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culture

C'est quand les vacances ?

Publié le par Bernard Oheix

Bon, d'accord, c'est un peu provocateur pour quelqu'un qui, depuis le 1er juillet, est censé profiter du soleil et de siestes réparatrices et ne plus avoir, ni horaires, ni contraintes ! Le temps de la Liberté en quelque sorte, version paradisiaque et sociale de sous les pavés, la plage, 44 ans après !

 

Peut-être, mais c'était méconnaître le planning des Nuits Musicales du Suquet dont j'assume la Direction Artistique pour les 3 prochaines éditions. Le montage de Mozartissimo, un étrange OVNI réunissant 43 musiciens sous la férule de Philippe Bender de l'Orchestre Régional de Cannes Provence Côte d’Azur, 2 soprani sublimes (Amira Selim et Antonella Gozzoli) et une bande de techniciens sous la responsabilité de Paolo Micciché, le metteur en scène avec qui j'avais réalisé le Jugement Dernier/Requiem de Verdi, occupés à composer une ode visuelle aux ouverture et aria de Cosi Fan tutte, Don Giovanni et autres Flûte Enchantée… Compte tenu que c'était complet depuis 15 jours, que l'on a jonglé entre les plannings divers des uns et des autres, les aléas climatiques et la légendaire aptitude de la technique moderne à enfiler des  perles, un casse-tête pour nuits blanches ! Un triomphe pour le public !

Il y a aussi Sarah Nemtanu, l'authentique interprète de la musique du film Le Concert. A l'origine, elle devait inviter Mélanie Laurent, l'actrice aussi chanteuse pour une rencontre passionnante... Exit Mélanie en tournage avec quelque monstre sacré du cinéma américain et bienvenue à Juliette, son univers déjanté au service du classique dans un projet original... réconciliant tous les publics présents, classique comme moderne, enterrant toute querelle derrière le bon goût, l'élégance et l'humour !

Il y avait enfin un monstre sacré, ou sacré monstre, comme vous l'entendez...  Nigel Kennedy, avec son Bach qui se transforme en Deep Purple d'anthologie, smoke on water pour l'éternité, dégaine de clown triste mais passion extrême dans l'archet, errant sur tous les chemins de traverse d'une musique sans frontières !

Nigel-eric.jpg

Le fou génial, le punk de la musique classique, l'homme qui fait voler les frontières en éclats... Nigel Kennedy, après le concert, tout heureux du tour qu'il a joué à ceux qui pensaient que la musique classique sentait la naphtaline !

 

Et notre curé national, William Sheller, voix miraculeuse pour une dialogue plein d'humour

entre sa musique, ses chansons en adresse au public... Deux heures à le séduire en communion, tout le monde debout pour une ovation finale à un homme qui n'a pas de raison de ne pas être heureux.

Restait Laure Favre-Khan, belle à la crinière blonde avec des doigts effilés et longs pour séduire l'assistance avec un Chopin que les mots de sa correspondance lus par Charles Berling rendaient tellement présent, comme si derrière le génie, la peur, la maladie, l'angoisse créatrice le rendaient si charnel que sa musique en devenait une lecture de sa vie.

Et pour finir, Fazil Say, un Turc habité, faisant chanter son piano, lui tirant des sons étranges en le faisant respirer. Tableaux d'une exposition... œuvre enchantée, quand la prouesse est au service de l'imagination, qu'elle prend le pouvoir pour nous entraîner dans un monde de perfection !

Si l’on rajoute les expériences de 19h dans la cour du Musée de la Castre, un jardin chantant avec des œuvres en bois sculptées dans des arbres, percussion/saxo, deux solistes russes et une magnifique création de Gilles Saissi autour du tango, méditation musicale et dansante en équilibre entre la voix de Carlos Gardel et les mélodies chaudes d’une Argentine moite par une équipe jeune de solistes sublimés !

6 soirées complètes, une programmation touchant plusieurs publics et rajeunissant l'assistance, un climat de sérénité et d'enthousiasme, comme si cette unité dans la diversité avait enfanté d'un monde un peu meilleur ! Je me souviendrai longtemps de cette édition, la première où je suis véritablement libre de programmer sans l'ombre tutélaire de son créateur, et des sourires heureux des 4000 personnes qui l'ont plébiscitée !

Alors à l'an prochain donc, pour une nouvelle aventure et en attendant, vive un début de retraite bien méritée en Crête  pour 3 semaines farniente à  l'ombre des verres d'uzo en fleurs ! 

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Lettre à mes amis comédiens...

Publié le par Bernard Oheix

Voici donc la lettre que j'ai envoyée à l'issue de cette première série. En effet, c'est à Nice en novembre 2012 que nous reprendrons Linge Sale pour 6 représentations au Théâtre Françis Gag. J'ai perçu, de jour en jour, une blonde s'affirmer en moi et une Martiniquaise s'épanouir... Miracle du Théâtre... Henri, lui, l'homme au maillot si explicite, reste un incorrigible technicien de base, fasciné de sentir la scène sous ses pieds et heureux de participer à cette aventure artistique. Bernard par contre reste dubitatif sur son avenir de comédien... 

 

Chers amis et néanmoins camarades.

 

blonde-tricot.JPGJe tiens à vous remercier tout particulièrement pour m’avoir :

-mis des seins, bas et jupe, perruques blonde ou noire, colifichets et fond de teint

-autorisé à pisser 4 fois en 30 mn dont une dans une bouteille d’Evian pendant la première partie de la pièce

-obligé à bouffer des sandwichs et grignoter des saloperies pendant 3 semaines au grand détriment de mon tour de taille.

