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culture

Pantiero 2009

Publié le par Bernard Oheix

 

16 groupes, des dj’s en pagaille, des afters jusqu’à l’aube, le crû Pantiero allait-il résister à la déferlante des plages électroniques (12 000 spectateurs en moyenne par date !), à la création d’un Festival à Nice sur 4 jours, (2many DJ’s)…et à une offre qui s’est structurée depuis quelques années dans la région.

 

Jean-Marie Sevain, le Directeur artistique proposait deux jours à tonalité rock, une hip-hop et une clôture en électro pur et dur.

Sur les 4 jours, quelques belles pépites ont embrasé cette terrasse magique du Palais, suspendue au-dessus du vide, coincée entre le vieux port, la colline du Suquet et la baie de Cannes avec son arc de palaces flamboyants ceinturant l’horizon. 8000 personnes sont venues se plonger dans les délires sonores de ces groupes pas toujours connus en dehors de leur sphère d’initiés, avec une baisse sensible sur la journée hip-hop et le plein sur la dernière journée (3000 spectateurs).

 

Le 8 août.

Après The Chap dont il n’y a pas grand-chose à dire, Fujiya et Miyagi ont marqué par leur pop expérimentale, nimbée de claviers et d’électro, des boucles hypnotiques à la recherche d’un équilibre impossible, des nappes sonores élégantes se développant en harmonie pour imposer un groove psychédélique. Une belle prestation élégante et distancée.

ESG, l’événement annoncé de cette première soirée me laissera sur ma faim. Ces pionnières d’un punk-funk new-yorkais sont une tranche d’histoire de la musique contemporaine. Sur une trame lourde de batterie-percussions et de voix profondes, elles tentent de ressusciter le passé. Elles me paraissent datées, comme si nous assistions à une tranche d’histoire coupée du présent, un album sorti de notre mémoire pour nous souvenir du bon vieux temps (déjà !). Leur force iconoclaste originelle s’est diluée dans l’expérimentation moderne et l’appropriation de ce qui faisait leur force. Reste que les fans ont vibré.

La vraie surprise viendra d’une black déjantée, Ebony Bones. Superbe dans son accoutrement de couleurs vives, avec un groupe qui maîtrise parfaitement la scène, des costumes, des maquillages carnavalesques, un vrai show endiablé où l’énergie pure va se balader entre l’afro-beat, le punk, le funk pour emporter le public dans un délire totalement assumé. C’est une grande artiste qui vient de naître…un album, quelques concerts seulement mais déjà toute l’expérience et la finesse d’une artiste généreuse qui s’offre sans réserve au public. Un show vivifiant, tonique, esthétique où la musique roule comme des vagues d’énergie pure.

 

Le 9 août.

On attendait Naïve New Beaters…Malgré l’ordre de passage (ouvrir la soirée dans la clarté du jour !), Naïve en deux riffs de guitare s’est emparé d’un public au départ clairsemé pour ne plus le lâcher et donner un show de légende. Deux guitares et une machine multicartes vont faire saigner l’éther, remplir l’atmosphère de sons pénétrants comme des lames d’acier dans le public, montée d’adrénaline, pop-électro torturée, juste un pas devant le présent, à la limite des conventions qui implosent sous leur énergie et leur humour. Car le leader sait habilement jouer de son accent et de ses interventions pour s’attacher les présents et donner à l’obsession de ce son puissant la légèreté d’un moment de partage. Vive Naïve New Beaters, king of Pantiero.

Stuck In The Sound, pour honorable qu’ils furent, avaient la lourde tâche d’embrayer derrière ce show décapant…Il fallut attendre Kap Bambino pour retrouver le punch originel d’une musique hors-normes. Dans ce duo machine et voix, un zébulon blond monté sur des ressorts, une voix de tête à la limite de la déchirure, dans un jeu de scène paroxystique porte à incandescence le public médusé. Elle saute, bondit, s’égosille en un jeu évident de transe, soutenue par le son bas et gras d’un punk électro qui percute les sens. Faille dans le consensus ambiant, ce duo de Bordeaux est une pure révélation (pour moi !) et possède un jeu de scène d’une maturité étonnante malgré leur jeune âge !

Late of The Pier  arrivait pour conclure, précédé de la réputation d’un groupe dont on s’accorde à penser qu’il sera grand et créera l’évènement. Psitt ! Pompier, grandiloquent, avec des voix très inégales et une certaine naïveté dans l’approximation tant du jeu que de l’interprétation…Late a encore du temps (!!) pour progresser, on découvre leur jeunesse en live et si le CD est plutôt intéressant, le show laisse largement à désirer, dévoilant les faiblesses de ces gamins trop vite encensés ! Ils ont l’avenir pour eux, sauront-ils l’utiliser ? Réponse dans quelques années !

 

Le 10 août.

Soirée intégralement consacrée au hip-hop. Bon, ce n’est pas mon genre préféré mais depuis longtemps j’ai appris à ouvrir les oreilles et à abandonner mes préjugés. Disons-le, ce n’est pas ce 10 août qui m’ouvrira les portes des sensations extrêmes ! Kid Acne, Krazy Balhead font partie de la catégorie des hip-hopeurs hurleurs. Yo! Majesty, sans sa moitié perdue dans les brumes océanes, tente de meubler l’absence de sa comparse et s’époumone sans convaincre. Son funk (grotesque reprise de James Brown), son agitation et ses provocations tournent à vide. Lady Sovereign, sans son DJ (décidément, les duos ont tendance à perdre leur moitié !) laisse 10 mn la scène vide avec un show de lumières anémiques dans la musique d’une bande enregistrée avant d’entrer pour 40 mn pauvre et désespérante de vacuité !

Désolé messieurs et dames hip-hopeurs, on reviendra en 2ème semaine pour se persuader de la dimension extatique de cette musique venue des bas-fonds !

 

Le 11 août.

The oscillation. Dans une soirée consacrée au DJ’s panzer division, la présence de ce groupe au rock alternatif, aigre et incisif, avec des montées violentes comme des bourrasques sonores pouvait étonner. Ils assurent une belle introduction, vivante et métallique, avec un côté « can » au rock psychédélique, nostalgie empreinte de modernité.

Place donc à nos trois représentants d’un monde mécanique où la robotique crée l’illusion. Rebotini qui compose l’intégralité de ses sons en direct grâce à ses machines, offre un set gras et lourd passionnant. Son œuvre s’inscrit dans une tradition de musique concrète répétitive, des sons issus de la réalité pour être transformés en musique par leur intensité, leur fréquence, leur incessant enchâssement dans des trames fluctuantes. Il assure une vraie composition originale et permet le lancement tant attendu de la star Mr Oizo. Célèbre pour sa pub qui passe en boucle, animal au sang froid qui se dissimule pour mieux séduire, il va occuper l’espace avec tout son savoir-faire, une maestria pour passer de « samples » connus en plages originales hypnotisantes, cassant les rythmes, distordant les sons et imposant un univers personnel.

 Les 3000 fans ont chaviré depuis longtemps et derrière son mur de machines, Mr  Oizo mène parfaitement le jeu, faisant alterner les fréquences obsédantes avec la délicatesse de plages aériennes qui viennent comme des ponctuations éthérées.

Reste Erol Alkan, le dieu londonien, celui qui est sans conteste la star des grandes fêtes électro. En vieux routier habitué à son public, il va jongler avec toutes les musiques contemporaines, jouant sur tous les tableaux, déclenchant l’hystérie, décortiquant sans cesse les structures de chansons connues pour les rendre plus dynamiques, recréer à partir de la réalité une nouvelle composition originale, réinventant la musique originelle pour donner corps à la matière brute. C’est un opéra moderne en direct, une façon de prouver que l’on peut piller les musiques des autres tout en étant authentique, réinjectant de l’âme dans des œuvres connues. Son final sur Sting restera dans la mémoire de bien des spectateurs éblouis.

 

Voilà terminé le Pantiero 2009, par un vrai succès dans une édition mitigée. Les « afters » balbutiants, un soir un peu faible en assistance, quelques groupes hésitants, n’enlèvent rien à la richesse de cette manifestation atypique. Sur le toit du Palais des Festivals, entre les étoiles et la mer, le Suquet et les yatchs, pendant 4 jours, la modernité put s’exprimer au sein d’un écrin de conformité ! C’est cela aussi Cannes et la sélection du Directeur artistique, Jean-Marie Sevain, a au moins le mérite de sortir des sentiers battus et d’explorer les voies nouvelles de la musique de demain... il y a des pépites dans ces chemins de traverse !

 

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Deux morts et un enterrement !

Publié le par Bernard Oheix

 

Petit commentaire déposé sur le blog de David Lisnard écrivant sur la starification de Michael Jackson après son décés.


Divagations au petit matin !

