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J'aime (plus) Merce Cunningham !

Publié le par Bernard Oheix

 

Surprenante journée monégasque, entre Nadal exécutant un Ferrero éberlué, Nalbadian atomisé par Djokovic sous un soleil printanier et un déjeuner offert par mes amis de la communication d’Eurosud  dans le village VIP du tournoi de tennis de Monte-Carlo. En fin d’après-midi, petite promenade dans une ville sinistrée par l’installation des structures du Grand Prix de Monaco. Amoncellement de tubes d’acier, de tribunes, de sacs de sable et de pneus utilisés pour le carrousel des chevaux mécaniques qui vrombiront dans plus de 3 semaines dans cette cité aux allures d’un Disneyland pour adultes. Monaco n’est pas une ville, n’est pas un Etat, c’est un phantasme imaginé par un créateur atteint du syndrome de Peter Pan !

 

A 19h, je retrouve mon adjointe, SD, avant de plonger dans la salle des Princes du Grimaldi Forum, ce Palais des Congrès construit en rognant sous la mer pour trouver un peu d’espace dans une ville confinée où la moindre surface carrée et plane vaut son pesant d’or.

 

Au programme, un grand héros de notre jeunesse culturelle, un nom de légende qui a marqué l’histoire de la Danse du XXème siècle. Leader de l’avant-garde américaine, innovateur de talent et de génie qui a explosé les limites de la danse et les a confrontées aux techniques modernes, aux arts visuels, à tout ce que la planète du moderne pouvait concevoir. Son compagnonnage avec John Cage a insufflé une dimension particulière à son travail de création en structurant des colonnes sonores propices à sa volonté d’exploser les codes traditionnels de la danse classique. Robert Rauschenberg signant des décors et des costumes en phase avec l’univers d’une modernité en train de reculer les limites du réalisme introduit cette déstructuration du cadre de la scène.

Enfin, tout cela c’est la théorie…

 

La soirée commença par Suite for five, une œuvre de ses débuts datée de 1956. Musique de John Cage interprétée en direct par un pianiste, costumes de Robert Rauschenberg. Du beau monde pour 5 danseurs évoluant aux sons contrapuntiques d’un piano ivre. Mouvements en saccades, gestes amorcés, ruptures permanentes des lignes de fuite, comme un alphabet de tout ce que cette danse moderne allait importer d’usant et d’artificiel. C’est vieillot à souhait, drame absolu d’imaginer que ce qui était rupture et novation en 1956 devient le triste reflet d’un ennui récurrent un demi-siècle après.

Au fond, c’est peut-être la première fois de ma vie que je ressens avec tant d’acuité ce décalage que le temps induit qui transforme le moderne en ancien, renvoie la novation à l’académisme et fait apparaître poussiéreux ce que l’on portait aux nues de la révolution créatrice. La recréation est parfois redoutable pour les sens émoussés de brûler ce que l’on a adoré…Mais c’est la dure réalité des idées que de s’épanouir avant de se faner !

La pièce suivante MinEvent, toujours avec Cage et Rauschenberg, permet au groupe de danseurs de se livrer et rompt avec l’esprit de rupture permanente qui est la signature du chorégraphe. Il réintroduit une certaine fluidité poussant même jusqu’à permettre aux interprètes de se trouver à l’unisson, aux gestes de définir une fresque, aux rythmes d’atteindre une fusion qui exalte la qualité technique de la compagnie.

Le dernier opus date de 2007. Il reste une des dernières œuvres composées par le génie vieillissant. Dans Xover, par couples, les danseurs viennent composer leurs éternels duos saccadés, rencontres avortées, ébauches de complicité d’une technicité brillante et enlevée se brisant en permanence sur les sonorités décalées d’un trio de musiciens et d’une chanteuse développant des arabesques vocales d’où surgissent cris d’oiseaux, onomatopées, textes en langues diverses éclatés. Cela pourrait avoir du charme, cela pourrait surprendre…mais est-il encore l’heure de s’ébaudir à ces recettes qui ont été surexploitées par les cuisiniers fades d’une nouvelle danse qui n’en peut plus de vouloir surprendre sans surprises ? Où est passé la magie d’une démarche de rupture, les codes volant en éclats n’ont laissé que des ruines fumantes sur les scènes des théâtres de la danse actuelle, comme si à force de hurler des messages vidés de leur sens, on ne pouvait plus entendre les variations d’un esprit libéré !

 

C’était ainsi, une soirée de connivence pour régler ses comptes avec son passé dont il reste la certitude d’une grandeur évanouie, d’une période où tout était possible et ouvert, une technique brillante de danseurs capables de rendre esthétique les gestes les plus atypiques, une démarche permanente d’équilibriste installant des passerelles entre les arts, l’aventure du « choquer » pour remuer les consciences…mais un demi-siècle se s’est écoulé, et dans les vagues qui balaient et effacent les vestiges de la création, il y a le conformisme actuel, toutes les fuites dans une provocation dont la seule finalité est l’installation de l’individu au faîte d’une gloire médiatique au service d’« egos » surdimensionnés, il y a l’appauvrissement intellectuel d’un zapping permanent et des effets de mode où les limites se sont évanouies.

Alors c’est vrai, je n’aime plus Merce Cunningham, mais c’est aussi parce que l’époque d’aujourd’hui n’est plus aimable et transforme son travail en jeux du cirque, en page d’histoire dont la seule finalité serait de dire, « j’ai existé et j’ai créé les conditions de l’ennui…admirez donc mes ruines et passez donc comme des ombres sans vous poser les questions d’un pourquoi vide de sens… Posez-vous les questions essentielles car de toutes les manières, on n'y répondra plus ! »

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Inventaire avant destockage n° 12

Publié le par Bernard Oheix

 

 

Deux annnées se sont écoulées. La saison culturelle venait de se terminer et comme à chaque fois, une impression de vertige devant l'inéluctable, le temps qui passe, les spectacles qui s'enchaînent, la certitude de franchir des étapes importantes, ceux qui nous rapprochent des frontières, des limites, le vide qui nous aspire. Ce mot, je l'ai envoyé à toutes celles et ceux qui travaillent avec moi depuis de longues années, comme une bouteille à la mer, pour dire merci et parler de la mort !

 

 

 

FIN DE PARTIE !

 

 

Une saison vient de se terminer…une de plus d’effectuée ! une de moins à imaginer…pour vous à réaliser !

