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cinema

Festival du Film 2016 : les cannibales du 7ème art !

Publié le par Bernard Oheix

A chaque début de Festival, se pose cette question récurrente sur la qualité des films en sélection (La Compétition et Un certain Regard), leurs niveaux et les réalisateurs attendus ou espérés, l’originalité des histoires en forme de « pitch » de quelques lignes, les thèmes qui en ressortiront (chaque édition voit un thème ou deux embraser les écrans, se répondre en écho d’une partie du monde à l’autre), la diversité des sections en présence (Semaine de la critique, Quinzaine des réalisateurs, Ecran Junior, Le cinéma des antipodes...)....

A chaque fois, c’est le même rituel d’une maison qui se remplit d’une délégation de cinéphiles disparates, l’allemand, les deux corses, le fils et sa compagne, la copine des voyages, tout un groupe enrichi en ce 69ème Festival par la présence de ma petite Lise, plus jeune cinéphile de l’histoire du Festival avec son 1er badge pour ces 6 mois d’une vie si intense et pleine. C’est son sourire qui sera mon premier thème, et celui-ci me tient particulièrement à coeur !

De cinéma, il faut bien en parler avec deux constats sans équivoque. En tout premier lieu, la longueur inusitée des films dont une grande majorité se situe entre 1h50 et 2h15, pour culminer vers les 3h, signe, non-pas d’une accumulation de faits à traduire, mais bien de l’abandon d’une rigueur (conter une histoire) au profit d’une tentation (s’abandonner devant l’objectif). Cela traduit peut-être le poids de plus en plus décisif du « réalisateur soleil » devant les humbles scribes et collaborateurs d’une mécanique si complexe. Un film est l’assemblage de corps de métiers qui partent de la recherche de l’argent, passent par l’écriture du sujet, pour finir à travers le jeu des acteurs, dans les mains des métiers de l’image et du son jusqu’à la table de montage, avant d’être livré en pâture aux intermédiaires de la projection qui lui permettront de se retrouver devant vos yeux !

Quand le coût de la pellicule disparait au profit du tournage numérique et que le dieu réalisateur est aussi à la source de l’histoire et de son développement, cela peut donner ce manque de recul, cette absence de rigueur, cette complaisance qui fait que la plupart s’étirent interminablement. Crise d’égo et absence de recul ?

On en a un exemple parfait avec l’encensé Toni Erdman de Maren Ade (qui co-signe le scénario), un film de 2h42 dont 1h de trop, inutilement redondant, facilité sans intérêt et cassant l’apport ironique et onirique, la qualité dramatique du film bien réelle ! Comment ne pas se trouver lassé de ce temps qui s’écoule si inutilement et condamne le film à errer dans les limbes d’une nonchalance en opposition de plus en plus radicale avec la vie intense qui attend le spectateur au sortir de la salle ?

Cet exemple d’un film qui s’essouffle par la longueur alors qu’il aurait pu être excellent, on le retrouve aussi dans les 1h58 de L’exilé, film russe de Serebrennikov sur le thème crucial de l’intégrisme religieux d’un adolescent, version catholique orthodoxe. Le film passionnant pêche malgré tout par des longueurs verbeuses même si l’actualité du propos (la radicalisation religieuse débouchant sur le terrorisme et la mort) porte la réalisation vers une tension et une frénésie bien en adéquation avec le sujet.

Le deuxième constat portent sur le thème émergeant… en l’occurrence deux thèmes qui s’opposent frontalement en cette première moitié du Festival. Le premier est celui du cannibalisme et des vampires… 4 réalisations allant du meilleur (Grave, Julia Ducourneau/ Semaine de la Critique), un petit film admirablement joué, inquiétant et ancré dans le monde d’aujourd’hui (bizutage, végétarisme, sexualité) au pire du pire, l’insoutenable Ma Loute avec un Lucchini ridicule et des acteurs perdus dans ce gros machin que Dumont a fantasmé une nuit de beuverie. Ce qui passait dans l’humble Petit Quinquin s’échoue misérablement sur le grand écran d’une distribution sans appel au service de cannibales cht’i ! N’est pas la famille Groseille qui veut !

Le deuxième thème qui semble s’imposer, est celui de la « paternité » sous toutes ses formes et dans ses terribles difficultés. Le vieux père en recherche d’accord avec sa grande fille dans Toni Erdman, le jeune chien fou de Rester Vertical de Alain Guirodie qui échoue à renouveler le sombre Inconnu du lac et se vautre dans des errances sans intérêt au delà d’une provocation vide d’un nouveau père dans sa sodomie « euthanasiante » !

A noter le petit bijou d’une comédie qui ouvrit Ecran Junior C’est quoi cette famille ? réalisé par Gabriel Julien-Laferrière avec Julie Gayet et une pléiade d’acteurs qui inverse le propos et voit les enfants d’une fratrie composite se révolter et imposer leurs règles aux parents désemparés. Réjouissant bol d’air loin de tout cannibalisme et de prises de tête !

Mais il reste les grands films, ceux qui donnent la certitude que le monde est différent quand on sort de la salle, ceux qui permettent de mieux comprendre les autres, et de mieux se comprendre soi-même !

C’est le cas du vétéran anglais Ken Loach qui avec I, Daniel Blake, inscrit une nouvelle page dans la dénonciation des ravages du libéralisme anglais, la privatisation des services sociaux et le mépris de l’individu quand l’individualisme se fond dans le conformisme. Un ouvrier atteint d’une attaque cardiaque est privé de sa pension et se retrouve dans l’obligation Kafkaïenne de chercher un travail qu’il ne peut accepter ! Et pourtant, il va rester humain et tendre la main à ceux qui ont encore moins que rien ! Magique Loach au regard si plein de tendresse et à l’énergie sans cesse renouvelée pour dénoncer les tares d’un système économique et politique qui asservit l’être humain ! Les années passent sur lui sans entamer ni la lucidité de son regard, ni la tendresse qu’il a pour les gens, et toute son expérience est au service d’une cause humaniste qu’il filme avec maestria !

Deux films étranges pour finir. The Dressmaker de Jocelyne Moorhouse (Cinéma des Antipodes) avec la réjouissante Kate Winslet en vengeresse non-masquée d’un passé qu’il fallait solder par le feu. Petite ville du bush dans les années 50, la « couturière » débarque afin de régler ses comptes et fera exploser tous les secrets enfouis dans le pouvoir des hommes et la soumission des femmes !

Agassi de Park Chan Wook (compétition/Corée du Sud) est sans aucun doute l’un des films les mieux construits, filmés, interprétés de cette première moitié du festival. Une première partie d’une heure dévoile une histoire, une deuxième partie rectifie cette histoire dans un regard divergent, une troisième actualise et termine l’histoire avec au passage, la mort des méchants, la victoire des faibles et une sublime histoire d’amour entre une Thelma et une Louise amoureuses et complices ! C’est du cinéma de grand art, entre esthétisme et surréalisme, sensualité et dévotion aux mots, du grand cinéma que l’on retrouvera dans le palmarès, il fait nul doute !

Voilà, l’aventure continue, les films s’enchainent… Un autre projection de 2h42 (sic) Américan Honey m’attend dans quelques minutes. Y retrouvera-t-on quelques cannibales/vampires ou des parents angoissés devant leurs enfants ? Suite au prochain article !

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Cinéma des années 70

Publié le par Bernard Oheix

Voici donc la fin de cet article sur le cinéma des années 70...Une période passionnante où tout semblait possible. Cet essai s'inscrit dans une démarche "Cinéphile", adaptation d'un jeu en Livre-jeu...

Véritable plaisir de replonger dans ces années dorées, celle de ma jeunesse et de la maturation d'une passion pour le 7ème Art qui ne me quittera jamais !

En France, cette décennie voit l’apparition d’un véritable prix pour les professionnels du cinéma. Il existait bien depuis 1934 un Grand prix du cinéma français, ou les Etoiles de cristal décernées depuis 1955 ou même les Victoires du cinéma Français dans les années 50 mais aucune de ces distinctions n’avait percé auprès du grand public. Georges Cravenne eut l’intuition de ce manque et réussit à imposer les Césars comme le pendant Français des Oscars. Une compression du sculpteur César comme trophée, 13 césars attribués chaque année (à l’origine, meilleur film, réalisateur, acteur et actrice, seconds rôles, techniques), une remise médiatisée avec retransmission à la télévision en direct, les grands noms du cinéma au service du palmarès (Jean Gabin officia comme président de la première cérémonie quelques mois avant sa mort) et le 3 avril 1976, les Césars s’imposaient définitivement comme le chaînon manquant entre le cinéma américain et une des plus importantes cinématographies de l’Europe et du reste du monde.

Pour mémoire, voici le palmarès de la première édition :

1) César meilleure actrice : Romy Schneider dans L’important c’est d’aimer

2) César du meilleur acteur : Philippe Noiret dans Le vieux Fusil

3) César actrice second rôle : Marie France Pisier dans Cousin, cousine et Souvenirs d’en France

4) César acteur second rôle : Jean Rochefort dans Que la fête commence

5) César meilleur scénario Bertrand Tavernier et Jean Aurenche pour Que la Fête commence

6) César meilleure musique écrite pour un film : Francois de Roubaix pour Le vieux fusil (à titre posthume)

7) César du meilleur son : Nara Kollery et Luc Perini pour Black moon

8) César de la meilleure photographie : Sven Nykvist pour Black moon

9) César du meilleur montage : Geneviève Winding pour 7 morts sur ordonnance

10) César du meilleur réalisateur : Bertrand Tavernier pour Que la fête commence (devant Truffaut, Enrico et Rappeneau)

11) César du meilleur film : Le vieux fusil de Robert Enrico

12) César du meilleur film étranger : Parfum de femmes de Dino Risi

13) César d’Honneur : Diana Ross et Ingrid Bergman

Il faut bien avouer que ce cinéma français à le vent en poupe et que c’est aussi grâce à un système de production qui n’a pas d’équivalent qu’il peut afficher son dynamisme. Un Centre national de la cinématographie, une taxe sur chaque billet permettant d’aider à la production, des « avances sur recettes », des aides à l’écriture de scénario, des écoles de grandes qualité qui forment de nouvelles générations, des acteurs qui rayonnent largement au delà de nos frontières… même si tout n’est pas parfait, il y a bien là une véritable « exception culturelle » qui permet à notre cinéma de résister à la crise qui a ravagé le cinéma Italien ou Japonais par exemple.