-de m’avoir permis de visiter la région en faisant 20h de moto entre Cannes et Nice (dont 1h sous une pluie diluvienne) afin de pouvoir vous retrouver au Théâtre Francis Gag pour les innombrables lectures, répétitions et filages me laissant épuisé et incapable d’assumer ma vie sexuelle (d’autant plus que les stigmates de khôl, fond de teint et rouge à lèvres traînant sur ma gueule n’engageaient pas ma femme à avoir des élans de tendresse particuliers !)

-de m’avoir obligé de réveiller à minuit la mère de mes enfants afin qu’elle me fasse répéter unmart-1.JPG texte édifiant du style (-me farcir les gonzesses qui passent, -et mon cul c’est du poulet,-je vais te faire une ménagère à bigoudis…), tous textes qui portent sur les nerfs d’une femme normalement constituée réveillée par les angoisses de son mari dans le silence sépulcral d’une nuit du mois d’avril !

-donné une image particulièrement exotique et déplorable d’un Directeur de l’Evènementiel du Palais des Festivals de Cannes…d’autant plus que cette Martiniquaise me semble peu apte à lutter contre les hordes lepenistes qui semblent envahir nos urnes en nous cassant les burnes !

Spécial remerciement :

A Régis Braun pour la finesse de son choix (!!), la qualité générale de la distribution… incluant mon humble personne. C’est un beau final pour ma carrière de programmateur que nous avons fait ensemble et je suis très fier du bout de chemin que nous avons effectué de concert. Merci Régis d’avoir osé me faire passer de l’autre côté du miroir et de m’offrir ainsi, une nouvelle belle page dans ma légende en marche vers le panthéon des hurluberlus !

Collectivement à tous les acteurs, les vrais, ceux qui avaient du texte, du jeu et un rôle autre que celui de bouffon dans cette étrange pièce, Linge Sale de Jean-Claude Grumberg. Vous êtes vraiment des acteurs de talent, merci de m’avoir supporté avec tant de gentillesse et de professionnalisme. Rassurez-vous, ma carrière s’arrêtera avec cette pièce et je ne viendrai pas vous piquer vos émoluments… Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles !

bo Teeshirt

A Elisabeth, ma copine, celle avec qui je me maquilla, papota,bo-fumee.jpg babilla et tricota pendant que les garçons rivalisaient de machisme en roulant des mécaniques pendant la première heure totalement futile du spectacle !

A Marc, mon joggeur préféré, même si, à chaque fois qu’il me croisait avec ma perruque et mes seins imposants (90C), un haut-le- cœur manquait le faire vomir sur ma gabardine très « Bacallienne » qui n’en demandait pas autant !

A DEUX, au cocaïnomane Christian, en espérant que sa femme revienne. Tu es un acteur remarquable et je garderai toujours ton visage entre deux machines à laver pleurant sur son papier peint qui lui manque. Tu es plein de vitalité et tu m’as offert de bons conseils et des regards d’amitié particulièrement rassurants.

A UN, Jean-Jacques, sa mèche « nazouillarde » ne peut dissimuler son ouverture. Et même s’il se sent incapable de tendresse envers moi (Euh, envers Henri !), je ne lui en veux pas (!!). Tu m’as aidé à mieux comprendre la place d’un acteur, son rapport au metteur en scène, les petits trucs qui font que sur la scène, du chaos naît la lumière. Merci à toi pour cette leçon de choses… Cela ne faisait que 30 ans que je programmais du théâtre, désormais, je sais ce qu’est un acteur !

Et puis, à toute l’équipe du Théâtre Francis Gag, magnifiquement managé par un Pierre imposant, impavide, résistant aux crises d’un metteur en scène hypocondriaque, toujours prêt à rendre service avec un Pascal heureux à ses côtés. Merci Peter de m’avoir permis de papoter avec ta femme et d’avoir reluqué sa combinaison pendant qu’elle me maquillait !

Et puis Françoise, son soin dans le choix de mes chaussures (42 fillette), mes lingettes démaquillantes, mes bas filés, la perruque toujours prête, au petit soin pour moi  alors qu’elle n’en a plus rien à foutre puisque sa fille a réussi (enfin !) à me piquer mon poste !

Voilà, j’ai découvert sur le tard, l’ambiance d’une troupe, fut-elle éphémère, la réelle tension qui naît de s’exposer ensemble aux regards des autres, les connivences et petits secrets, engueulades et crises de nerfs, complicité et fous-rires, et l’extraordinaire humanité des belles personnes que vous êtes.

PS : Je sais que vous rêviez de voir mon jardin. Je vous propose donc de se retrouver tous en ma modeste demeure de futur ex-Directeur pour un  repas d’amitié. Je n’imagine pas, vu vos plannings chargés, tomber du premier coup sur une date où tout le monde est disponible… Alors à vos agendas !

PPS : on fera un curry de porc et des acras, je connais une Martiniquaise qui sait y faire !

La bise à toutes et tous. jogger.JPG

elisa.JPG

 

 

 

Toutes les photos des articles sur Linge Sale sont de mon ami et immense photographe, Eric Dervaux que vous pouver visiter sur son site : ericdervaux.com

 

 

 

 

 

 

A Elisabeth, ma copine femme de la troupe et à Marc, le Joggeur impérial de la

distribution !

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Linge Sale (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

Mon jardin, toujours, lieu des grandes décisions de la programmation… C’est plus facile avec un bon rosé et des copains autour de la table de concevoir des projets ! Printemps 2011, Régis Braun, un metteur en scène ami. Ensemble, nous avons créé quelques belles pages de la culture Cannoise depuis 15 ans. Jusqu’au bout de la nuit de Rezvani, avec un pianiste perché dans les cintres, un étang sur scène (là, il avait fait fort, le bougre !), Schweik 2000, à la médiathèque de Cannes, libre interprétation de la pièce de Milan Kapel, déambulations dans les jardins luxuriants autour d’un homme qui devient le jouet des autres mais que son innocence protège de la méchanceté des autres et des institutions. Victor et les enfants au pouvoir, La fausse suivante de Marivaux et On purge Bébé de Feydeau complètent ce panorama d’un théâtre de réflexion et de divertissement dans un processus de création régionale et de productions autonomes.

