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Cinéma et Rencontres : un peu d'histoire !

Publié le par Bernard Oheix

Les 35ème Rencontres Cinématographiques de Cannes proposent des films sélectionnés et primés dans d'autres festivals et des avant-premières pour un public de cinéphiles et pour les jeunes de Cannes. 

Nées en 1965, je me souviens encore de la présentation de Quand passent les cigognes dans les ors du vieux Palais des Festivals, un de mes premiers grands chocs de cinéphile adolescent. C'est monsieur Francis Legrand, un professeur de philosophie du Lycée Carnot qui en était le maître d'oeuvre avec Henri Vogel, un professeur d'anglais et quelques autres cinéphiles avertis. Ils avaient conçu ces RIFJ (Rencontres Internationales Film et Jeunesse) comme un outil pédagogique,  pendant du grand festival, afin permettre aux jeunes de Cannes de mieux comprendre le cinéma, avec des débats sur des films exigeants. Âge d'or de la cinéphilie, quand les fenêtres sur l'ailleurs passaient par les 24 images secondes d'un film qui se déroulait en créant l'illusion d'une réalité.

À l'époque, la cinéphilie était portée par les directeurs et anciens directeurs des MJC de Cannes. Jean-Pierre Magnan, Liliane Scotti, Jean-Robert Gilli, furent successivement, avec leur passion, les responsables de l'entité Cannes Cinéma naissante. D'autres animateurs comme Myriam Zemour, Josée Brossard et Erwan Bonthoneau prirent leur envol dans ce foyer de créativité avec une Paquerette Madre présidente attentive aux jeunes qui partageaient l'amour du cinéma dans une ville qui se façonnait autour du 7ème Art. Des ouvertures vers la critique avec des ateliers d'écriture, des stages et des ateliers étoffèrent l'action pédagogique des enseignants, définissant une nouvelle manifestation tournée vers la jeunesse de Cannes.

Mais le monde moderne avançant à marche forcée, la télévision s'imposait comme un vecteur qui dévoilait l'horizon et à la fin des années 80, le cinéma, sous l'impulsion de la petite lucarne, entrait en mutation. Les élus de la ville de Cannes décidèrent de moderniser ces RIFJ qui en étaient à leur 22ème édition en 1987, Les Rencontres Cinématographiques de Cannes naissant sur les décombres des RIFJ dans la période précise où je devenais Directeur-Adjoint de l'Office de la Culture de Cannes sous la responsabilité de René Corbier, me faisant de facto un des acteurs de cette mutation. Cruelle ironie d'un monde qui basculait dans la modernité et dont j'étais partie prenante bien malgré moi.

J'ai même eu le privilège de gérer ces Rencontres pendant quelques années, avant que Cannes Cinéma ne prenne son envol  gérant les manifestations du cinéma et le volet cinéphile Cannois du Festival International du Film. Par la suite, j'ai eu le privilège d'être membre du Jury (avec Nilda Fernandez, mon ami), et en tant que cinéphile, un spectateur assidu des projections.

Mais coincé entre un président attaché à sa gloire éphémère pendant les 15 jours du "grand" Festival, une directrice qui ne connait rien au 7ème Art et gère à la baguette les cinéphiles comme un troupeau de moutons, le règne d'un Internet souverain et sa dématérialisation imposée aux forceps sans considération pour ceux qui partagent l'amour du cinéma et sont désarmés devant la technologie moderne, il ne reste que les effluves passées d'un avenir de lumière : le cinéma se meurt de devenir une vitrine officielle en perdant son humanité et les salles se vident avec constance depuis que les directives nouvelles sont appliquées sans ménagement et sans égards !

Le passé s'enterre vite et si j'ai disparu des écrans et des listing d'invitations aux premières des Rencontres Cinématographiques de Cannes, je n'en reste pas moins un fidèle des films. En cette 35ème édition, les 6 oeuvres que j'ai visionnées dans la salle trop vide de la Licorne ont résonné comme les lames acérées de la fureur d'un temps où le monde perd sa raison pour se réfugier dans la peur des certitudes !

Et s'il ne devait rester que quelques images, alors courrez voir Divertimento de Marie-Castille Mention-Schaar, Saint-Omer d'Alice Diop, Petites de Julie Leray-Gersant et Youssef Salem a du succès de Baya Kasmi, 4 bijoux de films réalisés par des femmes cinéastes qui prouvent à l'évidence que le cinéma continue de muter et que les images ont encore un avenir dans un monde où la poussière du temps affronte l'arrogance des puissants !

 

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Tableau d'une exécution.

Publié le par Bernard Oheix

Depuis l'ouverture de la scène 55 à Mougins, avec sa magnifique salle de 600 places, René Corbier, le Directeur Artistique propose une programmation d'une extrême richesse, son goût sûr fait merveille et allie le jeune spectacle et les valeurs plus confirmées, les découvertes et les propositions sont multiples, faisant de ce lieu, une incontournable étape avec Antibes, Cannes et Grasse.

René Corbier, ex-directeur de la culture à Cannes, mon collègue et ami des années Palais des Festivals, cultive les amitiés fidèles, respectueux et toujours ouverts, bienveillant envers les artistes et créateurs qui lui rendent bien les soins qu'il a pour eux.

C'est à Cannes, à la représentation d'une pièce sur le Festival du Film (Cannes 39/90, une histoire du Festival par la compagnie Y dont je vous reparlerai) que nous nous sommes retrouvés et qu'il m'a proposé de venir découvrir une artiste, Agnès Regolo qu'il suit depuis des années et accompagne dans sa dernière création avec sa compagnie Du Jour au Lendemain : Tableau d'une exécution avec 4 jeunes comédiens de l'Erac (École Régionale d'Acteurs de Cannes) dans sa distribution.

J'avoue que je ne savais pas ce que j'allais voir mais un spectacle reste un moment unique de découverte et qu'il soit programmé par mon ami Corbier était une bonne motivation pour être présent en ce mardi 15 novembre à 20h30 dans la salle au moment où le rideau rouge se lève !

 

Le peech du programme : "Préférée à tous ses confrères peintres, Galactia est désignée par le Doge de Venise pour peindre la fresque monumentale célébrant la victoire des Vénitiens sur les Turcs (La bataille navale de Lépante au XVIème siècle)."

Pendant 1h30, nous allons être suspendus à une mise en scène éblouissante sertissant un texte sublime de Howard Baker, écrivain poète britannique encore vivant, qui interroge les rapports entre l'Art et le Politique, l'artiste et le pouvoir, la place des femmes et le pouvoir de l'image. 