On pensait que cette décennie serait déstabilisée par l’impact de la Nouvelle Vague et sa prise du pouvoir et par le choc de mai 68. Mais la réalité fut tout autre. La révolution esthétique des frondeurs fut digérée par les producteurs et metteurs en scène. Des mousquetaires qui éperonnèrent « une certaine tendance du cinéma Français » constitués de Godard, Truffaut, Rivette, Chabrol, Resnais, Demy et beaucoup d’autres, il fait nul doute que c’est François Truffaut et Claude Chabrol qui concilièrent le mieux leur statut de critique du cinéma et l’appropriation des mécanismes de production avec un 11 films pour l’un et 15 pour l’autre auxquels il faudrait rajouter 13 fictions pour la télévision, réalisés de 1970 à 1980.

Pour François Truffaut, cette série commence avec L’Enfant sauvage (1970) et Domicile conjugal (1970),(du cycle d’Antoine Doisnel avec Jean Pierre Léaud). On y trouve un chef d’oeuvre de réflexions sur le cinéma en abîme avec La Nuit américaine (1973), Oscar du meilleur film étranger, L’Histoire d’Adèle H (1975) avec Isabelle Adjani, L’homme qui aimait les femmes (1977) avec Charles Denner, la même année où il a un rôle dans le film de Spielberg Rencontres du III type, une période d’ activité intense débouchant sur son chef d’oeuvre Le Dernier métro (1980) (César du meilleur film et du meilleur réalisateur).

Claude Chabrol ouvre avec Le Boucher (1970) avec Jean Yanne et Stephane Audran, sa muse. A raison d’une ou deux réalisations par année, il va explorer ce monde des petites gens, de la bourgeoisie bien pensante, qui sera son fond de commerce. La rupture (1970), Docteur Popaul (1972), Une partie de plaisir (1975) Violette Nozière (1978), il enchaîne les films avec parfois une certaine nonchalance dans la finition, bon vivant brassant toujours de nouvelles idées au détriment d’un certain gout de la finition. Cela donne des oeuvres parfois lumineuses et habitées, quelquefois légèrement bâclées. Son box office est à l’image de sa façon de travailler, des succès majeurs comme Docteur Popaul (2 millions d’entrées) ou comme Le Boucher, Violette Nozière culminant à plus d’un millions d’entrées.

Jean Luc Godard produit des films d’une extrême radicalité et il faudra attendre 1979 avec Sauve qui peut (la vie) avec Isabelle Huppert, Jacques Dutronc et Nathalie Baye pour qu’il revienne à un cinéma plus abordable en réintégrant le système de production commercial.

Jacques Rivette réalise des chefs d’oeuvres plus confidentiels par leur sophistication esthétique, Out one 1 et 2, (1971 et 1972) Céline et Julie vont en bateau (1974), Duelle (1976).

Jean Eustache obtiendra une consécration avec La Maman et la putain (1973) Grand prix spécial du jury au Festival de Cannes.

Eric Rohmer est inimitable. Il achève son cycle des Contes Moraux avec Le genou de Claire (1970) et L’Amour l’après midi (1972) avant de produire deux oeuvres atypiques, La marquise d’O… (1976) et Perceval le Gallois (1978) Prix Méliès.

Alain Resnais tourne peu. Après l’expérience de L’an 01, il réalisera un de ses films les plus puissants en 1977, Providence (1977), remportant 7 Césars dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.

Jacques Demy ouvre les années 70 avec Peau d’Ane (1970) et Le Joueur de flûte (1972) pour ne tourner que deux autres films L’Evènement le plus important…. (1973) et Lady Oscar (1978) au succès d’estime.

En France, 3 genres règnent en maître : la comédie, l’étude de moeurs et le policier.

En ce qui concerne la comédie, elle se subdivise en deux catégories. Dans le premier registre dit « traditionnel », Gérard Oury et son complice Louis de Funès vont produire deux films cultes, La folie des grandeurs (1971) avec Yves Montand (« -Il est l’or monseignor ! ») et Les aventures de Rabbi Jacob (1973) qui, sur un sujet que l’on aurait du mal à traiter en cette heure d’intolérance et de tabous généralisés, deviendra un film culte pour toutes les générations qui se succèderont. Yves Robert avec Jean Rochefort, Claude Brasseur et Guy Bedos réalisera Un éléphant ça trompe énormément (1976) et sa suite Nous irons tous au paradis (1977) qui auront un succès populaire incroyable. Jean Paul Belmondo fait du Belmondo dans Le Magnifique (1973) dirigé par Philippe De Brocca.

Dans l‘autre tendance de la comédie, on voit débarquer une nouvelle génération d’acteurs, issus pour la plupart de l’aventure du café théâtre. Les Valseuses (1974) imposent Bertrand Blier derrière la caméra et un trio qui deviendra légendaire devant, Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou Miou avant Buffet froid (1979) à l’univers totalement décalé.

Patrice Leconte propulse dans un club Med, Gérard Jugnot, Marie Anne Chazel, Michel Blanc, Christian Clavier et Thierry Lhermitte, tous issus du « Splendid » dans les populaires Les Bronzés (1978) et Les Bronzés font du ski (1979).

Dans la comédie de moeurs à la Française, Claude Sautet est un maître. Les Choses de la vie (1970) Max et les ferrailleurs (1971) César et Rosalie (1972), Vincent, François, Paul et les autres (1975) sont les archétypes de ce genre à part entière qui se fonde sur des histoires de la vie réelle de représentants des classes moyennes et sur l’excellence du jeu d’acteurs des Yves Montand, Michel Piccoli, Romy Schneider, Bernard Fresson, Stephane Audran, François Périer, Samy Frey…

Enfin, le polar à la Française où s’illustrent Jean Pierre Melville en fin de carrière, il décédera en 1973, mais qui signe un sublime Le cercle rouge (1970) avant l’échec d’Un flic. José Giovanni après Dernier Domicile connu (1970) réunit Gabin et Delon pour Deux hommes dans la ville (1973). Pierre Granier Deferre avec Adieu Poulet (1975), I comme Icarre (1979) de Henri Verneuil, Série Noire (1979) de Alain Corneau, Yves Boisset avec Le juge fayard dit le shérif (1977).

Tous les grands acteurs, Lino Ventura, Alain Delon, Yves Montand, Jean Gabin sont convoqués à cette messe noire mais celui qui sera vraiment le symbole de cette décennie est Patrick Dewaere, acteur torturé et mimétique qui se suicidera au début des années 80.

Reste alors les films inclassables qui seront pour la plupart des succès au box-office et recevront de nombreux César : Le Vieux Fusil (1975) de Robert Enrico,, Que la fête commence (1975) de Bertrand Tavernier, Le Sauvage de Jean Paul Rappeneau (1975), La Meilleure façon de marcher(1976) de Claude Miller, et un nouveau réalisateur venu de la pub, Jean Jacques Annaud qui obtient l’Oscar du film étranger pour sa première réalisation, La Victoire en chantant (1976) et poursuit avec Coup de tête (1979) avec un Patrick Dewaere déchirant.

Et l’on ne peut passer sous silence Emmanuelle le porno-soft qui déboule sur les grands écrans avec Sylvia Kristel dénudée érotiquement devant Alain Cuny pour 9 millions de spectateurs français et 45 millions dans le monde sous l’oeil d’un réalisateur dont ce sera le seul titre de gloire, Just Jaeckin.

Mais ce panorama du cinéma mondial ne serait pas complet sans les centaines de productions de films Bollywood de l’Inde et ses répliquants Egyptiens, films de grande consommation que des millions de spectateurs visionnent mais hors des circuits de la cinéphilie. Il reste toujours un grand absent dans ce concert des nations pour le 7ème Art, c’est le continent Africain, malgré le coup de tonnerre de la Palme d’Or à Cannes en 1975 pour Mohammed Lakdar-Hamina avec Chronique des années de braise. Le cinéma asiatique ne sera reconnu vraiment que dans la décennie qui suivra et l’Empire Soviétique est étrangement atone, entre les documentaires et les films à la gloire de la guerre de libération de l’URSS. Andreï Tarkovski tourne difficilement Solaris (1972) puis le Miroir en 1975 en butte à la censure avant de décider d’émigrer pour continuer à tourner. En Pologne, Andrzej Wajda entame une série de films passionnant dans un pays que les idéaux de solidarnosc vont écarter de la voie officielle. Paysage après la bataille et Le bois de Bouleaux (1970) annoncent déjà L’homme de marbre (1977) et L’homme de fer (1981) qui obtiendra la Palme d’Or à Cannes.

Le Sud de l’Amérique a vu la vague du Cinéma Novo s’éteindre. Les dernières oeuvres du « Cinema Novo » ouvrent la décade. Antonio Das Mortes de Glauber Rocha et Macunaïma de Joaquim Pedro de Andrade sonnent le glas de cette « école » qui va puiser dans les légendes et les mythes de la culture du Brésil, la richesse d’un matériau filmique dévoilant la misère et la violence d’une société. Films « néo-surréalistes », ces oeuvres avaient particulièrement frappé l’attention du public cinéphile, renvoyant à cette image d’une Amérique du Sud plongée dans les affrontements du sous-développement et aspirant à émerger dans le concert des nations modernes. Le Brésil du Foot et l’Argentine du Tango contre les luttes des propriétaires terriens dans le « sertao » désertique où les affrontements des descendants indiens sur les contreforts des Andes.

Mais les années 1980 s’annoncent et le monde va encore subir des convulsions dont le cinéma tentera de rendre compte. L’écran s’illumine encore et toujours pour donner un sens à la vie et mieux comprendre le monde alentour.

Voilà donc pour ces années 70 un chapitre terminé... Il y en aura d'autres tant le cinéma est un compagnon de route qui, une fois invité, ne peut plus nous quitter ! Derrière l'image fuyante, il y a toute la réalité d'un monde en train de se réaliser, sans décors et sans artifices... et l'un renvoie à l'autre en un couple indissociable ! Le Cinéma, c'est la vie !

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Une histoire du Cinéma des années 70

Publié le par Bernard Oheix

Voici donc la suite, interrompue par les inondations, du texte sur le cinéma des années 70 conçue pour Le Cinéphile dans une formule dérivée de Livre-Jeu. Avec mes complices, Luc Michel Tolédano, Patrick Coulomb et Julien Oheix, nous tentons une adaptation du jeu que nous avons créé dans une formule qui permet à la fois de découvrir le contexte dans lequel les réalisateurs oeuvrent et les films phares qui ont marqué chaque décennies.