Avec Régis B, on a souvent rêvé que nous transformions le monde (du théâtre), mangé des huîtres à Marseille en assistant à une trilogie d’Eschyle (ou d’un autre Grec… Je ne sais plus exactement !), imaginé des plans improbables, tenté de faire un Brecht (Je n’ai jamais, en 15 saisons pour près de 200 pièces, pu accueillir un Bertolt Brecht, sniff !). Alors, au crépuscule de mon ultime opus, toujours dans mon jardin, je lui propose une dernière wild-card pour avril 2012. Il acquiesce et m’assène débonnaire : « -OK, mais je choisis la pièce et il y aura un rôle pour toi ! ». C’est typiquement le genre de chiffon rouge auquel je ne peux résister. Il me connaît le bougre ! J’opine du bonnet en resservant une tournée de verres de rosé et on passe à autre chose tout aussi important, du style nature du dessert ou couleur du pousse-café !

Le temps s’écoule, le programme de la saison 2011/2012 « Donner du goût à vos sorties » sort avec Mon ami « Caramella fait son Cinéma » en ouverture, La Nuit de la Guitare avec tous mes potes, Le Crazy Horse, Huun Huur Tu, Hubert-Félix Thiéfaine (qui a l’obligeance de rafler 2 Victoires de la Musique un mois avant et par conséquent de me remplir le Grand Auditorium), et un mois d’avril final en apothéose avec Le Canto General (cf. mon article précédent), Linge Sale de Jean-Claude Grumberg dans une distribution comprenant Jean-Paul Icardi, (un des pseudos que j’utilise régulièrement  quand je veux cacher certains aspects de ma vie secrète) et les Voix Passions, ultime concert produit par un certain Bernard Oheix qui aura été le Directeur de l’Evènementiel du Palais des Festivals de Cannes de février 1992 à avril 2012 !

C’est dans le courant de l’été (donc trop tard pour pouvoir intervenir !) que Sophie Dupont, mon adjointe et future remplaçante, me demande si j’ai vraiment lu la pièce et si je sais quel rôle je vais interpréter. Que nenni !

blonde jambe

Et je me plonge dedans, découvrant avec horreur (et un zeste de fascination !), que je vais entrer en début de deuxième partie habillé en blonde patinée, pour revenir en Martiniquaise explosive, et finir en technicien de base désorienté ! Et ce sera ma dernière pièce en tant que Directeur de l’Evènementiel, le 20 avril 2012 ! Heureusement !

 

1ère lecture en décembre 2011 avec toute l’équipe au complet, une mise en bouche pour analyser les personnages, leur donner du sens, tenter de saisir ce que Jean-Claude Grumberg, (9 Molières, plusieurs Césars, auteur de L’Atelier) a bien voulu imaginer dans cette œuvre complexe sous-titrée (par lui-même), « une pièce sur le moins disant culturel ! ». JJ

 

Mi-mars, les comédiens entament leur marathon au Théâtre Francis Gag de Nice où se déroulent les répétitions et je les rejoins fin mars pour travailler ma partie finale. Longues journées épuisantes, de 10h à 19h, lectures à l’ espagnole ou italiennes, filage. Apprentissage du texte aux forceps (mais comment font-ils pour l’ingérer, des pages entières à la virgule près), répétitions des gestes et déplacements…

 

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Essayage des costumes, une blonde patinée aux gros seins, lunettes, bas, maquillage. Escapade en ville afin de trouver des chaussures à hauts talons (compensés !), tête des vendeuses devant mon 42 fillette… Confection de ma tenue Antillaise par une amie du Palais, elle-même Martiniquaise, avec bijoux, chapeau et apprentissage de la méthode pour se maquiller en noire voluptueuse (!!)… et toujours ces journées et soirées épuisantes à travailler, ressasser inlassablement des bouts de textes et des attitudes, des positionnements dans un décor qui prend forme petit à petit. La nuit, je réveille ma femme pour des lectures de textes, je lui impose des répétitions forcenées dès que nous roulons en voiture afin de mémoriser ces foutues 30 répliques rétives et ces 5 tirades un peu plus longues qui s’obstinent à me fuir au moindre problème de déplacement sur scène ou de stress…

 

La peur d’être ridicule, la voix haut perchée de mes premières interventions, les repas sandwichs et les crises de rire et tensions d’une microsociété soudée autour d’un projet mais qui vit sous l’œil des autres.

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J’ai découvert, après 30 années à programmer des acteurs, chanteurs comédiens, « la vie d’artiste » de l’intérieur, les petits riens, échanges et autres réglages permanents, les breaks et le trac de chacun, même des plus aguerris, au moment de se livrer au public. La distribution particulièrement brillante, de talentueux comédiens me permettant dans ce rôle « exhibitionniste » de faire illusion sur ma nature d’amateur éclairé.

Enfin, la symbolique incroyable de terminer seul en scène (c’est dans la pièce originale !), moment jouissif renvoyant à la fin de ma carrière professionnelle, écho de 15 ans de programmations, de la création de ces « Saisons à Cannes » en 1997 avec Sophie Dupont, mon adjointe qui me succèdera au 1 juillet prochain.

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2000 groupes, artistes, compagnies et troupes pour des heures de souvenirs grands ou petits, de triomphes et de bides, de pleurs et de rires…de prouesses et de ratés. Mais on y reviendra plus tard.

Pour l’heure, la blonde, la Martiniquaise et Henri, le technicien de base sont heureux de vous saluer !

 

 

 

Vive le théâtre !

