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culture

Ephéméride Novembre 06 (2)

Publié le par Bernard Oheix



Le mois continue, les jours se chassent et toujours ces spectacles qui parsèment ma route. Deuxième volet donc de mes aventures en terre de culture. Tout tourne autour de ces rendez-vous quasi quotidiens, de ces moments d’attente quand le noir envahit la salle et qu’un délicieux frisson s’empare de vous ! Et la lumière est !


21 novembre. Cannes. Palais des festivals. Andromaque. Racine. (Théâtre).
Mise en scène Philippe Adrien.
Programmer un classique dans la saison théâtre, c’est accomplir une plongée dans une zone indéfinissable, celle de notre jeunesse, d’une éducation à marche forcée vers l’âge adulte, quand tout était possible et que l’espoir bornait notre horizon. Un public différent occupe la salle, beaucoup plus jeune, des adultes se présentent l’air emprunté, surprenants, des amis, professeurs ou simples nostalgiques venant se remémorer un texte qui remonte par bribes, une madeleine qui se fond dans notre mémoire. L’exposition est complexe, le son un peu brouillé, les comédiens ne jaugeant que difficilement le volume imposant de la salle Debussy. Mais au fur et à mesure, qu’ils occupent la scène, que les actes s’enchaînent, tout s’éclaire, devient d’une luminosité rare. Les vers se transforment en musique, un slam antique qui jongle avec les sentiments et les émotions. Les situations sont d’une crudité lumineuse, c’est un opéra antique qui parle au présent dans un langage fleuri où tout est harmonie.
Le contenu de la pièce : Andromaque est aimée de Pyrrhus, qui est aimé d’Hermione, qui est aimée d’Oreste…et cela va mal finir pour tout le monde sauf pour Andromaque !
La mise en scène se veut dépouillée dans un décor majestueux comme pour souligner l’inanité des personnages à s’évader de ces chaînes qui les emprisonnent. Un régal. Un rappel émouvant de cette culture qui a bercé notre apprentissage des belles lettres.

23 novembre. Lyon. Maison de la danse. Asobu (jeu). Hommage à Henri Michaux. CCN d’Orléans. Chorégraphe. Joseph Nadj.
Création du Festival de Danse de Cannes en 2003, les philosophes m’avaient conquis. J’attendais avec une certaine impatience de retrouver son univers lunaire, une façon de mouvoir les acteurs et danseurs en faisant exploser les codes traditionnels pour inventer un monde absurde, dépouillé, entre l’expressionisme allemand du cinéma muet et les tableaux de Magritte. En s’emparant de Michaux, on pouvait rêver d’une force obscure prenant le pouvoir. Las ! Quand le mouvement tient lieu d’orientation et que le vide devient le support principal de l’action, les sens s’émoussent et s’épuisent à s’inventer une chorégraphie intérieure. Le temps s’étire dans cet exercice complexe et la raison tourne en rond. Il ne s’agit pas de regretter l’absence de lisibilité, il importe d’en souligner le manque de tension, de cohérence dans une démarche qui s’avère vaine. Dommage. L’irruption de danseurs japonais et le choc entre les deux cultures (l’Asiatique et l’Européenne), ne débouchent que sur la perte de son identité, comme si le moteur de ses rêves s’essoufflait de trop étreindre et se diluait dans les rites obscurs qu’ils tentent de faire émerger du désordre.
Son talent n’est pas en cause, il nous reviendra plus fort pour nous embarquer de nouveau dans son univers décalé !

26 novembre. Nice. Don Pasquale. Donizetti. (Opéra)
Opéra bouffe. Un complot amical de Malatesta va permettre à sa fille Norina (la belle et géniale Henrike Jacob) d’épouser Ernesto après avoir simulé un mariage avec le vieux Don Pasquale, l’oncle fortuné. Tout est prétexte à un humour mis en valeur par la mise en scène inventive de Claire Servais. Mimiques, jeux de mains, attitudes, les voix sont portées par des chanteurs aux talents d’interprètes dans l’esprit « commedia dell’arte ». On rit, elles sont magnifiques, c’est l’opéra sans le drame, sans les larmes mais aussi sans la passion. On passe un bel après-midi dans le charme rococo de l’opéra de Nice, ses velours rouges et ses corbeilles remplies de bijoux et de petites vieilles enturbannées. Mais redonnez-moi un zeste de La Norma ou de Rigoletto pour finir la soirée !


28 novembre. Cannes. Cyrano d’hier et d’aujourd’hui. Jean Piat. (Théâtre)
Une leçon de théâtre par un homme qui « est » le théâtre, qui a parcouru presque un siècle des scènes les plus prestigieuses, a côtoyé les plus grands noms, a travaillé avec ceux qui ont écrit les pages de gloire d’un âge d’or qui court de Jean Vilar jusqu’au XXème siècle.
A 82 ans, silhouette juvénile, même si sa démarche laisse transparaître le poids des ans, il se décide à raconter ses Cyrano, ses aventures avec un des textes les plus flamboyants du répertoire moderne. Tout est prétexte à digressions, au récit d’anecdotes, à une mise en abysse vertigineuse qui va permettre de faire ressusciter le texte avec deux acolytes. La tirade du nez, le récit devant Christian de son combat contre 100 spadassins, l’échange amoureux sous le balcon de la belle Roxanne, l’agonie avec panache d’un vieil homme au cœur de lion… sont exhumés avec des éléments de décors de fortune, les deux compères opérant des changements qui vont permettre à la voix de Jean Piat de porter les vers sublimes vers des sommets d’émotions.
Il fallait être dans la salle ce soir-là pour sentir la tension du spectateur devant cette mort au travail en train d’offrir l’éternité à un acteur vieillissant, au crépuscule flamboyant de son talent.
Bouleversant, pétri d’humour et de tendresse, maniant la tragédie et faisant rire dans le même élan, Jean Piat nous a offert une formidable leçon de théâtre, un hymne à la vie et les 1000 spectateurs se sont levés comme un seul homme en un salut romain pour lui rendre un peu de cette émotion qu’il transmet avec tant d’élégance et la distance précieuse de celui qui est au cœur des vérités.

1er décembre. Cannes. Corrou de Berra et A Filetta. (Musique)

Deux ensembles polyphoniques, dans un mouvement convergeant, s’instrumentalisent et mettent en perspective les voix des chœurs et l’orchestration. Démarche complexe, le travail des voix et des instruments étant aux antipodes. Harmonies naturelles contre harmonies figées. Deux facettes de l’extraordinaire capacité des voix issues de la tradition de s’adapter et de se régénérer dans la modernité.

Michel Bianco, mon copain depuis des années, le leader du Corrou, on se suit avec fidèlité...toujours ce plaisir des retrouvailles comme un rendez-vous entre la musique et l'amitié


Corrou de Berra : Michel Bianco est le fondateur et le sorcier de cet ensemble, meilleur groupe polyphonique des Alpes du Sud-est, entre niçois et provençal, ils explorent depuis des années le répertoire sacré et tentent sur les traces de leur grand frère corse, de se frayer un chemin dans la composition originale, en support des poètes niçois. A la différence de la majorité des autres groupes polyphoniques, c’est un chœur mixte, deux femmes et quatre hommes qui le composent.
Pour l’occasion, ils se sont entourés d’une batterie, (le divin et génial Gilles Chouar), de clavier, accordéon, guitare et basse. Les voix sont chaudes. L’ensemble est parfois décousu dans sa structure et n’utilise pas assez la richesse polyphonique mais la générosité et l’émotion emportent l’adhésion du public. La fragilité des interventions du leader crée un sentiment de proximité, comme si nous étions entre amis, en train de partager une soirée de fête et d’amitié en partageant la polenta et le vin âpre des coteaux Niçois.

Jean-Claude Acquaviva, un barde, un maître, un homme dont la richesse intérieure n'a d'égale que sa faculté de partager avec l'autre. A ses côtés, mon pôte Basile, un fin connaisseur de la musique du monde, chroniqueur à Agora FM... un de mes bloggé de toujours.


A Filetta. Depuis sa rencontre avec Bruno Coulais, le groupe historique de la Balagne fondé par Jean-Claude Acquaviva, a exploré de nombreuses voies. Musiques de films, scènes, créations mythologiques, compositions avec orchestre… A chaque fois leur talent fait merveille, leur humilité séduit, leur inventivité triomphe. Les sept membres du groupe sont alignés, derrière Romaneli à l’accordéon, deux claviers, une guitare, une basse et une batterie. Le dosage est subtil, les poses hiératiques et Jean-Claude Acquaviva parle comme un poète avant les morceaux, explique et commente, ramène le concert vers une fête païenne où le public prend toute sa place, participe au rite d’une communion où les notes et les voix s’interpénètrent et donnent le tempo d’une humanité en partage.
C’est beau et grand. C’est divin et cela donne la chair de poule, les sens affleurent et l’espoir renaît… celui d’une Corse fière et ouverte, d’une musique comme un trait d’union entre les cultures, par-delà les différences.
Soirée envoûtante pendant laquelle le Corrou de Berra et A Filetta permirent que les voix de la tradition se confrontent à la modernité, que le public chavire sur les notes de l’espoir et ressorte plein d’énergie de cette cérémonie païenne.

