merde, c’est vrai, ils sont morts...) dans Mon cul sur la commode, ou un superbe Bolchoï (quoique depuis que Depardieu est Russe, je doute même de leurs opéras et de leurs ballets)... ou Michel Sardou que j’aime secrètement depuis que j’ai l’âge de regarder les garçons... Bon, il y en aura bien un de temps en temps de spectacle comme je les aime, c’est pas dieu possible...
Et ce jour là, je demanderai une invitation, je râlerai parce que l’on entend rien, je critiquerai les acteurs et le son trop fort, et la lumière qui aveugle, et je sortirai la première pour ne pas faire la queue au parking,...
Et je serai contente, cela me rappellera tout ce que j’ai subi pendant tant d’années en service commandé de la culture au Palais des Festivals de Cannes...
Et je rirai à gorge déployée...même si aujourd’hui, j’ai envie de pleurer parce que je vous quitte, un peu, beaucoup, passionnément...
La vie continue mes amies, je sais que à jamais, dans un fauteuil de ce Palais magnifique, il y aura toujours la forme de mes fesses pour vous narguer et vous obliger à penser à moi !
Je vous aime toutes et tous et merci de m’avoir supportée... toutes ces années de bonheur !


Bernard Oheix

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Belmondo, un rendez-vous raté !

Publié le par Bernard Oheix

 

Repas de Gala des 25 ans des Rencontres Cinématographiques de Cannes, l'autre Festival de Cinéma de Cannes, celui de décembre, de l'Art et Essai, des stages pour les jeunes désirant apprendre à écrire, des cinéphiles aux cheveux blanchis par les innombrables pellicules ingérées, de tous les amateurs en attente de la folie du mois de mai. Gérard Camy, le Président de Cannes Cinéma avait bien fait les choses, réunissant (presque) tous les directeurs qui au fil du temps avaient géré la manifestation, sur la scène du Palais Marriott et dans une belle salle d’un hôtel pour un dîner de gala avec des invités de prestige.

J’en faisais partie puisque pendant 2 éditions, j’ai eu le privilège d’en assurer la direction, juste au début de ma carrière au Palais des Festivals, il y a bien longtemps, quand j’étais presque jeune et que j’avais encore des cheveux bouclés !

C’est en voyant un des invités que je me suis levé afin de lui raconter une belle anecdote le concernant...

 

 

Assis, il porte bien son âge, prestance d’une icône du cinéma, l’homme qui révéla une nouvelle façon de filmer sous l’oeil de Godard, qui enchaîna les succès même si certains fleuraient par la suite un peu trop ce cinéma de comédies à la Française. Belmondo, un mythe à ma table, une personnalité attachante dont les déboires actuels n’en provoquent que plus d’attachement envers ce personnage si haut en couleur.

-Monsieur Belmondo, puis-je prendre quelques minutes pour vous narrer une histoire qui vous concerne directement....

Il a eu un grand sourire charmeur, à la Belmondo flamboyant, et m’a encouragé pendant que Daniel Prévost à ses côtés s'esclaffait...

-Figurez-vous que j’étais, jusqu’au mois de juillet, le Directeur de l'Evénementiel Cannois, et à ce titre, je programmais les saisons culturelles de Cannes. Un bon programmateur rêve dans sa vie de programmateur d’accueillir au moins une fois Bebel et Delon... Bon, Alain, c’est jamais facile, 3 fois j’ai failli mais à chaque tentative, il y avait annulation de la tournée et l'affaire capotait...

Me restait donc Jean-Paul Belmondo qui ne tournait plus au théâtre depuis de longues années sauf  qu’en 1999, pour la naissance du nouveau millénaire, j’apprends que vous partez en tournée avec Frédérick ou le boulevard du crime, une pièce d’Eric Emmanuel Schmitt qui avait obtenu un Molière, dans une mise en scène de Bernard Murat.

Imaginez... J’ai sauté sur l’occasion, elle trop belle la mariée. J’ai donc signé pour deux séances, les 7 et 8 janvier 2000 à la salle Debussy du Palais des Festivals de Cannes.

J’étais fier, Monsieur Belmondo, heureux, presque Dieu pendant quelques temps ! Pouvoir vous recevoir !

Les ventes de billets s’envolèrent jusqu’à solder même les strapontins, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je me promenais chaque jour dans le Palais en sachant que mon jour de gloire se rapprochait, que votre venue coïnciderait avec l’extinction des lampions des fêtes de cette fin d’année exceptionnelle. Moi aussi, je m’étais hissé à la hauteur de l’an 2000 puisque je vous aurai en chair et en os sur les planches de Cannes !

Las ! Le 3 janvier 2000, un incendie se déclarait dans les cuisines du casino jouxtant la salle de théâtre rendant impraticable la réception du public et je dus, la mort dans l’âme, après avoir tout tenté, annuler les 2 représentations sans possibilité de les reporter, votre programme de tournée étant figé depuis bien longtemps et les autres salles de Cannes trop petites pour contenir votre décors..

Voilà Monsieur Belmondo, la triste histoire de la seule programmation de Jean-Paul Belmondo que j’ai effectué, un rendez-vous raté... et ce n’était ni de votre fait, ni du mien !

 

J’ai vu son visage s’illuminer, les convives rire et un zeste d’émotion traverser la table...