Les films de cette année 71 qui marqueront sont Les Diables de Ken Russel, Orange Mécanique de Stanley Kubrick et Les Chiens de paille de Sam Peckinpah.

Ken Russel est un des réalisateurs phares de cette école anglaise et cette décennie le verra produire Music Lovers, un biopic halluciné sur Tchaïkovski, Malher, Tommy et Liztomania. Dans Les Diables il crée un univers baroque dans une chasse aux sorcières dont le prêtre Urbain Grandier sera la victime. Les délires sexuels des bonnes soeurs permettront au pouvoir politique de l’abattre dans une parodie de procès et de le brûler en place publique. Il est au zénith de son art flamboyant, multiplie les provocations et le politiquement incorrect avec la volonté de heurter et d’envouter le spectateur.

Orange Mécanique est un ovni succédant à 2001 Odyssée de l’Espace. Alex, campé par Malcom MacDowel au charme vénéneux, est un adepte de l’ultra-violence, chef de bande des « droogies » qui sèment la mort sur leur passage. Les scènes insoutenables des meurtres feront largement polémique. Son arrestation et sa rééducation ouvrent tout autant un chapitre fielleux sur la rédemption et la violence des institutions. C’est une satire de la société moderne à plusieurs entrées où le message apparent n’est pas toujours le plus évident. L’utilisation de la musique classique (La 9ème symphonie Beethoven) en contrepoint fit fureur auprès de tous les jeunes redécouvrant les charmes de la musique classique.

Les Chiens de Paille de Sam Peckinpah avec Dustin Hoffman provoqua aussi la controverse. Une longue scène ambiguë de viol où la victime semble prendre du plaisir, un couple qui plonge dans l’autodéfense barbare et se venge, célébration perverse, le film fut accueillit par une polémique qui enflamma le public.

On peut dans cette veine ultra-violente, rajouter Délivrance de John Boorman en 1972, descente de rapides en canoë dans la nature sauvage d’un groupe de randonneurs confrontés à la bestialité d’autochtones. Le même réalisateur enchaînera l’année d’après avec Zardoz, une oeuvre de science fiction majeure.

Ainsi donc, c’est sous le signe de la plus grande des violences émergeant de situations quotidiennes que commencent ces années 70. Elles s’achèveront en 78 et 79 par deux films encore plus paroxystiques mais cette fois-ci sur le thème de la guerre du Viet-Nam. Voyage au Bout de l’Enfer de Michael Cimino et Apocalypse Now de Francis Ford Coppola.

Michael Cimino récompensé de 5 oscars, dans une distribution éblouissante (De Niro, Christopher Walken, John Savage, John Cazale, Meryl Strep) n’est pas un film sur la guerre mais sur ses conséquences sur les individus et leur incapacité à en sortir indemne. Des américains moyens plongent dans l’atrocité de la guerre et observent la lente agonie de leur humanité. Le personnage de John Cazale, drogué et jouant sa vie à la roulette russe, est fascinant et démontre à l’évidence l’incapacité de se réadapter à un monde normal pour ceux qui ont côtoyé l’enfer.

Apocalypse Now de Francis Ford Coppola est l’oeuvre « mégalomaniaque » d’un réalisateur qui fut aspiré par son sujet. Les conditions de tournage particulièrement dures s’étirant sur 238 jours, un typhon qui détruit tous les décors, l’explosion du budget (de 17 à 30 millions de dollars), le changement d’acteurs… seul le succès pouvait remettre en selle un réalisateur qui s’était même engagé sur sa fortune personnelle. La Palme d’Or du Festival de Cannes et un box-office incroyable vint récompenser un Francis Ford Coppola exsangue. Dans ce véritable opéra sanglant, des scènes ou la violence et l’absurdité se partagent à part égale, dénoncent le processus du pourrissement d’une société plongée dans l’horreur. Le Napalm, la partie de surf, l’attaque des hélicoptères sur la Chevauchée des Walkyries de Wagner, des scènes cultes que tout cinéphile ne peut que regarder avec une fascination morbide. Marion Brando en chef de guerre déshumanisé, fait un retour flamboyant devant les écrans.

C’est une façon d’achever cette décennie d’une richesse filmique incroyable, le chant crépusculaire d’un monde où l’homme a forgé son destin dans l’acier et la violence et qui ne laisse que des décombres autour de lui !

C’est d’Allemagne que vient le printemps d’un cinéma d’auteurs qui déferlera sur la planète du 7ème Art. En 1972, Werner Herzog propulse un acteur de série B dans un rôle qui va l’immortaliser, Klaus Kinski devient Aguirre, La colère des Dieux, un conquistador perdu dans ses rêves d’Eldorado. En 1975, un peu avant de d’obtenir la Palme d’Or au Festival de Cannes en 1979 avec Le Tambour (ex-aequo avec Apocalypse Now !), Volker Schlöndorf et Margarethe Von Trotta proposent L’Honneur perdu de Katarina Blum tiré d’un roman de Heinrich Böll. A partir d’un fait divers, une femme tombe amoureuse d’un homme sans savoir qu’il est un criminel recherché par la police, les réalisateurs dénoncent les abus de la presse et la répression policière consécutive aux actes de la Bande à Baader.

En 1977, Wim Wenders propose L’ami Américain tiré de deux romans de Patricia Highsmith avec Tom Ripley comme héros. Un restaurateur d’oeuvres d’art atteint de leucémie accepte un « contrat » pour mettre à l’abri sa famille, mais tout va se compliquer… C’est le premier grand succès d’un réalisateur que les cinéphiles connaissaient bien grâce à L’angoisse du Gardien de but… et à Au fil du temps, un superbe road movie avec Bruno Ganz.

L’Allemagne en Automne, en 1978, est un drame documentaire réalisé par un collectif où l’on retrouve la plupart des jeunes réalisateurs dont Alexander Kluge.

Enfin en 1979, Raïner Werner Fassbinder propose Le mariage de Maria Braun, son 18ème film depuis 1970, auxquels il faut rajouter 15 films pour la télévision et 6 pièces de théâtre. 10 années de frénésie productive qui s’achèveront en 1982 par une rupture d’anévrisme. C’est l’un des personnages importants de cette école Allemande des années 70 qui révolutionnera le cinéma mondial. A partir des années 80, nombre de ses réalisateurs émigreront vers l’eldorado du cinéma, Hollywood, réitérant ce qui s’était déjà déroulé dans les années 30 !

En effet, l’Allemagne avait déjà connu un âge d’or qui précéda la montée du nazisme, celui de l’expressionnisme représenté par Fritz Lang, Friedrich Wilhem Murnau, Robert Wiene mais aussi Paul Leni, Wilhelm Dieterle… Le Cinéma Germanique avait ses lettres de noblesse, la parenthèse du nazisme et de la reconstruction du pays après la guerre achevée, les réalisateurs retrouvèrent alors leur place dans le concert des grandes nations du cinéma dans les années 70 !

En Italie, après le foisonnement de l’après guerre et du néo-réalisme, les années 70 furent celles des contrastes. Cette décennie commença par un chapelet de disparitions, chacune voyant s’effacer des pages entières de la mémoire du cinéma : Vittorio De Sica et Pietro Germi en 74, Pier Paolo Pasolini en 75, Lucchino Visconti en 78, Rossellini en 77.

Dans le même mouvement, la télévision « Berlusconnienne » entama un travail de décapitation de la production des films et des comportements des spectateurs. Dans un pays où les structures d’encouragements et de stabilité du cinéma n’existaient point, l’irruption des télévisions (76 chaînes commerciales naissent) démembra le réseau de diffusion en quelques années. Il est surprenant de voir se concentrer sur le début des années 70 les derniers succès internationaux avant que le cinéma des grands auteurs ne cachent le vide sidéral qui succédera à la production italienne. Il faudra 25 ans à l’Italie pour retrouver un semblant de lustre !

Même si Michélangelo Antonioni signe deux chefs d’oeuvre Zabriskie Point (1970) sur une musique des Pink Floyd et Profession : Reporter (1975) avec Jack Nicholson et si en ce début de la décennie, Bertolucci réalise ses deux oeuvres magistrales, La Stratégie de l’Araignée (1970) sur une nouvelle de Borgès, et Le conformiste (1971) avec Jean Louis Trintignant, deux films en équilibre entre la force incroyable du scénario et l’esthétique fascinante d’une mise en forme collant à l’émotion. Il obtiendra la consécration internationale en 1972 avec Le dernier Tango à Paris et un Marlon Brando transfiguré et Novecento (75) à la distribution flamboyante (De Niro, Depardieu, Burt Lancaster, Donald Sutherland, Laura Betti et Stefania Sandrelli…). Il y a aussi Sergio Leone qui avec Il était une fois la révolution (1970) entame sa mutation en se détachant du western-spaghetti qui a fait sa fortune.

Elio Petri réalise Enquête sur un citoyen… (1970) et La Classe ouvrière va au Paradis (1972) Palme d’Or au Festival de Cannes ex-aequo avec Francesco Rosi pour L’Affaire Mattei. Pier Paolo Pasolini entame une trilogie « élégiaque » en 71 avec Le Décaméron et poursuit avec Les Contes de Canterbury (72), Les Mille et unes Nuits (74) pour terminer par un prémonitoire Salo (75) avant de mourir assassiné sur une plage d’Ostie !

Fellini produit Roma (1972), Amarcord (73) et Casanova (76) et Visconti, Mort à Venise (71) Ludwig ou le Crépuscule des Dieux (73) et Violence et Passion (74).

La comédie italienne est florissante, Drame de la jalousie (70) et Nous nous sommes tant aimés (74) de Ettore Scola avant Affreux, Sales et Méchants (76), L’argent de la Vieille par Comencini en 72, Mes Chers Amis en 75 pour Monicelli, un extraordinaire Pain et Chocolat (1973) pour Franco Brusati,avec une scène d’anthologie où un italien déguisé en Suisse craque devant l’équipe de la « nazionale » de foot ! Enfin, il reste toujours un Dino Risi avec Parfum de femme (1975) et Les Nouveaux monstres (1978) pour magnifier ce genre si particulier de la comédie Italienne héritière des traditions.