Voilà donc un mois très riche terminé. J’ai pu assister à 3 ballets, 10 pièces de théâtre, 5 groupes de musique et 5 films. De tout cela que reste-t-il ? Une vraie plongée dans la culture du monde, des coups de cœur, des élans irraisonnés, le partage avec des amis, un sentiment étrange que la vraie vie se dissimule dans les cris de ceux qui créent chaque jour pour que l’humanité avance sur les chemins de l’espoir. C’est cela ma culture, c’est aussi celle que je voulais vous offrir en communion.
A bientôt donc pour de nouvelles aventures.

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Ephéméride Novembre 06

Publié le par Bernard Oheix

Le tour du monde en 24 séances.

Du 1er novembre, date de mon retour de Séville au 28 novembre, mes pérégrinations m'ont mené devant les écrans et les scènes  de la Côte d'Azur, de Marseille, Paris et Lyon, dans une marche forcée vers la « culturation », un doux chemin de croix pavé de beaux sentiments, d'émotions et de rires, un livre ouvert empli de désirs et de rêves. Privilège extrême d'être le passeur, celui qui va accompagner le spectacle d'un lieu à un autre, qui analyse et juge, qui donnera sa chance et effectuera la séparation du grain et de l'ivraie. Pour qu'elle advienne, cette possibilité du rêve, un long cheminement est nécessaire, de la présentation devant des acheteurs potentiels d'un objet artistique, de la négociation sur la date, le rapport qualité/prix, son insertion dans un programme qui se doit d'être cohérent dans ses équilibres, et toutes les contraintes et impondérables d?une tournée à construire dans la douleur de ces routes jamais droites qui ne mènent jamais à Rome.

Et puis il y a l'arrivée à Cannes, l'accueil des équipes techniques, les hôtels et restaurants... Et plus l'heure avance, plus le public est censé être convaincu et escalader les marches du grand Palais. Belle cuisine que la présentation d'une oeuvre que vous bouderez peut-être !

Tout ces petits riens font un monde de riens, mais c'est cela la culture, des bouts de ficelles pour des noeuds d'humanité, des sanglots pour lutter contre le désespoir, des rires pour vaincre la folie. Et si tous les êtres humains réfléchissaient un tant soit peu, peut-être que la fureur des hommes pourrait se noyer dans un océan de bons sentiments. Vision vertueuse et idyllique s'il en est, mais après tout, les marchands de sable sont aussi des fabricants de mirages !

 PS : D'accord, Hitler pleurait en écoutant la 9ème de Beethoven dirigée par Von Karajan... mais c'était des larmes de crocodile !

Et donc en avant toute pour ce tour d'horizon d'un mois de novembre riche en expériences. Beaucoup de films, de théâtre, de danse. Dur, dur d'être directeur au Palais des Festivals et de devoir programmer une saison 2007/2008 !

 

2 novembre : Cannes. Ne le dis à personne. (Film).

 

Harlan Coben revisité et reficelé par Guillaume Canet. Trame fumeuse pour une distribution éclectique dans un casting de gala (Dussolier, Cluzet, Belfond, Rochefort... avec en prime la belle Kristin Scott Thomas).  Un vrai talent de réalisateur, une façon d'approcher au plus près le rêve hollywoodien sans se trahir. Un bon polar détente pour penser aux choses sérieuses.

 

4 novembre : Cannes. Scoop de et avec Woody Allen (Film) 

Un bijou de plus pour monsieur Woody. Le talent des histoires, l'art des images, la magie des mots. Entre le réel et l'irréel, une comédie enquête reposant sur les graciles épaules de la sublimissime Scarlett Johanson , journaliste débutante récupérant un scoop de l'au-delà et tentant de démasquer le tueur aux tarots avec l'aide d'un magicien raté au sac plein de malice. Woody Allen brode une de ces comédies dont il a le secret, alerte, virevoltant, parsemé de mots d'auteur d'anthologie, maîtrisant chaque élément du film pour composer un hymne léger à la gravité de la vie. A voir absolument.

 

6 novembre : Paris. La goutte au pépère. Olympia. Richard Gotainer (comédie musicalo-écologique)

L'Olympia dans ses atours, salle bourrée d'amis du monde du spectacle. Attendue cette arrivée sur Paris d'un show rôdé en province par un chanteur qui ne tourne plus depuis quelques années mais dont le nom reste une énigme pour ceux qui traque « les ringards »... comme si l'humour préservait du temps qui passe !

Richard, c'est mon pote. Un copain d'amitié alors ne comptez pas sur moi pour dire du mal du spectacle ! En plus il est étonnant sur scène. Il vit le rapport au public, il est un vrai comédien qui dévoile tout son talent et sa finesse d'interprétation. Il bouge avec élégance comme un félin des planches qu'il est, les chansons sont délicieuses, les décors beaux. Reste que cette histoire entre la pub et l'écologie dégage un parfum de déjà-vu, ou peut-être une résonance trop claire, évidente, avec des problèmes contemporains. Paradoxe. Je m'en contrefiche, le public a aimé et moi j'étais heureux pour lui, même si j'attends avec impatience son nouveau disque et qu'il fera sa première à Cannes comme il me l'a promis. Rendez-vous en 2008 pour un show à la Gotainer inspiré d'une verve canaille, un chanteur hors du temps, niché dans les vers de ses poèmes absurdes qui en disent si long sur la vrai nature de l?homme !

 

7 novembre : Paris. Dolores Claiborne. (Théâtre des Bouffes Parisiens)

Tiré d'un roman de Stephen King, dans une distribution géniale où Serge Riaboukine est d'une veulerie absolue et Michèle Barnier totalement possédée par son personnage de « mère courage ». Une femme va solder une mort passée, celle de son mari disparu d'une façon mystérieuse 20 ans auparavant, au cours d'une enquête où elle est injustement accusée d'être responsable du décès de sa patronne, Vera Donovan, une riche et vieille femme qui lui lègue sa fortune. 

On peut avoir le livre en mémoire, le film dans les yeux, il reste l'éblouissante prestation d'une actrice qui s'impose sur la scène dans un rôle dramatique à la mesure de son talent. Timbre émouvant de la voix, souvenirs qui émergent dans ses yeux désabusés, solitude, destin brisé et malgré tout, cette force exceptionnelle qui donne de l'espoir, un amour désenchanté de la vie qui porte à la rédemption. Pas seulement la sienne, celle de toute une humanité qui souffre par la faute de ceux qui salissent la terre en la foulant. La pédophilie, l'ivrognerie comme baromètre de la déraison.

A Cannes l'an prochain, c'est sûr, comme un élixir de vie. Préparez vos mouchoirs !

 

10 novembre : Cannes. Théâtre de la Licorne. Babel. Cie Najib Guerfi. (Danse)

Membre fondateur de Kafig, (cf. plus loin), Najib exploite le Hip-Hop en le confrontant à une double culture : celle d'une danse contemporaine plus charnelle et animale et celle d'une danse asiatique (la Malaisie) avec sa précision du geste et ses conventions hiératiques.

Cela donne un spectacle lunaire, construction d'un geste libéré de toutes attaches, mélange subtil à la croisée des cultures définissant une gestuelle intemporelle et universelle. C'est somptueux ! Un ballet moderne, qui puise dans l'alphabet contradictoire de ces cultures qu'il revisite une sensualité et une actualité que le titre souligne. Babel, comme un espoir que les hommes s'entendent enfin, comme une fresque vivante où la bande-son osée (un mixe de sonorités électro et asiatique) permet de suivre le chorégraphe et ses interprètes dans sa volonté de communier.

Najib Guerfi est adorable. Talentueux, il a l'humilité des grands, l'humanité de ceux qui ont côtoyé l'enfer pour s'échouer sur les plages dorées de la reconnaissance et du partage. Son livre, le Sauvageon, devrait trôner sur les commodes de tous les politiques qui parlent de la banlieue sans y avoir mis les pieds et échafaudent des plans sans la comprendre. Ambassadeur de l'intégration, Najib, je te nomme ministre de la reconnaissance et de la fierté retrouvée. En plus t'es mon pote !