« Dans le cas de notre ami M. Jackson, cher Président, vous évoquez sont statut de "starification" mais n'est-ce point plutôt de "scarification" dont il faut parler ? En quel cas, notre messie de la pop aurait offert son corps et son sang à l'élaboration de son propre mythe et d'une nouvelle religion dont ses fans seraient les apôtres ! En l'occurrence, la scène prendrait furieusement une allure de cène et son parc Neverland deviendrait un Eden épargné par le pêché originel ! »

 

La mort du roi de la pop m’a laissé étrangement indifférent. D’ailleurs, je me suis aperçu à cette occasion que je n’avais aucun CD de lui. Ce n’est qu’après les nombreux reportages entrevus à la télévision et les articles de Libé et du Monde que le personnage a pris une certaine épaisseur pour moi. Son rapport aux « fans », sa disponibilité et la gentillesse de sa sécurité, (vérifiée à l’occasion de sa prise d’empreintes par ma collaboratrice Nadine S. lors de la présentation de son clip au Festival du Film) n’étaient pas qu’une légende. Sa trajectoire d’enfant prodige en star momifiée par un culte planétaire n’obère en rien la part d’ombre d’un personnage lunaire. Qu’en est-il exactement de ce passé de soufre qui brouille une image colorée ? Le rapport à la teinte de sa peau qui mène à cet étrange paradoxe que l’emblème des blacks américains tentait désespérément de se blanchir en gommant sa couleur d’origine, la monstruosité de ses masques mortuaires dérobant son visage aux photographes, son nez sans cesse « retaillé » aspirant le regard de son trou noir, ses enfants engendrés dans la froideur d’une mécanique même si son amour paternel ne semble point discutable…Mais le reste aussi, les nuits dérobées d’enfants perdus, mythe ou réalité ? L’histoire ne tranchera jamais, mais il reste les traces de ses spectacles, les galettes d’un son brut, cette silhouette étonnante de grâce virevoltante en échappant à la pesanteur, ce sens de la scène et de la musique qui en font un des personnages fondamentaux de l’univers musical de la fin du XXe siècle ! Sa disparition brutale, apte à générer toutes les rumeurs, entretiendra sa légende et lui permettra de se retrouver aux côtés des James Dean, John Lennon et autre Hendrix foudroyés en plein soleil pour l’immortalité !

Que dire alors de cette cérémonie mondialement diffusée où l’improbable côtoyait le mauvais goût, le génie, l’à-peu-près, où un Dieu si typiquement invoqué par les américains, dispensait ses bienfaits en larmes dégoulinantes cascadant de bouches éplorées, où les voix s’époumonaient à tenter de monter dans l’azur afin que les présents récupèrent un peu de la gloire du disparu…Facticité d’un clan artificiellement reconstitué, d’un père honni devenu le géniteur d’un dieu mort ? Rien sans doute, si ce n’est que l’authentique tristesse de certains ne pouvait que se heurter à la réalité d’un monde où la mort affronte au quotidien les indéfinissables, les sans-grades, les mères et les enfants qu’une faux vengeresse décapite allégrement aux sons des tubes de Michael Jackson que la radio déverse en flots tumultueux !

 

Par contre, j’ai été choqué par la disparition soudaine de la grande chorégraphe Pina Bausch. Je me souviens encore en 1984, au TNP de Villeurbanne, de la seule et unique fois où j’ai vu une de ses pièces en live. Je me rappelle vaguement de danseuses et danseurs vêtus de tenues sans forme en train de se jeter sur des parois de bois délimitant la scène, d’une musique assourdissante et d’une émotion naissant de l’enchevêtrement des corps et de la rythmique d’un mouvement paroxystique, sans fin. Après Béjart en Avignon en 1969, Pina Bausch en 1984 m’a transmis une idée de la Danse sans frontières ni limites, comme une bouffée d’air pur dans le conformisme d’un académisme qu’elle faisait voler en éclats. Mon imaginaire chorégraphique s’est structuré autour de ces deux repères.

Je n’aurai plus l’occasion de la voir. C’est une grande perte pour le monde des idées et de l’art. Depuis 10 ans, je suppliais Yorgos Loukos, le Directeur artistique du Festival de Danse de Cannes que j’organise, de monter un projet avec elle et de la programmer, et ce d’autant plus, qu’il la connaissait personnellement. Ce n’était pas chose aisée mais j’avais bon espoir…je l’ai perdu définitivement cet espoir de croiser son chemin et de partager un moment de sa magie, je le regrette infiniment !

Il reste le mystère d’une femme morte en cinq jours d’un cancer inconnu. Les rares éloges d’un monde frileux ne l’empêcheront point d’accéder au Panthéon des vraies célébrités, celles que l’histoire grave dans ses pages en lettres d’or. Tant d’autres disparaîtront à jamais du grand livre des femmes et hommes qui ont transformé le monde des certitudes…que le temps n’usera point son aura mystique. Elle échappait aux règles, aux normes, n’était jamais où on l’attendait, toujours dans cet univers si particulier de bruit et de fureur qui fait que le silence de sa disparition devient assourdissant. Elle posait inlassablement des questions et ces questions resteront ouvertes à jamais de par sa disparition…si rapide, trop tôt.

Il est toujours trop tôt pour que la lumière s’éteigne !

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A l'heure du palmarès...

Publié le par Bernard Oheix

Festival du Film (3)

 

32 films visionnés. 15 de la compétition officielle,  6 d’Un Certain Regard, 4 de la Quinzaine des Réalisateurs et les autres répartis entre la Semaine de la Critique, le Cinéma des Antipodes et des séances spéciales.

Globalement cela représente environ plus de 55 heures de films auxquelles il faut rajouter mon travail de directeur de l’évènementiel (en version light !), des rencontres et réunions à entretenir avec des relations du cinéma ou du spectacle… et 16 personnes à la maison en train de dormir, de ripailler et d’ingérer des films à haute dose en se croisant dans une joyeuse panique pour des commentaires enflammés dans le jardin, sous les bananiers, à l’heure où blanchit la campagne !

En contrepoint, on peut, pour l’anecdote, dénombrer 18 parties de rami corse et 12 de dominos entre les séances, qui m’ont rapporté la modique somme de 32,75 € et l’ingestion d’un nombre incalculable de mes bonnes bouteilles (ils avaient trouvé la cachette !).

Et le cinéma dans tout cela ?

 

Disons-le un fois pour toute : c’était un grand crû, une année d’exception, peu de nectar bouchonné, je ne suis sorti qu’une fois de la salle. En corollaire, cela veut dire, énormément de bonnes surprises, des films intelligents qui font honneur au 7ème Art, des problématiques fortes avec des réflexions pertinentes, des mises en scène fortes, un jeu d’acteurs brillant et surtout des scénarii très riches. Vive le cinéma donc et en avant pour une petite revue de circonstance !

 

Dans la compétition.

Les déceptions proviennent essentiellement de l’Asie (Johnnie To avec Johnny premier), Lou Ye (Nuit d’Ivresse Printanière) et Park Chan-Wook (Thirst, ceci est mon sang…). Pour le reste, même s’il fallait parfois s’accrocher, la compétition offrait de belles opportunités pour un cinéphile prêt à franchir la ligne d’horizon des deux heures de projection.

Les « panzers divisions » annoncés ont été quelque peu en retraits ( Almodovar et  Tarentino) dont leurs ultimes opus, tout en restant fort intéressants, ne sont pas au top de leur filmographie. Trop Almodovarien (l’intégralité de son alphabet y passe !) pour Les Etreintes Brisées qui semble un collage de tout ce qui a constitué son fond de commerce et porte l’handicap de s’exposer comme sa propre marque, où trop Tarentinesque pour Inglorious Bastards avec un Brad P qui en fait à la pelle et le sentiment d’un moteur patinant dans la  choucroute allemande pour cette sombre variation d’une guerre à  la guerre qui assume son ignominie en perdant un peu de son énergie débridée…

Une des grandes satisfactions de ce festival provient du contingent français (cocorico !). A l’Origine de Xavier Giannoli est un excellent film social bourré de bons sentiments. Cluzet y est remarquable dans le rôle de ce petit arnaqueur piégé à son propre jeu et qui devient le sauveur d’une région contre le système économique des groupes financiers et industriels qui dépossèdent les habitants de leur travail et de leur fierté. C’est Zorro contre les grands décideurs d’une économie qui oublie la réalité de la vie des individus. Applaudissements nourris dans la salle en résonance à cette période troublée.

Dans un tout autre registre, Gaspar Noé avec sa caméra épileptique de Soudain le Vide nous entraîne dans les abysses d’une ténébreuse histoire où la mort n’est qu’une étape vers la réincarnation. Un petit dealer amoureux de sa sœur meurt d’une balle et, prenant de la hauteur, va tenter de revenir se nicher auprès d’elle (en elle plus exactement !). C’est frénétique, parfois redondant, trop sophistiqué comme si le réalisateur ne pouvait se cadrer et dompter toute sa puissance créatrice… mais c’est aussi une véritable performance, avec des images qui alternent le réalisme et le travail graphique, des effets surprenants sur la lumière et les mouvement de caméras. On peut garantir les discussions indispensables au final pour tenter de le décrypter ! Un prix spécial du jury serait une récompense logique pour ce travail d’extraterrestre !

Reste le bijou d’Un Prophète de Jacques Audiard. Un prix assurément, l’interprétation par exemple pour Tahar Rahim ou pour la mise en scène qui fait reculer les limites de ces murs dans lequel notre petit malfrat va survivre avant de pouvoir s’épanouir en devenant un caïd formé à l’école des meilleurs truands.

Quand au Resnais, je ne l’ai malheureusement pas vu.

Formidable coup de cœur pour Ken Loach (Looking for Eric) qui non seulement assume son statut mais nous délivre un de ses plus beaux films. Entre la comédie sociale et la comédie tout court, dans une histoire découpée au cordeau où rien n’est en trop, des acteurs remarquables renvoient de la réalité vers le rêve et nous permettent de mieux lire le monde des petits, ces supporters de Manchester qui n’ont même plus l’argent pour aller au stade malgré leurs salaires de postier et se contentent de regarder le match à la télévision, au bar, tous ensemble. C’est bourré d’humanité, de fraternité…de bons et généreux sentiments, de tranches de vie agrémentées d’un inénarrable Eric Cantona qui se révèle grand acteur. Et comme le film se termine bien, en plus, et qu’il reconquiert le cœur de sa belle… Il sera au palmarès, c’est sûr !