 

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Canto General

Publié le par Bernard Oheix

Début des années 70. L’icône Mikis Theodorakis est en exil à Paris, libéré des geôles des colonels grecs grâce à une formidable mobilisation des intellectuels et du peuple grec. Pablo Neruda est ambassadeur à Paris d’un Chili dirigé par Salvador Allende qui tente une transition démocratique ! Les deux exilés vont croiser leur chemin. Theodorakis décide alors de mettre en musique le Canto General, long poème fleuve, pièce maîtresse de l’œuvre du poète, composée pour partie en prison dans les années 50 par Pablo Neruda qui obtient en 73 le Prix Nobel de littérature.

Une version pour orchestre « folklorique » avec bouzouki, percussions naît, bientôt complétée par une seconde sous forme de cantate avec orchestre symphonique et chœur, celle qui sera officialisée le 7 septembre 1974 à la Fête de l’Humanité et un disque LP (vous savez les fameux vinyles de l’époque !) enregistré en live par EMI chez Pathé Marconi. (Incroyable, ces noms qui fleurent la France d’un après 68... Nostalgie !).

Ce disque, je l’ai écouté en boucle. Tête ronde de Neruda, chevelure de ébouriffée d’un jeune Theodorakis, rouge et noir, dans une distribution d’exception avec Maria Farandouri et Petros Pandis (mezzo et Baryton), les Percussions de Strasbourg  et le Chœur  National  dirigé par J. Grimbert.  Il n’était qu’une partie de l’oratorio intégral, 4 chants sur les 13 originaux, mais sa force cosmique, alliage d’une poésie épique de l’homme et d’une musique populaire venant se greffer sur une orchestration classique, en déroutait plus d’un, inclassable, OMNI (objet musical non identifié), type Carmina Burana pour païen ou Requiem pour existentialiste…

Et puis, les années se sont écoulées, l’œuvre est tombée en désuétude malgré une version armada germanique pour grand orchestre. Sa complexité technique (orchestre + chœur + solistes + percussions), sa sophistication artistique, la normalisation de la Grèce comme pays européen démocratique, la renvoyant vers le néant du sirtaki !

Et pourtant, certains de ces airs sont encore dans ma mémoire, préservés, intacts. Le souffle grandiose d’une histoire de l’humanité transcendé par des mots et des notes ciselés dans l’or du temps ! America Insurrecta et Los Libertadores où les sons de la langue de Pablo Neruda se mêlent si étroitement aux notes en fusion d’un grec exalté !

J’ai attendu pendant 15 ans un « Canto » à programmer à Cannes, tellement espéré, jamais croisé. J’ai accueilli des Requiem (Mozart, Verdi), 2 Carmina Burana, des opéras en « novlangue » (Dogora), des percussions, des spectacles complétement décalés… mais jamais de Canto General… jusqu’à ce que je me décide enfin, au crépuscule de ma carrière, avec mon ami Richard Stephant, mon complice de nombres opérations bizarres, à produire ce Canto qui se refusait à moi ! Après tout, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même !

C’était il y a plus d’une année, on vient de réaliser ce Canto General à Cannes !

Les boucles sont parfois faites pour être bouclées !

 

Vendredi 13 avril. Théâtre Debussy du Palais des Festivals. Le public arrive, s’installe. Angélique Ionatos déclame un poème de Pablo Neruda en ouverture. Elle est frêle, voix rauque, robe rouge et tunique noire. angelique

 

Voici venir l’arbre, c’est l’arbre

De l’orage, l’arbre du peuple.

Ses héros montent de la terre

Comme les feuilles par la sève,

Et le vent casse les feuillages

De la multitude grondante,

Alors la semence du pain

Retombe enfin dans le sillon.

 

 

 

 Puis le premier chant. Les chœurs montent dans la salle. L’orchestre dirigé par Giulio Magnanini (en remplacement de Philippe Bender, souffrant) s’attaque à cette partition très complexe, sophistiquée, soutenu par 3 percussionnistes qui découpent les sons et impulsent une rythmique syncopée  en brisant les mélodies. Spyros Sakkas, tête léonine de barde encadré de cheveux blancs joue de sa voix en scandant les fièvres d’un peuple en lutte.

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C’est parti pour 1h20 d’extase, devant une assistance médusée et fascinée. 15 minutes d’ovation finale, rééditées le lendemain pour une seconde représentation.

 

Envolées les angoisses d’un financement aléatoire et l’abandon en cours de chemin des deux coproducteurs prévus (il faut dire que pour cet Italien et ce Grec pressentis, que la conjoncture économique des derniers mois n’était pas au zénith et peu propice à un investissement culturel, fut-il modéré !).

Evanouies les interrogations sur un chœur amateur, magnifiquement préparé par Giulio Magnanini, mais manquant de volume (une vingtaine de choristes en plus n’auraient pas été du luxe pour cette œuvre où les mouvements choraux épousent les soubresauts d’un peuple en lutte et doivent passer par-dessus la musique pour atteindre à l'épique). Ils compensent grâce à une énergie et une passion bien présente leur manque de technicité.

ensemble-canto.JPG

Qu’importent le manque de temps de préparation, les quelques soucis techniques de sonorisation, l’absence des images de  Paolo Miccichè (le metteur en scène avec qui j'avais réalisé le Jugement Dernier) initialement prévues, la complexité réelle d’un entreprise réunissant un orchestre régional, des choristes amateurs, des solistes grecs.

La réécriture préalable de l’œuvre sous l’œil de Mikis Theodorakis par un jeune compositeur (George Dousis), et le pianiste attitré de Theodorakis, Yannis Belonis, l’adaptant pour une intégrale jamais réalisée par un ensemble classique de type « mozartien » (45 musiciens), confère alors une modernité à cette cantate qui rend écho aux convulsions du monde actuel.