Il y a une modernité dans cette pièce qui interroge le passé pour parler de notre présent. Galactia jouée par l'étonnante Rosalie Comby, porte sur ses épaules toutes les interrogations majeures de notre société contemporaine : le pouvoir et la culture, les rapports homme/femme, l'amour et la liberté, l'argent et la gloire, les convictions et les peurs. 

Les 8 comédiens évoluent dans un décor austère où chaque élément joue son rôle dans une fluidité surprenante : tables qui se transforment en scène, en prison comme en atelier de peintre, lumières ciselées à la perfection qui découpent l'espace, costumes sombres, accessoires minimalistes comme pour mettre en valeur le texte et le mouvement.

C'est du grand théâtre, une force incroyable qui suspend le temps et vous amène à des interrogations fondamentales sans didactisme mais avec sensualité, fait appel à votre intelligence tout en vous plongeant dans un univers d'émotions.

Bravo à toute l'équipe qui a réalisé cette performance sous la direction d'Agnès Régolo, une comédienne qui a été dirigée par les plus novateurs des metteurs en scène avant de devenir, elle-même, depuis 1997, une metteuse en scène avisée qui monte des pièces où la réflexion n'est jamais loin de l'émotion, qui sous l'aspect ludique parle de la noirceur de l'âme et de la beauté de la vie.

Et bravo à toute l'équipe de la Scène 55 qui prouve à l'évidence que l'on peut faire du grand théâtre dans un monde qui s'interroge sur ses propres errements et oublie parfois sa part d'humanité.

 

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Compagnie Kafig : Le geste libéré.

Publié le par Bernard Oheix

Assister en 2022 à un spectacle de la Compagnie Kafig, dans un Grand Auditorium du Palais des Festivals de Cannes plein à craquer, c'est dévorer une madeleine à pleine dent, sans retenue, tout comme les danseurs qui nous portent aux frontières d'un geste libéré, nous renvoient aux délices du temps passé !

Je les avais découvert au tout début de leur carrière, à la fin des années 90, quand Yorgos Loukos programmait le Festival de la Danse en nous surprenant à chaque édition de quelques pépites dont il avait le secret. Mourad Merzouki apportait un regard neuf sur cette étrange danse née sur les trottoirs de broadway et tentait de lui donner ses lettres de noblesse dans un paysage chorégraphique en pleine mutation entre le classique et le moderne.

Puis le temps a passé, ils se sont installés dans le paysage de la danse contemporaine, devenant le CCN de Créteil et du Val de Marne, obtenant les moyens de leurs ambitions, la reconnaissance de leurs pairs et des institutions.

Cette normalisation aurait pu les mener sur les chemins d'un certain académisme, d'un entre soi dont la victime aurait été cette créativité, cette liberté sans mesure, mais Mourad Merzouki avait en lui la passion du geste et loin de s'affadir et de se normaliser, son expression se nourrit des mutations et s'enrichit de son expérience et de ses confrontations, devenant une des compagnies les plus populaires, tournant sur les scènes d'un hexagone fasciné par la démesure de ses propositions.

Compagnie Kafig : Le geste libéré.

Dans Zéphir, le spectacle accueilli par Sophie Dupont, la Directrice de l'Évènementiel du Palais des Festivals de Cannes, le rideau s'ouvre sur une scène fermée par des cloisons marrons, percées de trous par lesquels les danseurs apparaissent et s'évanouissent en se fondant dans le clair obscur d'un espace clos.

Le premier tableau met en scène les 10 danseurs qui tentent de créer une unité, entre les performances individuelles quand ils s'extirpent du groupe et le collectif qui les assimile en les ramenant vers la masse compacte et mouvante des interprètes.

Dans cet espace, les ouvertures originelles par lesquelles les danseurs sont apparus vont se transformer : des ventilateurs aux pales blanches brassant l'air, envoient un souffle qui sculpte le groupe de danseurs.

Par la suite, l'utilisation des lumières et de la fumée transfigure la scène en un espace où tout est possible, disparitions, découpages des corps vibrants, projections sur les danseurs qui hachent l'espace de leurs gestes mécaniques et souples, un univers de la déraison qui enflamme le public.

Le dernier tableau va permettre à d'immenses voiles aériennes d'ensevelir les danseurs dans des masses indistinctes, une princesse en habit émergeant du groupe pour tenter d'harmoniser le chaos. C'est à couper le souffle, un spectacle haletant où les corps se fondent dans la nuit, où les gestes rappellent à la vie, où les couleurs, les sensations et le rythme imposé donnent le vertige.

La partition musicale est exceptionnelle, mixant le moderne au classique, les décors fastueux et les acclamations finales du public en une "standing ovation" méritée, une juste récompense pour la performance individuelle et collective d'un groupe qui apporte le doute à nos certitudes.

Bravo à la Compagnie Kafig, à Mourad Merzouki son Directeur Artistique et chorégraphe, aux danseurs funambules qui nous prennent par la main pour ne plus nous lâcher dans ce pays des songes d'un spectacle hors-norme !

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Crime de lèse-Godardisme assumé !

Publié le par Bernard Oheix

En 2010, sur le tapis rouge du Palais des Festivals de Cannes, un film débarque dans la section "Un Certain regard" auréolé d'un nom de légende : Film Socialisme de Jean-Luc Godard ! Pour une génération de cinéphiles biberonnés aux images du pape de la révolution du 7ème Art, frustrés depuis des lustres d'un silence si prégnant, ce fut l'enthousiasme, la frénésie et la ruée vers les fauteuils rouges de la salle Debussy.

Mais la potion amère d'un film tourné pour partie un navire de croisière le Costa Concordia, de triste mémoire, s'échouant sur les rives de la Méditerranée deux années après, ne passa pas chez le Fan éperdu de la Nouvelle Vague que j'étais.

Et j'ai pondu dans ce blog un article qui reflétait ce que je pensais de cette oeuvre réalisée par un génie hors norme du cinéma !

Crime de lèse-Godardisme assumé !

Pour une génération de soixante-huitards dont je suis, il y a d’innombrables figures tutélaires qui parsèment ce long cheminement de l’acquisition d’une conscience politique et d’une culture universelle se voulant embrasser tous les savoirs. De Wilhelm Reich à Kérouac, des Beatles aux leaders « maximos », de Lacan à Robbe-Grillet… Il y a aussi, les pères fondateurs, les dieux vivants, maîtres parmi les maîtres, que personne assurément ne pouvait toucher, au panthéon des esprits supérieurs, tel Jean-Paul Sartre, le philosophe écrivain engagé, Picasso, l’homme qui restitua la peinture au temps présent ou Jean-Luc Godard, le pape du Cinéma…Film socialisme arrive sur la Croisette, en 2010, quelques décennies après, âge et rides en plus et il est l’heure des constats.