Il faut citer Jane Campion égale à elle-même dans un film à costumes et à beaux sentiments, Andrea Arnold (Fish Tank), nerveux et poignant sur une adolescente en rupture, Elia Suleiman (The Time that remains), israélo-palestinien qui oscille entre Buster Keaton et Tati et délivre sa vision de l’histoire de son peuple à travers les vies de son père et de sa mère et un Bellocchio (Vincere) sur la maîtresse et le fils de Benito Mussolini. L’histoire officielle devra gommer leur existence afin de préserver l’homme d’état. La passion d’Ida ne pourra résister au pouvoir de son amant qui n’aura de cesse d’empêcher le scandale de surgir quitte à nier ces deux vies.

Reste les deux bijoux d’une sélection très riche. Sur ce que je pense d’Antichrist de Lars Von Trier vous pouvez vous reporter aux articles précédents. Michael Haneke compose Le Ruban Blanc comme une œuvre naturaliste toute en douceur, sans donner les clefs d’une histoire complexe qui doit trouver son sens chez le spectateur. Divers incidents surviennent dans un village rural type du début du XXème siècle et le film se termine en 1914, au début de la grande guerre. Ces dérèglements de la vie affectent tous les piliers de l’ordre social (un médecin, le baron propriétaire des terres et le pasteur de la communauté). Ils sont contés par le survivant, un instituteur, en voix off. Chacun de ces tenants de l’ordre social est gangrené de l’intérieur (le médecin est incestueux, la Baron un pantin cocu, le pasteur un tyran possédé par la hantise du mal). Même si cela n’est pas affirmé, les enfants du village sont les « damnés » responsables de ces incidents. Porteurs des vices des parents, ils préfigurent l’effondrement de toutes les valeurs et l’entrée dans la première guerre qui débouchera sur le nazisme. C’est magistral, jamais didactique, un film intelligent qui pose les problèmes sans répondre aux questions, qui ouvre les perspectives d’une lecture de la société allemande en train d’exploser. De l’infiniment petit à l’holocauste, il n’y avait qu’une lente érosion d’un monde en train de muter sans se prémunir contre ses propres démons. Malgré une certaine lenteur inutile, c’est du grand Haneke, et pour moi, la Palme d’Or naturelle d’une sélection extrêmement riche.

 

Les autres sélections.

 

En plus des films cités dans l’article précédent, deux bijoux terrifiant de violence intérieure. Daniel y Anna du Mexicain Michel Franco, s’appuie sur un fait réel. Le développement de la pornographie sur Internet pousse des gangsters à organiser des enlèvements de couples issues d’une même famille et à filmer leurs ébats sous la menace. Au Mexique, un frère et une sœur d’une famille aisée sont contraints à l’inceste. Libérés, ils vont tenter de survivre à ce cauchemar en taisant ce qui leur est arrivé. La sœur aînée, mieux armée, grâce à une psychologue, pourra dépasser ce drame. Le frère  adolescent, qui n’avait jamais fait l’amour et ne possède pas encore les clefs de la parole, plongera dans une dépression, dans un cycle pervers où tout devient absurde. Sans aucun voyeurisme, sans jamais s’exposer à utiliser le matériau brut de scènes atroces, le réalisateur fait ressentir l’horreur absolue de cette transgression ultime. C’est un film sur la violence qui ne montre pas la violence, il la fait exister à l’intérieur de chaque spectateur transformé en victime !

Une vie toute neuve de Lee Chang Dong sur un scénario de Oumie Lecomte (une Franco-Coréenne) montre la vie d’une petite fille brutalement abandonnée par son père dans un orphelinat catholique en Corée. Elle va l’attendre, persuadée de son retour…C’est poignant, déchirant, un conte sur l’abandon, autobiographique (on voit l’arrivée à Paris de la petite qui a été adoptée par des français !) mais sans pathos. Plusieurs histoires se croisent qui tissent entre ces enfants du désespoir, l’écheveau d’une humanité blessée. Un concurrent sérieux pour la caméra d’or !

Beaucoup d’émotions avec The Silent Army, du Néerlandais Jean Van de Velde, sur les enfants embrigadés dans l’armée et qui apprennent à devenir des bourreaux au prix de leur vie, jouets d’adultes à la conquête du pouvoir dans une géopolitique où les occidentaux sont à l’origine des maux et avivent les tensions en leur vendant des armes.

Reste une bonne comédie, Les Beaux Gosses, où l’art de se masturber sans que cela soit dramatique, (bien au contraire !), et qui campe une joyeuse bande d’adolescents perturbés par la « chose » dans un collège bien de chez nous et un magnifique film de  Denis Dercourt avec Vincent Pérez et Jérémie Renier, Demain dès l’Aube, confirmant la bonne qualité des films Français. Un pianiste célèbre, mal dans son couple, réintègre la maison de sa mère en phase terminale du cancer. Son frère passionné de jeux de rôle l’entraîne dans son univers des armées napoléoniennes. Bientôt, les frontières entre le présent et le passé vont s’effacer...Un drame magnifiquement filmé qui tient en haleine le public jusqu’à un dénouement particulièrement surprenant !

 

Voilà, beaucoup de films cités, mais aussi beaucoup de passion pour cette décade de tous les films, lucarne ouverte vers le monde extérieur. Des thèmes surnages (l’inceste cette année tenait la corde !), des techniques se ressemblent provenant de tous les continents (utilisation du bruitage en fond sonore), des scénarii, des cadrages, des couleurs…et toujours cette passion intacte des cinéphiles sans âge, ceux qui vont de salle en salle, de film en film, afin d’épuiser leur soif de découvertes et qui  pensent que le temps peut s’arrêter de défiler à 24 images seconde.

Je vous ai donné mes impressions, quelques minutes seulement avant le Palmarès. C’était un pari sur leur intelligence. Rendez-vous devant l’écran de télévision pour voir la remise de la Palme d’Or à Haneke et le prix spécial du Jury à Lars Von Trier avec un Ken Loach heureux de son prix du jury ! Non, mais !

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Une journée (bien) ordinaire

Publié le par Bernard Oheix

Festival du Film (2)

 

Réveil à 7 heures.  La tête dans le sac. La conjugaison du film coréen, Thirst, ceci est mon sang, une histoire de curé qui devient vampire et bondit comme un cabri en patinant dans la semoule imbibée du sang de ses victimes et du film chinois, Nuit d’ivresses printanière, où les acteurs passent leur temps à se sodomiser dans les couleurs crues de néons chargés de rappeler que la Chine est aussi un pays moderne, m’avaient quelque peu assommé pour ce lancement du Festival 2009 !

Une douche, la moto (650 bandit Suzuki), badge en oriflamme et par l’entrée des artistes, petit privilège d’un directeur, je pénètre dans la salle obscure en attendant que l’écran s’illumine pour mon premier film de la journée.

8h30  Vengeance. Johnnie To. Chine. (Compétition) Palais des Festivals.

Je m’installe dans un des fauteuils rouge de la grande salle pour les presque 2 heures d’un show réunissant les 2 Johnny (le To et le Halliday). Dur, dur…  lunettes noires optic 2000 comme les flingues dégainés dans la nuit sombre, histoire ridicule sombrant dans le n’importe quoi, violence et vengeance, (mémorable réplique de Johnny devenu amnésique à cause d’une balle qui se promène dans son cerveau « -C’est quoi la vengeance !»). Notre héros national joue vraiment comme une chaussette et le réalisateur ne l’aide pas beaucoup…pourquoi n’est-ce pas Delon qui a eu le rôle ? Bof !

11h. Polotist, Adjectiv. Corneliu Porumboiu. Roumanie. (Un certain Regard) Salle de la Licorne.

Une enquête sur un jeune qui se défonce au H dénoncé par son ami. Le policier doute car il subodore que le corbeau veut en fait sortir avec la petite amie de l’autre. Un chef obtus va lancer la machine policière et briser la vie du jeune. Film intéressant, un peu lent dans sa première partie qui pose le problème de la frontière des délits et de la culture de la dénonciation et des « balances ».

Petit détour par mon jardin, sous le soleil, juste en face de la salle de projection. Une bande l’occupe. Je dénombre, un Allemand (Hartmut, fidèle complice qui fait son festival depuis une dizaine d’années chez nous), 3 Corses, mes 2 enfants, 2 de leurs amis de Paris, deux Avignonnais plus leur progéniture et son copain… soit 14 personnes attablées en train de manger et de boire quelques unes de mes excellentes bouteilles  sous la tonnelle.

Après  une dinette rapidement ingérée, les trois quarts des présents se lèvent pour filer au cinéma.

14H. Lost persons area. Caroline Strubbe. Belgique. (Semaine de la critique) Salle de la Licorne.

Dans un chantier improbable avec des ouvriers hongrois, un couple et leur petite fille solitaire et solaire. Un accident et la vie d’une communauté d’hommes durs au labeur, l’amitié et l’amour. C’est lent et long (2h), ample, une première moitié qui chemine sinueusement pour terminer plus violemment. Un film étrange quelque peu envoûtant mais qui laisse sur sa fin (faim) !