En ces années de feu, rien ne semblait pouvoir arrêter le cinéma Italien… si ce n’est lui-même ! Le chant du cygne viendra avec Padre, Padrone et L’Arbre aux sabots des frères Taviani, Palme d’Or du Festival de Cannes en 1977 et 1978 et ultimes récompenses du cinéma Italien avant 2001 et La Chambre du fils de Nanni Moretti. Le côté obscur de l’économie du cinéma démantèlera alors pour de longues années ce qui semblait gravé dans le marbre. La fin des années 70 annonce un long crépuscule pour ce qui apparaissait comme une cinématographie riche, engagée, réflexive et dont l’audace formelle n’avait pas de limite !

Du côté du Japon, autre place forte de la cinéphilie en crise, Akira Kurosawa, après une tentative de suicide en 1971, renait avec Dersou Ouzala (1975), produit par la très soviétique Mosfilm, Oscar du film étranger, mais il faudra attendre la fin de cette décennie pour que les américains George Lucas et Francis Ford Coppola, fans de Kurosawa, lui permettent de réaliser le somptueux Kagemusha, Palme d’Or au Festival de Cannes en 1980. Nagisa Oshima, à la demande d’un producteur Français (Anatole Dauman) se lance dans la réalisation de l’histoire véridique d’une prostituée : L’Empire des Sens (1976) et L’empire de la Passion (1978) qui feront scandale mais seront des succès commerciaux à l’international.

le Suédois Ingmar Bergman de Cris et chuchotements (1972) et de Scènes de la vie conjugale (1973) à L’oeuf du serpent (1978) et Sonate d’automne (1978) continue d’explorer l’âme humaine et les relations complexes entres les individus dans une Suède où le feu couve sous la glace d’un froid polaire.

Le cinéma américain règne sur la planète des rêves. C’est en 1975 que le Festival de Deauville est créé afin de faire la promotion de ses oeuvres et d’assurer le lancement de ses « grosses productions ». Par la suite, en 1995, il intégrera un volet compétition afin de le rendre plus attractif.

Les années 70 verront arriver au pouvoir une nouvelle génération de cinéastes dont les Francis Ford Coppola, Steven Spielberg, George Lucas et Martin Scorsese seront les portes étendards. Leur énergie et leur impact planétaire va profondément transformer le paysage de la production des grands studios. A la différence de leurs aînés, ils vont s’engager durablement dans la production de leurs films et transformer Hollywood. Cette période bénie d’une créativité incroyable correspond aussi à la mutation profonde de la société. La télévision oblige les studios à repenser leur stratégie et à conquérir un nouveau public, moins familial, plus jeune et concerné par les soubresauts d’une société en crise. Les minorités comme les blacks ou les latinos deviennent alors un réservoir de public avec des films intégrant leurs problématiques.

Deux westerns vont éclairer ce début des années 70. Little Big Man est une épopée qui rend aux indiens toute leur humanité. Arthur Penn, avec un regard en miroir sur les cultures des peuples chassés par les blancs, à l’heure de la guerre aux confins du monde (Viet-Nam), renvoie aux errements d’une civilisation balayant les autres en niant leurs différences. Jeremiah Johnson de Sydney Pollack, porté par Robert Redford inaugure le western écologique et renoue avec les racines d’une vie sauvage dans les rocheuses où l’homme blanc sème le désespoir et la mort.

Francis Ford Coppola avec les Parrains I et II impose une nouvelle génération d’acteurs dans cette épopée mafieuse sulfureuse et romantique. Steven Spielberg offre le colossal succès Des dents de la mer et file vers une Rencontre du IIIème type où François Truffaut (un de ses maîtres) apparait. Scorsese promène dans les rues de New-York, un Taxi driver qui déambule dans les nuits glauques. Georges Lucas renoue avec la BD d’aventures dans la saga de La Guerre des étoiles. Sylvester Stallone impose un boxeur loser en archétype de la reconquête d’une dignité perdue, Rocky au succès phénoménal qui prouve que l’Amérique ne mourra jamais à ceux qui en doutaient.

Tous les genres et tous les secteurs de la vie sont touchés. MASH de Altman sur un hôpital militaire pendant la guerre de Corée, un asile avec Vol au dessus d’un nid de coucous par l’exilé Milos Forman, le quartier chinois de Chinatown (1974) de Roman Polanski, la bourgeoisie cultivée sous les saillies d’un Woody Allen (Annie Hall, Manhattan) en train de s’inventer un style, le policier prêt à tout, L’inspecteur Harry (Don Siegel), French Connection (William Friedkin) Serpico (Sydney Lumet), et bientôt des films sur la corruption et la gangrène de ceux qui sont chargés de maintenir l’ordre. Il y a l’horreur intérieure avec L’exorciste de Friedkin ou extérieure avec des Aliens (Rydley Scott) omniprésents restant sous la menace d’un Massacre à la Tronçonneuse orchestré par Tobe Hooper pour Carrie au bal du Diable (Brian de Palma). On court éperdument sur les traces de Dustin Hoffman dans Marathon Man (John Schlesinger) comme on s’égarait à suivre un Macadam Cowboy toujours campés par le même acteur omniprésent. Alan Parker, lui, narre l’histoire vraie d’un prisonnier des geôles turques dans Midnight express (1978).

Il se dégage de cette pléiade de films portés par une nouvelle génération d’acteurs, une véritable volonté d’inventer de nouvelles façons de toucher le spectateur en cassant le moule de la narration classique, d’agir par le spectaculaire pour découvrir l’infinie petitesse de l’être. On assiste à une perte de repères dans la confrontation entre le bien et de mal et le sexe et à la violence sous-tendent le comportement des individus à la recherche d’un bonheur impossible. Les drogues sont omniprésentes et l’appât du gain un miroir aux alouettes qui ravage les structures sociales et les familles. Enfin, il se dégage une forme de méfiance absolue pour tous ceux qui représentent la loi et l’autorité trop souvent gangrenés par les intérêts particuliers et l’égoïsme.

Dans le prochain texte, je vous présenterai donc le Cinéma Français dans une de ses périodes les plus flamboyantes... A moins qu'une autre catastrophe naturelle m'oblige à reporter ma parution... Mais bon, une inondation suffit largement à mon malheur et j'ai hâte de connaître vos réactions...

Bonne lecture !

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Les années 70 et le cinéma

Publié le par Bernard Oheix

Cet article a été écrit pour illustrer une des séquences d'un livre-jeu que nous sommes en train de concevoir avec Luc Michel Toledano, Patrick Coulomb et Julien Oheix. Il s'agit d'une adaptation du jeu Le Cinéphile que nous avons créé devant déboucher sur une édition prochainement.

Le découpage des fiches jeu en décennie est précédé d'un texte introduisant chaque période, tant sur le plan de l'histoire que du cinéma, dans une volonté de lier à la fois les drames et les joies de chaque moment de notre vie avec les films qui en ont fait le succès.

Il s'agit pour moi d'écrire sur les années 70 et je vous présente ici la première partie de mon texte, le contexte en quelque sorte de ces années si riche cinématographiquement !

La dernière vague du baby-boom (cette génération enfantée avec la paix revenue et l’espoir renaissant) déboule dans ces années 70 avec les rêves d’une génération dorée. Ils ont encore sous leurs yeux la génération de leurs parents, issue de la guerre et de ses ravages, de la privation et de l’horreur d’un monde basculant dans la folie, et peuvent en contempler les stigmates toujours présents une vingtaine d’années après la fin du chaos de la Deuxième guerre mondiale.

Ils ont vu dans la précédente décennie, les biens de consommation faire irruption dans leur vie et transformer leur environnement. Le frigidaire, la voiture, le solex, la machine à laver le linge puis la vaisselle, le téléphone qui abolit les distances et cette toute nouvelle lucarne fascinante, la télévision, qui ouvre leurs yeux au monde de l’ailleurs et dévoile des pans d’une humanité inconnue.

On se déplace encore peu dans ce monde où les frontières et les distances enferment l’individu dans sa région et les seules migrations sont celles héritées des guerres de décolonisation et de la volonté des industriels de trouver des bras à bon marché ! Qui se souvient encore du «plein emploi» de l’Age d’Or et de l’importation massive d’une génération sacrifiée à l’industrie «taylorisée» de la production des biens de consommation dans des chaînes qui aliènent le travailleur et le coupent du produit fini ?

On y vit pourtant bien dans cette France assoupie où les convulsions d’un Mai 68 portées par les jeunes et les étudiants ont créé un électro-choc !

Les années 70 s’ouvrent sur cette montée en puissance d’une jeunesse avide de prendre sa place. La majorité va basculer rapidement de 21 ans à 18 ans sous l’impulsion d’une nouvelle droite plus «moderne» incarnée par Valéry Giscard D’Estaing, les femmes s’imposent comme une force à part entière et militent pour l’appropriation de leurs droits et de leurs corps, obtenant même, contre cette société machiste, le droit à l’avortement en 1974. L’ascenseur social fonctionne à plein, permettant à des enfants des classes moyennes et ouvrières d’accéder à l’Université avec la certitude d’un emploi à la sortie et d’une montée dans l’échelle sociale leur permettant de «dépasser» le niveau de leurs parents.

Tout irait pour le mieux si le premier choc pétrolier de 1973, consécutif à la guerre du Kippour, ne venait lancer un coup de tonnerre, rappelant aux français que le monde extérieur avait son mot à dire dans notre destin national !

Et personne en ce début de décade ne peut imaginer qu’elle sera celle de la fin des utopies. Envolés les élans libertaires d’un mai 68 où tout semblait possible. Choc de la guerre du Kippour, guerre tournée vers l’avenir au contraire des guerres de décolonisation, séquelles d’un passé qu’il faut bien accepter de solder. Lecture de l’Archipel du Goulag de Soljenitsyne qui vient abolir la frontière entre l’idée d’un monde imparfait issu de l’idéologie communiste et ses bourreaux d’un capitalisme conquérant. Même si c’est dans la décennie d’après que le Mur s’écroule, c’est en cette année 74 qu’un livre ravageur dévoile l’atroce vérité d’un monde concentrationnaire érigé sur une philosophie des vertus !

Ces années 70 sont fertiles en événements majeurs. La sécheresse du Sahel, la fin de la guerre du Vietnam par les Etats-Unis contraints de signer les accords de Paris en 1973 pour sortir du bourbier sous la pression d’une jeunesse se révoltant en créant les bases d’une contre-culture où les drogues se développent. Cette même jeunesse se radicalise en Europe avec Les Brigades Rouges en Italie et la Bande à Baader (Fraction Armée Rouge) en Allemagne, tentatives terroristes de basculement de l’Etat.