 

Cette année 2007/2008 a été généreuse en belles images, en souvenirs, en événements majeurs.

 

Souvenons-nous…les Concerts de Septembre avec Archive et l’Orchestre de Bender (le plus beau et émouvant concert que j’aie jamais produit professionnellement), ces chanteurs que nous aimons, Mano Solo, Arno, Taha et surtout Eicher, Susheela Raman et Salif Keita, Abd Al Malik, Gréco (un mythe qui nous a donné quelques émotions pures) et Daho pour clôturer en élégance…une saison musique comme on en avait jamais réalisée par sa diversité et sa qualité !

 

Le Festival de Danse… de nouveau accessible où Sylvie Guillem et Russell Maliphant nous ont permis de rompre avec les lois de la pesanteur et qui nous a réconcilié avec Maguy Marin et l’art du mouvement, Mayumana, le coup de cœur endiablé des fêtes de fin d’année, Jolivet et les Chevaliers du rire avec fiel, l’humour de Boublil et de Benureau, les grands airs de la Traviata et de Nabucco, même les chœurs de l’Armée Rouge pour nous faire aimer les slaves… le théâtre en comédie (Toc Toc, La valse des pingouins, Adultères…) !

 

Et le Festival International des Jeux, avec ses 135000 visiteurs/joueurs et sa belle soirée de remise des prix et ses nuits du OFF à étirer les heures jusqu’à l’aube.

 

Voilà donc une page de tournée, un livret à ranger dans l’armoire des souvenirs, au milieu des autres, dans le foutoir des images que nous conservons enfouies en nous et qui font que nous sommes différents. A force de tutoyer les muses, on récupère un peu de leurs rêves !

 

Je vous remercie du fond du cœur  pour tous les efforts que vous avez consentis, pour la passion que vous démontrez au jour le jour au service de ceux qui créent l’émotion… C’est grâce à vous que le public peut communier, c’est par votre souci et votre précision que nous avons la fierté de réaliser des saisons pleines qui rencontrent le succès dans une période de crises et d’incertitudes.

 

J’associe à ces remerciements, tous les stagiaires qui trouvent leur place dans notre petite entreprise et donnent leur soif d’apprendre en gage de leur investissement.

 

Il nous reste de beaux combats à mener, un été se profile, une nouvelle saison et toujours votre compétence et votre enthousiasme en fil conducteur de notre action au service du public et du Palais des Festivals.

 

Merci à tous !

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FIF (5) : Une histoire de Palmarès !

Publié le par Bernard Oheix

Cette année, foin de billevesées…M’étant fixé comme objectifs de voir tous les films et de donner un palmarès exact le dimanche 23 mai à 18h45, je me suis attelé à mon travail de critique parallèle, pendant tout ce festival, ce qui implique de ne pas dormir aux films en compétition et de n’en rater aucun !  Sauf bien sûr, quand Nadine S et Eurielle D, deux de mes collaboratrices adorées, émergeant de la salle noire, me confièrent qu’elles avaient enfin vu le « navet » (il y en a toujours un !) de l’année, que son réalisateur portait un nom imprononçable et que le film avait un titre à coucher dehors ! J’ai donc fais l’impasse sur ce chef d’œuvre en péril et parmi les 32 pellicules ingérées, 18 appartenaient à  la compétition, m’autorisant un jugement sûr et une autorité toute neuve…J’étais donc bien armé pour faire mon palmarès et prouver aux cinéphiles du monde entier la justesse de mes goûts !

 

19h, 15 devant mon écran. Les prix s’égrènent…L’homme qui crie du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, Prix du jury, parfait, mérité amplement ! Petit accroc avec le Prix de la mise en scène à Tournée, (que je n’ai pas aimé !) même s’il m’apparaissait évident qu’il se retrouverait parmi les élus. C’est un moindre mal, une médaille en chocolat, concession au style déjanté de Tim Burton, le président du jury….Pourquoi pas ?

Bingo avec le Prix du scénario pour Poetry du Coréen Lee Chang-dong. Là, il fallait le trouver, petit frisson d’adrénaline ! Pas de problème pour l’interprétation féminine de Juliette Binoche. J’ai détesté le film mais il était évident qu’elle obtiendrait son bâton de maréchale…Rebingo pour l’acteur masculin, Emilio Germano du film de Luchetti, La nostra vita avec une surprise, le partage de cet honneur avec l’éblouissant Javier Bardem de Biutiful…Tout va bien donc jusque là !

Arrive le Grand Prix du jury pour le magnifique film de Xavier Beauvois, Des Hommes et des dieux…encore dans le mille. Je suis au bord de l’apoplexie, comme le jour où sont sortis les 5 premiers chiffres du Loto… (Bon, pour la petite histoire, le 6ème, on l’attend toujours et mon gain potentiel de plusieurs millions s’est transformé en une enveloppe de 5000€, seulement !).

Du haut de mon Olympe cinématographique, il ne me reste plus qu’à ouïr le nom de la Palme d’Or, à l’évidence Biutiful d’Inarritu pour atteindre l’orgasme, la certitude d’être un visionnaire, au top de la critique… Quand, patatras ! Le président se lève et jette en pâture un nom totalement imprononçable, une nationalité thaïlandaise, un titre de l’autre monde : Oncle Bonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures  de Apichatpong Weerasethakul, coiffe sur le poteau le Inarritu ou le Mike Leigh, voire le Hors La Loi ou l’autre coréen…Ô rage, ô désespoir, …le seul film de la sélection que je n’avais pas vu ! Le seul à avoir échappé à ma vigilance !

 

Bon, qu’à cela ne tienne, il me reste la séance du lundi pour rattraper la Palme d’Or et finir sur un sans faute. Chaque année, le vainqueur est présenté aux Cannois, le lendemain de la cérémonie de la remise des prix, pour 3 séances. Dès 15h, dans la grande salle, j’attends enfin de visionner l’objet du délit quand soudain, l’adjoint au Maire rentre sur scène et annonce que le film projeté ne sera pas la Palme d’Or, mais le Grand Prix du Jury, Des Hommes et des dieux… de Xavier Beauvois pour des raisons obscures où l’on comprend que le film thaïlandais, trop difficile, pourrait ne point plaire aux pauvres Cannois incultes et qu’une bonne dose de piété ne pourrait qu’élever leur âme !