Petite pause d’une heure. Détente avec une partie de cartes (le rami corse) en compagnie de mon fils, Julien (redoutable aux cartes, même contre son père !) et de Christian, le beau-frère corse. Je perds mes 2€ de mise.

17h. Neuilly…sa mère ! Gabriel Laferrière. France. Ecran Junior. Salle de la Licorne.

Un petit bijou. Enfin du rire, de la rapidité, des répliques qui fusent ! Comédie sur un petit beur d’une cité de Chalon transplanté chez sa tante (sublimissime Rachida Brakni !) à Neuilly, coincé dans une famille de « bourges » où le fils rêve d’un destin présidentiel, la fille épouse toutes les révoltes, et lui obligé de terminer la saison scolaire dans un collège privé ! Une bouffée d’air frais. Le cinéma sert aussi  à se détendre intelligemment, il n'y a pas de honte à prendre son plaisir !

19h. Samson et Delilah. Australie. Warwick Thornton. (Un certain Regard) Salle de la Licorne.

Dans le bush Australien, deux adolescents aborigènes vont tisser leur destin, affronter l’exil à la ville, se retrouver brutalement plongés dans l’horreur (viol, drogue) et partiront se reconstruire sur leur terre natale en apaisant leur colère. Une belle histoire d’amour sans amour, une errance terrible. C’est d’une lenteur inutile dans la première partie mais tout le final accroche. Derrière les images du miracle de la modernité australienne, il y a l’expropriation et le vide de l’espoir des jeunes natifs. Le dénuement est absolu tant dans la réalité que dans l’imaginaire. Un beau film dérangeant parfois un peu pesant !

21h Un prophète. Jacques Audiard France. (Compétition). Salle de la Licorne

Plongée dans l’univers carcéral des « grands », un jeune sauvageon va faire l’apprentissage de la survie à l’école des truands pour devenir un loup. La mafia des Corses qui tiennent le pouvoir, les « barbus » qui se structurent, chacun cherche sa place entre ses murs trop hauts et tente de survivre. La frontière entre le maton et le prisonnier est ténue, comme le fil qui retient à la réalité. Malik va trouver sa place, devenir un prophète, aidé par les apparitions du premier meurtre sur commande des corses venant le hanter avec récurrence. Son habileté et sa rage de survivre vont lui permettre de s’affranchir de toutes les règles et quand il sortira enfin, il sera prêt à devenir le caïd redouté, celui que plus rien n’arrêtera ! 2h30 terrible, haletante, dénonciation froide et sans concession d’une machine carcérale faite pour forger l’horreur. La cruauté affleure sans arrêt, révélatrice de la capacité d’adaptation de l’individu. Grandir ou mourir, Malik a choisi ! Superbes compositions d’acteurs, filmage au plus proche, coulé dans le moule sans espace de murs froids, une belle façon de terminer cette journée cinéma avec un film qui devrait se retrouver au Palmarès. Tentons le pari : Prix Spécial du Jury !

Voilà donc l’heure d’aller se coucher. Demain matin, 8h30, j’ai rendez-vous avec Ken Loach et Eric Cantona (« -I am not a man, i am Eric Cantona !) …En attendant, cette journée de cinéma m’aura permis de visionner 6 films pour 11h30 de pellicule, 2 en compétition, et 4 de sections différentes, de ne pas m’assoupir une minute malgré la lenteur évidente de 3 œuvres, de découvrir des horizons perdus, quelques jets de sang ne dissimuleront pas la beauté de sentiments et la grandeur de la peine d’hommes de bonnes volontés…C’est le 7ème Art, celui que j’aime !

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L'extrême solitude du bonheur

Publié le par Bernard Oheix

Festival du Film. (1)

 

Enfin une journée où il se passe quelque chose de violent, qui fait partie de ses pages d’histoire comme le Festival en a écrit tant, comme il en écrira encore de multiple…Au cœur du cinéma et d’un monde qui reçoit de plein fouet les élans de créateurs de génie, de la dynamique des idées, du mouvement des images, de sons issus de l’inconscient... et qui n’ont comme vocation que de faire progresser l’humanité, un pas de géant dans la culture des hommes, sur le fil d’un rasoir, juste une œuvre magistrale d’offrande à sa perversité !

 

Ce serait faire injure à Lars Von Trier que de parler de film à propos de son oeuvre, d’analyser avec les codes classiques de la critique ces 104 minutes d’une plongée insoutenable dans le maelstrom de cette part d’ombre qui peuple le cerveau, entre le désir et la peur, la fascination du pire et la recherche d’un absolu.

Une femme (sublimissime et fragile Charlotte Gainsbourg) et un homme (dérangeant et massif Willem Dafoe) sont en train de faire l’amour quand leur enfant bascule par la fenêtre et s’écrase quelques étages plus bas. Après le deuil, il faudra en passer par le chaos et la mort pour assumer le drame insoutenable de cette perte. C’est Antichrist, conçu sous la forme d’un prologue et d’un épilogue encadrant les 3 volets de ce parcours initiatique vers une rédemption impossible.

Entre hyperréalisme et onirisme, entre une image qui peut passer du détail le plus infime au plan impossible d’un ciel dans lequel la constellation des Mendiants est un leurre pour égarer les âmes blessées, entre les mots les plus simples d’un thérapeute tentant de guérir sa femme et l’abomination des gestes les plus sordides par l’irruption d’un imaginaire torturé, (jouissance du sang, ablation du clitoris)…on oscille en permanence au bord d’un gouffre noir, celui de nos propres peurs !

L’auteur convoque à son banquet l’âme de Bosch dans ces corps jonchant la nature luxuriante, du Bataille et un Dieu tout puissant, d’autres multiples références pour créer son chaos universel, des images surréalistes, du psychanalytique, des pans entiers de notre culture pour aboutir à la sauvagerie d’êtres livrés à l’éternelle lutte du bien et du mal qui deviennent complice de la mort de chacun d’entre nous. Chaque fois qu’une larme coule, qu’une blessure s’ouvre, qu’une vie s’interrompt, c’est l’humanité toute entière qui est punie. Désespoir de voir le Malin se nicher dans ses propres désirs d’un Eden sans peur, comme si l’Homme, pour atteindre à l’éternité, devait combattre sa part d’humanité et redevenir cet animal primitif qui créa le monde en ignorant ses peurs !

 

Je ne sais pas si le palmarès retiendra ce film dans ses primés (est-ce le plus important en regard de son propos ?) mais l’histoire indubitablement se souviendra de ce film comme d’un moment charnière du cinéma, de son apogée, juste avant que l’on cesse de raconter des scénarii et de mettre en image la mort du cinéma et son corollaire, la fin de l’humanité !

Quand à l’interprétation profonde que chacun se fera du contenu de ce film, elle conservera son mystère et la magie d’une lecture indéfinie !

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Notes et divers...

Publié le par Bernard Oheix

 

 

Plonger dans Alexandre Dumas.

Depuis des années, je rêvais de retrouver la saga de mes Trois mousquetaires et surtout la suite que je n’avais jamais lu à l’époque où j’aurais dû…C’est chose faite, et au passage, j’ai découvert d’ailleurs qu’il y avait une suite à la suite et qu’après les deux volumes initiaux, aux 3 de Vingt ans après, s’ajoutent les 6 du Vicomte de Bragelonne

Si le plaisir du premier opus reste totalement inchangé, si D’Artagnan avec ses potes en super héros continuent de nous faire rêver comme à l’âge de notre adolescence. Vingt ans après reprend avec un certain bonheur, les recettes de la jeunesse de nos 4 héros. Rapidement avalés, les 3 volumes consacrent une aventure anglaise complexe où nos baroudeurs modernes tentent de sauver le roi, D’Artagnan et Portos se retrouvant en opposition avec Aramis et Athos pour finalement, amitié intacte, s’échouer dans un complot orchestré par le nouveau cardinal Mazarin qui a chassé Richelieu en endossant ses pantoufles…

Bon, cela fonctionne encore, même si on est à la limite du décrochage parfois…Plongeon donc chez le Vicomte, fils adoptif d’Athos. Les mousquetaires vieillissent avec bonheur, ce sont surtout les valets (Planchet…) qui subissent les affres du temps qui passe. Aramis se met au service du surintendant avant de devenir un ponte mystique, D’Artagnan l’homme-lige du jeune Louis XIV, et au fil des pages, on s’ennuie de ses histoires d’amour avec La Vallière et de ses mines effarouchées, des rituels de cour et de ses bons sentiments fonctionnant à vide. Magie envolée, on suit péniblement l’ascension de nos mousquetaires vers le panthéon de l’inutile. Quand ils se battent, trop rarement, avec leurs rapières toujours nerveuses, passe encore, mais quand le jeune Louis XIV passe son temps à charmer les demoiselles et à ouvrir la boîte de Pandore du cœur des demoiselles de cour, alors, on s’ennuie derechef, un incommensurable ennui qui culmine jusqu’à l’indifférence !

Manifestement, notre Alexandre Dumas et ses supplétifs négriers avaient beaucoup de dettes et quelques pannes d’inspiration pour délayer sans cesse une sauce éventée en étirant les pages à l’infini… Tant pis, je vais attaquer les 6 volumes du Comte de Monte-Cristo en espérant un meilleur sort pour un autre des héros de ma jeunesse !

 

Préouverture du Festival du Film.