 

                   Il y a le jeune des banlieues et le vieux baba-cool...cherchez l'erreur !

11 novembre : Cannes. 19h45. Prête-moi ta main. (Film)

Sympa. Une bonne première partie de soirée avec une Charlotte Gainsbourg étincelante qui occulte même Alain Chabat.

 

                                      22 H. Le Dahlia noir (Film)

Brian De Palma est fatigué. Il n'arrive même plus à réunir les bouts d'images somptueuses de son film incompréhensible. Reste un jeu qui tourne à vide dans une parodie de glissements de sens et de boucles allusives auxquelles plus personne ne comprend rien. Déjà que l'histoire est foutraque ! Si on me fournit le mode d'emploi, je changerai peut-être d'avis mais en attendant, pitié monsieur De Palma, retrouvez votre verve et un peu d'humilité avant de nous proposer un nouveau film !

13 novembre : Cannes. 19h45. Le labyrinthe de Pan (Film)

Je l'avais raté au Festival du Film. Dommage ! Guillermo del Toro signe un film éblouissant, un conte cruel et désespéré, quête d'une petite fille pour survivre à l'horreur d'un franquisme incarné par un Sergi Lopez transcendé en tortionnaire d'une dictature sans état d'âme. Amaigri, froid, bourreau glaçant, il va contraindre Ophélia à fuir dans l'imaginaire, la réalité d'un mal étouffant. Rien n'est beau dans cet irréel qu'elle s'invente, versant fantastique d'une sordide fuite, les épreuves s'enchaînent alternant les retours au présent de la guerre et de la traque des partisans. Un monde se tisse où chacun se retrouve confronté à ses propres peurs, la mort seule sort grandie, comme la signature d'un malin démon devant la petitesse des hommes. C'est beau et oppressant.

Un film qui aurait mérité un peu plus de reconnaissance de la part du jury du Festival du Film.

                                      22 H. La mémoire de nos pères (Film)

 

Clint Eastwood au zénith. Il continue son travail de sape des mythes contemporains. Le héros de guerre en cette heure de bourbier irakien n'a plus d'odeur, il a les pieds dans la boue et sombre, broyé dans une mécanique de la guerre qui ne laisse place qu'à l'absurde. Règne d'une faucheuse qui hache le corps de l'homme aussi sûrement que ses rêves meurent dans le sang des combattants anonymes. Même les héros, ces fameux guerriers qui hissèrent le drapeau américain à Iwo Jima, sont prisonniers d'une logique qui les dépasse. Ils sont tout autant broyés dans la victoire que dans la défaite car le message de Clint Eastwood est clair... c'est l'humanité qui sombre dans la guerre ! Hommes simplement, geste de l'horreur, souvenirs de ceux qui disparurent pour que la victoire soit proclamée au prix du sang qui souille les plages de cet îlot perdu ! On attend désormais avec impatience le deuxième volet de cette saga guerrière, la vision dans le camp des perdants de cette même bataille. Nul doute  qu'il trouvera encore les voies pour nous désarçonner et nous donner un nouvel opus crépusculaire. Qu'ils sont durs ces mythes à abattre d'un monde généré par les flammes de l'enfer.

14 novembre : Saint-Raphaël. Palais des Congrès. Terrain vague. Cie Kafig. (Danse)

Mourad Merzaki. Un des promoteurs de l'irruption du Hip-Hop sur les scènes de l'hexagone, le passeur de la rue à la salle, un créateur de génie à l'expression douce et suave. Mais si on aime Terrain vague, ce n'est pas parce que Mourad est aimable... le ballet se suffit à lui-même. Formidable hymne de vie, énergie d'une banlieue perdue dans un désert de béton, la scène est une agora où se croisent des personnages qui vivent au rythme d'un monde de frénésie. Arène cernée de tôles ondulées, palissades surchargées de « graph », garçons et filles vont se croiser et inventer des figures qui, chacune, dessinent un univers de bruit et de fureur tout en transcendant cette énergie en force de vie. C'est cela la force et la vision de Mourad. Interpréter la gestuelle moderne et la rendre sublimée, poétique, capable de toucher n'importe quel être pensant du côté du coeur. Ode à la mixité, tempo d'une urbanité perplexe, il donne des réponses aux questions que l'on ne se pose pas toujours.

Commentaires : Mourad et Najib avaient créé  ensemble Kafig dans les années 90. comment expliquer tant de talents et de visions dans un même lieu, au même endroit, à la même époque... mystère ! L'an prochain je le programmerai si Yorgos Loukos ne le sélectionne pas dans le Festival de Danse.

15 novembre : Cannes. Palais des Festivals. Corneille. (Musique)

Hystérie de la salle conquise. Deux notes et c'est parti... Cela tombe bien, il n'en connaît que deux. Je suis resté sans voix... mais comme lui n'en a pas non plus, on était à l'unisson ! Pour le public, c'est l'extase, un orgasme de foule incompréhensible. Il est le gentil sans doute, celui qui part de la nuit pour arriver à la lumière et le public aime les success story, même porté par un souffle de voix épais comme du papier à cigarette. On peut lui accorder un certain talent d'animateur, les poses affectées d'un sex-symbol à l'origine soufrée mais cela en fait-il une star pour autant ? L'avenir nous le dira.

Quant à Perle Lama qui avait chauffé la salle en première partie en exhibant son nombril comme un passeport pour la gloire, elle confirme qu'un joli postérieur n'est pas suffisant pour avoir du talent.

 

16 novembre : Paris. 19 H. En allant à St Yves. (Théâtre Marigny)

Petite bourgade anglaise. Une spécialiste des yeux traite la mère d'un dictateur africain. L'une a un fils mort en héritage, l'autre a enfanté d'un monstre assoiffé de sang. Elles vont nouer une relation ambiguë et conclure un pacte qui les enchaînera à jamais. Le texte est beau et puissant, un souffle brûlant du vent de la folie meurtrière des hommes. Yane Mareine en mère blessée et Béatrice Agenin (qui signe aussi la mise en scène) le portent toute en retenue et subtilité. La mort et le sang comme expiation pour libérer le monde de ses propres fautes et des blessures du temps. Un choix cornélien pour deux mères qui vont se délivrer de leur fardeau en enterrant l'espoir. C'est du théâtre dramatique contemporain, c'est joué juste et l'émotion est sincère dans le regard de Béatrice Agenin qui a porté ce projet jusqu'à son aboutissement.

Pourquoi pas à Cannes ? A voir suivant le reste de la programmation et l'équilibre entre comédies et pièces plus sérieuses. Tentant.

                                   21 h. Le jardin. (Théâtre des Mathurins)

 

Particulièrement à l'abandon « le jardin ». On l'annonçait comme la succession du « petit jeu sans conséquence » qui avait fait fureur l'an dernier. Quelle idée aussi de faire jouxter ce jardin où vont se croiser des personnages archétypaux de la société française avec un cimetière ! Un coup à enterrer ses espoirs ! Texte convenu et plat, réparties prévisibles, jeu mollasson... pas nécessaire de le fouler ce jardin pavé de si bonnes intentions qui ne débouche que sur une impasse broussailleuse où errent nos attentes déçues.

17 novembre. 19 H et 21 H. Paris.  Adultères. Woody Allen. (Théâtre de l'Atelier)

3 pièces en un acte conçu par l'auteur comme un triptyque autour de liaisons en train de se dénouer.

Comment utiliser des adjectifs pour décrire ce festival de bons mots, ce feu d'artifice de situations cocasses, de quiproquos, de hasards malencontreux portés par des comédiens extraordinaires qui se livrent avec jouissance aux délires de l'auteur ! Eblouissants de virtuosité Pascale Arbillot et Xavier Gallais... mais tous les autres aussi, jonglent, surfent, se glissent dans un texte plein de verve où se côtoient les pièges du désir. Nombrilisme et égotisme, drames sous-jacents de ces êtres qui errent au bord du chemin, mamelles abondantes sur lesquelles Woody Allen tire avec jubilation pour camper des portraits tragiques, des ambitions avortées immergées dans la misère affective et les contradictions des coeurs qui battent.

Et comme pour nous prouver que derrière le futile se niche un véritable auteur, Old Saybrook, la dernière pièce de la trilogie, dynamite les conventions du théâtre de genre, exhibe l'auteur bâillonné et ligoté, impuissant à terminer son oeuvre, en panne d'idées achevant sa pièce grâce au renfort des acteurs qui inventent un fin cohérente !

Et vous imaginez que cette pièce ne sera pas à Cannes l'an prochain !

En prime et uniquement pour vous, ce florilège de réparties pour vous donner une pincée de cette saveur distillée tout au long des 3 oeuvres.