 

Il va falloir que je m’y fasse, je ne verrai jamais la Palme d’Or 2010 ! Aurais-je voté comme les membres de cet éminent jury de choc ? Je ne le saurai jamais…Je vais réfléchir à l’an prochain…tous les films je verrai, c’est certain, et après, je sortirai un palmarès à moi, tout neuf, complet et personne ne pourra rien y redire, non mais !

 

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FIF (4) : Enfin des films !

Publié le par Bernard Oheix

  

Il faut savoir ne pas désespérer. Dans ce festival de films avortés, bien à l’image d’une société malade et d’un cinéma en crise, les moments de bonheur peuvent aussi nous rattraper ! Il suffit de peu de chose finalement pour nous rendre au plaisir d’une manifestation hors norme… juste un enchaînement de bons films qui font pleurer et rire, d’histoires touchantes et bien interprétées, d’une lumière qui embrase la nuit, d’un réalisateur qui a décidé de parler au spectateur, de créer pour lui…

Cela arrive aussi à Cannes ! Et n’en déplaise aux sceptiques, je vais arrêter de commenter les mauvais films, par exemple le Kaboom de Gregg Araki, ou le médiocre Tavernier, La Princesse de Montpensier, ou…

 

Parlons plutôt d’Un homme qui crie, de Mahamat-Saleh Haroun. Un film tchadien, bien éloigné des clichés que véhiculent les cinématographies de ce continent, souvent taxées d’être naïves, « surjouées », techniquement faibles. Ici, l’image est parfaite, les acteurs justes, la dramaturgie cohérente. Même les lenteurs sont puissantes, incluses dans le développement logique d’un drame en train de se dérouler sous nos yeux. N’Djamena, capitale du Tchad, est lentement encerclée par les insurgés, sa situation se détériore en même temps qu’un homme « champion », maître-nageur d’une piscine dans un hôtel de luxe qui se vide de ses clients, voit sa vie basculer dans l’horreur, la trahison et un drame cornélien. Jamais la violence n’est montrée, jamais le sang jaillit, pourtant, un sentiment de détresse et d’oppression inexorable grandit chez le spectateur. C’est un vrai drame sans issue, magnifié par la beauté des paysages, la grandeur des hommes et femmes qui y vivent, l’amour et les sentiments les plus nobles confrontés à la rigueur de sociétés déchirées.

Parlons Des hommes et des dieux, la somptueuse oeuvre de Xavier Beauvois, oscillant entre le sacré et le profane, l’univers clos des Moines de l’Atlas et le village arabe de Tibéhirine qui l’entoure, le jeu entre les groupes armés du GIA et les forces officielles de l’Algérie, la montée des périls extérieurs et l’action collective de ces moines pour créer un havre de paix et d’hospitalité dans un territoire dévasté par la haine. Composition picturale et chants rituels contre effervescence populaire et tension de la société en guerre fratricide, subtil dialogue entre ces deux forces où la terreur triomphera. Là aussi, la violence n’est jamais explicite, lovée qu’elle est dans la vie réelle et dans la vision de ses conséquences, pas de ses actes. Cela la rend d’autant plus insoutenable… comme si les deux cinéastes précités retrouvaient la vertu de ne pas exhiber pour mieux dévoiler et asséner. La lente procession dans la forêt neigeuse des moines en route vers leur calvaire restera un des moments les plus poignants de ce Festival 2010.

Parlons de La nostra vita de Daniele Luchetti, anticomédie à l’italienne, tranche de vie d’un maçon heureux soudain confronté au drame de sa femme qui décède en accouchant de son 3ème enfant et le laisse avec la nécessité d’inventer une nouvelle vie, cherchant dans le travail la force de survivre en compagnie de ses ouvriers clandestins, cerné par les maffieux de l’immobilier d’une société civile sans cadre ni lois, et d’une famille qui le soutiendra contre l’adversité. C’est un hymne à la vie réelle, à la beauté d’une Italie du terroir, hospitalière, ouverte sur elle-même et sur les autres, en dehors des codes figés et des règles, borderline dans sa façon de se pérenniser mais vivante, avec de l’humanité et de l’honneur, de l’amour sans normes, sans couleurs, sans frontières. Un vrai film sur la vraie Italie d’aujourd’hui.

Parlons enfin de Biutiful de Inarritu. C’est ma Palme d’Or à l’heure actuelle, sans hésitation et sans regrets. Après l’académisme de Babel, le réalisateur revient vers un cinéma moins « propre », plus « trash », plus authentiquement ancré dans la misère actuelle. Un homme, extraordinaire performance de Javier Bardem, atteint d’un cancer en phase terminale, doué de la faculté de communiquer avec les morts, tente de mettre de l’ordre dans sa vie afin de partir en paix. Il élève ses deux enfants, vit d’expédients, entre les vendeurs sauvages africains qu’il approvisionne et les Chinois qui produisent des contrefaçons dans des locaux insalubres. Il touche l’argent de la misère mais n’est pas corrompu par lui, restant un individu se battant dans un monde cruel en éprouvant la compassion de ceux qui souffrent de concert. Il tente d’humaniser l’abomination. C’est un hymne à la beauté sauvage, à l’horreur quotidienne de ceux qui sont les rebuts de la société, clandestins, chairs bonnes à toutes les surexploitations, la mort comme viatique, l’horizon bouché par les sociétés occidentales qui vivent de leurs trafics en les niant comme individus. Corps inanimés allongés sur les plages dans l’aube grise, funèbre et crépusculaire, le réalisateur montre ce que nous savons, ce que nous lisons, ce que nous ne voulons pas voir de nos turpitudes de sociétés gavées se vautrant dans l’indicible afin de préserver leurs privilèges. C’est du cinéma de révolution, où tout est pensé, ajusté et mis en déforme afin que le spectateur ne puisse plus jamais dire, -je ne savais pas !- Et en prime, il nous offre un regain d’optimisme, tant avec une immigrée, Ige, qui assumera le rôle de mère pour le futur qui lui attribuait, que dans cette mort enfin apaisée d’un homme que les démons avaient pourchassé toute son existence morcelée !

 

Voilà, j’aime encore et toujours le cinéma, j’aime cette foire de pellicules de Cannes où le meilleur peut côtoyer le pire, où la vie rêvée peut naître des décombres de nos empires à la dérive. Le 7ème Art a encore un rôle à jouer pour éveiller nos consciences. Merci à Alejandro Gonzalez Inarritu, à Xavier Beauvois, à Mahamat-Saleh Haroun, à Daniele Luchetti pour les émotions si fortes qu’ils sont capables de provoquer en nous !