C’est la grande agitation à 2 jours de la cérémonie fatidique. Cannes Cinéphiles réunit ses aficionados pour présenter le programme des réjouissances. Des séances à gogo, des films du monde entier, un équipement numérique pour la salle de la Licorne, la fête de l’image et du son s’annonce orgiaque loin du tapis rouge et des ors de la Croisette.

En primeur, A another Man de Eyre est projeté, avec Liam Neeson et Antonio Banderas dans les rôles principaux. Bon, espérons que les films à venir seront de meilleures factures. Cette histoire avec fausse piste éventée d’une femme qui disparaît en laissant les traces de son amour adultère en héritage à son mari fidèle est à la limite du supportable. Ennuyeux, convenu, lent, vulgaire, tous les clichés défilent pour le plus grand bonheur d’acteurs en train de cabotiner comme des prime donne. Bon, il n’aura pas la Palme d’Or vu qu’il n’est pas sélectionné et sincèrement, on comprend pourquoi et on s’en contrefiche !

 

La playmate du mois de mai.

Pour le plaisir des yeux, cette photo prise pendant le Festival de l’Art Russe de 2008 par mon ami Alain Hanel. Je l’avais gardée précieusement, pour la contempler un jour de blues…Je me sens très bien, mais j’ai décidé de partager avec vous ce moment d’émotion. Il s’agissait d’une élève du Cirque de Moscou dans un numéro particulièrement esthétique à la corde !


 

 

Fête de l’abolition de l’esclavage. 10 mai 2009. Nice.

Des stands et des couleurs, pas seulement dans le ciel mais aussi sur les visages, dans les regards, dans la fierté d’une communauté composée de toutes les facettes d’un monde d’humanité. Le Maire de la Ville de Nice avait vu juste, avec son adjointe Mathy …, une superbe Guinéenne au dynamisme communicatif. C’est notre Rama Yade à nous, les azuréens, et il faut bien l’avouer, c’est une excellente idée. Bruno John à la baguette, sans moyens mais avec un cœur gros comme l’espoir d’un peuple qui se libère et assume sa différence, ils ont réussi à fédérer autour d’eux, une cinquantaine d’associations qui chacune vient offrir un peu de sa réalité à la foule importante qui slalome entre les stands.

Le spectacle est permanent. Belles Brésiliennes dénudées en train de danser la samba, Camerounaises fines et élancées sanglées dans des boubous colorés, Djembés et balafons se répondant en cadence, tenues immaculées de blacks en parade, lunettes noires sur le haut du front, enfants à la bouille éclairée de sourires charmeurs en train de courir entre les groupes, huttes en bois reconstituées, stands d’associations définissant une Afrique et un monde ouverts…C’était beau et chatoyant, animé de vie et de rires, à l’image d’un Mobido B Sangare, jeune conteur burkinabé, se lançant dans une improvisation sur l’histoire de l’esclavage et qui termine en accordant le pardon aux anciens bourreaux tout en réclamant la dignité en héritage de leurs souffrances.

Sur la grande scène du Théâtre de Verdure, le général Dady Mimbo, brillant percussionniste entre en fusion avec un rappeur niçois (Louis Pastorelli), les Sonesros de Fe chaloupent avec leur salsa cubaine, un jeune slameur (Sofiane) écrit des pages de poésie et pour finir, le groupe phare de la scène niçoise en musiques du monde, Xalima embarque le public pour une destination sénégalaise gorgée de soleil. La voix du leader Badou est chaude, elle renvoie en écho à celle d’Ismaël Lô ou Youssou N’Dour, ample et grave mais pouvant grimper dans les aigus, s’étirant dans des complaintes que la musique transcende. Batterie/percussions africaines, basse, clavier, guitare et sémillante choriste, la belle Héloïse, composent une ode à la liberté et à la joie de vivre sur laquelle le public tangue. C’est Xalima, un groupe à suivre et que nous aurons le plaisir d’accueillir à Cannes en ouverture de la saison d’été, le 21 juin, avec les bardes celtiques de Manau…une date festive à ne pas manquer !

 

Voilà, le Festival du Film est à nos portes et déroule son tapis rouge sur les écrans de nos consciences…mais ceci est une autre histoire !

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Les révoltés de Bastia (An III)

Publié le par Bernard Oheix

 

Exotisme de la destination. Se rendre aux « Teatrale de Bastia » comme en pèlerinage sur une terre peuplée de bons sauvages. Se rendre, venir avec ses certitudes et en repartir avec ses doutes. « Rendre » prend tant de significations, aller à Canossa, se déplacer d’un point à l’autre, arriver, vomir son trop plein d’orgueil, errer à l’abandon, donner et se soumettre, céder sous… et dans toutes ces hypothèses, la plus logique, celle qui convient le mieux à ma présence sur la Place Saint-Nicolas : retrouver les Corses dans leur générosité, leur ambivalente fierté pétrie d’inquiétudes et d’interrogations, leur humour et leur certitude de devoir s’inscrire dans une fuite du temps, rappel d’un passé de fureur, complexité d’un rapport à l’autre façonné par une culture latine insulaire, quand celui qui débarquait pouvait tout aussi bien envahir qu’enrichir. C’est peut-être dans cette double crainte, celle d’être dominé comme celle de perdre son identité, que les Corses ont puisé l’énergie d’une lutte contre les apparences du pouvoir, l’état centralisateur, l’ennemi si proche d’une culture authentiquement insulaire.

Que l’histoire ait balbutié en Corse n’est somme toute, qu’un accident de parcours. Rêve de nation souveraine, parcellisation extrême des micro-pouvoirs, c’est la Corse dans toute son ambiguïté, celle des clans installés depuis tant de temps aux cimes des villages perchés au dessus du vide, celle des potentats locaux qu’une génération a tenté de balayer pour installer son propre pouvoir et qui se confronte, amère, aux ruines fumantes de leurs espoirs, lambeaux d’un combat se brisant sur les traditions d’un peuple cultivant le secret, le flamboiement de l’affrontement, la rixe comme arène de tous les désirs. C’est aussi la tentation du réflexe des Robins des Bois, bandits d’honneur, vendettas, omerta, la force comme une réponse au mal-être, pour chasser les doutes et se donner des héros de chair à la langue flamboyante.

Et pourtant, la Corse lettrée, celle de toutes les audaces, existe bel et bien. Elle est généreuse dans ses doutes, forte de ses hésitations, parlant de l’invisible pour cerner la réalité. Des générations brûlées au feu de l’action qui modèlent leur comportement sur la critique de la raison pratique mais n’en conserve pas moins l’idéal chevillé aux rêves de lendemains d’harmonie. C’est cette génération qui parcoure les sentes d’Aléria pour se briser sur les hauts-fonds des luttes fratricides et se retrouve avec des interrogations existentielles en héritage. Que créer qui échappe au chaos ? Qui soit à la fois de l’ordre de l’essentiel d’une spiritualité et totalement ancré dans une réalité honnie, qui appartienne au cri et parle au cœur de l’homme…

Et le théâtre dans tout cela me direz-vous ?

Il y a 2 ans, j’avais découvert un vivier inépuisable d’inventivité. L’an dernier des pièces fulgurantes, (cf. mes articles précédents dans le blog), quand devait-il être de l’édition 2009 ?

Comment expliquer le relatif tarissement de cette source créatrice au moment même où les responsables du Festival réussissent à faire venir des programmateurs et des éminences de la critique théâtrale ? Peut-être est-ce dû à une irrigation trop intensive qui a laissé les terres exsangues et nécessite une pause afin que les ferments se reconstituent ! Peut-être aussi cette éternelle tension qui fait que, quand une tête dépasse en Corse, il faut la couper et la coller sur un drapeau blanc ?

Comment expliquer que les Chjachjaroni soient géniaux avec Le Roi se meurt en 2007 et se vautrent lamentablement avec Georges Dandin en 2009 ? Glorieuse incertitude de l’art qui nous rappelle à une grande humilité ! Orlando Forioso, un protagoniste majeur du théâtre de Corse, positionné à Calvi, auteur de coups de génie, qui ici, en l’occurrence, nous assomme avec un placard de Barbe Bleue trop plein de suffisance, des actrices nulles (à l’exception d’une sublime Osella Orchis dans un texte en italien de Annalisa Ferruzzi, l’histoire d’une femme qui va nettoyer l’appartement de son ex-mari où sa seconde femme vient de se suicider et qui se noie dans le sang de l’autre !)…une scénographie pompière en décalage avec un contenu et une mise en scène luxuriante.

Malgré tout, comme des pépites dans le limon de l’indifférence, dans la quinzaine de pièces proposées, des essais intéressants surnageaient, plus ou moins réussis. Itinéraire de femmes est l’exemple type d’une pièce ratée. La générosité de la metteur en scène et les qualités évidentes du jeu d’actrice de Véronique Reviron et de Frédéric Maroselli ne peuvent s’opposer aux vertus d’un collage de textes manquant de cohérence et aux choix discutables d’une mise en scène jouant sur le trop-plein et l’accumulation. De même pour Paoli City de Francis Aïqui et Catherine Sorba, road-movie sur une américaine qui vient retrouver sur l’île, les amis de son amant mort pour disperser ses cendres sur sa terre natale, et tente d’éclairer la part d’ombre d’une « corsitude » qu’elle n’a jamais comprise. Un exercice de style particulièrement riche qui se brise sur les carences de la mise en scène et sur un texte encore trop fragile. Le renoncement à la lutte, l’exil, le reniement des idéaux révolutionnaires auraient autorisé plus de profondeur ! Le message dans la bouteille est trop important pour laisser une emprise à l’à-peu-près !