 Que Jean-Luc Godard ait transformé le cinéma est un fait. De À bout de souffle à Pierrot le Fou, de Week-endau Mépris, de Deux ou trois choses que je sais d’elle à tous ses films qui dans les années soixante ont inventé une nouvelle façon de filmer, mieux, de penser (panser ?) le Cinéma. Une décade prodigieuse, une tornade respirant les vents de la création. J’étais donc Godardien parce qu’il ne pouvait en être autrement et que chacune de ses œuvres ouvrait les champs de l’impossible, une réflexion tendue entre le savoir et le connaître, entre le possible et l’improbable. La rupture violente de 68 consacrera son isolement dans une logique de contre-production. Il émergera de son utopie créatrice révolutionnaire, et sonnera le glas du temps de l’expérimentation pour entamer un lent chemin de croix vers sa propre glorification, vers l’institutionnalisation de tout ce magma tonifiant qui fondait sa légitimité. À parler de la marge pour investir le centre, il se retrouvera soudain, par l’usure du temps et l’érosion des utopies, à camper au centre du centre, comme l’histrion assumé d’un monde marchand qui avait bien besoin d’un fou du roi pour se régénérer en redéfinissant ses frontières.

Film socialisme est le dernier opus du Maître, sélectionné dans Un Certain Regard, il se devait d’apporter une réponse au temps qui fuit, ambition d’une somme esquissée à travers ses Leçons de cinéma, émergeant d’un silence que sa statue de commandeur imposait aux détracteurs. Tout tourne toujours autour de Godard, que pouvait-il alors nous offrir dans ce chant crépusculaire ?

Entre images sublimes (la mer et l’horizon) et trashs (les lieux de vie), des dialogues cachés par des bruits de fond, des citations parcellaires, des montages en opposition, des collages, du contrepoint, de la distanciation… tout le rituel de l’alphabet d’un cinéma à la Godard est développé sans aucune distance, comme si Godard jouait à être Jean-Luc, comme s’il n’y avait plus de marge entre ce qu’il dynamitait joyeusement et ce qu’il fabrique laborieusement, quête d’un sens caché, étalage de tics et de moments si convenus.

Dans ce prétexte d’une croisière sur «Mare Nostrum» déclinant des villes portuaires charnières, plus rien n’a d’importance, que le vide créé par son torrent créatif. -L’imagination au pouvoir- déclinions-nous dans les années ferventes, mais à quelle fin désormais ? Pour perdre le sens du spectateur et la finalité d’un film ? Godard est ailleurs, dans un monde que lui seul reconnaît et peut mesurer, celui d’un alphabet figé qui lui ôte tout espoir de «   dire » au détriment d’un « faire ». Et si certains d’entre nous, lui accordons toujours notre crédit, c’est parce qu’il continue d’être celui qui a embrassé pour l’éternité son rôle de bouffon d’une société marchande.

Pendant ce temps, la vie continue. Il restera toujours Le Mépris pour signifier que Jean-Luc Godard fut un des plus grands cinéastes du XXème siècle. Son œuvre restera immortelle même s’il lui faut abdiquer, désormais, tout espoir de se dépasser pour atteindre cette zone improbable où l’instinct vient au secours du génie pour composer une œuvre définitive !

Non, décidément, Film socialisme de Jean-Luc Godard est assurément ennuyeux, très ennuyeux !

 

Godard restera à jamais celui qui a embrasé le 7ème Art. Il n'était pas le seul tant les Truffaut, Rivette, Resnais et autres ont permis cette éclosion d'une génération qui transformera le cinéma mondial. 

Mais si j'ai un conseil à donner aux jeunes cinéphiles (il en existe encore !)  qui voudraient découvrir son oeuvre, alors, il faut visionner Pierrot le Fou et À Bout de Souffle avec un Belmondo éblouissant, tous ces films des années soixante où la pensée créatrice se confrontait aux désirs d'un spectateur avide de rencontrer la vie sur l'écran de ses désirs.

Alors rêve en paix Jean-Luc Godard dans ton paradis d'images et merci de cette oeuvre si foisonnante et riche qu'elle en était parfois difficile à comprendre mais jamais inutile !

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Revoir Paris... et revivre ! Mais sans Godard !

Publié le par Bernard Oheix

 En 2014, jeune retraité, je me laisse porter par l'art de vivre au jour le jour, sans contraintes. Une rencontre sur une plage, une discussion amicale et me voilà embarqué dans le tournage d'un film dans une villa luxueuse du cap d'Antibes comme figurant durement rétribué pour les heures à attendre dans la fraicheur nocturne, un improbable "action", que la complexité du lieu (une villa avec piscine), une scène de baignade de nuit, le nombre de figurants et les acteurs (Matthias Schoenaerts et Diane Kruger) rendaient impossible. Il a fallu prendre son mal en patience en observant la jeune réalisatrice en train de s'évertuer à organiser le chaos avant de toucher le maigre chèque de son labeur.

Ce film était dirigé par Alice Winocour et sortira sous le titre de Maryland... mais ne me cherchez pas dans le flot des convives, même moi, je ne m'y suis pas retrouvé ! Et ce n'est pas pour cette raison, avouons-le qu'il ne marquera pas l'histoire du 7ème Art !

Photo volée entre deux attentes étirant le temps ! Bernard Oheix dans son costume de figurant et Diane Kruger se prêtant au jeu d'une photo souvenir non sans me faire remarquer que cela n'était pas très professionnel !

Photo volée entre deux attentes étirant le temps ! Bernard Oheix dans son costume de figurant et Diane Kruger se prêtant au jeu d'une photo souvenir non sans me faire remarquer que cela n'était pas très professionnel !

Je ne savais pas, à l'époque, derrière  cette silhouette gesticulant devant les difficultés de tourner cette séquence nocturne pour crier le mot "fin", que la réalisatrice, 8 ans plus tard, me provoquerait un des électro-chocs les plus forts et étonnants que le cinéma m'ait donné de vivre au visionnement d'un film : quand l'usine à rêves rejoint la zone des cauchemars !