 

-David, essaie de comprendre... à part le sexe, c'était platonique !

 -Ce n'est pas grave! c'était un fétichiste de la chaussure. Il s'excitait uniquement les jours de soldes de Prada.

 -Je ne vais quand même pas bazarder des années d'intimité et d'amour à cause d'un mari dentiste qui jouait de sa fraise avec ma soeur.

 -J'ai toujours su que si on lui tenait la tête, tu baiserais un serpent.

 -Madeleine Cohen est une freudienne orthodoxe... elle porte même la barbe.

 -Rejeté par les suicidés anonymes... si c'était moi, je me tuerais.

 -Elle m'a supplié de la mettre enceinte, c'est ce que j'ai fait...

 

-Non sans mal, mon chéri... autant fourrer une huître dans un parcmètre !

-Personne n'est détesté pour ses faiblesses... uniquement pour ses prouesses.

 -Il ne faut jamais baiser avec un juriste, il te coince toujours sur le vocabulaire.

 -Tu as couché avec mon co-auteur ?

 -Une fois, tu étais à l'hôpital pour tes électrochocs. On était tous les deux très inquiets pour toi et on ne savait comment exprimer ça.

Samedi 18 novembre. 18 H. Opus coeur. Israël Horowitz. (Théâtre Hébertot)

 

Mise en scène de Stéphane Meldegg. Un vieux professeur d'anglais et de musique condamné par la maladie prend une jeune veuve pour l'assister. Tout les sépare, pourtant chacun va faire un pas vers l'autre pour aller vers l'amour par-delà le trépas. Pierre Vaneck est un lion blessé, Astrid Veillon, sublime trait d'union entre le passé et le futur, porte l'espoir d'un apaisement, une énergie vitale au service de cette mort au travail. Solder son histoire et guérir ses blessures en un mouvement convergent qui les lie à jamais.Ils sont divins, atteignent cette zone merveilleuse d'un paradis d'acteurs, quand tout se conjugue pour créer l'illusion, beauté du texte, qualité des décors, profondeur des sentiments, interprétation ciselée. Du théâtre, du vrai !

Ne vous précipitez pas à Paris, ils seront à Cannes l'an prochain.

                                    21 H. Paris. Le gardien. Harold Pinter. (Théâtre de l'Oeuvre)

 

Mise en scène de Didier Long. Robert Hirsch porte pendant plus de deux heures la pièce sur ses épaules de vieux monsieur de plus de 80 ans. Un texte où l'absurde naîtrait du quotidien et de la répétition assumé physiquement dans une violence extraordinaire poussant le spectateur à la limite du supportable. Un vagabond veule et raciste hébergé par un homme simple va tenter de profiter de la situation en utilisant le frère de celui qui lui a donné l'hospitalité pour devenir le gardien de l'immeuble. Une pièce dense, physique, louvoyant entre les misères du monde, huis clos pervers où l'anti-héros tente de survivre par tous les moyens, même les plus abjects. Reste cet affrontement physique, cette violence sadique à glacer le sang, poupée abandonnée, le corps malingre de Robert Hirsch instille une pulsion irrationnelle parmi le public tétanisé.

Commentaires : Je ne sélectionnerai pas cette oeuvre à cause de la dimension de ma salle. Cette violence qui fait l'intérêt de la pièce se diluerait dans les immenses espaces de la salle Debussy. C' est un spectacle qui implique que le spectateur soit le nez sur les acteurs, sur leur sueur. Leur angoisse, quand ils s'affrontent, ne doit pas se dissoudre dans la nuit, elle doit s'exposer aux yeux du public !

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Carnet de bord de Séville

Publié le par Bernard Oheix

Une orgie de spectacles.


Nice le 19 octobre. Acropolis. Stomp. 8 jeunes, filles et garçons, de toutes les couleurs, anglo-saxons dans un décor de bric et de broc, amoncellement de pots, couvercles, tubes et autres surfaces sur lesquelles un être normalement constitué peut taper à s'en déboîter l'épaule. Ils ne vont pas s'en priver dans cette messe du temps présent (notez le glissement sémantique induit par le passage du pour au du !). Symphonie de boîtes d'allumettes, de balais et de bidets plein d'eau. Crissement de papiers et gonflement de sacs en plastique ! Tout y passe, accompagné d'un humour décalé « so british », airs lunaires et airs enchanteurs. On rit, on se divertit, on aime et aspire à retrouver nos chers ustensiles de cuisine afin de copier les acteurs qui s'éclatent en laissant libre cours à notre imagination. Public jeune et connaisseur, issu du bouche-à-oreille, qu'une maigre présence publicitaire semble ne pas justifier. C'est la magie du spectacle, le cauchemar des programmateurs... trouver l'objet indéfinissable qui se vend tout seul ! Stomp n'a besoin de personne, si peu des médias. C'est une cérémonie à laquelle on convoque ses amis et le public croît en cercles concentriques ! Mystère de l'alchimie moderne.

Aucune surprise le 22 octobre dans la loge rouge et or de l'opéra qui nous abrite. La Norma de Bellini. Cela faisait un bon bout de chemin que je n'avais plus vu d'opéra, un vrai dans un vrai ! Le dernier c'était Aïda, en 19... C'est toujours aussi kitch, délicieusement rétro. Les vieilles dames n'ont pas pris une ride sur leur visage parcheminé et les beaux habits sont toujours de circonstance, indémodable mode ! Quand la cantatrice se glisse dans le halo de lumière, sa tiare ridicule surplombant son visage poupin, son corps imposant de dame première et d'amoureuse drapé dans un rideau azur, on craint le pire. C'est le pire, envie de rire et de se gausser. Sauf que la bouche d'Alessandra Rezza s'ouvre si grande, si béante, et que de cette poitrine plantureuse, vont naître des trilles magiques, des roucoulades incroyables, des airs majestueux qui vous emportent dans un éther indicible. Puis-je avouer mes yeux humides dans l'extraordinaire air de la « casta diva », dans le duo invraisemblable de la Norma et d'Adalgisa du dernier acte. Moi, l'opéra, j'aime, envers et contre tout, parce que cet art rococo vous parle directement au coeur sans passer par la case cerveau, évoque l'artifice absolu, celui qui devient magique de créer par le vide, d'être porté par le souffle du vent ! Du kitch, mais du vrai !

24 octobre. Paris. Une rencontre qui s'annonce explosive. Pierre Palmade et Pierre Richard, les deux Pierre et fils, dans une comédie écrite sur mesure par Palmade himself et Christophe Duthuron. J'avais accueilli en janvier dernier, le grand blond dans son one man show, Détournement de Mémoire, un bijou d'émotions qui permettait à Pierre Richard de se pencher sur son personnage lunaire avec humour, tendresse et intelligence. Patatras. L'addition de deux talents n'est pas forcément synonyme d'une augmentation de la qualité même si elle implique une hausse conséquente du cachet des artistes. Scènes convenues cousues de fil blanc, un père marginal et un fil cadre, l'homosexualité dans sa variante bi et la vie sociale, le travail et le loisir, la séquence en voiture, tout y passe pour s'écrouler à bout de souffle après une heure et demie de souffrance ! Pitié les Pierre, n'amassez pas la mousse !