La Révolution Culturelle de Chine avec un Grand Timonier à la barre sanguinaire d’un pays sous électro-chocs d’une jeunesse avide de casser le moule de « l’ancien » afin de faire ce « nouveau » pays que Mao Tse Toung dessine pour eux. Les luttes de libération en Asie débouchant sur un gigantesque camp d’extermination dont les Kmers Rouges sont les apôtres sanguinaires, le coup d’état au Chili organisé par une CIA imposant une dictature sanglante et les pouvoirs militaires qui investissent l’espace public en Amérique du Sud, les convulsions du continent Africain entre les séquelles des décolonisations douloureuses et un néo-colonialisme qui pille leurs richesses en soutenant des gouvernements fantoches où la prévarication règne en loi d’airain…

Et pour terminer cette « décade prodigieuse », en un mouvement concomitant, l’Iran fait sa révolution et L’URSS envahit l’Afghanistan. Les heures sombres des années 2000 s’annoncent alors… mais personne se s’en rend vraiment compte sur le moment !

Cette jeunesse Française qui ouvre la décennie des années 70 ne sait pas que les Trente Glorieuses, cette période bénie de la reconstruction avec plein-emploi, miracle économique et course aux biens de consommation, est en train de se terminer. Un nouvel ordre se dessine, mondialisé, avec l’émergence de l’Asie dont les règles se formateront dans les soubresauts de l’agonie des économies industrielles européennes traditionnelles. Le monde est en train de changer…

Pourtant, cette jeunesse reste insouciante, gorgée de passions, est avide d’une culture qui se démocratise, des revues de musique qui naissent, un espace réel qui s’ouvre à leurs désirs. Le rock et les revues de musique comme vecteur de leurs aspirations, Johnny qui perdure et les Beatles qui se sont séparés, les Pink Floyd qui percent le « mur » de l’oppression. La scène musicale toute neuve s’ouvre au jeune public qui a désormais les moyens de consommer, d’écouter des vinyles, de voir des vedettes dans des Festivals ou des salles spécialement construites adaptées à cette passion électrique…La fin de l’utopie aussi avec les « punks » qui se radicalisent contre un rock populaire trop institutionnalisé à leurs yeux. C’est bien dans ces années que l’on bascule de l’optimisme béat initial au pessimisme d’un monde trop imparfait qui nous guette !

Le cinéma a fait sa grande révolution formelle dans les années soixante, cassant un système de production figé grâce aux progrès de la technique, inventant un langage moins académique et collant à la réalité d’un monde en mouvement ! Le cinéma de papa agonise dans l’académisme des productions classiques. D’ailleurs, le cinéma populaire, la sortie en famille, la notion de films « détente », tout cela explose pour répondre à la soif d’une nouvelle catégorie de spectateurs dont les jeunes sont le pilier et qui revendique que le 7ème Art soit celui de l’intelligence et de l’émotion, du reflet d’une réalité et de l’interprétation d’un présent que l’on peine à décrypter.

Ils se sont formés à la « cinéphilie » dans les nombreux ciné-clubs qui pullulaient, à coups de débats énergiques, de réflexions sur le fond et la forme, esthétique revendiquée devant renvoyer aux problèmes d’un monde qui perçait alentour. La pellicule en 16mm autorisait la diffusion la plus large, dans tous les recoins du territoire, des oeuvres plus confidentielles trouvant un public que les réseaux de salles ne lui offrait pas forcément. Une salle de classe, l’arrière cour d’un restaurant, une place dans un camping, un « drive in »… tout pouvait concourir à la diffusion d’un film brésilien ou japonais qui n’aurait jamais trouvé sa place dans le réseau traditionnel commercial !

Dans ces années 70, les revues de cinéma foisonnent et sont des forums de discussions acharnées. Les Cahiers du Cinéma comme une institution dispensant la « loi », Positif en opposant stratégique, Ecran et Cinéma 70 comme la vulgarisation intelligente du 7ème Art, Image et Son, Jeune Cinéma, émanations des fédérations de ciné-clubs. Chaque mois, des milliers d’exemplaires se retrouvent sur le marché, une génération de critiques naissant grâce à l’extraordinaire appel d’air de toutes ces revues qui luttent afin de s’imposer.

Voilà, la semaine prochaine je vous présenterai la deuxième partie, celle sur le cinéma et les films. Vos remarques sont les bienvenues, n'hésitez pas à me faire part de vos impressions !

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Pour en finir avec Bertolucci ?

Publié le par Bernard Oheix

En 1974, jeune étudiant à l’Université de Nice, je soutiens mon mémoire de maitrise en Histoire du Cinéma sur Bernardo Bertolucci sous la direction d’un jeune professeur passionnant qui m’a fait comprendre ce cinéma que j’aimais tant : Jean A Gili. C’est le moment où Le Dernier tango à Paris (1972) avec un Marlon Brando sulfureux, Jean-Pierre Léaud, Maria Schneider et une plaquette de beurre, l’ont propulsé comme un «grand» réalisateur à succès, et sur les écrans s’annonce le premier volet de Novecento avec Gérard Depardieu, Robert de Niro, Burt Lancaster, Donald Sutherland et tant d’autres qui le consacrera dans le monde entier, achevant un cycle d’une fertilité incroyable entamé avec La Strategia del Ragno en 1969 et poursuivi par Le Conformiste en 1970.

J’avais obtenu de la «Cinecittà», le grand studio de Rome, de travailler et de visionner tous ses films sur place. A l’époque il n’y avait pas de DVD ou autres supports, tout se visionnait sur la pellicule avec des grosses machines chargées par des techniciens. Je n’avais ( que trop brièvement) rencontré le maître pendant mon séjour romain, occupé qu’il était par le montage de sa saga sur l’histoire de l’Italie, des luttes paysannes à l’avènement du fascisme de Novecento.

Je ne pensais pas écrire pour et sur l’histoire du cinéma, juste le plaisir de travailler sur un cinéaste que j’aimais et dont La Stratégie de l’araignée, sur une nouvelle de Borges, avec Giulio Brogi et Alida Valli, était pour moi, un chef d’oeuvre que j’avais visionné 22 fois...

La scène du bal sur l’hymne fasciste (un monument de technique au service d’une idéologie), la complexité du sujet (un fils en quête de son père, Athos Magnani, mort comme un résistant et qui s’avèrera un traître à la cause... encore qu’une dernière image peut infirmer ce double glissement du héros en traitre !), la scène de l’opéra avec le flou qui dérobe le personnage et crée la tension, l’herbe qui grandit entre les rails d’une gare improbable aux sons d’un opéra de Verdi, la fusion novatrice en un réalisme ancré dans les terres et les traditions italiennes et la sophistication d’un formalisme au service des idées, tout cela faisait, à mes yeux, de cette oeuvre, un film majeur du 7ème Art d’un réalisateur au sommet de sa créativité.

Avec le temps qui a passé, j’étais persuadé que toute l’oeuvre de ce cinéaste semblait s’ériger sur un socle dont La stratégie de l’araignée m’apparaissait comme la pierre fondatrice.

Même si ses premiers opus (La Comare secca sur un scénario de Pasolini), Prima della Rivoluzione qui aura un succès critique important, Partner avec Pierre Clementi qui sera un échec en 1968) laissent deviner une vraie personnalité hors-norme, c’est avec La Stratégia del Ragno et Il Conformista qu’il développe un langage spécifique et une approche résolument moderne du cinéma.

Entre Godard et Pasolini, Bernardo Bertolucci va trouver sa voie et réalisera quelques chefs d’oeuvres tout au long d’une carrière jusqu’au Dernier Empereur, film phare et crépusculaire qu’il réalisera en 1987 et trustera 9 oscars en un chant du cygne que ses soucis de santé et son manque d’inspiration, malgré un Thé au Sahara et Little Buddha en 1990 et 1993, ne peuvent que rendre cruel !

Lundi 29 janvier : Arte annonce Le Conformiste sur sa grille. 40 ans que je ne l’ai pas revu. Choc. Je décide de le visionner et d’entrée, une monté d’adrénaline avec des images issues de mon passé, Jean-Louis Trintignant jeune et beau que j’ai accueilli il y a deux ans seulement aux Nuits Musicales du Suquet pour un de ses derniers concerts en musique, vieux et fragile, avec cette voix inimitable, déclinant des poètes libertaires… Dans ce film de Bertolucci, il est libre, passe du grave au sérieux, dans des décors « arts décos » sublimes. Invention et liberté d’une caméra qui se décale, décadre les plans, accroche les arrières plans et les détails pour mieux sublimer la « grande histoire » du fascisme à travers l’histoire personnelle de cet homme qui aspire à être le plus normal possible pour chasser les démons d’un viol et d’un meurtre qu’il croit avoir commis dans son enfance. De l’introspection à la réalité, d’un mariage formel sans amour à l’attentat d’un professeur antifasciste, tous les ingrédients explosent en un hymne baroque pour célébrer le drame d’une vie brisée qui se ment à elle-même et se conjure dans un fascisme obsessionnel. Comme il le déclare à la chute de Mussolini, « -je n’ai fait qu’obéir aux ordres, je ne risque rien ! » et c’est bien le drame d’une génération qui vécut la monté des dictatures, et c’est aussi une leçon sur l’universalité de l’horreur que nous vivons désormais.

A la relecture du film, je ne peux que m’interroger. Je n’étais peut-être pas assez armé idéologiquement à l’époque, du haut de mes 22 ans, pour en saisir toute la subtilité. La Stratégie de l’araignée que je portais aux nues avait tous les ingrédients pour me parler, la sophistication et l’introspection du Conformiste m’interpellait moins. J’aimerais désormais remettre les deux films en perspectives…

Et si j’ai un conseil à vous donner, allez voir ces deux chefs d’oeuvres et vous découvrirez deux magnifiques films réalisés dans une liberté de ton et une inventivité caractéristiques d’une période soixante-huitarde où tout était possible et où le cinéma était capable de parler de l’homme pour comprendre l’histoire des hommes !

Malade, fatigué, il vient présenter Io e Te, son dernier film au Festival de Cannes, en 2011 après 10 années de silence. Dans une chaise roulante, j'approche le maître et retrouve son regard intense. Inoubliable rencontre à l'aube de ma vie d'adulte avec un futur grand, à mon crépuscule professionnel avec un homme brisé qui a tant compté pour moi !