De la profondeur par contre, on en trouvait à foison dans l’Ultima Visita de Jean-Pierre Lanfranchi. Directeur du Festival, metteur en scène de la pièce, comédien principal, il aime les difficultés, notre ami se lançant à corps perdu dans le montage de la dernière pièce de Copi en la traduisant en corse (avec un surtitrage pour les Français !). Une œuvre écrite sur un lit d’agonie, par un homme rongé par le sida, qui parle de la beauté de l’existence, du théâtre et de la comédie de la vie avec les mots d’une tragédie. La mise en scène est soignée, quelques trouvailles agrémentent le parcours d’un corps qui se délite. Impondérable d’une création, elle souffre parfois d’un jeu qui a besoin de se régler. François Berlinghi, un excellent acteur au demeurant, en fait des tonnes avec son personnage de grande folle et gagnerait à serrer les fesses dans la sobriété, l’infirmière, plus préoccupée par son texte, force le trait et joue à contresens dans une hystérie trop convenue…mais que la démarche de Unita Teatrale est belle, courageuse ! Copi en Corse, appropriation d’une maladie vécue comme une honte et qui se trouve au centre d’un dialogue empli de magie et de joie de vivre. La mort au travail, si une expression pouvait résumer cette œuvre, alors c’est bien celle-là qui dévoile le cheminement vers l’inexorable d’un créateur résolu à faire un ultime pied de nez à cette gangrène qui ronge son corps mais n’atteint point son esprit. Il est libre Copi, y en a même qui l’on entendu se gausser de la grande faucheuse !

Reste le chef-d’œuvre de cette semaine de théâtre !

Hanokh Levin est un écrivain Israélien dont la plume évolue dans un univers absurde que l’on peut situer entre Ionesco et Beckett. En partant d’un événement totalement banal, (Shvartz décide d’embrasser au petit matin le petit doigt de Shvartziska, sa femme adorée), l’auteur va imbriquer une fuite en avant vers le « non-sens », en une composante savante de sentiments réels et de situations absurdes, dépeignant la force de l’amour et le ridicule des petitesses mesquines d’hommes et de femmes ordinaires. En effet, celle-ci, qui était en train de se curer le nez, refuse car elle a un gros caca au bout de son riquiqui. Son couple au bord du divorce, elle va chercher l’aide de l’ami fidèle, Popper qui se retrouve de force englué dans leurs rapports. D’ami fidèle, il devient témoin gênant. Svhartz souhaite sa mort et vu que le désir est aussi vrai que la réalité, Popper se meurt de ce charme. Shvartz et Shvartziska jouent avec cet encombrant Popper qui permet à leur amour de s’exprimer dans toute sa puissance et son mépris pour les autres, exclusivité du couple refermé sur lui-même. Même son copain, Katz, ne pourra entraver cette marche funèbre orchestrée par la passion et la jalousie. Même Koulpa, la délicieuse prostituée, prête à devenir une femme comme les autres, ne pourra s’opposer au destin. Il mourra donc pour effacer la tache indélébile de cette crotte au bout d’un doigt fureteur.

Marie Murcia est une Shvartizka éblouissante, jouant d’une palette d’émotions contradictoires, tour à tour, victime et bourreau, engluée dans sa passion pour Shvartz et dans son attirance pour Popper. C’est une comédienne accomplie, au zénith de son art. Formée à l’Erac (Ecole Régionale d’Acteur de Cannes, 1ère promotion en 1991), elle vit en Corse et offre son talent à un personnage complexe et ambigu.

Christian Ruspini est l’acteur le plus talentueux que j’aie pu découvrir actuellement en Corse. Eblouissant dans Le Roi se meurt, génial dans Pégase 51 (qui sera programmé le samedi 20 février 2010 dans la saison « Sortir à Cannes »), il n’y a plus de qualificatifs pour définir son interprétation du personnage de Shvartz, engoncé dans des vêtements étroits, la mèche barrant son front, rigide de toutes les petitesses de l’enfermement sur soi et d’un égo disproportionné. Il « hait » le personnage jusqu’au bord du gouffre, un équilibre instable entre la réalité d’une image et l’image d’une réalité, un précipice sous les pieds, celui d’une humanité où chaque geste déclenche un drame et se répercute sur son alter, la victime désignée, comme si son propre bonheur ne pouvait s’ériger que sur les ruines de l’homme en une mécanique de la compensation absurde.

 

Alors, ne serait-ce que pour cette pièce, pour ces deux formidables comédiens, pour l’irruption de l’univers torturé d’un Hanokh Levin dans notre quiétude, alors, même si ce n’était que pour ces raisons, j’aurai été heureux d’être à Bastia en cette fin d’un mois d’avril 2009. Que la pièce patine quelque peu à l’approche du dernier tiers, que certains acteurs manquent de profondeur (la prostituée trop floue, Popper qui pourrait avoir une dimension intérieure plus compacte…), que l’on cherche la perfection ou pas…Il y avait de l’émotion, de l’authentique tranche d’amour dans ce moment de grâce d’un théâtre plus que jamais parlant de la condition humaine.

 

Et si l’on rajoute un débat sur la politique culturelle avec Robin Renucci, fascinant conteur, passionné et passionnant et Valérie de Saint-Do rédactrice de la revue Cassandre, la charcuterie corse au gout de maquis et l’odeur insupportable du « fromage qui pue » se répandant dans un Zanzibar bruyant à souhait, l’île d’Elbe qui déchire l’horizon quand le soleil se couche, une escapade à Porto chez mon ami Guy Lannoy par la Scala Santa Regina, le col de Vergio avec ses rubans de neige toujours accrochés aux pentes abruptes et le village d’Evisa suspendu dans l’éther, (paysages sublimes et routes tortueuses !), si l’on rajoute les bises affectueuses d’Aline, les sourires de Sarah devant les « machos testiculeux », les pastis sur la Place Saint-Nicolas, les attentions d’Alix et de toute l’équipe des « Teatrale »… Si l’on complète ce séjour d'un déjeuner avec Raoul Locatelli, le programmateur des « Musicales », la barbe drue de Guy Cimino en train de monter son prochain opus (comme il a manqué à cette édition !) et le cigare coupé en 4 de François Berlinghi faisant son coming-out artistique sous le regard attentif d’un Jean-Pierre Lanfranchi dubitatif… Alors, on peut dire, merci Bastia, merci les Corses et à bientôt sur votre île de toutes les beautés !

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Un Gala de danse.

Publié le par Bernard Oheix

La revue BALLET 2000 de Alfio Agostini organise un Gala International de danse depuis quelques années à Cannes. Présentation de jeunes solistes remarqués par les critiques maison dans des extraits enlevés permettant toutes les audaces et les prouesses, hommage à un danseur pour sa carrière (les précédents récipiendaires avaient pour nom Rosella Hightower, Violette Verdi, Alicia de Alonzo, Maïa Plissetskaia...).  Ce Gala se veut novateur, rompant avec la tradition, ancré dans le classique pour mieux s'en extraire et goûter l'air du large de la modernité.

La salle se remplit, assistance plutôt âgée et traditionnelle, même si quelques danseuses de chez "Rosella" animent les travées en lançant des youyous à la cantonnade. C'est une ambiance bon enfant, un mixte entre spectacle pour grand public et un évènement à la mode, soirée plus "culture" drainant les "branchés" de la côte. L'ouverture donnera raison aux modernes contre les classiques.
Le premier ballet présenté est "Anima" dans une chorégraphie originale de Matteo Levaggi sur une musique de Philip Glass. Le Balleto Teatro di Torino dépoussière l'académisme, offre une pièce d'une grande fluidité au service de l'élégance d'un mouvement épuré. Lignes d'horizon, sobriété, corps qui s'enchevêtrent, noir et blanc, il fait nul doute que ce premier opus de la soirée en a désarçonné plus d'un et que les tenants des tutus et paillettes se sont retrouvés fort marris quand la bise est arrivée !
La remise du prix à la carrière Irène Lidova créé par BALLET 2000 nous permettra de voir les images d'un autre temps. Un montage savant d'extraits de pièces pour retracer quelques pages de légende d'un danseur hors norme, Vladimir Vassiliev, réputé pour sa présence physique et son aptitude à défier les lois de la pesanteur. Un
moment d'émotion réelle quand la salle s'est embrasée pour lui.

Vladimir Vassiliev, sans aucun doute le plus grand danseur de tous les temps, une légende qui reçoit le trophée à la carrière Irène Lidova de BALLET 2000 sur une des plus belles scènes du monde !

Alfio Agostini, le boss, distribuant des prix comme des bonbons aux bons élèves.

Du Gala, nous retiendrons l'extraordinaire Polina Semionova du Ballet de l'Opéra de Berlin, éblouissante de grâce dans Alles Walzer sur une musique de Johann Strauss chorégraphiée par Renato Zanella. Olga Esina et Vladimir Shishov du Ballet de l'Opéra de Vienne dans Elégie sur une musique de Rachmaninov, chorégraphie de Vakil Usmanov. Maïko Oishi et Giovanni di Palma du Ballet de l'Opéra de Leipzig dans Sonate de Rachmaninov chorégraphie Uwe Scholz.
Disons-le malgré tout, ce Gala pour élégant et novateur qu'il fut, manquait quelque peu de brio et de stars de la danse. Positionné sur les étoiles montantes, essentiellement russes dans des compagnies germaniques, il a démontré les limites de la jeune danse devant les étoiles inaltérables des  Etats-Unis et de l'Angleterre. Reste une soirée étrange, un gala atypique, la finesse des choix malgré tout.
BO, Vassiliev et Richard Stephant, le producteur de la soirée, mon ami. Nous devions nous baigner pour célébrer les 50 000€ de recettes de la soirée... La pluie nous en empêchera, dommage, il est si beau en maillot tarzan avec ses pectoraux luisants.