Jean-Paul, lui, m’a lancé un clin d’oeil amical, une oeillade complice. il ne m’a pas proposé de reprendre rendez-vous... Trop tard pour moi il fait nul doute, mais quand il s’est levé péniblement marchant vers la sortie, engoncé d’un corps malhabile qu’il ne maîtrise plus que partiellement, j’ai compris qu’il n’y aurait plus jamais son étoile sur les scènes de Cannes comme d’ailleurs. L’histoire a rendez-vous avec son passé, le futur de Belmondo s’écrit désormais au présent.

Merci Monsieur Belmondo de m’avoir écouter si gentiment et de m’avoir restitué un peu de cette magie dont un incendie stupide m’avait privé, il y a 12 ans !

 

BO-Bebel-Camy.JPGBerand Oheix, Gérard Camy et mon rendez-vous raté, jean-Paul Belmondo avec ce sourire si particulier que les années ne peuvent effacer !

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Lettre à Patrick Raynal, écrivain.

Publié le par Bernard Oheix

Il y a des rencontres fortes, des personnalités qui marquent et façonnent notre existence. Patrick Raynal fait parti de ces gens que je suis heureux d'avoir connus. On en a passé des heures à rêver ensemble d'un monde meilleur dans ce début des années 70 si riche en tension et en action. Et puis il a pris son envol, il est devenu écrivain, directeur de collection, sa vie a épousé les mots et il en a fait une longue et belle phrase. On ne s'est jamais perdu de vue même si les distances parfois entretenaient ce mystère du passage de la jeunesse au statut d'adulte affairé à se dépêtrer afin de construire sa propre vie, entre travail, famille, et un passé qui nous cheville au corps.

J'ai fait la mienne, heureuse, intense, mais toujours, un de ses livres me rappelait que nous avions partagé le même rêve d'écrire.

On vient de se retrouver, un peu plus, et comme si le temps n'avait rien effacé, nous nous sommes reconnus, encore et toujours.

Et puis il m'a offert son dernier opus et j'ai eu un vertige, l'émotion brute de savoir que derrière ses mots, il y a un peu de nous. C'est son talent qui donne un sens à des vies. Il vient, pour moi, de sortir de la littérature pour entrer de plein pied dans le monde beaucoup plus vaste des porteurs de lumière.

Ce livre est un éblouissement !

Lettre à ma grand-mère. novembre 2010. Flammarion

 

 

Cher Patrick,
je viens de terminer "Lettre à ma grand-mère".
J'ai toujours pensé que tu avais une vraie personnalité, du style, que tu savais y faire... trop parfois, un peu faiseur d'ailleurs, à l'image de ce héros de la révolution que tu incarnais
 dans notre jeunesse estudiantine niçoise, de ce Patrick Raynal truculent, espiègle, doté d'un sens de l'humour et d'une capacité d'observation hors du commun que j'ai connu. Tu avais juste ces quelques années de plus qui te donnaient l'expérience, qui t'autorisaient d'être devant moi comme un repère… 4 ans, c'est rien à 60, mais énorme, un fossé, à 20 ans. 
J'ai toujours été fier de ce lien ténu d'amitié, moi qui ai connu par mon métier, beaucoup de gens célèbres, j'avais eu cette chance de te connaître avant ton succès !
J'ai eu mes quart d'heure de gloire, plusieurs, mais ces mots dont je suis persuadé être apte à les dompter, je ne les ai pas suffisamment aimés pour leur donner une vie propre.
On pourrait aussi imaginer aussi que quand j'en avais le temps, je n'avais rien à dire, et que dès que j'ai eu beaucoup de choses à raconter, je n'ai plus eu le temps de les écrire.
Tu ne peux pas imaginer comme j'étais fier (et un peu jaloux !) de Very Nice et surtout d'Un tueur dans les arbres… Après, je m'y suis fait, tu étais un écrivain et moi non !
Un peu volontairement, j'ai coupé ce lien d'amitié, je voulais revenir, moi-aussi bardé de certitudes, un bon bouquin chaud sorti de presse comme passeport pour retrouver notre passé
et signifier qu'il s'était bien passé quelque chose dans cette ville atypique au coeur des années 70, que deux écrivains pouvaient par la magie du hasard naître en même temps, 
dans le même lieu.
Bon, il n'en a rien été, pire, tu m'infliges ce coup de génie de "Lettre à ma grand-mère". Tout ce que j'aime dans la littérature. Tout ce qui montre que derrière les mots, les phrases, il y 
a de la vie brute, du sentiment, de l'impudique, de la matière…
Tu touches si juste que tu prends tes lettres de noblesse à travers la vie de cette grand-mère héroïque. J'ai presque envie de dire que je suis jaloux de ta résistante aïeule, de ton Général Pfister, d'une saga familiale qui t'offre le vertige de plonger dans l'histoire, de ce qui se dessine à travers toi et te confère une dimension d'auteur à part entière.
Le texte de ta grand-mère est fort, dérangeant, situé dans un au delà de la littérature renvoyant à une horreur difficile à conceptualiser… mais le tien est une plongée déroutante et émouvante dans l'univers des mots, les vrais, ceux qui dévoilent la réalité et grandissent celui qui les structure et leur donne une existence, leur offre une vie propre, organise le chaos, transcende la matière.
Voilà mon Patrick ce que je voulais te dire…
Et le fait que j'ai pissé au lit jusqu'à 15 ans et qu'un psychiatre me "soigna" à coup de phénobarbital et de trimétadione en annonçant à mes parents que je ne ferais jamais d'études... n'est qu'une facette de l'étrange attirance que ton texte suscite en moi !
A la revoyure compadre !

 


 

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