Malade, fatigué, il vient présenter Io e Te, son dernier film au Festival de Cannes, en 2011 après 10 années de silence. Dans une chaise roulante, j'approche le maître et retrouve son regard intense. Inoubliable rencontre à l'aube de ma vie d'adulte avec un futur grand, à mon crépuscule professionnel avec un homme brisé qui a tant compté pour moi !

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Festival du Film 2015 : 44 films... et moi, et moi, et moi !

Publié le par Bernard Oheix

Il n’aura pas plû sur Cannes en cette année 2015 ! C’est déjà un miracle ! Désormais, il reste une dernière montée du tapis rouge, celle fatidique des récompenses avec son corollaire, en ce jour de remise des Palmes, l’exercice de haute voltige des prédictions et des supputations, sport de tous les critiques en herbe, cinéphiles professionnels et autres monteurs de marches ! Oracles du cinéma, donnez moi la force aujourd’hui, du haut de mes 44 films, de m’offrir le plaisir divin de prévoir l’avenir !

J’aurais pu malgré tout, avant, vous parler des derniers jours avec nombre films passionnants...

Par exemple, Alias Maria, du Colombien Jose luis Rugeles Oracia, plongée hallucinée dans les maquis des FARC, où l’on s’aperçoit, une fois de plus, qu’il n’y a pas de guerre juste, et que chaque fois que les armes parlent, la raison s’éteint ! Masaan, de Neeraj Ghaywan est une comédie romantique indienne ancrée dans la réalité d’un monde dur, police corrompue, castes qui emprisonnent, codes rigides et tabou de la sexualité. Le destin d’une jeune femme qui tente de s’émanciper et d’un garçon qui veut s’élever au-dessus de sa condition vont se croiser au bout d’une longue route semée d’embuches. Magnifique et vibrant ! Dommage pour Le Trésor de Cornéliu Porumboiu (Roumanie) mais l’étirement des scènes et le manque de rigueur gâche une belle histoire et un talent naturel à l’humour.

L’humour, c’est dans un bijou injustement maltraité par le critique de Libération qu’on le trouvera dans A perfect day de Fernando Leon de Aranoa (Espagne). Une mission humanitaire à la fin de la guerre des Balkans tente d’apporter une aide aux populations serbes... Le drame et le rire, comme un cocktail funeste sur l’absurdité du conflit et l’incapacité des armées de l’ONU à remettre de l’ordre. Benicio Del Toro et Tim Robbins, formidables dans leurs rôles d’humanitaires professionnels désabusés confrontés aux démons de la bureaucratie et à la folie des dernières poches de résistance, naviguent en eaux troubles, celles d’un puit dans lequel un cadavre a été plongé et qu’ils tentent d’extraire avant que l’eau ne soit contaminée ! Jouissif, délirant et terriblement humain !

Il y a aussi Louise Bourgoin dans le magnifique rôle d’une paumée, dans Je suis un soldat de Laurent Larivière (France). Démarrant comme une satyre sociale, débouchant sur un polar autour de la traite des chiens, le film oscille sans réellement trouver son équilibre mais les acteurs portent à bout de bras ce projet ambitieux et réalisent une performance qui permet de nous tenir en haleine !

Mais voilà, le Palmarès de ce Festival qui pointe son nez à l’horizon ! Avec son lot d’incertitudes et de mystères.

Le film le plus fort, à mon goût, véritable coup de poing, est le Fils de Saul de Lazlo Nemes que je situe au niveau d’un Grand Prix Spécial du Jury. Pourquoi pas au sommet ? Parce que le sujet, la façon de le traiter et la désespérance qu’il véhicule ne me semble pas lui ouvrir les portes du paradis !

La Palme d’Or reviendra à Youth de Paolo Sorrentino. Extraordinaire performance des acteurs, scénario enlevé sur une réflexion libre sur la création, images en décalage, luxuriantes et baroques, techniquement parfait et dégageant une vraie émotion qui traverse le film comme un fil conducteur vers la sérénité et la mort. Variations permanentes qui, à la différence de ses précédentes oeuvres à mes yeux, sont en phase avec le propos et la volonté esthétique de créer de l’étrange dans un univers (un Spa de luxe dans les Alpes Suisse) aseptisé. A noter l’incroyable présence d’un «Pibe de Oro» plus vrai que nature et une pléiade de personnages «Félliniens». Il a tout pour emballer les frères Cohen !

Pour l’interprétation masculine, je rêve de voir le jury offrir à Vincent Lindon la consécration. Pour lui d’abord, cet acteur si présent, pour les choix de sa carrière, pour sa composition dans un chef d’oeuvre social, La loi du marché de Stéphane Brizé qui mériterait d’être palmé mais dont le format et le genre ne devrait pas trouver grâce. Plongée dans l’univers hyper réaliste d’un chômeur et dans les réponses d’un système à bout de souffle, Vincent Lindon se retrouve vigile dans un supermarché... Que nos hommes politiques et nos capitaines d’industrie aux salaires indécents et aux retraites mirifiques soient obligés de le visionner serait une mission de salut public !

On aurait pu, ces prix d’interprétation, les offrir à Gérard Depardieu et à Isabelle Huppert pour Valley of Love de Guillaume Nicloux. Mais c’est plutôt dans la catégorie prix du jury que l’on devrait retrouver cette superbe balade dans le cadre mystique de la Vallée de la Mort. Errance autour d’un fils mort qui donne rendez-vous à ses parents par delà l’au-delà… l’idée originale tient la distance et va jusqu’à son dénouement sans tomber dans le «christique» ou le bazar d’une bondieuserie de pacotille !

Voilà donc pour résumer et sans marc de café :

Palme d’Or : Youth de Paolo Sorrentino

Grand Prix Spécial du Jury : Le fils de Saul de Lazlo Nemes

Prix de la Mise en Scène : Le Conte des Contes de Matteo Garrone

Prix du Jury : Valley of love de Guillaume Nicloux

Interprétation Masculine Vincent Lindon

Reste à caser un accessit à Mia Madre de Ninno Moretti…. mais cela ferait 3 italiens au Palmarès, du 100%, du jamais vu… et pourquoi pas !

Et ce, nonobstant que je n’ai pas vu Carol de Todd Haynes avec un prix d’interprétation féminine à la clef ou plus si affinités !

Au jury de me donner raison, dans quelques heures !

Sinon, on ne peut terminer ce dernier article sur le Festival de Cannes 2015 sans parler des tics et des tocs des réalisateurs. En cette 68ème édition, les oiseaux ont souvent poussé de stridentes trilles venant percer les bandes-son et ce, d’autant plus, que ce fut l’avènement des «diamants sous canopée»...Innombrables plans de couvertures végétales en toutes saisons avec invariablement un soleil ou une lune pour percer le tissu arboré des branches.

L’Art Culinaire a rejoint le 7ème Art. La cuisine à joué un rôle primordial dans de très nombreuses pellicules et les bons petit plats ont servi de grands plans ! Les lieux d’enfermement ont été largement diffusés au service d’une jeunesse en délicatesse. Les animaux (moutons, béliers, chevaux, chiens et autres félins) ont servi la cause des hommes de bonnes volontés trop souvent pendus à leurs smartphones....

Enfin, si la production française était de grande qualité, en général, nombre de ses films mériteraient qu’un soin plus important soit porté à leurs scénarii... Il y a malheureusement un problème récurrent de construction filmique qui les empêchent d’arriver à l’excellence. La confusion des genres et le sacro-saint pouvoir du réalisateur sur le scénariste... qui sont souvent les mêmes en l’occurence, expliquerait cette difficulté pour l’homme du cut final à partager son pouvoir avec un censeur potentiel de l’histoire ! Un peu de rigueur que diantre !

Et aujourd’hui, pour mon ultime film, Office de Hong Won-Chan, à potron-minet, m’aura permis de goûter aux joies simples d’une méga-entreprise Coréenne, avec employés maltraités, stagiaires rudoyés, directeur stressé et bains de sang en apothéose pour un règlement de compte à OK Dollars avec courbe de ventes inversement proportionnelle à la monté de l’adrénaline chez la tueuse. Vive nos petites entreprises et rendez-vous tout à l’heure devant votre poste de télévision pour un vrai palmarès !

En attendant le Festival 2016 !

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Festival du Film 2015 : 28ème film !

Publié le par Bernard Oheix

Le festival dans son rythme de croisière... 28 films et déjà l’heure des bilans et des interrogations... Mais de cela, on en parlera dans un prochain article et tout de suite, mosaïque d’images et de commentaires à chaud, sans filets !

Deux frères éleveurs vivent côte à côte mais ne se parlent plus depuis 40 ans ! La maladie de la «tremblante» va les obliger à abattre leurs troupeaux et leur permettra de se retrouver. C’est le «pitch» d’un petit bijoux Islandais de Grimur Hâkonarson, Rams où les acteurs et la réalisation sont parfaits. Où l'on voit que l'éleveur est attaché à ses bêtes et qu'il fera tout pour en sauver quelques unes dans une nature belle et hostile !

Mia Madre de Nanni Moretti n’est sans doute pas la plus belle de ses oeuvres... Mais même un Moretti moyen reste un film passionnant. Une femme réalisatrice de film social engagé, avec un John Turturo cabotinant à souhait, accompagne, en même temps que l’accouchement douloureux de son film, les derniers moments de sa mère mourante. Palmarès à l’horizon... mais à quelle hauteur !

Amy de Asif Kapadia est un documentaire passionnant sur la vie d’Amy Winehouse morte à 28 ans d’excès et d’usure au zénith de sa carrière. A l’évidence, ce film démontre que cette génération est filmée depuis son plus jeune âge, qu’il existe désormais des traces de tous les moments de la vie, par le biais des minis caméras, des téléphones portables... la masse d’images emmagasinées est colossale ce qui permet d’assister de l’intérieur à la descente aux enfers d’une artiste que l’on découvre dans ses failles et son humanité blessée. La traque incessante des médias anglais par l’odeur du scandale annoncé jette un linceul sur toutes ses velléités de sortir du piège de la drogue et de l’amour dans lesquels elle s’est perdue... accompagné d’un père à la personnalité ambigüe ! Un excellent film documentaire, qui à travers le cas d’Amy, dévoile tous les ressorts glauques du show bizz et sa course effrénée aux profits.