Une femme (Virginie Efira) esseulée, entre dans un restaurant branché. Elle contemple les gens et son regard est attiré par un homme (Benoit Magimel) à qui l'on fête son anniversaire. Elle se lève pour aller aux toilettes quand des détonations retentissent, des corps s'écroulent, elle rampe entre les victimes et le sort joue à la roulette russe entre ceux qui échapperont aux balles de la Kalachnikov et ceux qui, pour un gémissement, la vibration d'un téléphone où autres détails se font déchiqueter.

La scène est insoutenable, et cela d'autant plus, qu'elle est tournée avec pudeur, sans effets d'hémoglobine et de plans rapprochés soulignant  et grossissant l'impact de cette fusillade d'un attentat jusqu'au noir de l'inconcience !

3 mois après, temps qu'il a fallu pour tenter de se reconstruire chez sa mère en province, elle revient vivre à Paris. Mais les cicatrices sont bien présentes. Elle passe devant le restaurant et est attirée comme par une force à laquelle elle ne peut s'opposer. Elle pénètre dans la salle, erre jusqu'à ce qu'un serveur comprenne qu'elle est une des nombreuses victimes revenant sur le lieu du crime. Il lui annonce qu'il y a des réunions pour les "gens comme elle" le matin et qu'elle peut y venir pour y rencontrer des survivants et des responsables...

Elle va alors entamer un processus de reconnexion avec la réalité, de réapropriation d'une mémoire qui a oblitéré les faits. Grâce à une psychologue qui suit le groupe, elle va tenter de renouer les fils de ce drame pour en faire la lumière. Elle a des bribes par flash, une main secourable, un tatouage sur un bras, un tablier de serveur, un homme qui l'aurait aidée.

L'homme qui fêtait son anniversaire, la jambe déchiquetée maintenue par des attelles, va croiser son histoire, lui apporter la certitude que tout cela était vrai et qu'ils sont des victimes, lui offrir un amour qui aurait pu être le produit de la paix mais se retrouve un lent chemin vers la guérison à deux.

La résilience est en marche et quand elle retrouvera le partenaire avec qui elle a survécut, elle recollera tous les morceaux du puzzle et pourra enfin accepter de vivre, plus tout a fait la même, mais enfin libre d'accepter un futur.

C'est un film éblouissant, sans pathos, qui éclaire de bonheur le drame d'une vie. Les acteurs sont merveilleux de justesse et derrière la face cachée d'un monstre froid, l'espoir demeure de pouvoir surmonter la douleur.

Bravo à toute l'équipe de réalisation et à Alice Winocour pour ce film salutaire dans un monde où l'on voit que les blessures profondes érigées des murs d'incompréhension peuvent aussi cicatriser et autoriser la vie à l'ombre de la barbarie !

 

Et pour terminer, pendant la correction de cet article, une nouvelle vient de tomber : Jean-Luc Godard est allé tourner un dernier film dans un paradis d'images parfaites qui doit bien l'insupporter ! L'homme qui a révolutionné le cinéma à la machette, aux sentences cinglantes, et fait rentrer l'Art Cinématographique dans la modernité n'a plus de voix pour faire entendre des sons nouveaux.

Même si, cinématographiquement, sa mort était depuis longtemps acquise, (cf mon article dans ce blog : "Crime de Lèse-Godardisme assumé !"), l'homme a tellement compté, est un tel repère, que pour les cinéphiles de ma génération, il restera l'éternel commencement d'un mouvement profond qui changera le regard et la perception du monde.

Jean-Luc Godard pendu avec François Truffaut aux rideaux rouges du Palais des Festivals de Cannes en mai 68 pour empêcher que le festival ne se déroule : c'était il y a plus d'un demi-siècle déjà !

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Des Films, sinon rien : La nuit du 12, Has Bestas et Là où chantent les écrevisses !

Publié le par Bernard Oheix

Dominik Moll nous avait fascinés avec son Harry, un ami qui vous veut du bien, un polar dérangeant. Il renouvelle ici son coup d'éclat avec une affaire non-élucidée, nous le savons d'entrée, qui va explorer toutes les possibilités sans donner aucune clef, l'affaire n'étant toujours pas résolue à ce jour.

Et pourtant, nous allons être scotchés sur les diverses clefs explorées dans le labyrinthe des pistes et fausses pistes jusqu'à ce que la vraie réponse soit posée par l'amie de la victime : Clara a été tuée parce qu'elle était une femme !

Quelle que soit les raisons, femme libre, provocante, ce n'est pas elle la coupable, mais bien ce meurtrier inconnu que nous ne connaîtrons jamais et qui dort d'un sommeil du juste pendant que la mémoire de Clara s'estompe et se dilue dans les questions et les interrogations d'un crime non-élucidé.

Ce film fascinant, La Nuit du 12, plonge délibérément le spectateur dans un état de voyeurisme insidieux, comme si nous avions les clefs d'un mystère sous nos yeux sans pouvoir en connecter les évènements et dénicher le coupable. Le couple d'enquêteurs (Bastien Bouillon et Bouli Lanners) fonctionne à merveille et la musique lancinante ronge nos derniers espoirs d'une solution rationnelle à ce qui ne l'est peut-être pas !

Has Bestas de Rodrigo Sorogoyen nous plonge dans une région montagneuse de la Galice où un couple de français autour de la cinquantaine s'est installé afin de vivre une deuxième partie de leur vie dans un cadre écologique et en accord avec leurs convictions. Ils pratiquent une agriculture moderne et plus saine en respectant la nature, réparent bénévolement des maisons afin de redonner vie à ce village perdu et tentent de s'intégrer à cette communauté de montagnards.

Las, leur décision de s'opposer à l'installation d'un parc d'éoliennes sur leur terre et ainsi les quelques retombées économiques va braquer les locaux contre eux et entrainer une escalade de tensions et le drame. 

Denis Menochet et Marina Fois sont extraordinaires de justesse et le final surprenant d'une femme s'accrochant à la mémoire de son mari et à cette terre qu'elle façonne de ses mains est un hymne à une nature dont on sait désormais combien nous la maltraitons et comme elle peut se révolter sous le joug des hommes inconséquents.

Un polar agreste passionnant et la preuve que le cinéma peut parler au coeur et à la tête en même temps !

La où chantent les écrevisses de Olivia Newman est une ode à la nature, à l'amour et à la différence. Kya, abandonnée par sa mère et ses frères fuyant un père qui les bat, se retrouve seule avec un alcoolique qui l'abandonnera aussi...

Elle va grandir et s'élever dans sa solitude des marais de Caroline du Nord, à Barclay Cove, aidée de quelques rares personnes (dont un couple d'épiciers noirs), recherchée par les services sociaux, devenant un objet de singularité auréolé de mystère pour sa communauté : la fille des marais !