Round de Séville. Le Womex. Du 26 au 29 octobre.
La Babel de la musique du monde, celle qui campe à l'orée du showbiz pour irriguer les champs fertiles de la créativité. Racines des musiques de l'Afrique et de l'Asie, melting-pot fabuleux, richesse des croisements et de la mixité entre l'ancien et le moderne, l'électrique et l'éclectique, le barde songeur et l?univers rugissant de la contre-culture. C'est cela le Womex, dans une ville magique. Des rencontres où les rêves s'égrènent comme des perles sertissant un collier d'espoirs. Séville, c'est l'avenida de la constitution, la cathédrale de la plazza Vittoria de los Reyes, érigée pour défier le temps, les ruelles aux maisons fraîchement repeintes avec des balcons surplombant les passants, des couleurs chaudes et des arbres et parcs qui noient les immeubles bas, le Guadalquivir qui serpente dans la ville au long du paseo de Cristobal. De l'espace et toujours ces bars à tapas autour de l'Arènas, où l'on grignote en buvant du vino tinto, en parlant jusqu'au bout de la nuit des affaires du monde. Séville est une beauté ibère qui se dérobe en permanence et qui possède la fierté d'un peuple conquérant, des traces de son passé comme un rappel vivant de sa noblesse orgueilleuse.
Et des spectacles à n'en plus finir, dans le bruit et la fureur du Palais des Congrès et, il faut bien le dire, les approximations (c'est un comble !) d'une accoustique qui ne fait pas honneur à la musique.
Quelques perles glanées entre les soirées arrosées et les négociations de comptoirs. Des projets futurs qui naîtront sans doute au moment propice, et la réalité du présent qui nous accroche, les amis et les relations d'un jour, quand tout est possible, même l'espoir.
The shin/project « EgAri » vient de Géorgie. Coup de coeur et coup de maître. Entre le trad. et le moderne, sur des chants géorgiens, les musiciens se fondent dans un univers chatoyant. C'est beau et touche à l'essentiel. La musique s'évade, oscillant entre la force et la finesse, ponctuée par les voix de deux chanteurs instrumentistes. Un danseur intervient par intermittence, hiératique, les bras en croix, il tourne et syncope la musique. Etrange cet univers macho où la danse est l'apanage de l'homme, le reflet de sa virilité et de codes d'honneur, si loin de notre conception occidentale plutôt efféminée.
Orange Blossom, entre l'Orient et l'Occident, est un groupe qui monte. Ils tiennent la scène, une chanteuse à la voix chaude surfe sur des complaintes envoutantes. Elle crée un contraste entre l'énergie de la rythmique et la sonorité arabisante des instruments. C'est beau, étrange et dynamique, vous en entendrez parler ! Ils occupent un créneau original, synthèse idéale entre un rock nerveux universel et les mélopées orientales. La chanteuse va se balader entre ces deux univers et donner le tempo d'un concert où les portes de la perception s'ouvrent sur l'ailleurs.


Darko Rundek et Cargo Orchestra est un mixte entre la Croatie et la France, porté par un chanteur Croate, un ensemble « balkan » qui introduit une vraie poésie dans cette musique efficace porté sur la fête. On pense aux films de Kusturica, à Goran Brégovic, aux tsiganes des Carpates. Univers étrange, oscillant entre le rythme pur, vagues montant à l'assaut pour cristalliser la passion en d'étranges compositions qui font références à la nature, à la sérénité, à l'amitié et à l'amour. C'est mon coup de coeur avec les Géorgiens, vous les verrez sans aucun doute du côté de Cannes, un jour prochain.
Tcheka vient du Cap-Vert, une partie de son équipe est portugaise. Il a une voix chaude, des textes superbes en plusieurs langues. Son batteur officie avec des balais sur une caisse métallique produisant des roulements fins et puissants. Guitare et basse l'accompagnent. Il est le renouveau de cette filière Cap-Verdienne si riche qui produit des pépites. Pourquoi certaines régions de notre planète croulent sous les groupes, accouchent de tous les talents musicaux pendant que d'autres peinent à imposer leurs rythmes. Mystère que les Balkans, la Corse, Le Cap-Vert, l'Afrique noire (le Sénégal, le Mali, la Guinée...) ne veulent pas dévoiler mais qui nous séduit à chaque plongée dans leur monde de sons si parfaits !
Beaucoup d'autres groupes aussi, pas toujours géniaux, mais acharnés à conquérir la planète des sons. On les reverra demain, ailleurs, dans d'autres formations et projets avant de toucher à la grâce et à la perfection de ceux qui ont trouvé la voie intérieure !

Come back to Séville et au passage, le lundi 30 octobre, Paris, les Chevaliers du Fiel dans L'Assassin est dans la salle. Enfin du rire, du vrai. Sur une trame classique, un meurtre dans le théâtre « Rive gauche », deux policiers du petit « Nicolas » vont mener l'enquête, chercher le coupable sensé assister au spectacle et en profiter pour mettre à feu et à sang toutes les conventions et les tares de notre société. Regards absurdes par le petit bout de la lorgnette où rien ne trouve grâce. C'est sans prétention, un feu roulant de non-sens où l'absurde côtoie le présent, où les victimes choisies parmi le public sont consentantes et acceptent les règles d'un jeu jamais cruel mais toujours iconoclaste. Rendez-vous en 2007/2008 dans la saison de Cannes, vos zygomatiques me remercieront.

Voilà donc le périple « culturello-touristique » de mes deux dernières semaines. Quelques photos l'agrémentent. Si elles vous font rêver, tant mieux. Sinon, rendez-vous au paradis des artistes, celui de la note pure et du geste parfait. Ils sont aussi un moyen de mieux comprendre le monde et de s'évader du présent.

PS : Merci à ceux qui m'ont accompagné pendant ces spectacles et supporté pendant ces deux semaines. Thérèse, Angéla et Julien O. Bertrand D. Yves A. Annie R. Adriana D. Jean-Paul B. Anna B. Sabine G. Sylvain C. Magali L. Virginie B... et tous les autres, ceux pour qui un simple regard vaut un passeport vers l'amitié !


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All about Eve

Publié le par Bernard Oheix

Eh oui !

Je viens de me baigner. Il y a quelques heures je jouais à être un dauphin dans la méditerranée dans une eau translucide (merci le départ des touristes ! ), température de l'eau excellente, et je pensais dans mon fort intérieur, nonobstant mes problèmes avec la presse (cf . précédent édito), que j'étais un homme heureux. Et pour cause !

Samedi 14 octobre. Vivre un spectacle exceptionnel pour l'ouverture de la saison. Juan Carlos Caceres. Un argentin à la voix rauque, un homme plein d'intelligence et de finesse qui emporte le public dans les volutes d'un tango primitif, loin de la sophistication d'un Piazzolla, aux racines d'une musique populaire, hybride entre la musique noire (tango veut dire percussion en bantou), la milonga brésilienne et la musique des carnavals. Avec lui, c'est tout un pan de l'histoire qui est revisité et son groupe (bandonéon et contrebasse tenus par deux superbes femmes et deux percussions plus son piano) déclenche une tornade et invite à la fête. Merci monsieur Caceres de ce pur moment de bonheur et d'énergie. Merci d'être aussi simple, comme si l'on pouvait être brillant et naturel, un génie extraordinaire et un homme normal.

Dimanche 15. Chez Eve. Grande fête pour saluer son départ. Toute l'équipe est présente, les conjoints et les enfants sont là. Une belle réunion pleine d'émotion, de cadeaux et de discours...tiens, tiens !

Et puis, départ annoncé pour Séville et le Womex ( un marché de musiques du monde) avec son cortège de découvertes, rencontres et coups de coeur. Du théâtre à Paris aussi. Soyons fous et vive la culture !

PS : Je vous ai parlé du départ à la retraite d'Eve. C'est mon premier cas, il y en aura sans doute d'autres. Je me suis fendu d'un discours, un vrai, à la Oheix. Si le coeur vous en dit. Bon courage.

 

EVE


Il y a des signes qui ne trompent pas. Quand j'ai commencé ce discours, le 9 octobre à 15h30, une page plus loin et sans l'avoir enregistré, une coupure d'électricité dans nos bureaux a emporté mon texte tout frais dans le paradis des mots envolés, ce no man's land où gisent tant de mes formules géniales par la tourmente d'une technique absconse dérobées.
Qu'à cela ne tienne ! J'aurai donc deux fois du talent, un double effort que tu mérites bien, si on le compare au nombre des années pendant lesquelles tu dus subir mes foudres, courber ton échine pour passer sous le bureau afin d'accomplir la tâche qui t'était dévolue : permettre à ton directeur d?être créatif et dégagé des contingences matérielles.
Non, Eve, tu ne seras jamais remplacée. Il faut que cela soit dit. Tout au plus pallierons-nous ton absence en comblant le vide que tu laisses dans ces bureaux orphelins de ton sourire en coin, de cet air décalé qui faisait de toi, un sphinx parmi les tigresses, une légende du siècle dernier dans un univers futuriste.
Souvenons-nous et égrenons ces quelques pages d'or qui ont marqué quelques décennies de la culture cannoise.