Que le glaive de l’impérialisme soit remplacé par le rouleau compresseur de l’ultralibéralisme ne change rien à la réalité de la souffrance des gens, l’écart entre les nantis et les démunis s’accroît, la douleur est un bien en partage pour les plus nombreux.

Cet Oratorio vient comme un coup de tonnerre afin de réveiller les consciences. Les combats ont changé, les armes sont différentes, mais l’art est toujours au service d’une certaine idée de la beauté et de la justice !

Et moi, avec mon copain Richard Stephant, le producteur exécutif du Canto General, on aura modestement réécrit une page d’histoire de l’Art. Un CD sera (si la qualité du live le permet), pressé et je pourrais à nouveau écouter ce chant magique d’un monde rêvé.

En attendant, dans le souper qui réunit tous les acteurs de cette saga improbable, nous avons mangé et bu, et rit et pleuré sur un chapitre de l’humanité encore à écrire : celui de la Liberté triomphante et du bonheur en héritage !

 

Moi, j’ai composé mon propre Canto General les 13 et 14 avril à Cannes !

 

PS : les photos sont de mon ami Eric Dervaux... 

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Julien Doré

Publié le par Bernard Oheix

Petit souvenir de l'année dernière. C'était le 3 décembre. Une programmation d'un artiste qui a un univers particulier et défend une langue pleine de saveur et d'intelligence. Le premier choc viendra de l'écoute attentive de son CD avec un long poème chanté, Glenn Close, un bijou, et des morceaux qui enchaînent le cristal des mots et la précision des rythmes. Le deuxième sera provoqué par sa présence sur scène et la qualité de son jeu, de la technique, d'une harmonie et d'une dérision qui sont portées par une énergie et un tempo sans faille.

Artiste à écouter et à voir, bien loin de tous les clichés. Attachant.

 

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Un concert magnifique dans un grand auditorium chamarré, plein de couleurs et de jeunes enthousiastes. Julien Doré s'avèrera un artiste abordable, acceptant même une interview sauvage de jeunes collègiens, sans affectation, avec sincérité. Un timide extraverti, dont la retenue se libère sur scène mais qui reste humain dans les coulisses. Une belle personnalité qui saura me convaincre de sa profonde humanité.

Sur scène il virevolte, se déglingue, ose tout, se met une couronne de fleurs blanches, gesticule et se roule par terre. Il se donne sans complexe. Il est porté par des musiciens d'une extrême sensibilité, qui le suivent et sont en osmose même dans ses divagations, alternant des plages sensuelles pour déclencher un feu continu de notes exacerbées. C'est un spectacle qui refuse le formatage, invente des pas nouveaux, des moments d'une grande dérision succédant aux phrases sérieuses de poèmes étirés !

Voilà, si vous ne connaissez pas vraiment Julien Doré, et même si vous n'en avez pas vraiment le désir...Courez à son concert, vous le découvrirez dans toute sa richesse et sa complexité !

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Italia per sempre !

Publié le par Bernard Oheix

C’était il y a plus d’un an, lors d’un voyage à Rome pour un projet de co-production du Canto General de Mikis Théodorakis. Monica Reggini, l’assistante du directeur de la Fondazione Parco della Musica, me remet en cadeaux, une série de CD produits par leur structure en guise de bienvenue. J’ai des centaines de CD's qui croupissent sur mes étagères, jamais ouverts, en attente du jour où j’aurais le temps de les glisser dans mon lecteur. Il faudra bien s'y atteler !

Dans la voiture, 3 semaines après, au cours d’un déplacement à Marseille pour visionner la dernière création de Frédéric Flamand, le Directeur du Ballet de Marseille et nouveau Directeur Artistique du Festival de la Danse. J’écoute distraitement quelques CD's, profitant de la route pour tenter de me mettre à jour. Entre un classique et un jazz, je glisse un objet étrange, L’Orchestra Popolare Italiana. Choc. J’arrête la voiture sur une aire d’autoroute et je vais ainsi m’écouter 30 mns d’une musique étrange sur ce titre « Taranta d’amore ». Secousse tellurique ! Attention...Révélation !

 

La Tarante est ainsi appelée, parce que lorsqu’une tarentule (l’araignée) vous pique, vous entrez en transe et l’écoute de cette musique du sud de l’Italie est censée vous provoquer ce même état d’abandon et de dissociation entre le corps et l’esprit. Cette transe, je l’ai réellement vécue du côté de Draguignan, entre quelques camions à l’arrêt et le flot ininterrompu de voitures fonçant sur l’A7.

De retour au bureau, je téléphone à Monica Reggini et lui demande si l’orchestre tourne et s’il est libre. Aussitôt dit, aussitôt fait, nous prenons rendez-vous pour la saison d’après, presque un an à attendre. J’obtiens la présence d’une star Italienne, Carmen Consoli, que j’avais déjà accueillie il y a 5 années, et qui interprétait un morceau sublime sur le CD Tarenta d’Amore et le temps passe. Pour corser la soirée, je rajoute une première partie, Sylvia Malagugini, et me voici doté d’une belle « Nuit Italienne » pour ma dernière saison à programmer, le jour de la Fête Nationale de l’Unité Italienne.

 

Arrive donc le 10 décembre 2011. Si le public n’a pas vraiment répondu (mais où sont donc les si nombreux italiens de la Côte ?), les 400 personnes dans la salle Debussy permettent de lancer la soirée dans de bonnes conditions. Sylvia Malagugini tente de s’imposer… Elle y arrive difficilement ! En effet, son spectacle étonnant, sa représentation exigeante se dilue sur cette grande scène jonchée des instruments de musique de l’OPI. Idéal pour une scène intimiste et pour un public en communion, ses vocalises et poèmes se perdent dans l’immensité du vide de la salle, caisse sans résonnance pour une artiste de proximité. C’est beau pourtant, élégant et fort, voix puissante, entre un tour de chant et un spectacle visuel mais c’est une erreur de casting qui ne sert, ni l’artiste, ni le public.