 

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Mon maître en cinéma à l'Université de Nice : Jean A Gili avec sa toge d'apparat pour la soutenance de thèse de Julien Gartner sur la place de "l' Arabe dans le cinéma français depuis 1970". Mention très honorable avec félicitations, 10 ans d'études sanctionnées par une note maximale...Et moi, j'en profite pour retrouver celui qui a été un de mes maîtres spirituels, un de ceux qui m'a transmis le goût d'étudier et de comprendre. Bernard ému !

 

PS : dernière minute. Vous pouvez rajouter aux belles aventures du Festival du Film 2010, Route Irish le dernier Ken Loach, opus mortifère sur la guerre d’Irak et ses conséquences, les trafics d’armes et les profiteurs de guerre et Hors la Loi de Rachid Bouchared sur lequel nous n’avons pas fini de gloser. Le talent cinématographique du réalisateur et d’acteurs d’exception au service d’une page peu glorieuse de notre histoire…Nostalgiques d’une France forte et coloniale…réveillez-vous, bon sang !

 

 

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Crime de lèse-Godardisme assumé !

Publié le par Bernard Oheix

 

Pour une génération de soixante-huitards dont je suis, il y a d’innombrables figures tutélaires qui parsèment ce long cheminement de l’acquisition d’une conscience politique et d’une culture universelle se voulant embrasser tous les savoirs. De Wilhelm Reich à Kérouac, des Beatles aux leaders « maximos », de Lacan à Robbe-Grillet… Il y a aussi, les pères fondateurs, les dieux vivants, maîtres parmi les maîtres, que personne assurément ne pouvait toucher, au panthéon des esprits supérieurs, tel Jean-Paul Sartre, le philosophe écrivain engagé, Picasso, l’homme qui restitua la peinture au temps présent ou Jean-Luc Godard, le pape du Cinéma…Film socialisme arrive sur la Croisette, en 2010, quelques décennies après, âge et rides en plus, et il est l’heure des constats…

 

Que Jean-Luc Godard ait transformé le cinéma est un fait. De A bout de souffle à Pierrot le Fou, de Week-end au Mépris, de Deux ou trois choses que je sais d’elle à tous ses films qui dans les années soixante ont inventé une nouvelle façon de filmer, mieux, de penser (panser ?) le Cinéma. Une décade prodigieuse, une tornade respirant les vents de la création. J’étais donc Godardien parce qu’il ne pouvait en être autrement et que chacune de ses œuvres ouvrait les champs de l’impossible, une réflexion tendue entre le savoir et le connaître, entre le possible et l’improbable. La rupture violente de 68 consacrera son isolement dans une logique de contre-production. Il émergera de son utopie créatrice révolutionnaire, et sonnera le glas du temps de l’expérimentation pour entamer un lent chemin de croix vers sa propre glorification, vers l’institutionnalisation de tout ce magma tonifiant qui fondait sa légitimité. A parler de la marge pour investir le centre, il se retrouvera soudain, par l’usure du temps et l’érosion des utopies, à camper au centre du centre, comme l’histrion assumé d’un monde marchand qui avait bien besoin d’un fou du roi pour se régénérer en redéfinissant ses frontières.

Film socialisme est le dernier opus du Maître, sélectionné dans Un Certain Regard, il se devait d’apporter une réponse au temps qui fuit, ambition d’une somme esquissée à travers ses Leçons de cinéma, émergeant d’un silence que sa statue de commandeur imposait aux détracteurs. Tout tourne toujours autour de Godard, que pouvait-il alors nous offrir dans ce chant crépusculaire ?

Entre images sublimes (la mer et l’horizon) et trashs (les lieux de vie), des dialogues cachés par des bruits de fond, des citations parcellaires, des montages en opposition, des collages, du contrepoint, de la distanciation… tout le rituel de l’alphabet d’un cinéma à la Godard est développé sans aucune distance, comme si Godard jouait à être Jean-Luc, comme s’il n’y avait plus de marge entre ce qu’il dynamitait joyeusement et ce qu’il fabrique laborieusement, quête d’un sens caché, étalage de tics et de moments si convenus.

Dans ce prétexte, une croisière sur «Mare Nostrum» déclinant des villes portuaires charnières, plus rien n’a d’importance, que le vide créé par son torrent créatif. -L’imagination au pouvoir- déclinions-nous dans les années ferventes, mais à quelle fin désormais ? Pour perdre le sens du spectateur et la finalité d’un film ? Godard est ailleurs, dans un monde que lui seul reconnaît et peut mesurer, celui d’un alphabet figé qui lui ôte tout espoir de « dire » au détriment d’un « faire ». Et si certains d’entre nous, lui accordons toujours notre crédit, c’est parce qu’il continue d’être celui qui a embrassé pour l’éternité son rôle de bouffon d’une société marchande.

Pendant ce temps, la vie continue. Il restera toujours Le Mépris pour signifier que Jean-Luc Godard fut un des plus grands cinéastes du XXème siècle. Son œuvre restera immortelle même s’il lui faut abdiquer, désormais, tout espoir de se dépasser pour atteindre cette zone improbable où l’instinct vient au secours du génie pour composer une œuvre définitive !

Non, décidément, Film socialisme de Jean-Luc Godard est assurément ennuyeux, très ennuyeux !

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FIF (2) : 15 films après !

Publié le par Bernard Oheix

 

Dans mon précédent billet, je restais sur une opinion mitigée…Ce Festival, 63ème du nom, me semblait bien poussif en son début et si les premières images sont à l’image de ce qui doit suivre, alors cela veut dire que les nuages s’amoncèlent au-dessus de nos têtes et que les dieux du 7ème art nous ont peut-être abandonnés…

 

Pourquoi et comment oser exhumer le Lions love (Quinzaine des Réalisateurs) d’Agnès Varda, grotesque pantalonnade sur l’amour libre et les couples à 3 du floper-power ? Avec un tel film, il est certain que l’esprit soixante-huitard en prend un sacré coup et que nos enfants doivent nous trouver bien ridicule ! Cette oeuvre dormait depuis tant d’années, elle aurait pu rester dans les limbes, cela n’aurait offusqué personne et certainement pas moi !