C'est Tate, un jeune garçon qu'elle a rencontré sur sa barque qui va l'initier à l'amitié, puis à l'amour avant de partir pour l'université en l'abandonnant mais non sans avoir au préalable permis qu'elle s'accomplisse comme une écrivaine et dessinatrice du marais et de sa faune reconnue et célébrée. Chase va la séduire pendant son chagrin et l'utiliser comme un prédateur jusqu'à ce que l'on retrouve son cadavre dans les marais.

Débute la curée d'un procès où elle est forcément coupable malgré l'absence de preuves, la haine morbide de ceux pour qui elle est un être du mal.

Mais la justice triomphera, Tate reviendra de son exil et ils vivront d'amour et de partage dans ces marais qu'elle a magnifiés de sa plume et l'ont rendue célèbre.

Jusqu'à son décès après une longue vie de quiétude et de bonheur où Tate fera une étrange découverte...

Ces 3 films font honneur au cinéma. Ils proposent des visions personnelles et des histoires fortes. Ils sont filmés avec délicatesse et donnent le désir de s'immerger et de mieux comprendre le monde qui nous entoure. C'est le cinéma que l'on aime, celui qui nous transporte à travers un écran, dans un univers que rien ne peut troubler, celui de nos désirs et des fantômes du passé ! C'est l'image qui prend le dessus et nous guide par la main vers un lendemain qui chante. Que vive le 7ème Art !

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Des loups et des vautours !

Publié le par Bernard Oheix

Si vous avez deux petites filles de 6 ans et 3 ans qui débarquent chez vous pour les vacances, armez-vous de courage, possédez une plage à 100 mètres, surtout en cas de canicule comme cette année, et piochez dans votre porte-monnaie pour régler les animations, fêtes foraines et autres petits trains de découverte de la ville pour tenir  les 10 jours de garde pendant lesquels les (vrais) parents font la fête (Libérez, Délivrez... air connu de La Reine des Neiges qu'elles serinent à longueur de journée en canon !) en espérant fortement vous les laisser pour une dizaine de jours de "rab".

Mais les deux petits monstres que vous hébergez ont tout pour se faire aimer et câliner, même si après 10 jours de baignades sous contrôle avec bouées, bateaux et cygne gigantesque à trimbaler, de chasses aux trésors des pirates (merci Pedro de tes messages qui m'indiquent où et quand on peut en trouver... mais chut, c'est un secret !), de visites et d'excursions, tout cela sans dormir à cause de la chaleur et avec (presque) l'impossibilité de les scotcher devant un écran de télé à cause de l'opposition des parents (que l'on a pas totalement respectée, avouons-le, mais c'est un autre secret, il ne faut pas le dire aux papas et mamans, c'est comme pour les bonbons... chut !), vous vous sentez quelque peu usés et vides de toute énergie.

Mais c'est là que vous allez devenir les meilleur grands-parents du monde, que vous allez leur léguer un souvenir inoubliable de ce séjour, grâce à un article de Nice-Matin, un numéro de téléphone et les charmes d'un voyage de plus de 2 heures en voiture (avec siège pour enfant, rehausseur et toujours la chanson de la reine des neige à fond dans l'habitacle).

Destination le Parc Alpha, le parc des loups (une valeur sûre chez les petites filles), au dessus du Lac Boréon, dans cette vallée de la Vésubie qui porte encore les stigmates d'une tragédie à nulle autre pareille.

Mais l'heure est à la fête même si les ruines de maisons éventrées, les amoncellement de pierres et la dévastation des sites ouvrent des perspectives que nulle image à la télévision ne peut faire ressentir.

Les loups nous attendent !

 

Des loups et des vautours !

Le parc est situé dans le Mercantour, au pied d'un massif montagneux. Un pont de bois nous attend avant de traverser un cours d'eau et d'arriver dans l'enceinte du Parc Alpha. Un guide nous accueille qui sera notre cerbère pendant les 3 heures de la visite, expliquant les objectifs de ce parc, la préservation des loups, leurs natures et habitudes. C'est passionnant et instructif et il n'y a pas que les petites filles à ouvrir de grands yeux et à écouter en silence.

Et c'est dans le premier enclos, séparé d'une vitre, qu'un loup s'est présenté, de profil, nous a regardé, et a filé vers les bois.Cela a beaucoup impressionné les deux fillettes et tout les présents sans exception, tant la grâce féline de l'animal sauvage invite au respect.

Alors nous avons continué, entre des lieux atypiques, des commentaires acérés, des remarques pertinentes jusqu'à un 2ème enclos "plus" facile d'accès, avec des loups présents à quelques mètres d'une barrière, s'ébattant et jouant dans un silence sépulcral.

La visite s'est terminée par un passage obligé à la boutique où nos portes-monnaies furent mis à contribution, un Croc-Blanc pour la grande et un loup rose pour la petite, par une crêpe au nutella pour les filles et dans la musique de l'increvable Reine des Neiges, nous sommes redescendus des hauteurs pour finir la journée sur leur premier bain nocturne, dans la chaleur étouffante des nuits cannoise d'un été pas comme les autres !

C'est après qu'elles ont accepté de dormir !

Des loups et des vautours !

La grande Lise (6 ans) récupérée par ses parents, c'est donc avec Alma (3ans) que nous remontons sur Lyon pour la rendre à sa mère, en l'occurrence notre fille !

Départ à 10h de Cannes, le vendredi 29 juillet afin d'éviter les bouchons d'un samedi classé bison futé en colère. Las ! Sans aucun doute après avoir tenu le même raisonnement, une marée de véhicules encalminés nous attendaient au péage de Lançon. C'est à plus de 20h que nous arriverons à Lyon, avec une Alma rayonnante et très sage dans la voiture.

Elle s'est jetée dans les bras de sa maman et nous avons alors quasiment disparu des radars, entre les cousins, les chats et ses parents préférés ! Ingratitude des enfants !

C'est à Bourg en Bresse, enfin Libérés, Délivrés de La reine des Neiges et des 2 monstres que nous avons atterri chez nos amis dans une canicule effroyable nous faisant presque regretter les soirées chaudes de la Côte d'Azur à la brise marine salutaire.

Chantal et Pascal, nos vieux complices burgiens nous ont accueillis avec toute l'amitié et la tendresse dont ils sont coutumiers. Belles soirées de retrouvailles dans cette ville où j'ai été directeur de la MJC pendant que la gauche arrivait au pouvoirs en 1981. Lieux chargés d'histoire pour nous, amis et famille au rendez-vous du souvenir. Stéphanie à l'aube d'une nouvelle vie avec Michel, Timothé le rappeur, les Petitpoisson, le neveu Thomas et Mathilde, en charge d'une nouvelle vie culturelle avec leurs enfants magnifiques... Émotion !