Don't acte !

Entracte.

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Ambrogio Sparagna. Un leader branché sur une pile d'énergie. Dans une salle pas forcément acquise au départ, il va faire monter la température jusqu'à un point de fusion où tout le monde debout sera en communion avec le groupe !

 

Un musicien soufflant un son aigre dans une peau de mouton pénètre sur scène. C’est un « zampogne », sorte de cornemuse typique de la Sicile dans lequel il souffle à perdre haleine. Un immense barbu le rejoint et entonne un chant guttural en hymne d’ouverture. Voix basse et grave sur les sonorités acides du zampogne.

 L’orchestre s’installe, une douzaine d’hommes et de femmes, jeunes, beaux. Dès les premières mesures du chant inaugural, on sent une force nous aspirer. Une vraie énergie en flots tumultueux envahit l’espace. Le leader, Ambrogio Sparagna, avec son accordéon, va impulser le rythme démoniaque d’une cérémonie païenne, une bacchanale où chacun danse, soliloque, et fusionne avec les autres. C’est un son puissant, qui évolue en boucles qui se resserrent, se confrontent et débouchent sur une explosion générale. Comme un boulet que l’on projette vers le spectateur et qui s'accélère au lieu de s’épuiser, qui prend son envol jusqu‘à percuter le public de plein fouet.

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Avec son tambourin, elle va introduire un moment de pure poésie, une claque pour ceux qui pensent que la sophistication et la quantité de matériel sont indispensables pour créer l'émotion !

 

Des moments inoubliables vont se succéder dont un solo de tambourin à faire oublier la réalité de cet instrument. Variations infinies entre la percussion et une « base » de frottements qui sécrètent des sons étirés, véritable synthèse entre le coup et le « glissando », 10 minutes de jouissance. Tous vont chanter, de belles voix fortes qui tirent les sons, qui attirent les notes s’agrégeant en torrents qui peuplent le silence d’une mémoire ancestrale. Beaucoup danseront, sautillant sur scène dans des chorégraphies qui épousent les rythmes syncopés des mélodies.

C’est une formidable soirée où se conjuguent la tradition séculaire d’une Italie du Sud et la modernité d’une mise en scène sans concessions, sans facilités, tournée vers la communion et le partage avec le public.

 

Et quand Carmen Consoli entrera dans le cône de lumière, seule avec sa guitare et sa voix rauque, un frisson va courir dans la salle depuis longtemps conquise. Ambrogio Sparagna viendra la rejoindre pour un « chiami-rispondi » entre leurs voix et leurs instruments. En final, elle interprétera avec l’ensemble des musiciens, un morceau sublime de beauté, un opéra moderne, un bijou ciselé de toute l’humanité d’une soirée hors du commun.

 

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  La belle et troublante Carmen Consoli. Une voix à faire chavirer la salle. Nous sommes tous des Italiens !

 

Italien ou pas, en ce 10 décembre 2011, il fallait se trouver du côté de Cannes, dans un Palais des Festivals transformé en auditorium de toutes les cultures, de toutes les facettes de la magie musicale d’un art populaire authentique, quand la tradition bien comprise débouche sur la modernité et que le talent nous offre l’éternité !

 

PS : les photos sont de mon pote Eriiic Derveaux !

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Système Castafiore

Publié le par Bernard Oheix

 

LES CHANTS DE L'UMAI 

Voici donc la création 2011 de cette compagnie de danse atypique, perchée sur les hauteurs de la ville de Grasse, oeuvrant aux quatre vents de tous les espoirs. Un solo de Marcia Barcellos sur une heure. Vous avez dit « casse-gueule » ?

Exercice obligé ou véritable projet artistique ? Délire mégalomaniaque ou contrainte économique ?

Disons-le une fois pour toute afin de clore le débat : ce spectacle est un chef d’œuvre, un conte enchanteur situé dans un étrange monde souterrain conçu par des visionnaires, partagé entre la magie d’un Méliès et la puissance d’un Matrix…ou quand la haute technologie qui nous enserre dans ses fils devient le contrepoint d’une ode à la liberté.

Marcia est sublime, troublante, captivante et Karl lui offre un superbe chant d’amour, une lettre ouverte à toutes les passions. Couple dans la vie, égérie dans la création. Equilibre entre l’imagination brutale et étrange d’un Karl Biscuit et la grâce d’une chorégraphe traçant les chemins d’une démarche personnelle, pas de côté, chassés entre l’élégance classique et les formes extrêmes d’une volonté de se libérer de la pesanteur. C’est tout le pari de cette équipe de création que d’inventer une scène où se pressent, tel des êtres vivants, des formes suggestives peuplant d’ombres le vide de l’espace. Extraordinaire solitude d’une héroïne de chair évoluant dans la luxuriance de fantômes absents. Procédant par des projections et des filtres qui donnent une épaisseur à l’obscurité, Marcia, dans des costumes inventés par Christian Burle, un fantastique metteur en rêve qui donne une consistance aux délires de Karl Biscuit, évolue comme si les frontières entre la réalité et la fantasmagorie venaient d’être bannies, soulignées par les lumières ciselant l’obscurité de Jérémie Diep.

Les Chants de l’Umaï est un poème en 5 chants, quatre essences plus la quintessence. C’est un parcours poétique dans l’univers d’une féminité mystérieuse, femme déesse, femme fatale, mère de toutes les origines. Chaque époque commence par une complainte que sa voix si belle, si pure (encore une découverte des trésors de Marcia !) pare d’un mystère. Et si chaque spectateur peut donner libre cours à sa propre interprétation, c’est parce que la pièce est ouverte comme le songe d’une nuit de charme, quand tout est possible, tout est envisageable, même la beauté des profondeurs de l'inconscience !