Quand Woody Allen parodie Woody Allen, cela donne You will meet a tall dark stranger, un film (hors compétition) sur des tranches de vie tissées, un patch-work de ce qu’il nous a donné à aimer depuis de longues années mais qu’il semble avoir de la peine à régénérer. Nouvel opus donc au goût légèrement acidulé de déjà vu, déjà entendu…On attendait mieux ! Et quand Kitano parodie un film sur les yakusas de Kitano, cela donne Outrage (compétition), une énième version avec coups (et écho sonore sur chaque direct asséné), hémoglobine, morts particulièrement sophistiquées (pas mal, la tête décapitée !), histoire tortueuse à souhait où chacun trahit l’autre, où les protagonistes hurlent sans cesse, sortent les révolvers pour dézinguer à tout bout de champs, où les voitures et les costumes sont noirs et le visage de Beat Takeshi Kitano, une carte de toutes les violences d’une société gangrenée par la drogue et tous les vices. Bon, d’accord monsieur Kitano... pas besoin de hurler !

Bedevilled (Semaine de la critique) du Coréen Cheol-soo Jang est une pochade gore ou une femme décide de se venger à coups de faucille et de marteau en éventrant et décapitant toutes celles et ceux qui l’ont faite souffrir, (il y en a beaucoup !), dans son humble vie sur une île perdue à être l’esclave des autres. Réjouissant petit premier film où l’on rit sans retenue de tant d’abominations !

The Housemaid, (Compétition), autre Coréen, Im Sang-soo, film glacé sur l’oppression des riches sur les pauvres, quand l’homme au pouvoir domine aussi le corps de la femme et son destin. Film intéressant, irruption d’une lecture particulièrement «militante » du rapport homme-femme et de la notion de pouvoir et de sexe. A noter la belle facture de l’image, de la lumière, et du jeu des comédiens pour une œuvre qui mérite une vision plus riche que celle d’un festivalier zappant d’un film à l’autre sans temps mort.

Chatroom (Un Certain Regard) de Hideo Nakata est insupportable. Les adolescents ont leur espace virtuel réellement symbolisé par des pièces dans lesquelles ils donnent libre cours à leurs idées. Verbeux, artificiel…comme cet espace virtuel dont ce film n’aurait jamais dû émerger !

Mardi, après Noël (Un Certain Regard) de Radu Muntean est l’histoire d’un adultère. Ce film roumain, dans la tradition d’un néoréalisme héritée de la Palme d’Or obtenue il y a quelques années, propose quelques moments particulièrement bien sentis (la rupture vue de l’intérieur, la préparation du repas de Noël). C’est pourtant un peu lent et long, défauts, avouons-le, qui touchent la plupart des films présentés cette année !

Que dire de Belle Epine (Semaine de la Critique) de Rebecca Zlotowski ? Que c’est un 1er film sur des adolescents perdus dans l’univers de la moto, qu’il est prometteur et qu’elle passe désormais au 2ème pour nous prouver son authentique potentiel ! Où du glacé et froid Unter dir die Stadt (Un Certain Regard) de Christoph Hochhaüser, film situé dans le monde des grands banquiers, entre pouvoir et chair humaine…qu’il est incompréhensible, part dans tous les sens, et qu’il faut nous donner le mode d’emploi afin de saisir ce qu’il a voulu (ou pas) dire… Mais que de toutes les façons, son film, même compris, restera ennuyeux et vide malgré une superbe photo qui embellit Francfort de ses innombrables reflets !

Reste deux petits bijoux. Le premier Banda Bilili (Quinzaine des Réalisateurs), de Renaud Barret et Florent de la Tullaye. C’est un film reportage qui dessine une véritable fiction. Sur 5 ans, dans une ville dévastée par la pauvreté et la misère, (Kinshasa, République du Congo), une équipe de cinéastes va suivre et soutenir un orchestre d’handicapés jusqu’à leur tournée triomphale dans les grands festivals et les capitales d’Europe. Leur musique est la colonne du film et la raison même de ce film, elle contient tout leur espoir, leur dynamisme, leur optimisme dans le plus extrême des dénuements. Ce film est une leçon de vie, un baume au cœur, une façon de mieux comprendre les autres et leurs différences, l’handicap et la force de vie de ceux qui n’ont rien, si ce n’est l’espoir au fond du cœur. Le personnage de l’enfant qui joue de sa boîte à lait monocorde, que l’on voit grandir jusqu’à devenir un homme, est magnifique : pour une fois, la caméra n’arrête pas le temps, bien au contraire, elle l’accompagne et l’enrichit de sa mémoire !

Le deuxième, Another Year de Mike Leigh (compétition) est dans la veine de My name is Jo de Ken Loach. Sur 4 saisons en 4 chapitres, un couple heureux (elle est psychologue, il est géologue) voit graviter autour de lui, des amis désemparés, des victimes de la vie, des épaves, la mort, tout cela en jardinant, en recevant beaucoup, en buvant (pas mal !) et en parlant (énormément !). C’est un réalisme à l’anglaise, humour et drame entremêlés, acteurs exceptionnels, notes sur des vies si humaines et si belles. On rit, on est ému, et même si le film pêche un peu par sa longueur (ces fameuses 15 mn de trop !), il emporte l’adhésion et transmet une vraie ration de bonheur au spectateur !

 

Bon, la lumière s’éteint, c’est le Godard, Film Socialisme qui commence…On en reparlera, et puis, il reste encore 5 jours… Peut-être qu’on le gagnera notre paradis des images, notre éden filmique ! A voir !

 

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Douloureux Festival du Film (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

Première livraison de critiques portant sur le Festival du Film de ce mois de mai 2010…Début laborieux, avouons-le, avec une certaine colère et beaucoup d’incompréhension. Snobisme à l’envers ou enthousiasme programmé de nos amis critiques. Il faudra m’expliquer comment Robin Hood peut devenir pour Libération, un héros prolétarien, après son traitement « Scottien » ou la tournée, un hymne à la nuit "qui met la barre très haut (sic)", pour le Festival... Désolé, Bernard pas comprendre !

 

Film d’ouverture du Festival de Cannes. Robin Hood, par Ridley Scott avec Russell Crowe et Cate Blanchett. Ou l’histoire de Robin avant qu’il devienne des Bois, revu et corrigé par la grande machinerie américaine, sur un scénario indigent, avec des acteurs convenus dans des rôles sans surprises, un montage tellement hollywoodien que l’on pourrait en faire une leçon du cinéma par l’absurde. Il faut noter la séquence du débarquement à la façon du « jour le plus long », monument kitsch élevé à la gloire de tous les cinéphiles comme une faute de bon goût, paramétrage absolu du vide historique, des scènes qui étirent le temps en laissant les personnages exsangues à force de regards faussement intériorisés et d’attitudes compassées. Ce film est au cinéma historique ce que le Macdo est à la nourriture : un plat indigeste d’une industrie qui ne sait plus rêver !