Et c'est le jeudi 4 août qu'ils nous embarquèrent pour un voyage extraordinaire au Parc des Oiseaux de Villars les Dombes par une température frisant les 40°.

Nous avons entamé notre périple par un spectacle d'oiseaux dans un théâtre en plein air sur un étang, chorégraphie improbable de volatiles se croisant dans le ciel, planant au ras de nos têtes, plongeant vers les bras des  animatrices qui leur donnaient des morceaux de viande, animaux bizarres déambulant à nos pieds comme si l'homme et la nature pouvaient se réconcilier.

Des loups et des vautours !

Pendant 5 heures, nous avons déambulé sur les chemins brulés de soleil des espaces "bush" australien ou jungle tropicale les bien nommés. Un parc gigantesque consacré aux oiseaux du monde entier dans un environnement à l'écologie stricte. Des espaces pour mieux comprendre les espèces et leur développement, leur cadre de vie et leur habitudes. Papillons, chenilles et exotiques émeux, kangourous et autres vautours, toute une nature se dévoilant à nos yeux émerveillés.

Alors oui, nous le savons désormais, la prochaine fois que nous aurons nos petites têtes de linottes, c'est au Parc des Oiseaux de Villars les Dombes que nous les emmèneront pour une plongée dans l'univers des oiseaux. Après les loups, les vautours... vivement les prochaines vacances même si pour l'heure, nous en sommes a tenter de récupérer un peu de nos forces perdues en chemin !

Et bravo à toutes les équipes de ces parcs, dévouées et attentionnées, faisant le lien entre l'homme et la nature, ouvrant les yeux de ceux qui contemplent l'avenir du monde dans son passé prestigieux !

Des loups et des vautours !
Le pélican baigneur... une spécialité à déguster sans modération !

Le pélican baigneur... une spécialité à déguster sans modération !

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Hartmut Riehm : notre germain cinéphile bien aimé !

Publié le par Bernard Oheix

                                 Les plus désespérées sont les chants les plus beaux.

                                 Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.

C'est  par ces vers d'Alfred de Musset que j'ai le désir de parler de notre ami de toujours qui vient de s'éteindre à Bonn où il vivait auprès des siens. Hartmut, avec ce nom qui respirait la force vient de perdre contre une maladie qui ne lui laissait que peu d'espoir. Pourtant, il a lutté de toutes ses forces, il a gardé sa lucidité jusqu'au moment ultime et a encore sourit à la lecture d'un des derniers messages transmis par Thérèse et moi sur son lit d'agonie.

1969 : Le cinéma au rythme de trois séances par semaine, dans les salles obscures avec la même bande de copains. Et toujours un immense olibrius, solitaire, les cheveux blonds cascadant sur les épaules, assis au centre du 1rrang comme une vigie que l’on ne peut que remarquer.

Ce grand blond aux chaussures noires qui semblait avoir les mêmes goûts que nous dans le choix de ses films, et que l’on voyait repartir après le mot fin et le défilement du générique au complet, dans sa coccinelle pétaradante, toujours aussi seul, ne pouvait que nous interroger ! Mais qui était-il ?

C’est sur la Promenade des Anglais, après une séance dans la salle du Cap 3000 qui venait d’ouvrir, que notre 2CV poussive fut allègrement dépassée par la reine des transports teutons… Appels de phare et grands saluts de la main. Rendez-vous était pris avec ce blond amateur de films bizarres.

Nous avons donc commencé à échanger avec ce Germain étudiant à l’Université des sciences de Nice qui était particulièrement réputée pour son école niçoise de mathématiques, d’abord sur les films, puis plus généralement autour de pichets de bière, et enfin, en l’incluant comme invité permanent de nos sorties nocturnes, son véhicule étant particulièrement apprécié pour le transport de cinéphiles démunis de moyens de locomotion.

Il faut avouer qu’il était particulièrement passionnant et que son français rocailleux véhiculait des analyses pertinentes étoffant avec brio le niveau de nos débats d’après-séance mais d’avant tournées de bières.

Hartmut Rhiem arrivait directement de la Bavière et préfigurait cette Europe des étudiants en train de s’ériger et notre amitié allait se sceller dans l’airain et échapper au temps… mais nous ne le savions pas en cette période où chaque jour chassait l’autre dans une inconscience et une jouissance permanente déclinées au quotidien.

Et les années ont passé, les films se sont enchainés. Hartmut est retourné dans sa Bavière et nous nous sommes perdus de vue jusqu’à un mail que je reçus en cette fin du siècle dernier.

Il avait retrouvé ma trace grâce à Internet et me demandais si je me souvenais d’un certain Hartmut Rhiem ? Il était heureux de savoir que j’étais devenu Directeur au Palais des Festivals, me donnait de ses nouvelles et en prenait des miennes. Il m’embrassait chaleureusement avec Thérèse et nous souhaitait tout le bonheur du monde.

Dire notre émotion à la lecture de ce mail. Le passé surgissant des limbes de notre jeunesse pour faire revivre l’amitié des temps d’insouciance. Je lui ai répondu dans la foulée et nous avons repris contact jusqu’à ce que je lui propose de venir au Festival de Cannes, de loger à la maison et d’être assuré d’avoir des places sans avoir besoin de faire de fausses cartes ou de supplier les hôtesses dès potron-minet !

Et depuis 25 ans, Hartmut fait partie de la tribu qui envahit mon home, chaque mois de mai, entre des burgiens et des corses, mes enfants et les ami(e)s de mes enfants, quelques cinéphiles italiens égarés, tous se remplissant de pellicules dans la salle de La Licorne, située juste en face de mon jardin, avec des repas et des discussions sans fin sur les quatre à cinq films quotidiens ingérés et même quelques parties de cartes pour terminer dans la nuit.

Quand je l’ai contacté pour lui annoncer que je réalisais ce Journal d’un Cinéphile, il m’a répondu par ce mot :

C’est vers la fin de 1969 que nous sommes devenus amis à force de se voir dans les salles de Nice. Et c’est pendant le Festival du Film de 1970 que l’on a vraiment développé notre amitié. Bernard, tu m’avais assuré connaître des gens importants, un bijoutier, un charcutier de la rue d’Antibes et tu te faisais fort de m’obtenir des invitations…De plus, tu m’avais fourni un « passe presse » de La Marseillaise et j’en étais très fier, un journal de la résistance communiste !