Alors merci encore à Marcia Barcellos, à Karl Biscuit, et à toute leur équipe créatrice qui ouvrent des portes dans la perception du spectateur.

 

Et pour terminer, quelques phrases tirées du dossier de présentation :

 

« Une archéologie imaginaire qui puise dans les mythes

issus de la nuit des temps.

Tellement anciens qu’il n’en subsiste aucune trace.

L’Utopie à l’envers sera notre véritable endroit.

Dans l’au delà du réel se dressent les forces de l’action

Poétique face à la désespérance du monde.

Nous chanterons la dignité de l’Homme.

Et sa révolte. »

 

« Le réel, c’est ce qui n’existe pas.

Par le non-être, saisissons le secret :

Darkness within darkness

La porte des merveilles. »

 

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Guitares passions...

Publié le par Bernard Oheix

Une soirée d’exception…

Une bande de guitaristes amis, de ceux qui croisent notre chemin et restent dans le cœur, bien après que les notes se soient évanouies. Nostalgiques de Cannes Guitare Passion, un Festival que j’avais géré pendant 10 ans et dont Pierre Olivier Piccard était le directeur artistique. Des concerts d’anthologie, des rencontres, des stages et un parfum inimitable d’une culture ouverte, entre le génie des stars de la guitare et la passion d’un public d’amateurs. Pour ma dernière saison, j’avais proposé une soirée retrouvaille à tout ce beau petit monde, un cachet minimum (au moins j’étais sûr qu’ils ne viendraient pas pour l’argent !), le même pour tout le monde, un hôtel, un concert atypique dans une salle de La Bocca et une grande bouffe pour clôturer ce début de ma dernière saison culturelle. Ils ont répondu présents… Et j’ai missionné Jean-Claude Rapin, mon ami de 20 ans, de la coordination, du montage de la soirée et de la couleur de l’événement !

 

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Il y a plus de 20 ans, Bernard et Jean-Claude Rapin au Festival de la Guitare.

Et quelques années plus tard, ci-contre...comme quoi, vieillir n'est pas toujours une punition !

 

 

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   

 

Et ce fut un grand moment ! Inoubliable ! 3h30 d’un show débridé devant un public qui avait rempli les 500 places de la Licorne. Toutes les facettes de la guitare, parcours atypique de blues, du rock, du classique et du flamenco, avec des artistes généreux, en dehors de tout système pour le temps d’une gigantesque « jam », une façon de faire un pied de nez au showbiz et de faire la fête à la musique... pour Bernard ! 

 

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Ils sont tous là...Pour la postérité : de gauche à droite. Michel Haumont, Vincent Absil et Michèle Barré, Mauro Serri, Patrick Rondat,Juan Carmona, Bernard Oheix, Mélodie Choir, Michael Jones, Bruno Clavel, Franck Agulhon, Jean-Claude Rapin, Daniel Yvinec

 

 

 

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Patrick Rondat, guitariste de Jean-Michel Jarre et Mauro Serri, guitare et voix chez Bill Deraime. Un duo de complicité, des envolées, quand la guitare est reine... L'un est un guitar heros qui joue tout en retenue, l'autre estoque la musique pour la faire vibrer et la ployer à sa volonté. Tous les deux sont des coeurs d'or et prennent leur plaisir de se réunir pour un set à cheval entre l'improvisation et les ficelles du métier avec le public en témoin privilégié.

 

 

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Quand la musique est belle ! Michael Jones. Un gallois au coeur de blues. Compagnon de route de JJ Goldman, il existe aussi par son réel talent de guitariste, une voix inimitable avec un phrasé rock à l'"anglaise". Il est adorable, un vrai seigneur qui ne méritait pas que son équipe de rugby perde contre la France. Jusqu'à 5 heures du matin, nous allons boire et parler de musique avec Haumont, Clavel, Absil and co.... cela me coûtera un peu de champagne, mais quel pied !

 

 

Soirée magique. Mélodie Choir, la fille de mon ami Gilles Choir, qui est parti l'an dernier pour un dernier voyage et dont cette soirée était aussi en hommage, avec le guitariste "local" Bruno Clavel, ils ouvriront le show pour un duo guitare/voix qui a du le remuer, l'autre, mon frère Gilou, sur son nuage de sérénité dans son paradis de notes. Et Vincent Absil/Michèle Barré, Absil, mon copain, ex-leader du trio Imago que j'avais découvert à la fin des années 70, le folk singer à la voix râpeuse, le fan de Dylan que j'avais programmé tant de fois. Ils ont une magnifique formule, belle voix de Michèle sur un gospel magique, percussions discrètes...Ils sont beaux sur scène et permettent le voyage vers les lointains bayous, les plaines arides d'une Amérique profonde parcourue dans une vieille Cadillac brinquebalante.

Et Michel Haumont, l'héritier du "picking" de Marcel Dadi qu'il a eu comme professeur, dont l'humour transparait dans ses interventions toutes de finesse. Notes suspendues, en équilibre, pas comme le torrent débridé et impétueux que déverse les doigts d'or du flamenquiste Juan Carmona. Encore des copains de toujours, dont la carrière a souvent échouée sur les scènes que je programmais. Symphonia Flamenca au Suquet, quel beau souvenir ! Là, en 3 morceaux, il va littéralement éblouir le public de sa virtuosité avec des créations d'une limpidité à faire briller les sons comme des perles.

Et cette rythmique incroyable assurée par le Directeur de l'Orchestre National de Jazz, Daniel Yvinec à la basse, et Franck Agulhon à la batterie.

Et les jams finales, sur un morceau que j'avais demandé, Le train de minuit de Vincent Absil et sur l'éternel Stand by me...homériques chorus, ambiance de folie dans la salle. 