Nahid de Ida Panashandeh est une confirmation de plus de la qualité du cinéma Iranien, de son inventivité et de la place fondamentale des femmes dans une société qui aliène leurs droits les plus élémentaires. Dans le code familial Iranien, c’est le père qui est dépositaire du droit des enfants... même si c’est un drogué délinquant ! Une femme (Nahid) va lutter contre son mari pour garder son enfant et reconquérir sa vie amoureuse dans une société machiste (rôle de son frère !). Ce film dévoile toute l’ambigüité de la société Iranienne figée dans des codes désuets mais où la vie s’exprime avec une force et une énergie incroyable par le biais d’une femme luttant pour sa vie et son avenir ! A noter l’option légale d’un «mariage temporaire», même à répétition !!!

Mon Roi de Maïwenn était attendu avec impatience après le «Polisse» qui avait embrasé La Croisette. Contrairement aux avis négatifs de la critique, c’est un beau et émouvant film dont on ne peut que regretter quelques longueurs et boucles redondantes (problème d’écriture récurrent apparement au sein de la délégation filmique Française...mais de cela, on en reparlera !). Vincent Cassel en séducteur manipulateur et Emmanuelle Bercot en amoureuse qui ne peut se libérer de son emprise sont parfaits et illuminent les plus beaux moments du film dans le bonheur comme dans le désespoir.

Vers l’autre rive du japonais Kiyoshi Kurosawa est un film étrange, flirtant avec le fantastique, sans pathos ni excès de religion. Un mort revient auprès de sa femme afin de terminer ce qu’il avait à faire. Nous apprenons ainsi que parmi les vivants, certains errent sans trouver la sortie vers l’au-delà et risquent de se perdre. Ballade douce amère au parfum Bunuelien.

Enfin, un des plus beaux coups de coeur de ce Festival, un film pétillant et étincelant, chargé d’énergie positive et qui pose (une nouvelle fois !) la place des femmes dans une société patriarcale dominée par la religion musulmane. 5 jeunes filles, soeurs orphelines, sont élevées par une grand-mère et un oncle. Leur liberté d’adolescentes sera enfermée derrière une véritable muraille et la famille décidera de les marier au plus vite afin d’évacuer le problème de leur émancipation. Mariages arrangées, unions forcées, jusqu’au suicide de l’une d’entre-elle et à la fuite des deux dernières vers Istambul et la modernité ! Le film respire l’ivresse de la révolte et les personnages savoureux de cette fresque familiale en disent bien plus que nombre de thèses sur la place des femmes dans la société archaïque. Mustang de la réalisatrice Deniz Gamze Erguven nous dévoile une société Turque dans toute sa complexité et offre un espoir à ceux qui veulent enfermer les femmes dans un corset de codes et de religion. C’est un véritable printemps bien loin de l’hiver "cinéphilique" convenu de l’an dernier !

Voilà, des coups de coeur, des films qui font réfléchir et rêver, ces images qui se télescopent en une chaîne ininterrompue d’espoirs et de luttes. Le Cinéma c’est cela aussi et surtout, une fenêtre sur le monde pour mieux le comprendre et le transformer, pour mieux aimer les femmes et les hommes !

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Festival du Film, 2015... 2ème livraison !

Publié le par Bernard Oheix

Ô désespoir, Ô rage ! Ô Mad Max ! On espérait retrouver ses racines originelles, toujours aussi fou et torturé dans un monde carbonisé par la haine. Las ! Plongé dans un amusement pour gamin « acnéïque », gigantesque tarte à la chantilly sans saveur ni intelligence, juste un excès de testostérone dans un salmigondis de religion païenne et de destruction de véhicules tous plus improbables les uns que les autres… jusqu’à l’overdose d’un néant de sable dans lequel le réalisateur se noie sans rémission ! Bon, cela m’apprendra à rêver de mes émotions d’antan !

Heureusement, il y a les films du 7ème Art, ceux fait pour des spectateurs sensés être normalement constitués, et de ce point de vue, ce week-end du 16 et 17 mai 2015 aura été un moment de cinéphilie intense !

Touch de Christopher Hougton (Australie) est un bon thriller mâtiné de 6ème sens, et L’étage du dessous de Radu Muntean (Roumanie), l’habituelle chronique sociale douce amère sur un thème important… la volonté de ne pas se mêler des affaires des autres, jusqu’au remord qui ronge ! Plus percutant, le passionnant film Argentin de Santiago Mitre, Paulina. Une jeune et brillante avocate décide d’aller enseigner les principes démocratiques dans une mission à Posadas, région du Nord de l’Argentine, contre l’avis de son père, un ex-révolutionnaire devenu juge. Violée par des jeunes, elle décidera de garder l’enfant comme un symbole de cette réalité qu’elle veut mais ne peut transformer.

Ann de Naomi Kawase est un film émouvant et une belle confirmation pour la prolixe réalisatrice japonaise de Still the Water. Un homme, Sentaro, blessé et triste, gère un snack qui propose des « doriyakis », sorte de galette aux haricots confis. Tokue, une septuagénaire lépreuse, va se faire embaucher et lui apprendre la recette authentique des « doriyakis ». Une amitié étrange les relie et il retrouvera alors la fierté et l’amour de la vie !

Le Conte des Contes de Matteo Garrone est une « fantasmagorie » mixant trois histoires entre l’épopée médiévale et le conte magique. 3 royaumes, des animaux fantastiques, une magie bien présente, des acteurs truculents, des décors sublimes, une vraie plongée dans un monde onirique, magnifiquement mis en scène… Il y a du Pasolini du Décaméron dans cette fable grivoise…Bon, pourquoi parlent-ils tous en anglais…faudra m’expliquer et c’est dommage, tant l’italien aurait chanter à nos oreilles !

Les Chaises musicales, de Marie Belhomme, en avant-première, est une aimable comédie avec Isabelle Carré tentant de sauver une réalisation manquant d’inspiration !

Ni le ciel, ni la terre de Clément Cogitorre avec un Jeremy Régnier magique, aurait pu être un grand film si son approche passionnante (la disparition physique mystérieuse de 4 soldats Français) avait débouché sur une résolution autre que le mystère et la proposition mystique ! Le huis clos de la guerre des hommes et le rapport aux autochtones restent un angle particulièrement fort de ce film attachant et surprenant.

Trois souvenirs de ma jeunesse de Arnaud Despleschin, peut nous irriter à cause d’une construction et d’une ligne directrice défaillante… Pourquoi 3 souvenirs ? Le dernier aurait suffit largement à justifier le film et ce d’autant plus que les deux premiers induisent des pistes qui semblent largement inexploitées et inutiles… Reste une magnifique histoire d’amour adolescente au charme vénéneux sur 1h30 !

Le Fils de Saul de Laszlo Nemes (Hongrie) sera mon premier vrai coup de coeur… un coup au plexus aussi, tant cette histoire qui se déroule dans un camp de concentration est à la limite du soutenable, par le sujet d’abord, un membre des « sondercommando » chargés de l’exécution et de « ramassage » des milliers de juifs qui débarquent pour être gazés, eux-mêmes condamnés en sursis, mais aussi par le traitement filmique et sonore de la pellicule. A hauteur d’épaule du protagoniste, sans cesse en mouvements parce que s’arrêter serait mourrir, phagocyté par les bribes de dialogues incessantes d’un monde à l’agonie où tout est horreur, le film dérobe avec pudeur la vision clinique des monceaux de cadavres, rendant encore plus explicite cette barbarie méthodique et organisée où le rendement est indispensable, où les « sujets » sont des dépouilles à faire disparaître. La tentative de révolte sera brisée mais des traces de cette holocauste seront à jamais inscrite dans l’histoire de l’inhumanité !

Un film salutaire à l’heure du déchaînement des forces sombres qui traversent notre société !

Voilà, j’attaque mon 20ème film…mais les Festivaliers cinéphiles ont envahi La Bocca et les files d’attentes grandissent comme notre impatience à partager l’écran de nos fantasmes ! Faut s’y faire même si rien ne sert de vociférer ! Cannes est bien le centre d’un monde de l’image avec ses lois et ses règles sans merci qui nous conduisent, après 1 heure d’attente à être refoulé au dernier moment par manque de places ! Dur, dur d’être un festivalier de base !

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Clip Départ ! Festival de Cannes (1)

Publié le par Bernard Oheix

Et la grande foire mondiale de l’image 2015 est donc lancée, un 68ème Festival, mon 38ème personnellement... J’ai tout vécu des diverses façons d’assister aux séances : invitations quémandées, portes dérobées, fausses cartes de presse, contrefaçon des billets...à l’époque où en maîtrise de Cinéma, rien ne pouvait arrêter les étudiants de l’Université de Nice dévoreurs de pellicule que nous étions ! Et puis il y a eu à partir de 1996 mon retour sur la Côte d’Azur après un exil doré à la MJC de Bourg en Bresse, jusqu’à ce poste de Directeur de l’Evénementiel au Palais des Festivals à partir de 2001 m’autorisant une certaine (relative) liberté... plus besoin de tricher !

Désormais, avec la retraite en chantant que j’ai décidé de prendre, c’est comme un cinéphile de base avec son badge autour du cou que je vis le Festival du Film de Cannes, avec ses cohortes de files d’attente, les discussions dans les queues avec des inconnus cinéphiles, les échanges d’information et les tuyaux sur les films à ne manquer sous aucun prétexte... Un mixte entre d’insupportables contraintes et le divin plaisir toujours renouvelé d’une extase !

Ma dernière montée des marches sur le tapis rouge remonte à 10 ans environ, et je ne le regrette pas, tenue de soirée, noeud papillon, si loin à mes yeux des 24 image/seconde dont les 24 marches de l’escalier mythique sont le symbole...Ma réalité c’est la cinéphile, la vraie, celle qui m’autorise à voir les films en continu dans une salle de La Bocca, un quartier de Cannes, à l’Ouest de la Croisette, sans forcément choisir, acceptant d’être surpris ou déçu, ingérant les milliers de kms qui séparent un réalisateur Australien d’un Vénézuélien, un Chinois d’un Turc, même si à chaque édition, quelques thèmes, quelques tics, des références étranges viennent percuter notre conscience, comme si les cinéastes se donnaient étrangement la main à l’heure de concevoir leur oeuvre dans le creuset de leur culture ! Quels seront ces thèmes... réponse dans une trentaine de films même si la dizaine que j’ai déjà regardés me donnent d’ores et déjà quelques indications (les jeunes et la délinquance, les lieux d’enfermement... à vérifier !)

En pré-ouverture, Christina Noble, nonobstant la noblesse du sujet (une irlandaise part sauver des enfants des rues au Viet-Nam et créer des dizaines de centres d’accueil dans le monde) est un film sans relief, trop convenu, manquant d’un regard mordant bien loin de la complaisance !