La première fois que je t'ai rencontrée, tu étais belle, jeune et douce. C'était au lycée Carnot, à la fin des années soixante. Tu rayonnais des atours de la jeunesse mais déjà maquée à un peintre anarcho-révolutionnaire, tu te consacrais aux causes perdues avec une délectation qui frisait la sainteté. Tu étais plus âgée de quelques saisons, mais ta constance à ne pas briller en classe me permit de me glisser dans ton sillage et de profiter de ton ombre et des miettes d'une présence hautaine que tu m'octroyais avec dédain.
Ce n'est pas avec toi, hélas, qu'en 68, je pus conjuguer révolution et sexe, occupation de la cantine et collectivisation des dortoirs, enthousiasme révolutionnaire et dérèglements nocturnes. Non, il fallut une blondasse pour me permettre de t'oublier et me dévouer à la cause des peuples. Qu'à cela ne tienne, la vie avait décidé de nous séparer par un de ces clins d'oeil dont elle est coutumière et de nous donner rendez-vous quinze ans après dans l'ombre d'un Corbier en fleur.
Que savons-nous exactement de ces années de plomb où tu disparus corps et bien de Cannes ? Certaines mauvaises langues ont osé émettre l'hypothèse que tu collaboras en Roumanie avec les services secrets de Ceausescu, que tu trempas dans de sombres histoires d'espionnage et que le fruit de tes amours ombrageux s'épanouit sous les traits de deux ravissantes gamines frondeuses qui font ta fierté et celle de ton compagnon.
Que Nenni, comme dirait Marie.
Tu fus une hétaïre des salons de Bucarest, important l'élégance et le bon goût à la Française dans ces territoires des confins de l'Europe centrale et ton forfait achevé, te réfugias dans les terres inhospitalières du centre de la France, entre les porcelaines de Limoges et les pis abondants de quelques grosses vaches qui ne te faisaient point d'ombre. Tu t'es refaite ainsi une virginité, entre l'âtre fumant et les soupes de navets et de pois chiche, te requinquant pour affronter un avenir qui s'annonçait enfin flamboyant.
Car depuis le début de cette sombre histoire, tu savais pertinemment que Cannes t'attendait. Encore fallait-il que tu puisses y revenir dans de bonnes conditions, avec la certitude de retrouver Bernard Oheix et sa compagnie de pieds cassés qui allait devenir célèbre dans le monde des nuits folles de la Croisette.
L'opportunité se présenta enfin. Refaire les bagages, se faire embaucher par René Corbier en utilisant une nouvelle fois ton charme et ton talent ne fut qu'une formalité : tu savais que j'allais arriver et avec moi, le souffle du grand large et la certitude d'une fin de carrière exaltante.
Nous nous retrouvâmes donc réunis, toi et moi, et autour de nous, quelques jeunes filles constituant ce phalanstère auquel tu aspirais depuis la fin de ces années de soufre se constitua. Bonheur de venir au travail sans savoir quand tu en repartirais. Satisfaction de ces tâches roboratives qui prenaient les couleurs de l'arc-en-ciel d'être accomplies la passion au ventre. Le festival de guitare fut le socle fondateur de cette union sans pareille qui nous permis d'éperonner la culture cannoise et de constituer la première brigade d'intervention de l'agit-prop azuréenne.
Qui se souvient qu'en cette période, la culture prenait les formes rondelettes de Scarcafamme, les traits sévères de Monrose, l'hystérie d'Isabelle Truc. Pas de saisons à l'horizon pour meubler nos soirées, les Frugier en gestionnaires de salles vétustes et Sophie Dupont qui ne se pointait qu'à peine en nous annonçant qu'elle ne resterait pas longtemps dans cette galère !
Florence la tuquette et ses rêves d'un mari (un vrai, un romantique !) qu'elle n'accomplit que bien plus tard avec un fils du Portugal qui lui fit une belle petite fille, Elisabeth, l'attachée de presse qui n'aime pas la presse, la fleur des îles et son Victor basané, et qui d'autre encore dans cette première vague d'espoir qui nous embrasa sous la férule d'une Léadouze adjointe au Maire, débarquant dans notre monde décalé avec sa générosité et les bons sentiments d'une mère Theresa de la culture.
Vint ma vaine tentative de te quitter mon Eve. Episode noir s'il en fut. N'y tenant plus, jaloux jusqu'à l'obsession de ton peintre, je décidai de te fuir en emportant la Sophie, abandonnant mes autres collaboratrices à leur triste sort. Combien je le regrette, combien cet épisode me paraît infâme et sordide avec le recul désormais. Vous laisser dans les griffes de Pierre Jean l'abominable pianiste qui maltraitait les pianos en meurtrissant les femmes. Un trésor que je lui léguais qu'il ne sut exploiter. Devant votre peine et ce désarroi général, je décidai de faire don de ma personne et de revenir vous dorloter. Je vous devais bien cela mes petites chéries et votre pénitence avait assez duré.
S'ensuivit les années folles de l'événementiel.
Tu étais à ton zénith alors !
Nous en avons réalisé des prouesses avec des bouts de ficelles malgré les mots d'un Lefrancq, directeur financier vengeur, sabrant dans la culture comme un hussard polonais ivre de fureur. Des présidents, directeurs ou directrices, nous en avons vu défiler et toujours, cette équipe qui t'entourait, fidèle, même si quelques strates apparaissaient régénérant le cheptel de la culture en la renforçant quelque peu. Nadine, Daniel, comme des orphelins égarés trouvant le gîte et le couvert auprès de toi. Jean-Marc, Hervé apportant leur masculinité et leurs gros biceps pour t'émoustiller, Marie-Ange sa voix douce pour nous bercer d'illusions. Nous avons campé comme des soldats, connu les affres des fonds sous-marins sonores, des lasers à rien, des réussites et des échecs, des salles pleines d'amour et des festivals s'enchaînant comme des perles sur un fil d'or que tu tissais de tes mains habiles.
A l'apogée de ta gloire, devenue cadre en charge des contrats de notre direction, tu décidas de prendre un nouveau contrat sur l'avenir en adoptant le petit Karimou au sourire malicieux qui te permettait de te souvenir que les années filaient, tes filles s'envolaient et convolaient et que ton peintre se dégarnissait tout en affûtant le trait de sa plume.
Las ! Déjà les atteintes de l'âge se font sentir dans tes artères fatiguées de pulser tant de passions. Déjà l'impatience de se retrouver chez toi prévaut sur les veillées spectacles que tu condescends encore à effectuer mais du bout des doigts désormais. Tu commences à disparaître des caterings, la faute à un dos récalcitrant, tu n'assistes plus qu'au compte-gouttes aux spectacles magiques programmés par ton directeur, ceux-là même qui t'auraient fait courir autrefois, tu aspires à souffler en ta retraite et c'est bien ce que tu nous prépares dans le secret de ton château fort inexpugnable du Cannet.
Une dernière rafale de minettes rajeunissant l'équipe de l'événementiel te fit sentir à quel point désormais ton sort était suspendu à l'enthousiasme et à la vitalité de ces jeunes filles en fleurs, les Séverine et autre Eurielle qui débarquaient avec frénésie bousculant tes habitudes et le confort intellectuel dans lequel tu t'assoupissais.
Il était temps.
Le départ de Lefrancq résonne encore comme le glas du tocsin. Funèbre et lancinante musique t'appelant à le rejoindre. Car maintenant qu'il y a prescription, devant ton seigneur et maître, je peux l'avouer : tu l'aimais le bougre entretenant des relations ambiguës à souhait avec le maître des chiffres du Palais. Plusieurs versions circulent. As-tu trompé ton amant potentiel, c'est-à-dire ton directeur qui te pourchassait depuis des lustres, avec un autre, en l'occurrence le directeur financier, sous l'oeil complice de ton mari ? As-tu osé, franchir le cap, accomplir l'inimaginable en mystifiant la culture par la finance? le mystère demeure et les greniers de notre mémoire croulent sous les diverses versions de cet amour impossible. Toujours est-il que son départ provoqua chez toi, le désir de le rejoindre dans la retraite et de rompre avec ton présent de labeur.
Tu as donc tranché. Une nouvelle fois c'est ton coeur qui a parlé. Et tu nous as lâchés définitivement en refusant de te lever un certain 2 octobre 2006 à 7h23 pour venir pointer dans le Palais des Festivals et des Congrès de Cannes. Tu es libre Eve, il paraît même qu'il y en a qui t'ont vue voler dans l'azur de la Baie de Cannes depuis ce jour fatidique.
Et tu t'es enfin libérée des Oheix, Dupont et consorts. Tu peux au matin, regarder le soleil se lever et le soir se coucher. Tu te consacres à ton mari, ton enfant, tes filles, tes petits-enfants et tu sais que la vie n?est pas un long fleuve tranquille mais que tu campes désormais sur sa rive en observant les tempêtes d'un oeil détaché. Tu as raison Eve. Tu es mon premier départ à la retraite d'une carrière éphémère et tu resteras à jamais celle qui m'a indiqué le chemin de la sortie d'un doigt nonchalent.
Pourtant, nous nous retrouverons encore et toujours, nos petites chaises roulantes accolées, nos têtes se touchant, nos sonotones branchés au maximum. Nous nous confierons alors ces histoires du temps passé, celles que nous avons partagées, quand la culture avait encore un sens et que créer à plusieurs signifiait aussi rêver à l'unisson.
On t'aime Eve, et puisque l'on ne peut vraiment pas se quitter définitivement, tu garderas encore ta plume pour nous concocter quelques beaux programmes, les derniers avant que la cataracte ne t'oblige à inventer des mots nouveaux pour parler de l'amitié et de l'amour, quand plus rien n'a d'importance que le moment à vivre et qu'il faut se dépêcher d'en goûter le sel pendant qu'il est encore temps.
Eve, l'éternité commence aujourd'hui pour toi. 