Rizhao Chongqing, (Chongqing blues) de Wang Xiaoshuai. (Compétition). Où et comment 2 milliards de citoyens sont définitivement rattrapés par Papa Freud en terre Mao. Un père qui a la «fibre paternelle » malgré sa disparition depuis 14 ans, revient pour comprendre la mort de son enfant (25 ans) tué au cours d’une prise d’otage. Son enquête, lente à souhait, chargée de signification à chaque plan étiré, prouve « qu’il manquait beaucoup à son enfant » ! C’est du cinéma pesant, musique redondante, maniérisme de la mise en scène, pâle copie d’un cinéma européen des années 70 basé sur l’affect et l’académisme. On en sort laminé par tant de componction ! Deux éléments ressortent pourtant de cette projection matinale : revoir Chongqing où j’ai passé une semaine en voyage culturel particulièrement passionnant et éprouvant, (ville tentaculaire avec une conurbation de 35 millions d’habitants), et indirectement, ce film donne une image d’une Chine beaucoup plus complexe que celle des discours officiels et des images préfabriquées. La politique de l’enfant unique et le sacre de l’enfant roi a donné aux jeunes une place centrale dans la société qu’ils ne sont pas près d’abandonner aux oripeaux d’un pouvoir central étrangement absent ! Les enfants de la Chine sont en train de s’éveiller et il n’est pas certain que les rêves de ces jeunes seront aussi lisibles et prévisibles que dans un livre rouge ou dans les pages de Sigmund !

Tournée de Mathieu Amalric. (Compétition). Grotesque et ridicule. Les « news burlesques », spectacles de strip-tease et de cabaret, jouent dans des salles de province combles devant des publics hystériques (faudra m’expliquer ce petit détail ! Comment avoir des salles pleines avec un spectacle en province que personne ne connaît ?). Un ancien producteur de télévision caractériel et tricard tente de les imposer pour son come-back des « states » où il s’était exilé. Tout se mélange, les situations les plus improbables mais tellement « tendances », s’enchaînent, le passé revient par bribes sans jamais être expliqué, sans aucune cohérence ni émotions, tout sombre dans l’à peu près comme le jeu exhibitionniste de l’acteur principal et réalisateur qui mouline dans le vide pour faire croire qu’il avance. C’est un film sur le monde du spectacle (celui-là, je le connais un peu !), comme une caricature à gros traits épais et baveux à souhait, le monde de la nuit pour « gogos », avec cigarettes, whiskies et grosses pépées ! La scène finale dans un hôtel abandonné sur une île au large de La Rochelle est un monument élevé à la bêtise !

Bran Nue Dae de Rachel Perkins, (Cinéma des Antipodes) est l’adaptation sympathique d’une comédie musicale Australienne aborigènes située dans les années 60. Willie, un jeune garçon destiné à la prêtrise par sa mère, choisira l’amour de Rosie et une vie naturelle dans ce paradis de Broome, sur une côte perdue à 3000 kms de Perth, plutôt que l’évangélisation de ses confrères noirs. Les chansons sont efficaces, le thème honorable, les acteurs portent un message de tolérance et d’espoir non départi d’humour. C’est un film gentillet qui ouvre l’horizon sur les paysages magnifiques de ce continent du bout du monde et sur l’oppression des aborigènes et le rôle de l’église. A déguster sans se prendre la tête et sans imaginer que le monde sera transformé à la fin du prochain plan-séquence !

 

Bon, le festival continue… Les salles sombres m’attendent… Petite entorse, cet après-midi, je cours à la soutenance de thèse de Julien Gartner, (La place des arabes dans le cinéma Français) à Nice. Il a dans son jury, Jean A Gili, mon ex-professeur de Cinéma à l’Université de Nice, tendance siècle passé, il y a quelques lustres, quand je n’étais encore qu’un étudiant heureux et sans histoires, avec une vie à construire et des rêves dans la tête ! Je suis ému de le retrouver, plus de 15 ans que ne n’ai pas eu de ses nouvelles. Je vous raconterai !

 

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De Rokia Traoré à Gotan Project

Publié le par Bernard Oheix

Voilà, la saison 2009/2010 vient de se terminer avec un somptueux Gotan Project, première du spectacle avant Paris, salle archicomble, public chaviré de bonheur, tout comme moi, heureux de cet évènement, heureux de retrouver Jules Frutos, le patron d'Alias, un homme qui aime la musique, qui comprend les artistes mais aussi les organisateurs, qui possède encore des principes et sait se rendre attachant. Alors sur ces derniers mois, quelques photos pour se souvenir du temps passé.

 

La belle Rokia, un de mes grands coups de coeur. Un instant magique qu'elle a illuminé de sa classe, de son humanisme, de son talent. Des frissons à la mémoire de sa grâce, de la pureté de son timbre, de l'éclair de ses yeux.

Je suis devenu son amoureux pour l'éternité.

 

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Rajery, le chantre de Madagascar et Talike, la Princesse des épines dans une des plus formidables rencontres de cette saison. Ils ont travaillé dans le contraste et se sont réunis dans la passion, transmettre l'amour de cette île-continent, parler des différences pour mieux les comprendre, déjà entre eux, toujours avec le public. Il n'y a plus de frontières et les corps vibrent à l'unisson sous cette musique tribale qui parle aux sens !

 

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En habit de Juliette Drouet, la passion de Victor Hugo, la passionaria Anthéa Sogno, et moi, son Roméo d'un soir, juste le plaisir des mots qu'elle a fait chanter, ceux de Hugo comme ceux de Juliette Drouet. Une extraordinaire leçon de vie, une émotion à fleur de peau, du théâtre de sens, sensations à vif,  esprit ouvert sur une petite histoire sublime de la grande histoire. Quand un grand homme est aussi un petit homme qu'une femme inspirera jusqu'au génie !

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Le Gotan est un véhicule hors norme parfait pour explorer les sentiers de l'Amérique du Sud, ceux si sombres des sons langoureux remixés pour devenir éternels. Voix, bandonéon, guitare, cuivre et deux imposantes machines chargées de transformer les notes en machine à se propulser dans le futur. C'est une musique d'éternité, dépassant toutes les frontières, qui reste étrangement naturelle. Le miracle de Gotan Project est de nier le temps !