C’est donc avec le film d’ouverture, La tête haute d’Emmanuelle Bercot que les premières émotions jaillissent ! Un beau film grave, porté par des acteurs sublimes, sur un jeune qui, de 6 ans à 18 ans, sera encadré par des éducateurs et une juge pour enfants tentant de le sauver de lui-même et de la violence qui le dévaste ! A l’heure où les cris d’orfraies de ceux qui voudraient toujours plus de sanctions exemplaires et vilipendent une justice dite laxiste, ce film retrace fidèlement le chemin de rédemption d’un enfant perdu, coincé entre une mère aimante mais désaxée, l’absence du père, et l’impossibilité du rêve d’un futur. Il montre que le pardon et la 2ème chance sont indispensables pour guérir, il trace un chemin original entre le poing fermé et la main ouverte !

Rafale d’oeuvres du Cinéma des Antipodes à l’occasion du Festival Cannes séniors et un magnifique Healing de Graig Monahan (Australie) qui aura le Grand Prix. Sur un thème qui rejoint celui de Bercot (lieu d’enfermement pour adultes, semi liberté et 2ème chance), Viktor, un meurtrier, retrouvera sa place dans la société et le coeur de son fils grâce au efforts de gardiens éducateurs et d’un programme de réinsertion qui lui permet de gérer une volière de rapaces.

Tabula Rasa de Adryanto Dewo (Indonésie) et White Lies de Dana Rotberg (Nouvelle Zélande) proposent deux films originaux aux émotions «exotiques» mais à l’immense humanité. Dans le premier, un aborigène Papou recruté pour son talent de footballeur sur son île, se retrouve dans les rues de Djakarta après un accident à la cheville qui brise sa carrière. Il se reconstruira grâce à une rencontre avec une femme qui lui donnera sa chance et à l’art culinaire dont il deviendra un maître. Dans le second, après le massacre de ses parents par des colons blancs au début du siècle dernier, une native devient un «marabout» et maintient les traditions de son peuple... Contacté par la servante d’une riche colon, elle découvrira que c’est une fille de son peuple que sa mère a «blanchit» afin de lui offrir un monde meilleur. La naissance d’une enfant lui offrira une descendance et permettra la transmission de son savoir !

On peut passer alors sur le scabreux soft de My Mistress de Stephen Lance (Australie) avec une Emmanuelle Béart en maitresse Sado-maso (!!!) et sur Ewerything We Loved de Max Currie (Nouvelle Zélande) ou le rapt par un couple d’un enfant vivant afin de remplacer un enfant mort aurait mérité un traitement plus nerveux et tendu...

Reste pour conclure cette première rafale de films, celui de la Semaine de la Critique (1er ou 2ème film) Sleeping Giant d’Andrew Cividino (Canada) nous montre l’errance d’un adolescent en vacances, perdu dans sa découverte de la sexualité et les rapports avec deux jeunes flirtant avec la délinquance et les défis physiques. Film fort intéressant, à la thématique puissante, qui s’étire parfois et manque de reliefs pour convaincre totalement !

Voilà, mon dixième film sera le Mad Max...Bien loin du Cinéma D’Auteurs mais si proche de nos émotions de grands enfants ! Rendez-vous donc très bientôt pour de nouveaux commentaires en direct !

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Festival du Film Panafricain de Cannes

Publié le par Bernard Oheix

Cette année, Basile Ngangue Ebelle, le président fondateur, animateur, coursier et autre VRP multicartes du Festival m’a demandé d’intégrer le jury... Un honneur de participer à l’aventure de ce Festival qui contre vents et marées, montre le chemin d’une authentique prise de conscience du cinéma panafricain et trace les voies de sa reconnaissance et de son développement à l’international.

Dans le jury, sous la responsabilité de la Présidente Stephanie Girerd, dite «Mobutu women», la réalisatrice de l’excellent «L’Africaine», prix du public 2014, et qui su s’imposer, contrairement à son surnom, avec beaucoup de finesse et de doigté pour canaliser les énergies des membres de son jury haut en couleurs... Une productrice belle comme un soleil, Nadia Tamo, une réalisatrice camerounaise, l’énergique et volcanique Françoise Ellong dont le dernier film Waka truste d’innombrables récompenses dans les Festivals d’Afrique, l’élégant Glag Amog Lemra le réalisateur congolais de «Entre le marteau et l’enclume» dont je dis tout le bien que je pensais dans mon article sur la précédente édition, une réalisateur congolais Tima Ouamba, son story-bord sous forme de BD sous le bras (Le mystère de la terre pourpre) en recherche de producteur et un béninois débonnaire, Ayékoro Kossou, excellent réalisateur de courts métrage au sourire enjôleur (son documentaire sur le handicap au Bénin est un magnifique hommage à la prise de conscience et au dévouement de ceux qui traitent le problème dans une société qui à peur de la maladie !).

Repas en commun (poulet yassa et poissons braisés au riz pimenté, bananes planteurs), visionnement de films en continue, discussions et débats parfois toniques, petits verres de vin au bar convivial de cet hôtel dans lequel le Festival se déroule et où se brasse des idées, des échanges, des confrontations sur ces cultures si diverses qui composent l’arc en ciel d’une Afrique plurielle et de ses descendants, essaimé sur les chemins de l’esclavage et d’une diaspora trop souvent chassée par la misère, recréant un petit monde de paix dans une société trop souvent déchirée !

Et si la culture était ce «chaînon manquant» dont l’absence se fait cruellement sentir entre les nations et les races ?

Et si nous pouvions démontrer qu’entre nos différences, gisent des trésors d’humanité qu’il est indispensable de conserver, et que le chemin le plus direct entre les êtres humains réside bien dans l’acceptation de l’autre !

Au menu du festival, près de 40 films réparties en 3 catégories, court-métrages, documentaires et fictions… Une orgie d’images à ingérer en quelques 3 jours afin de remettre les Dikalo d’Or (l’Appel), la récompense suprême attribuée par le jury à la cérémonie de clôture.

Dans la catégorie des Courts, 3 films se sont détachés. Le prix a été remporté par Sketch de Stéphane Barton. Un petit bijou sur un jeune plus ou moins autiste, doué d’un talent de dessinateur qui lui permettra de démêler l’enlèvement d’une jeune fille grâce à un dessein. Narration nerveuse, cadre précis, interprétation remarquable…tout était réuni pour qu’il s’impose. Deux autres films sont à noter, The Double Deal, de Mark Holden où un « addict » au poker, sombre dans le jeu jusqu’à avoir un accident et se présenter devant Dieu qui lui propose de jouer son retour à la vie sur un coup de cartes ! Jouissif malgré la morale un peu convenue du « happy end », ce qui n’est pas le cas de l’horrifique For Dinner de Jeffrey Williams, où pour se venger de sa femme devenue lesbienne et qui a voulu le quitter, un homme passe des petites annonces sur internet et mijote ses victimes féminines en bons petits plats pour les servir en diner à sa femme captive !

Dans la série des documentaires, de nombreux films passionnants et instructifs. Poverty, inc. de Mark Weber est une charge contre tous les systèmes de soutiens à la pauvreté par les pays riches. Des cargaisons de riz qui ruinent les agriculteurs locaux, des oeufs distribués qui démontent les filières ovines.. avec à chaque fois l’exode des nouveaux chômeurs vers des capitales aux bidonvilles tentaculaires, de l’argent qui s’évapore dans les classes dirigeantes… Même l’action des biens pensants (Bono…) qui est scruté et analysé avec ses effets pervers ! Une charge salutaire qui démontre à l’évidence le « business » de la charité et les méthodes de cette nouvelle colonisation des pays pauvres. I love Kuduro de Marion Petrocino est le portrait, dans une Angola en pleine guerre civile, de ces jeunes musiciens et danseurs qui échappent au temps en fusionnant la House et la Techno avec les rythmes traditionnels angolais en un Kuduro (littéralement, le cul dur) qui emporte tout sur son passage et fera oublier les drames de la guerre ! Mais le Dikalo sera attribué à Camp 72 de Seema Mathur pour son poignant témoignage sur l’horreur de la guerre civile au Libéria et sur la nécessaire réconciliation entre les bourreaux et les victimes. A partir des travaux d’un tribunal de la réconciliation et de ses préconisations toujours pas respectées par le pouvoir politique, des témoins racontent l’horreur au quotidien, les bourreaux voisins, l’inhumanité et la barbarie… pendant que certains anciens chefs sont toujours des hommes politiques, sénateurs et autres, en contradiction avec les propositions de la Commission de la Réconciliation. Un exercice salutaire de mémoire à l’heure où tant de pays se déchirent et où les forces du mal (viols et esclavages des femmes, asservissements des populations, victimes civiles et intégrismes divers !) ont une dangereuse propension à se répandre à la surface de notre planète !

Enfin pour les longs métrages, si l’on excepte le film hors compétition fort attrayant, Njinga, Princesse d’Angola de Sergio Graciano (une fresque historique se déroulant au XVIIème siècle sur le combat et la rébellion d’une reine guerrière contre les envahisseurs portugais et hollandais), seuls deux films pouvaient prétendre au grand prix du jury. Dealer de Jean-Luc Herbulot est une plongée frénétique d’un homme qui « deale » de petites quantités de drogue et se retrouve piégé dans une grosse histoire, une journée de merde où tout se dérégle, tempo halluciné, excellence du jeu d’acteur, montage moderne… un polar « Gonzo » comme un coup de poing !

Le Dikalo d’Or et les Prix d’Interprétation masculine et féminine seront attribués à un drame romantique éthiopien Price of Love de Hermon Hailay. Un jeune chauffeur de taxi tombe amoureux d’une prostituée, réveillant un passé de douleurs et devenant un homme par le même occasion. Un final entre le happy end et le drame, un couple d’acteurs excellents, une technique soignée avec une image « bollywodienne » aux couleurs criardes, la dénonciation des rêves d’un départ pour l’ailleurs bien souvent revers de la prostitution et de l’esclavage des femmes… tous les ingrédients d’un film porteur d’espoir et dénonçant les miroirs de la vie.

Voilà. Une semaine de repos pour recharger les batteries et une autre manifestation nous attend, le Festival du Film de Cannes ! Mais dans celui-là, je ne serai pas jury, juste spectateur et mon objectif est de 35 films ! Cela me donnera un mois de mai à près de 70 toiles…Pas mal non !

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