Tous les matins, je prenais ma coccinelle et descendais de la résidence étudiante de Montebello pour rejoindre en 45 mn par la route nationale, le Palais des Festivals où je trouvais à me garer, juste derrière. L’heureux temps !

Tu connaissais toutes les hôtesses, jeunes, belles charmantes, qui distribuaient les cartons d’invitations. Nous les barbus, chevelus, on attendait à côté du comptoir et toi tu leur chuchotais : « -9h, pour Macunaïma ». Elles te répondaient « -combien ? » et toi, « -trois, possible ? » et quelques minutes après les invitations glissaient sur le comptoir.  C’est une très belle scène que l’on ne peut oublier… surtout que le film fut génial !

Et il y en a eu d’autres. Tristana de Luis Bunuel, Les Choses de la vie de Claude Sautet et toute la bande de Woodstoock de Michael Wadleigh, le réalisateur qui n’a pas pu entrer parce qu’il n’avait pas LE nœud papillon !

En 1997, du côté de Gourdon pour nos retrouvailles. Plus de 20 festivals vont s'enchaîner sans que jamais Hartmut ne rate ce rendez-vous sacré !

En 1997, du côté de Gourdon pour nos retrouvailles. Plus de 20 festivals vont s'enchaîner sans que jamais Hartmut ne rate ce rendez-vous sacré !

C'est en 1997 qu'il est revenu dans la région avec son jeune enfant afin de nous revoir et que nous avons scellé nos retrouvailles pour le reste de notre existence.

Il travaillait dans l'informatique, avait rencontré Marie Louise sa femme et dévorait toujours autant de films sur les écrans de sa passion. Et c'est ainsi que nous avons repris le rythme de notre festival cannois annuel, 30 à 40 pellicules par édition, lui débarquant deux jours avant dans son combi ww, s'installant dans une chambre, et partageant notre vie comme si les années de séparation n'avaient jamais existé, que le temps avait repris son cours naturel et qu'il s'étirerait à l'infini jusqu'à la nuit des temps et au mot "The End" s'affichant sur un dernier plan.

Il vient de s'inscrire ce mot terrible que l'on ne peut raturer et la musique de son parler à l'accent rugueux vient de s'arrêter. Il nous manque notre Hartmut Rhiem, notre complice des temps heureux et de l'insouciance.

On est loin des cheveux blonds sur ses épaules... 2017 sera l'un des ses tout dernier festival. Il a oublié son badge en partant et quelque temps plus tard, de Covid en cancer, nous n'avons échangé plus que par téléphone. il avait le projet de faire sortir "Café Croisette" qu'il avait adoré, en Allemagne, mais nous avons perçu cette fatigue et cette usure le priver de tous ses moyens. Alors, à se revoir notre ami de toujours !

On est loin des cheveux blonds sur ses épaules... 2017 sera l'un des ses tout dernier festival. Il a oublié son badge en partant et quelque temps plus tard, de Covid en cancer, nous n'avons échangé plus que par téléphone. il avait le projet de faire sortir "Café Croisette" qu'il avait adoré, en Allemagne, mais nous avons perçu cette fatigue et cette usure le priver de tous ses moyens. Alors, à se revoir notre ami de toujours !

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28 juin 1972 et un demi siècle plus tard !

Publié le par Bernard Oheix

En ce 28 juin 1972, une jeune corse de 20 ans et un niçois grandi à Cannes de 21 ans décident d'unir leur destinée. Ils ne savent pas lire l'avenir, juste interroger le présent mais leur amour est si profond qu'ils décident de s'enchaîner comme pour se libérer.

Ils ont affronté les désirs de leurs parents pour imposer leurs choix. Ce sera sans église et donc pas en Corse, une union civile en mairie avec photos dans le parc adjacent, et à midi au 4ème étage des HLM du Ranchito un déjeuner avec les 4 parents, et le soir une grande fête pour les jeunes, sans les vieux, dans un restaurant d'étudiants à Nice où chacun paiera son repas.

On est encore en 68 et les rites sont à jeter au panier pour les révolutionnaires en herbe que nous étions ! Un nouveau monde était en train de s'ériger et nous nous devions d'y apporter notre pierre en brisant les tabous et le conformisme.

C'est dans les jardins de Morès de La Bocca qu'après la cérémonie, les photos seront prises. Thérèse a acheté une robe simple, toute blanche, Bernard lui, a emprunté le pantalon noir d'un copain mais a refusé de se couper la barbe. Il vient de dévorer Le Che et aspire à s'inscrire dans le grand roman révolutionnaire de la vie. Ils sont jeunes, ils sont beaux et rien ne peut assombrir leur avenir !

C'est dans les jardins de Morès de La Bocca qu'après la cérémonie, les photos seront prises. Thérèse a acheté une robe simple, toute blanche, Bernard lui, a emprunté le pantalon noir d'un copain mais a refusé de se couper la barbe. Il vient de dévorer Le Che et aspire à s'inscrire dans le grand roman révolutionnaire de la vie. Ils sont jeunes, ils sont beaux et rien ne peut assombrir leur avenir !

Nous sommes le 28 juin 2022 et un demi-siècle s'est écoulé. J'ai convaincu Thérèse de poser dans ce même square de Morès situé en face de chez nous, pour la postérité de ces Noces D'Or bien méritées. Elle m'a fait la surprise d'exhumer d'un sac planqué dans une armoire cette robe de tendresse qu'elle n'avait jamais pu se décider à jeter. Elle a une couleur blanche virant désormais sur le crème mais malgré ces 5 décennies écoulées, elle entre toujours dedans. Moi, j'ai perdu ma barbe de révolutionnaire et ces bouclettes brunes qui faisaient l'essentiel de mon charme.

C'est Marie Laure, notre complice amicale, accompagnée de sa maman, qui nous a mis en scène, avec force rires et quelques coupes de champagne à déguster sans modération.

Le résultat est édifiant !

En 50 ans, le parc a bien changé... et nous aussi !

En 50 ans, le parc a bien changé... et nous aussi !

La vie devant soi !

La vie devant soi !

L'avenir entre nos mains et tant de souvenirs pour nous accompagner dans un monde qui a bien changé et pas dans le sens que nous espérions ! Comment imaginer que nos rêves se briseraient sur le mur de la bêtise, du pouvoir sans merci des puissants, et sur un monde qui perdrait ses lumières. Qu'à cela ne tienne, il reste nos enfants et nos petits enfants pour réveiller les consciences à un moment où l'urgence de trouver des solutions se fait sentir cruellement.