 

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Dans ce spectacle un soin extrême est apporté au visuel, avec des couleurs chaudes de lumières, des écrans translucides où sont projetés des torrents d'images, un dispositif parfois un peu figé, toujours imposant, la sobriété du mouvement dépassé par la grandiloquence de l'effet, un spectacle à voir tout autant qu'à entendre et qui finira avec les tubes du groupe, dans un tango mécanique emportant le public dans sa fièvre !

 

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Voilà, c'était juste une madeleine sucrée, un petit goût de revenez-y, avec la nostalgie de toutes ces heures si belles car uniques, la certitude que jamais on ne remarchera sur ces travées...Bien sûr, il y aura d'autres moments à jouir, la beauté du passé chassée par l'espoir futur, mais que cette saison fut belle, entre les concerts de septembre 2009  (Bertignac, Archive, Peter Doherty, Bregovic...) et ces images volées par Eric Dervaux (except Victor Hugo) en mars et avril 2010.

Vite, à demain !

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Du pays Niçois à Madagascar

Publié le par Bernard Oheix

 

  La fin de saison se profile à l’horizon avec son heure des bilans qui se pointent, des analyses et des constats, des exégèses et des tableaux, de ce travail qui chasse l’alchimie du moment de rencontre pour le faire entrer dans un schéma avec la perfide sanction des chiffres… Disons-le, malgré la vraie crise, la désaffection générale d’un public volatile, la focalisation sur des produits formatés… la saison 2009/2010 aura été de bonne facture. Avouons que commencer avec Peter Doherty, Archive, Bregovic…et terminer sur le Gotan Project, cela a de la gueule et en impose quelque peu !

Et n’en déplaise aux esprits chagrins, la magie fonctionne encore et dans les interstices d’une crise ravageuse, nous autorise toujours d’espérer et de vivre intensément la rencontre entre un spectacle et un public même si parfois ce public fait cruellement défaut… et c’était le cas le 24 avril du côté du Théâtre de la Licorne pour le Corou de Berra et le malgache Rajery avec Talike en invitée ! Les absents ont vraiment eu tort ! Où étaient-ils nos amis occitans, les amateurs de Musiques du Monde, la communauté malgache ? Où étaient donc ceux qui rêvent debout ?

 

Le Corou de Berra, c’est 15 ans d’amitié, plusieurs concerts récurrents à Cannes, une disponibilité évidente frisant parfois l’inconscience (on se souvient encore d’un concert historique « sous la mer » aux Rochers Rouges de La Bocca où perchés sur un entablement rocheux, ils chantaient vêtus de blanc devant 3000 personnes en maillots et tubas en train de plonger pour écouter leur musique au fond de l’eau !), des réussites exemplaires (le concert avec Jean-Paul Poletti en 1996, des expériences avortées, les balbutiements de l’introduction de la musique (concert avec A Filetta en avril 2001), deux messes de Noël à donner l’envie de se convertir et communier (bon, là, faut pas exagérer !)… C’est aussi un 10ème CD, sobrement intitulé « 10 » et c’est Michel Bianco dit Michael White, Françoise Marchetti, la voix divine de Claudia Musso, Primo Francoia et Pascal Ferret réunis dans un groupe polyphonique qui a su s’extraire de la tradition et aller à la rencontre de créateurs modernes pour enrichir leur répertoire (Etienne Perruchon et Gilberto Richiero).

 

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Même si les cheveux blanchissent sous le harnais depuis 20 ans, même si la période actuelle n’est pas propice à la créativité débridée et à l’enthousiasme délirant, le Corou trace son chemin, sillon après sillon, sans jamais s’endormir sur les recettes toutes faites d’une musique de conformité, bien au contraire. Ils ont réussi à intégrer la mouvance d’une école d’Opéra moderne avec Perrucchon où la recréation sacrée avec Richiero. Leur dernier opus est un bijou, un de ces disques à emmener sur une île déserte pour y inventer l’électricité afin de l’écouter et qui fait partie d’une médiathèque personnelle sans laquelle l’avenir nous semblerait si fade. Quelques plages du CD font courir des frissons. « Lo vielh Senhe » « Niente di Noi » (2mn 57 de grâce et de bonheur absolu avec des voix qui s’enchâssent en vagues et des contrepoints suspendus dans l’éther), Le sette Galere, La Vidjamé (tirée de Dogora, l’opéra d’Etienne Perrucchon), d’autres sont plus traditionnels (Lou Roussignol, Maria, Se Canto…). L’ensemble se caractérise par un extrême soin du volume sonore des voix en contrepoint de la musique, sans jamais forcer sur la présence de l’organe humain tout en valorisant les nuances, la finesse et la précision des traits prenant le pas sur la dimension chorale. C’est l’œuvre majeure du Corou de Berra, celle de la maturité et de la plénitude, de la maîtrise non seulement des voix mais aussi de son rapport à l’instrument. C’est un CD à acheter, à voler chez son ami, à obtenir par tous les moyens !

Le concert sera à l’image du CD : élégant, classe, légèrement distancé, comme si la musique était plus forte que la crise et les fauteuils parsemés de vide. 3 morceaux a cappella avant que les musiciens rejoignent le chœur :(Gilles Choir en vieux pirate attachant avec bandana pour dissimuler son désarroi, Eros à l’accordéon subtil…). 45 minutes de bonheur qui s’écouleront sans même que l’on perçoive l’aile du temps, le frisson à fleur de peau. Corou for ever !

La deuxième partie de la soirée offrait une rencontre inédite, comme on les aime à Cannes, comme seules les villes qui en ont le désir et les moyens peuvent se le permettre. Rajery, une des voix les plus étonnantes de Madagascar invitant Talike, la leader du trio Tiharea accueilli la saison passée en polyphonie, pour un concert sublime. Armé de sa « valiha », une harpe à 15 cordes très complexe à utiliser donnant une sonorité particulière, Rajery pénètre sur la scène, discret, humble, face lunaire et bouille d’enfant émerveillé sortant de sa brousse.