Chiara Samugheo, mon amie, la plus grande photographe des stars italiennes, Vassiliev et BO. La nuit s'étire...

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Hugo versus Maupassant...

Publié le par Bernard Oheix

Quand la langue chante, que les mots sont des bijoux ciselés, que les inflexions de la voix envoûtent, que les règles sont là pour libérer l’imaginaire, alors, l’expression n’est plus une contrainte mais un art de vivre, une esthétique de la pensée, un vecteur vers l’âme de ceux que la beauté illumine.

Que ce soit dans le Victor Hugo d’Anthéa Sogno ou dans les Contes Fantastiques de la Compagnie NéNéka, cette magie opère dans l’éblouissement d’une verve sublimée.

 

Victor Hugo, mon amour.

Spectacle Anthéa Sogno.

Mise en scène par Jacques Décombe

Avec Anthéa Sogno et Sacha Petronijevic

 

40 000 lettres échangées entre Victor Hugo et Juliette Drouet, 40 000 traits d’union entre un poète dramaturge et une maîtresse enflammée qui abandonnera le théâtre pour se consacrer à un amour sans limite.

Pendant 50 ans, ils vont correspondre, partager, se confier l’indicible et hurler leur passion dans des lettres incessantes. « -Ecris-moi, écris-moi tout ce qui te trottera par la tête, tout ce qui te fera battre le cœur » lui dit-il lors de leur rencontre, en 1833, pendant une lecture de la pièce Lucrèce Borgia que Hugo vient de terminer.

Dans la vie dévorante de Victor Hugo, où se mêlent femmes, littérature, politique, famille, Juliette Drouet restera une constante de la vie, au-delà des rancœurs du quotidien, de la jalousie, de la peur et du vieillissement.

Le 11 mai 1883, Juliette Drouet s’éteindra comme la flamme d’une bougie soufflée par les vents contraires. Victor cessera d’écrire en une réponse définitive. Son encrier s’assèchera parce que son cœur se tarira de ne plus pouvoir aimer celle qui transgressa les lois de l’amour en devenant sa muse pour l’éternité.

40 000 lettres pour un demi-siècle d’une passion si intense qu’aucune frontière ne pouvait l’enfermer.

C’est le travail d’orfèvre d’Anthéa Sogno d’aller chercher, dans cette correspondance, la réalité d’un amour fou et de le rendre au vivant. Découpages, collages, mots crus, élans, tout est dans le texte, tout se met à exister dans la bouche des deux comédiens. Mystérieusement, leur amour se matérialise à travers les mots, devient concret, perdure par-delà la légende des siècles.

Combien est magnifique cette langue libérée et combien elle pourrait se suffire à elle-même ! Style, classe, formule, rhétorique… rien n’est plus juste que ces mots dérobés au temps passé que l’on exhume comme des trésors.

 

A l’heure où les publicistes se torturent pour accoucher de slogans dont la vulgarité n’a d’égale que la pauvreté, quand il faut frapper par les mots pour convaincre par l’esprit, Victor et Juliette dans une correspondance privée, certainement pas destinée à être partagée par d’autres lecteurs, énonçaient la plus belle des vérités : le cœur est une science exacte, avec lui, point besoin de se torturer pour définir la phrase juste, c’est la juste phrase qui s’impose quand les sentiments sont à l’unisson des actes.

Que ce soit dans un discours politique (combien seraient inspirés nos hommes politiques d’en copier quelques élans), dans un poème bouleversant dédié à la mort de sa fille, (A l’heure où blanchit la campagne !), que ce soit dans l’échange amoureux, dans les conseils d’une Juliette à son grand homme d’écrivain (le titre des Misérables, c’est elle !), dans la passion physique où dans l’éternité de l’attente, les mots sont des perles enchâssées sur l’écrin des sentiments les plus nobles. L’âme peut s’élever jusqu’aux cieux quand la grandeur de l’être lui offre des raisons d’espérer !

 

Contes Fantastiques.

Textes choisis de Guy de Maupassant.

Mise en scène : François Orsoni.

Avec François Orsoni et Jean-Pierre Pancrazi.

 

Un beau et sobre dispositif de lampadaires qui découpent des cônes lumineux sur une scène vide. Un homme assis sur une chaise (François Orsoni) lit un livre à haute voix. Il va s’en détacher, se lever et entrer en représentation. Il est celui qui relie le public à la fonction scénique, le grand ordonnateur du désordre que les mots vont introduire dans la mécanique de la peur. De lecteur passif, il devient acteur, introduisant des bribes d’histoires, l’amorce d’une séquence horrifique, saynètes que son alter ego, (Jean-Pierre Pancrazi), va vivre de l’intérieur en étant l’expression de la réalité décrite. Procédé simple mais parfaitement efficace pour faire vivre ces histoires abominables et ces caractères hors du commun qui peuplent de fantômes les pages acides de Guy de Maupassant.

Sans jamais se croiser, s’ignorant malgré une proximité de sens, ils vont se répondre en écho, devenir ces voix qui exhalent la puanteur de ces œuvres sordides où la beauté fleurie sur les victimes du désordre.

Femme aimée dont on viole la sépulture pour une ultime étreinte, veuve rentière qui cherche à récupérer devant un tribunal un bien accordé à un enfant en échange de ses faveurs sexuelles, lettre d’un suicidé qui suit le lent cheminement qui le mène vers la mort, tout se passe comme si l’humanité vacillait sur les rives du désespoir, juste entre l’indicible et l’inénarrable, à la lisière de l’impossible.

De ce point de vue, le conte qui clôture le spectacle est un bijou de haine et d’amour. Un gentil instituteur, aimé de tous, tue ses meilleurs élèves dans d’atroces souffrances pour se venger d’un Dieu tout-puissant qui a autorisé la mort de ses trois enfants adorés emportés par une maladie de poitrine. Il va alors décider de lui voler des vies en lui dérobant des morts. Au passage, comment résister à un des textes les plus férocement athée, un summum d’agnosticisme que je ne peux que vous retransmettre :

 

« …et puis tout à coup, j’ouvris les yeux comme lorsque l’on s’éveille ; et je compris que Dieu est méchant.

Pourquoi avait-il tué mes enfants ?

J’ouvris les yeux, et je vis qu’il aime tuer. Il n’aime que cela monsieur. Il ne fait vivre que pour détruire ! Dieu, monsieur, c’est un massacreur. Il lui faut tous les jours des morts. Il en fait de toutes les façons pour mieux s’amuser.

Il a inventé les maladies, les accidents pour se divertir tout doucement le long des mois et des années ; et puis, quand il s’ennuie, il a les épidémies, la peste, le choléra, les angines, la petite vérole ; est-ce que je sais tout ce qu’il a imaginé ce monstre ?

Ca ne lui suffisait pas encore, ça se ressemble tous ces maux-là ! Et il se paie des guerres de temps en temps, pour avoir deux cent mille soldats par terre, écrasés dans le sang et dans la boue, crevés, les bras et les jambes arrachés, les têtes cassées par des boulets comme des œufs qui tombent sur une route.

Ce n’est pas tout. Il a fait les hommes qui s’entremangent.

Et puis comme les hommes deviennent meilleurs que lui, il a fait les bêtes pour voir les hommes les chasser, les égorger et s’en nourrir.

Ce n’est pas tout. Il a fait les tout petits animaux qui vivent un jour, les mouches qui crèvent par milliards en une heure, les fourmis qu’on écrase, et d’autres, tant, tant que nous pouvons imaginer. Et tout ça s’entre-tue, s’entre-chasse, s’entre-dévore et meurt sans cesse. Et le bon Dieu regarde et il s’amuse, car il voit tout, lui, les plus grands comme les plus petits, ceux qui sont dans les gouttes d’eau et ceux des autres étoiles. Il les regarde et il s’amuse. Canaille va ! »

 

Spectacle merveilleux, ivresse des mots sur des images sordides, je l’avais rêvé. C’est aux Théâtrales de Bastia, il y a deux ans, que j’avais découvert dans une première version qui m’avait passionné, simple lecture polyphonique mise en espace, sans réelle mise en scène. Au cours de longues discussions passionnantes avec les deux acteurs, je leur avais proposé d’en réaliser une version scénarisée et de se retrouver pour une programmation à Cannes. Après quelques mois, ils me présentèrent leur production. Le résultat fut bien au-delà de ce que j’espérais, parce que le talent et le désir se conjuguaient, parce que derrière leur approche d’humilité, un travail rigoureux permettait de rendre au verbe sa magie libérée. C’est la force des belles idées de s’imposer par le naturel. Quand les mots de Maupassant rencontrent l’art des comédiens, les sentiments les plus humains se parent des atours du fantastique.