L'avenir entre nos mains et tant de souvenirs pour nous accompagner dans un monde qui a bien changé et pas dans le sens que nous espérions ! Comment imaginer que nos rêves se briseraient sur le mur de la bêtise, du pouvoir sans merci des puissants, et sur un monde qui perdrait ses lumières. Qu'à cela ne tienne, il reste nos enfants et nos petits enfants pour réveiller les consciences à un moment où l'urgence de trouver des solutions se fait sentir cruellement.

Voilà donc 50 ans de partage. C'est si long et si court ! Julien et Angéla ont été les deux enfants que nous avons offerts à notre futur. Ils nous ont donné tant de bonheur en plus de deux petites filles (Lise et Alma) pour rêver à des lendemains qui chantent.

Nous avons travaillé dans une période où tout était possible, même l'impossible. Elle était une infirmière passionnée et moi passionné de la culture. 

Et si c'était à refaire, je ressignerai immédiatement pour quelques bribes de ce bonheur indicible.

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Palme d'Or : le hold up !

Publié le par Bernard Oheix

34 films et le palmarès qui tombe sur l'écran de la télévision publique. Un Vincent Lindon plutôt à l'aise dans un exercice qui l'est rarement. Les films primés s'égrènent, un beau prix d'interprétation féminine pour Zar Amir Ebrahimi Holy Spider de Abbasi, un étrange prix du 75ème pour Tori et Lokita des frères Dardenne, un façon de ne pas leur offrir cette 3ème Palme d'Or inédite à ce jour, il fait nul doute ! Plus réservé sur l'interprétation masculine du Kore-Eda, beau film certes, mais sur ce créneau, d'autres pouvaient prétendre à cette récompense dont le héros tout en finesse de Nostalgia de Mario Martone. Rien à dire sur les 2 prix du jury que je n'ai pas vus, Les 8 montagnes et Eo. Applaudissements pour le film égyptien, Boy from Heaven de Tarik Saleh, un de mes chouchou, film superbement filmé sur une trame passionnante et pour Décision to Live de Park Chan-Wook.

On arrive donc dans le dur du sprint final vers le graal de l'Or convoité. Les Grands Prix annoncés pour le magnifique et émouvant Close de Lukas Dhont largement justifié... mais la machine se dérègle quand on annonce le 2ème grand prix ex-aequo : Stars at Noon de Claire Denis, un film médiocre, surfait, alambiqué à souhait... Aïe !

Il ne reste donc plus qu'un film à honorer. On pense à tous ces bijoux non-cités, le sublime RMN de Mungiu, l'étonnant et riche Leila's Brothers de Saeed Roustaee, quelques autres pas vus, pas pris... quand la sanction tombe : ce sera Triangle of Sadness de Ruben Ostlund pour une seconde Palme d'Or après The Square en 2017 !

Il ne me reste alors que la solution de le visionner dans les séances du Palais des Festivals offertes aux cannois au lendemain de la proclamation, tradition bien cannoise, et ce sera mon 35ème et dernier film de la 75ème édition.

Avec Pascal, le dernier des burgiens présent, nous nous rendons donc munis de nos précieux sésames à la séance de rattrapage, escaladons les 24 marches habillées de tapis rouge et nous retrouvons assis à l'orchestre sans l'espoir que Carole Bouquet nous roule une pelle, comme à Vincent Lindon, mais avec la certitude de passer un moment historique. Dans une session foisonnante de belles propositions avec des thématiques fortes renvoyants aux tourments d'un monde en colère, nul doute que cette palme serait à la hauteur de nos espérances.

Patatras ! J'aurai dû me méfier à la relecture de mes notes concernant leur précédente Palme : "... verbeuse, longuette et sans grand intérêt, dont on peut imaginer qu'un simple accessit aurait été largement suffisant pour une présence somme toute déjà symbole de victoire pour son réalisateur...".

Et l'impensable aura lieu : un film s'étirant sur 2h30, avec une première partie insupportable de lenteur axée sur un jeune couple (elle influenceuse et lui mannequin), une 2ème plus originale et qui démontre que le film aurait pu fonctionner, dans les coursives d'une croisière de luxe débouchant sur un naufrage où des séquences illustrent un monde figé dans le rapport entre les puissants et les faibles, où tout se dérègle pendant une tempête, et une 3ème sensée inverser ces rapports de classes et donner le pouvoir à une femme de ménage sachant faire du feu et pêcher pour la poignée de rescapés qui s'échouent sur un îlot perdu. Le réalisateur sombre alors devant l'ampleur du propos et son incapacité à offrir une vision originale en phase avec sa charge contre les nantis.

Le ton se veut débridé et iconoclaste mais seul le vide et la confusion surnagent. Là où Wes Anderson, les Monty Python ou autre provocateur auraient peut-être tiré leur épingle du jeu, Ostlund perd le fil de sa charge et se retrouve en rase campagne, entre le vaudeville et la comédie de moeurs, dans un territoire sans saveur qui aurait dû l'écarter de cette Palme d'Or.

 

Le jury 2022 a tranché. Le précédent qui avait offert une Palme à Ruben Ostlund était composé de Almodovar, Agnès Jaoui, Sorrentino, Park Chan Vook, Will Smith...excusez du peu ! Cette fois, un Vincent Lindon président, accompagné de Asghar Faradi, Jeff Nichols, Joachim Trier, Ladj Ly et autres Noomi Rapace représentant un cinéma de qualité, à récidivé en lui offrant une portion d'éternité. Pourquoi ? Vincent Lindon dont on connait l'engagement a-t-il été dépassé par les membres de son jury ou, bien au contraire, a-t-il tiré le jury vers son choix ? Mystère des délibérations, des états d'âmes et de l'état de sidération que provoque le choix d'élire à la plus grande des consécrations un film parmi d'autres !

Ruben Ostlund est par deux fois passé au travers du chas d'une aiguille, grand bien lui fasse ! C'est dommage pour cette édition du renouveau qui offrait tant de pages de qualité sur les thèmes forts d'une actualité chargée. Le cinéma n'est pas seulement un art de la diversion, il fait aussi acte de conversion et sans doute le monde avait-il plus besoin d'un regard chargé de sens que cet essai laborieux de tenter de renverser les rapports de force dans une provocation juvénile !

Une certitude, Vincent Lindon, malgré son plaidoyer vibrant pendant la remise des prix pour être reconduit à sa fonction de Président du jury pendant les 5 années qui viennent,  a perdu l'autorité naturelle que son nom lui permettait d'espérer ! Dommage !

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