 


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D'Eve à Cali

Publié le par Bernard Oheix

Le baiser qui tue. Après Cary Grant et Ingrid Bergman, Humphrey Bogart et Lauren Bacall, BO et Eve.

                                         L'événementiel au grand complet fêtant le départ d'Eve en feu !        

Il a fallu 40 ans pour que j'ai l'autorisation de baiser ses lèvres. Eve, à la veille de son départ, au moment où les concerts de septembre ouvrent la saison 2006/2007. Elle nous lâche la bougresse et s'oriente vers une vie plus centrée vers son nombril. Tout un programme !

Les Grands Concerts de septembre

La sublimissime Tanya St Val, Diva du zouc, reine de mon coeur. Elle est douce et belle et chante comme elle vit, avec passion ! Tanya, je t'aime !

C'est Da Silva, un petit homme vert, issu du punk, en train de refaire le monde et sa vie. Il est humble, ses textes sont beaux et ciselés dans l'or du temps. Il tient la scène avant son pote Cali l'extraterrestre. Il a tout du grand notre portuguais de service. Les fêtes foraines, l'indécision où la meilleure amie sont des petits bijoux. Achetez le disque Décembre en été, c'est une galette qui se laisse déguster et vous habite au fil des écoutes

Et Cali pète un plomb.

C'est la dernière de son spectacle, 160 concerts à travers la France et le monde. 25 personnes sur la route, des heures a partager un rêve, à vivre en dehors de la réalité. Ils sont tous là pour cette ultime séance. Dans la salle, c'est de la folie. Deux heures debout, le public oublie les sièges rouges de velours, tangue et vibre au diapason de ce chef d'orchestre hors du commun. Il est heureux et triste. Il se donne et s'oublie. Il va aller jusqu'au bout de la nuit avant de s'évader dans un univers qui lui appartient désormais. C'est Cali. Respect !

 

Cali dans le hall. Il est 1h30 et la centaine de fans qui fait le pied de grue ne veut pas le laisser partir. On sort la guitare et on y va de son refrain.

Il monte sur une table et et chante avec son choeur improvisé.

 

 

 

 

Il est deux heures du matin. Tout le monde est épuisé...sauf lui. Cela finira à la fermeture du Harem, dans la ville, avec du champagne et la nostalgie d'une page que l'on tourne. Un belle page d'amour et d'amitié qui s'achève dans notre ville. Merci mister Cali.

 

 

 

J'aurai aussi pu vous parler de Gloria Gaynor. Avec ses quelques kilos de trop et une voix fatiguée, elle reste une grande dame du disco et assure à l'américaine. Un I will survive de folie de 10 mn en final avec le public debout.

Je vous ai épargné les photos de Tina Arena... ( mais comment peut-on avoir une voix aussi belle sur des textes aussi débiles, une robe qui la fagote autant, des hauts talons qui l'empêchent de se mouvoir et aussi peu de contact avec son public...) Dommage, elle mériterait mieux.

Inutile, de même, de vous décrire la québéquoise de service. Natasha st Pier. Il y a si peu à dire !

Petite information : c'est sur le concert de Tina et Natasha que nous avons cartonné !!!! Presque une salle complète. Ah ! Public, que je t'en veux parfois pour tes choix si abscons !

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Les tsarines sont de retour

Publié le par Bernard Oheix

Avertissement.

Deux pour le prix d'un ! Un port-folio avec mes poupées Russes, et une nouvelle dans la foulée, La peur du vide ! Décidèment, je vous en veux beaucoup pour vous infliger ce rythme intolérable. Mais bon, vous allez pouvoir prendre le temps, je disparais dans la nature pendant quelques deux semaines. A vous d'en profiter.

Le Festival de l'Art Russe clôt la saison estivale. Une semaine de spectacles magiques, des libations juqu'à 3 heures du matin...et plus, si affinités ! La folie et la démesure slave dans toute la splendeur de ces nuits fauves peuplées de rêves évanescents. C'est la dernière manifestation de l'été, après, on ne peut qu'aspirer à la sérénité des soirs d'automne ! 

 

 

Une vraie table de vraies blondes. La nuit russe, caviar à volonté, vodka à flot et toujours le sourire ensorcelant et charmeur de mon fan club : pas besoin de cotisation pour y adhérer !

 

 

Ariadna. Une Moldave qui a du charme, redoutablement intelligente. Sa vie est un roman d'aventures. Son coeur, un bateau ivre qui danse sur les tempêtes des passions humaines.

 

 

Les babouchkas entonnent une complainte des plaines glacées. La tourmente s'apaise. Elles nous parlent d'une beauté éphémère dans la splendeur du couchant des steppes sauvages. Nathalie, mon guide !

 

 

Ariadna et Irina. La blonde et la brune. Les soeurs jumelles d'un empire déchu qui n'a pas fini de nous surprendre. Et si le nouvel impérialisme passait par les yeux des beautés slaves !!!

Pourquoi pas après tout !

 

   

 

 

Après le ballet extraordinaire de Boris Eifman, Anna Karenine, le public sur un nuage salue la prestation des artistes ! J'en profite quelque peu.

 

Boris Eifman, un grand parmi les grands, un créateur snobé par les adeptes de la "vraie" danse mais qui réussit à conquérir le public avec sa danse d'expression très visuelle, décors et costume sublimes, histoire lisible. De la vraie danse populaire dans toute la noblesse du terme. 

 

 

Dans les bras d'une des balerines les plus époustouflantes jamais vu sur scène. Une performance conjuguant la dureté de l'acier et la souplesse d'un corps longiligne totalement fascinant.

Elle nous a fait rêver et son sourire est un enchantement. Elle s'accroche à vous comme si elle vous aimait... et c'est si bon !

 

 

 

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La glorieuse incertitude de l'art

Publié le par Bernard Oheix

 
L'industrie culturelle, forme ultime du rapport de l'art à l'économique, n'est pas un monstre froid paré de tous les vices dont l'art se libèrerait d'être déconnecté de son temps et de ses règles. Cette vision mécanique est à bannir même si l'on peut regretter que trop souvent des chefs de produits remplacent les directeurs artistiques au sein des quelques firmes qui se partagent désormais le marché de l'art vivant. Elle est aussi le produit de notre logique, d'un monde que nous avons créé, des règles que nous nous sommes données pour architecturer l'économie de l'art. A nous d'en repérer les failles afin d'introduire dans cet univers de la rentabilité, la notion du long terme en opposition d'un profit à court terme.
Pour l'industrie culturelle née sur l'expansionnisme de deux catégories de consommateurs dans les dernières décennies, les jeunes de moins de 25 ans et les ménagères de plus de 50, le problème est de placer sur des parts de marché, des offres qui se combinent et assurent un taux de pénétration maximum. Si la ménagère a des désirs mesurables d’une grande stabilité que l'on peut approcher par des enquêtes, il n'en est pas de même pour la jeunesse. Inventant le monde au jour le jour, déconnectés de la réalité, les adolescents et leurs grands frères détiennent des moyens conséquents prêts à être engloutis dans les concerts, au cinéma, dans l’achat de matériel audiovisuel... Ils introduisent toutefois un facteur aléatoire, une prise de risque inhérente en corollaire à leur aptitude au zapping, aux modes de consommation, à l’effet kleenex qui brûle aujourd’hui ce que l’on a encensé hier. Ils sont la grande inconnue des équations économiques dans les firmes capitalistes qui tentent de dompter le marché… même si leur absence de défenses permet une captation par l’effet mode entretenu par le levier pub.
 Le succès d'une "Star Academy" provient de la conjugaison du désir des jeunes, assimilation au statut de star/miroir (la réussite sans l’effort !) et de celui de la ménagère, le revival reflet de sa jeunesse passée et de ses émois d’antan. Il génère des profits colossaux, engrangeant sur le dos du consommateur mais aussi de l’artiste (confère son statut et les contrats signés à la sélection qui le dépossèdent de tous ses droits) des sommes astronomiques que le promoteur heureux détourne dans son escarcelle, inversant le rapport traditionnel entre l’artiste et son producteur. On connaît le nom de Gérard Louvain, le deus ex-machina de la « star’ac », qui se rappelle encore les prénoms des premières lauréats de l’Academy, version An 01.
Il est significatif par ailleurs que les artistes issus de cette télévision n’aient plus de noms mais soient revêtus de prénoms, comme s’il était inutile de les affubler d’un véritable patronyme puisqu’ils sont destinés à rejoindre l’ombre dont on les a extraits, dès la fin de leur épopée, dès que les sunlights s’éteignent… même et surtout si une poignée survit à la fuite du temps et obtient un succès de circonstance.
 L'échec d'un certain nombre de comédies musicales, après les triomphes de "Notre-Dame de Paris" et "Roméo et Juliette" démontre pourtant que la cause n'est jamais gagnée d'avance pour ces capitaines d’une industrie culturelle florissante et que, quels que soient les moyens investis et le niveau de compétence des managers, il reste une part non maîtrisable dans le montage d'une opération artistique, cette « glorieuse incertitude de l’art » qui nous laisse espérer que la mécanique des flux de l’argent de la culture ne sera jamais un long fleuve tranquille et viendra toujours perturber la règle du jeu qu’ils tentent d’imposer.