 

 

Qui aura triomphé de Victor Hugo ou de Guy de Maupassant…aucun des deux ! C’est le verbe qui l’emportera, qui vaincra pour la magie de ceux qui entendent derrière les mots. Deux conteurs fascinants, apôtres d’un style fleuri où l’essentiel est toujours à l’intérieur des signes, qui renvoient vers la réalité en la transfigurant, qui donnent des clefs pour mieux accepter la part magique de l’être humain. C’est avec de tels écrivains que l’on saisit combien la langue française est riche et subtile, capable de parler de la grandeur de l’homme comme de la petitesse de ses humeurs, de dépeindre la vastitude de l’univers au prisme de l’étroitesse des individus.

Comment oser, désirer, écrire derrière de tels jongleurs de mots ?

 

Dernière minute… Dans la série des grands et beaux textes, nous venons de programmer au Palais des Festivals de Cannes, Dom Juan, Le Festin de Pierre de Molière avec Philippe Torreton et Jean-Paul Farré dans une mise en scène de Torreton. Sublime encore ces mots qui chassent sur les domaines des dieux, confrontent la liberté de l’homme au pouvoir de l’infini. Génial ! Cette tirade sur l’hypocrisie que tant de nos hommes de pouvoir pourrait écouter en silence, charge contre les convenances et tribune de l’homme de sang qui peut affronter sa part divine sans renoncer à son libre arbitre. Dom Juan est une pièce redoutablement perverse, d’une ambiguïté sans appel, où le mensonge est une vertu, l’innocence une maladie, le pouvoir de séduire, la possibilité de révéler aux autres leur nature intime. L’humour cache le désespoir extrême d’un homme qui tente de se libérer de ses liens et sa quête de la perfection brûle les existences autour de lui. C’est sa mort choisie qui le sauvera… Et loin d’être l’apologie d’une punition divine, ce banquet avec le Commandeur est le dernier acte d’un homme libre qui défie sa peur !

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Séville en Womex

Publié le par Bernard Oheix

Il y a des années comme cela... Séville accueille le Womex, marché des Musiques du Monde où se croisent les Anglo-Saxons, les Asiatiques,beaucoup d'Européens et un fort contingent de Francophones d'Afrique. C'est la dernière session dans cette capitale andalouse pour un souk qui autorise toutes les rencontres les plus improbables, les métissages et l'écoute des sons venus d'ailleurs. En effet, après 3 années, les organisateurs nous informent que la prochaîne édition aura lieu à Copenhague. Adieu tapas, vino tinto et autres réjouissances nocturnes, vers 5 heures du matin, dans les ruelles de la vieille ville, à chercher un port d'attache pour écluser un dernier verre en discutant de l'avenir du monde ! Bienvenue au pays de la petite sirène, ses icebergs et les rigueurs d'un automne polaire !!!
Il apparaît bien sombre ce monde  d'ailleurs, dans les tourmentes d'une crise qui atteindra fatalement une grande partie des opérateurs présents, ceux qui sont fragilisés parce que leur secteur est exposé aux vents de la tourmente financière. Les artistes d'Afrique et des contrées les plus reculées, qui ont déjà tant de difficultés à survivre et à circuler, en subiront directement les conséquences. A force d'ériger des murs, on risque bien d'étouffer sans lumière !
C'est ainsi qu'une tension apparente rampe au sein de ce corps vivant des opérateurs de la musique, le gangrène et obère l'avenir. C'est dans cet état de pesanteur qu'il faut peut-être chercher les raisons du déchaînement qui s'est emparé des participants, comme s'il fallait conjurer le sort en brûlant la vie par tous les bouts de la chandelle, maintenir l'éclat d'une espérance folle et hurler aux nuages, la vérité d'un futur sans musique. A l'heure où toutes les technologies permettent de bannir les frontières, se voir et parler restent encore le moyen le plus efficace de communiquer et de rêver.
Peut-être tout simplement ne peut-on impunément réunir quelques milliers de passionnés sans que la passion ne déferle et emporte tout sur son passage.


Quelques photos :


Dans une calèche, Ourida qui s'occupe de l'Orchestre National de Barbès et des intérêts de sa communauté artistique...à la recherche d'un restaurant. Ourida est une fleur sauvage du Maghreb, elle doit lutter contre tant de discréminations, femme, arabe, artiste... pourtant elle garde au fond d'elle, une pierre précieuse qui luit comme un diamant, la tendresse. Elle a la beauté fragile d'une révoltée, elle a un coeur grand comme un continent d'amour !

Sabine Grenard, une des rares à triompher... son groupe corse A Filetta aura fait un tabac en show-case et les contrats pleuvront comme les feuilles d'automne dans les jardins de Séville... Sa petite entreprise ne connait pas la crise, elle le mérite, c'est ma copine depuis tant d'années que je n'imgine pas un monde sans cette "bookeuse" hors pair.



François Saubadu... Un Français à Turin, du gros spectacle d'Amérique du Sud pour les Italiens du Nord...Il a un regard qui force l'amitié, une distance avec la réalité, capable de tendre la main et de rire, il reste une belle rencontre. Il était venu me rendre visite à Cannes pour me vendre des spectacles il y a 10 ans, je l'avais oublié, lui aussi...on a bu pour célébrer nos retrouvailles !

Laurence Samb, Franco-Sénégalaise qui vit à Berlin et nage dans l'électro d'une ville en survoltage. A l'heure où le métissage est devenu très chic, elle reste lucide, se nourrit de ses racines multiples, s'enrichit de ses influences qui la traversent et sera un des rayons de soleil du Womex 2008.

Valentin, associé à Soraya, une Brésilienne, il tente d'importer des groupes de ce pays et d'ouvrir des brèches dans le mur des silences. Il a un visage d'enfant éveillé, une gentillesse naturelle, un sens de l'humour très développé. Leur tâche est immense, ils ont du courage pour tous ces musiciens qui attendent d'eux d'exister sur nos scènes.

Je sais, il est tard, je suis dans les bras de Laurence et d'Aurélie... et j'aime ! Aurélie est une bombe perpétuellement amorcée. Elle vit pour aimer, donne son amitié et cherche le bonheur dans l'échange. Elle ne tient pas l'alcool, mais qui lui en tiendrait rigueur ? Aurélie, c'est ma copine !


Charlotte et Claire, les divas du Reggae...de Toots à Alpha Blondy qui devrait être à Cannes en septembre prochain... des siècles de barbus débonnaires ! Jah est grand ! Charlotte a une sacrée personnalité, on a pas interêt à se louper avec elle, mais quand elle offre son amitié, alors, c'est un ange. Claire est  douce, suave, un parfum d'anis qui évoque des heures sereines à danser sur les sons de la Jamaïque.

Je savais que je possédais un certain charme, voire un talent certain, mais là, j'ai quand même l'impression qu'elles exagèrent ! Comme quoi, quand on réunit une Sénégalaise, une Brésilienne, une Corse, une Algérienne et une Picarde... c'est détonant ! Etonant, non ?

Sinon, que vous dire de la musique, raison principale de ma présence ? Que A Filetta et Enzo Avitabile e i Bottari sont géniaux... était-il besoin de se rendre si loin pour s'en convaincre ? Assurément non puisque je les ai déjà programmés depuis bien longtemps !
Que Speed Caravan restera une des heureuses (rares) découvertes de cette édition hybride. Issu d'Ekova et de Duoud, Mehdi Haddab avec son "oud" électrique, une DJette aux platines, un percussionniste et bassiste, nous entraîne dans un univers de sons orientaux électros, un tissu chamarré de notes brillantes, avec une rythmique rock qui sonne comme du Hendrix et déboule dans une furia magistrale. Retenez ce nom, Speed Caravan, on devrait en entendre parler sous peu !
Si Tumi and the Volume (Afrique du Sud) propose un Hip-Hop électro plutôt passionnant et Suzanna Owiyo, une chanteuse Kenyanne, belle, à la voix sensuelle accompagnée de son groupe remarquable à l'afro-beat dansant ont fait sensation, disons que globalement, les shows-cases ont apporté leur lot de spectacles très moyens. Dans la quantité, certains émergeront peut-être, beaucoup sombreront aussi... mais c'est la réalité d'un monde cruel pour les artistes, où rien ne leur est pardonné, où la performance prime sur le temps et où l'erreur se paye cash.
De ce point de vue, je ne résiste pas au plaisir de vous informer que les Amazones de Guinée existent toujours... et si vous n'en avez point entendu parler, ce n'est pas grave. Une douzaine de femmes en uniforme de la Gendarmerie guinéenne, en train de ramer pour émettre une musique désaccordée, les poses de la guitariste échevelée et l'absence d'oreille et de mains de la batteuse, nous ont donné une furieuse envie de boire à la santé des Musiques du Monde et de celles et ceux qui la maltraitent parfois, la magnifient souvent !

La musique africaine survivra à leur show... de justesse pourtant ! Mais ce continent en a vu d'autres, il nous en offrira des occasions de se faire pardonner !

Voilà, c'est l'heure du retour. Une dernière soirée au Jackson à boire jusqu'à l'aube, un coucou ému à tous ces ami(e)s qui ont partagé mes nuits. Beaucoup ne sont pas présents dans ce bref hommage aux nuits de Séville, ils m'en rendront grâce, nous nous retrouverons à Copenhague, peut-être ! Cannes se pointe au bout de la piste ! Echange de photos par maïl, souvenirs souvenirs et la roue tourne, la crise toujours, Obama en premier président noir des Etats-Unis d'Amérique, de quoi prolonger la fête en sachant qu'il lui faudra plusieurs vies pour résoudre l'ineptie d'un monde qui marche sur la tête et l'a engendrée ! Pour quelles illusions ? Pour quelles missions ?

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