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Après le concert, dans un de ces pots à boire qui nient le temps avec des artistes ouverts sur le monde, il nous racontait son angoisse, la première fois qu’il a débarqué en Europe pour jouer de la musique, devant les escaliers mécaniques, sa peur de la circulation dans les rues, tous ces appareils étranges qui meublent nos vies et lui semblaient si abscons. Il a gardé cet esprit d’enfant rieur, ce regard faussement naïf car si lucide devant le décalage du prix d’une vie selon que l’on est né d’un côté des Pyrénées où par-delà les océans. Il permet à l’ailleurs de faire effraction pour entrer en résonance avec notre univers figé. Son introduction à la « valiha » est un moment d’éternité, notes langoureuses étirées jusqu’à l’infini. Son groupe (batterie, basse et guitare, d’excellents musiciens, tous chanteurs) est en osmose avec lui et imprime une marque forte, une musique qui « sonne » et donne envie de bouger, de laisser son corps dériver.

A mi-concert, il va présenter son invitée spéciale, Talike, Princesse des Epines, née dans le Sud du pays, le territoire de l’Androy de Madagascar, cette île continent aux 18 ethnies qui arrivent encore à vivre ensemble et à se comprendre, Talike possède une voix dévastatrice, une voix qu’elle peut percher en hauteur et laisser en suspens. Avec ses « dokodokos », des tresses rituelles, elle est fière et sauvage, elle donne un coup de fouet au concert en permettant au jeu entre Rajery, les musiciens et cette silhouette féline de monter encore d’un cran. La salle tangue, les danseurs envahissent les travées et le concert finira dans une orgie de sons et de couleurs, de cris et de chants, de beauté et de ferveur.

 

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C’est ainsi donc une rencontre rare à laquelle nous avons assisté, une vraie création musicale « live » entre deux hérauts d’une culture où la musique se niche dans chaque geste quotidien, chaque drame et joie de l’existence, au cœur de la vie. Madagascar est un pays de musique trop souvent éloigné des chemins de notre connaissance et ce soir-là, du côté de Cannes, une page d’espérance s’est ouverte...

 

PS : Les photos sont de mon ami Eric Dervaux, un photographe qui aime les artistes et leur offre un soupçon d'éternité !

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Le jugement dernier/Requiem de Verdi

Publié le par Bernard Oheix

 

La genèse de cette création plonge dans le Trastevere, un restaurant de pâtes situé le long du Tibre dans une Rome où je m’étais rendu pour visionner La Divina Comédia, opération chantilly sponsorisée par le Vatican. De cette Divine Comédie, il ne restait que la qualité d’un procédé de rétrovision sur des tulles transparents d’un décor virtuel créant un véritable choc esthétique. Au repas qui suivit, se trouvaient réunis mon ami Richard Stephan, un producteur atypique de gros spectacles et Paolo Miccichè, auteur, dans cette Divine Comédie, des projections futuristes permettant aux chanteurs et acteurs d’évoluer dans des décors de synthèse à la réalité sublimée.

C’est au cours de ce repas, qu’après avoir formulé quelques réserves sur le spectacle à la mortadelle auquel nous venions d’assister, vantant malgré tout la qualité de son procédé, que nous convînmes tous les 3, de créer à Cannes un véritable événement, une création mondiale s’appuyant sur son idée de mêler le Requiem de Verdi avec les images du Jugement Dernier de Michel-Ange ornant le plafond de la Chapelle Sixtine. Ajoutons que les pâtes étaient succulentes, le vin délicieux que nous bûmes à forces rasades pour fêter cet engagement à l’ancienne, et que nous « topâmes » dans la main en gens qui se respectent et respectent leur parole !

 

Disons-le, à partir de ce moment, tout ne fut pas rose…

A commencer par les négociations avec les orchestres de Nice et de Cannes en train de fusionner dans la haine, des responsables (que nous ne citerons point) nous toisant de haut, trublions dans ce monde compassé d’une musique classique qu’ils étouffent et font mourir sous leur conformisme…En décembre 2009, après une réunion à Nice qui tourna à l’inquisition et au procès d’intention, nous décidâmes de jeter l’éponge malgré les ventes plus que satisfaisantes et l’attente du public : l’orchestre refusait toute idée de mise en scène et les chœurs hurlaient avec la meute ! C’est toujours triste l’annulation d’une création, un sentiment d’injustice qui nous prive de notre part de rêve, la disparition dans le chaos d’une oasis d’espérance, des émotions perdues à jamais…

C’est dans ce week-end fatal entre chien et loup que Richard Stephan eut un sursaut libérateur. Il me demanda de suspendre la suspension, le temps pour lui de négocier avec l’orchestre de l’Opéra de Toulon et les chœurs semi-professionnels de Nice.

 

Que dire du spectacle ? Superbe et envoûtante cérémonie secrète, hymne à une vision libérée et désincarnée dans les plages sonores obsédantes d’un Requiem de Verdi sublimé. Les voix magnifiques, les solistes d’exception au service de ce Jugement Dernier de Michel-Ange, contrepoint par l’image des angoisses d’une messe des morts. C’est un opéra total, une œuvre hybride entre la leçon magnifique d’un peintre offrant sa vision d’une humanité désarmée devant la mort et les boucles intemporelles envahissant l’espace d’un compositeur obsédé par cette frontière que l’homme franchit pour s’affranchir. Rarement j’ai perçu à ce point combien le détail d’une peinture, qui a marqué une époque, pouvait se confondre avec un son immatériel, une alchimie complexe, deux arts se fondant dans une fresque animée pour renvoyer le public vers des questions essentielles : beauté mortifère, hymne à la mort, sentiment d’un Dieu tout puissant bien loin des oripeaux du pouvoir, dans un éden que la vie offre à ceux qui passent de l’autre côté du miroir et nous laissent orphelins d’une mémoire.

 

Bien sûr, comme toute authentique création, le spectacle progressera encore après cette première, certaines images ne sont pas assez exploitées, le montage peut gagner en efficacité, la mise en scène se libérer en s’étoffant…mais en toute état de cause, cette première ébauche affirme la force de la vision de Paolo Miccichè, son talent dans l’orchestration d’une technique novatrice au service d’œuvres immémoriales.

 

Et n’en déplaise à tous les conformistes qui parasitent le monde de la musique, on peut aimer et travailler le classique en étant moderne, en offrant une alternative à l’ennui profond de ceux qui endorment le public dans la répétition sans saveur du suranné ! L’inventivité peut faire bon ménage avec le bon goût…Nous l’avons prouvé ! Merci à Richard Stephan, le producteur atypique et à Paolo Miccichè le metteur en scène de génie de m’avoir permis de les accompagner sur les chemins tortueux de la création et d’avoir entrouvert les portes de la perception !

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