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Cali, Aubert et tant d'autres...

Publié le par Bernard Oheix

 
Il existe une vague portante l’exception Française, l’éclosion enfin d’une expression de la chanson réconciliée avec le rock, un style (ou plutôt des styles) qui invite le spectateur à de véritables shows marqués d’une authentique touche à la Française. En cette période où le défaitisme est érigé en dogme, il est rassurant de voir cette lame de fond envahir les plateaux des festivals et des scènes hexagonales. Nous avons tant souffert par le passé de cette dichotomie entre un label français de la chanson à textes et les tentatives sans cesse avortées d’un rock purement jouissif, toujours renvoyé à la maitrise anglo-saxonne, comme si nous ne pouvions opérer ce rapprochement entre la forme et le fond et trouver notre voie par la musique.
C’est enfin fait !
Des anciens (Pagny, Hallyday, Sardou, Higelin, Aubert, Thiéfaine…) aux petits derniers (Da Silva, Anaïs, Jeanne Cherhal, Pauline Croze, Jamait) en passant par les Cali, Raphael, Camille, Bénabar, Mickey 3D, M, Obispo, Calogero… les propositions sont multiples et cette richesse extraordinaire de talents nous fait rêver d’un monde meilleur.
Et encore, c’est sans compter les alternatifs de l’électro, les rappeurs, Diam’s et autres M'Pokora, les reggaemen de Tryo ou Sinsemilia,  les exportés de la culture (Manu Chao, Kassav, Chico et les gypsies, les Muvrini), les cousins francophones (Africains, Berbères, Indonésiens), les Québécoises et même l’Australie qui s’y met !
Ils éclosent et osent. Ils s’émancipent et viennent proposer une vision du monde qui soit plus ouverte et chaleureuse, une communion avec le public où la technique sophistiquée n’enlève rien à la spontanéité de shows « à l’américaine ».
Ils nous permettent de croire enfin que les sons les plus convulsifs peuvent porter des messages d’amour, dénoncer la bêtise et offrir un message d’espoir à ceux qui n’acceptent pas que le monde se transforme en une caricature figée de nos égoïsmes et de nos peurs.
La scène française est en train d’exploser, cela faisait tant d’années que nous l’espérions que nous ne pouvons que gouter notre plaisir et nous laisser embarquer sur les ailes de la musique.
 
PS : Et pour ceux qui douteraient de cette affirmation, rendez-vous aux concerts de Cali et de Jean-louis Aubert… ou de tous ceux qui sont cités dans cette note. Rendez-vous aussi sur n’importe quelle scène de cette belle France qui gagne pour ceux que je n’ai pu mentionner par manque de places…

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Les ilotes de l'intellect

Publié le par Bernard Oheix

Dans le monde tourmenté de l’université, les couches successives de réformes morts-nées, les coupes sombres dans les budgets, le vieillissement des équipes pédagogiques et l’absence de perspectives à moyen terme ont entraîné une vague de renoncement et de pertes de sens pour ce lieu qui est sensé formé notre élite.

 

Décréter que 80% d’une couche d’âge doit pouvoir intégrer une formation supérieure est un pari généreux et osé qui ne peut être tenu que si les structures s’adaptent à cette demande nouvelle, que si le phasage avec l’extérieur s’effectue, que si les corps de métiers et les privilèges obsolètes sont remis en cause et accouchent d’une dynamique de transformation au service de l’éducation.

Las ! Le modèle en vigueur ne peut évoluer sous la pression des corporatismes divers. Celui des enseignants accrochés à leurs horaires et à un rythme de renoncement d’investissement de leur pratique d’enseignement au profit tout au plus de leur démarche individuelle. Celui des étudiants, avec leur formation de base décapitée, jouant des peurs et de l’incapacité d’une administration à assumer sa mission et toujours prête au recul pour éviter la tension. Celui d’une coupure profonde entre l’université et le monde du travail, incapables de se comprendre et de transformer en émulation leurs différences.

Le grossissement inconsidéré des effectifs a obligé à ouvrir une brèche dans la formation des cadres et de recruter à l’emporte pièce un corps de chargés de cours. C’est ce corps d’esclaves modernes que nous allons situer dans ce processus d’un grand bateau ivre qui a perdu son cap.

Si l’on analyse une section comme celle des arts du spectacle qui par essence fait la jonction avec le monde réel et ne peut exister que si elle est branchée sur la pratique, les chargés de cours représente plus de 50% des heures et les trois quart du personnel enseignants. Or ces chargés de cours rétribués sur des segments de 20 à 40 heures annuelles pour des montants frisant les 1000€ annuel ne peuvent enseigner que s’ils ont une activité principale, ce qui exonère l’université de toute couverture à l’exception de celle de la retraite.

A raison d’un cours par semaine de deux heures, sur des modules hybrides de 3 à 4 mois, ils sont livrés à des étudiants dont la plupart ont un niveau artistique proche du zéro, une formation de base débilitante (cf les fautes d’orthographe, l’incapacité absolue d’écrire et une difficulté à raisonner). Ils sont recrutés sans véritable examen de leurs capacités, il n’y a aucun suivi de leur enseignement…mais en même temps, ils sont totalement démunis devant une administration qui ne fait aucun cas de leur rôle et refuse de considérer la nécessité de les encadrer dans leurs droits et leurs devoirs. Ils sont devenus des pions corvéables à merci, que l’on sous-paye (ce qu’ils tolèrent soit à cause de la précarité générale et au complément de ressources que représente ce mini-salaire, soit en raison de la réelle image valorisante qui est encore attachée à cette fonction), qui occupent les heures en bouche-trous des enseignants, qui ne peuvent que constater les difficultés de la machine universitaire à former des cadres pour la société civile !

Pire ! L’administration, au moindre problème, a la consigne de « donner raison à l’étudiant », seule façon de se protéger de remous des associations estudiantines, d’autant plus virulentes qu’elles ne représentent qu’une frange toujours plus réduite des étudiants. Le chargé de cours devient ainsi le bouc émissaire de toutes les failles d’un système qui a érigé le renoncement en dogme, qui a réduit ses objectifs à la plus simple expression d’une absence de contestation et d’évaluation de ses objectifs.

Il reste des professeurs permanents qui a tour de rôle s’engagent et maintiennent l’illusion d’un dynamisme, démunis de tout et surtout d’un sens de réalité qui leur fait percevoir le monde extérieur à l’aune de ce prisme déformant d’une université repliée sur elle-même.

Prenons l’exemple de ce stage en entreprise (trois semaines) obligatoire au niveau de la licence. Aucun créneau temps n’est prévu pour qu’il se réalise dans leur année universitaire. C’est bien de cette absurdité d’une école qui veut s’ouvrir mais qui ne sait s’en donner les moyens dont il s’agit. Un stage sans être programmé, sur une période trop courte, dans une région qui ne peut offrir suffisamment de places à  plus de 40 étudiants (sans compter les autres sections comme celle Art, communication et langage), et qui veut faire valider cette option par un représentant des entreprises bombardé chargé de cours comme un roi nu qui erre dans un monde kafkaïen.

Pauvre université à la recherche de son temps perdu, de son lustre passé et qui perd son âme de ne plus avoir de capitaine quand les politiques sont incapables de donner du sens à ce qui en a tant besoin.

 

Pauvres chargés de cours, qui sont les cache-sexes de l’incurie générale, sans qui l’université ne pourrait fonctionner, constitués en un corps de métier au rabais qui s’est créé pour répondre aux besoins mais qui n’ont d’autres perspectives que de colmater des brèches béantes condamnant les étudiantes et les étudiantes à sortir de l’université en étant désormais totalement inadaptés au monde des études comme à celui du travail !

 

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