 

Une vraie soirée de musique, pour ceux qui sortent des sentiers battus et aiment l'imprévisible. Quand de grands musiciens ont le désir de se rencontrer et d'ouvrir une porte sur l'inconnu, le talent en fil conducteur, le public en témoin assisté, jams débridées comme si le futur devait s'inventer dans l'urgence de l'amitié.

Voilà, c'était la fête à Bernard, et Bernard, il était heureux !

 

 

 PS : toutes les photos magnifiques sont d'Eric Derveaux, except l'incunable de Jean-Luc Rapin en post-adolescent (qu'il me pardonne le bougre !) et celle du groupe au complet sur la scène de La Licorne par le reporter officiel de Nice-Matin, Gilles Traverso.

 

 

 

 

 

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Caramella

Publié le par Bernard Oheix

Dans mon jardin, 21 septembre 2010. C’est la fête. Quelques amis pour manger et boire en célébrant la fin de l’été. Caramella Riccardo, pianiste, ami, raconteur d’histoires. Nous avions vécu une soirée étonnante ensemble, sur cette scène de la Licorne que je lui avais offerte. Il avait fait hurler de rire avec ses petites anecdotes autour des grands maîtres de l’opéra…et pleurer en interprétant des morceaux sublimes réadaptés pour le piano. Ombres et lumières. C’était il y a 3 ans et il annonçait à sa manière, la fin d’une carrière classique avec ses tournées qui l’avaient promené aux quatre coins du monde, ses concerts, hôtels, avions…Ce rituel « classique » qu’il ne supportait plus !

Mais le démon de la scène et la liberté retrouvée…Confidences. Il n’a jamais pu, malgré son désir, jouer le Concerto pour Varsovie de Richard Addinsell, une musique de film trop triviale pour les organisateurs !

Alors un projet nait de la discussion, enrichi de larges rasades d’un breuvage rosée de Provence… Et si on refaisait, pour ma dernière saison de programmateur, un ultime tour de chauffe, juste pour la route…Et cette fois-ci, le thème serait Musique et Cinéma, une façon de pouvoir enfin faire découvrir le Concerto pour Varsovie au public de Cannes.

Tope là, mon gars !

 

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Présentation enlevée. J’arrache quelques rires, je me suis mis en frais pour être à la hauteur de l’événement et donne le tempo d’entrée. Je raconte l’histoire de la naissance de cette soirée et le public décolle. Riccardo les récupère avec une suite en hommage aux Frères Lumière, enchaîne avec quelques grands thèmes (L’Arnaque, le 3ème homme, Over the Rainbow…) pour suivre avec un spécial Morricone. La soirée est lancée, il peut s’épanouir et après quelques grands thèmes classiques (Schubert, Satie, Tchaikowsky) finir la 1ère partie sur le Concerto de Varsovie. Entre temps, il aura raconté des histoires, lancé des répliques cultes, déclenché des cascades de rires dévoilant son vrai visage de show man amuseur public tout cela sous un écran qui dévoile des bouts de films et des affiches des films concernés !

 

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Le talent n’est pas qu’au bout de ses doigts !

Reprise et suite prestige (Le thème de Lara, Lawrence d’Arabie, Love Story…), puis hommage à Nino Rota, grands compositeurs (Debussy, Rachmaninov), Suite Française et en final, des Charlie Chaplin pour un adieu sur la route… avec à chaque fois des contrepoints illustrant le propos, des histoires de cette saga cinématographique du XXème siècle.

Verve et brio. Humour et amour du 7ème Art, proximité du public, images et extraits de films, mouvements classiques d’une sobriété sans égale…

 

 

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Au final, il me fera monter sur scène pour me remercier par une spéciale dédicace. Je reste comme une godiche devant ce piano ouvert pendant qu’il joue « Brindisi » et je sens son amitié, ce lien qui nous unit. Entre le sacré et le profane, du classique et de l’humour, un respect et ce non-conformisme, il s’est offert au public, prise de risque maximum pour résultat sans bavure. Il n’a pas visionné plus de 1000 films pour rien, il n’a pas écrit des centaines de fiches inutilement, il l’a fait pour lui, pour nous et pour ce public qu’il adore. Une soirée comme on les aime, sur le fil du rasoir, qui prouve que la performance peut se conjuguer à l’émotion et le brio côtoyer la bonne humeur !

 

 

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De Tiken Jah aux Stranglers...et autres !

Publié le par Bernard Oheix

 

C’était un pari fou. Les Concerts de Septembre avancés de 15 jours pour cause de G20 sur le Palais, tombant la semaine de la rentrée, de la reprise des activités et des soucis quotidiens après la lucarne des jours heureux des vacances. J’avais galéré pour monter une programmation de têtes d’affiches. Tiken Jah, que je rêvais d’accueillir depuis des années, The Stranglers dans la lignée des idoles de notre passé…Et pour le reste ? Deux premières parties alléchantes, Drunksouls de Marseille, rencontrés dans une démo et Killtronik, le groupe local d’un Cannois, Kevin Blanc, un chevalier surprenant plein de fougue et d’imagination. Me restait une soirée à combler puisque nous avions décidé de réduire cette édition à 3 soirées en attendant de se repositionner sur des dates plus confortables ! Et là, je pouvais délirer ! 

 

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Saul Williams, c’est de la dynamite. Un black slameur entouré d’une basse lancinante, d’une batterie agressive, d’un clavier vengeur et d’un cuivre/percussion pour un mix d’électro, de rap, de rock, de funk… un melting-pot de sonorités new-wave que sa voix puissante porte et transcende…. C’est un véritable coup de poing, un artiste parti pour sillonner la planète des sons ! Vous en entendrez parler, l’avenir est avec lui. Je l’avais déjà écouté à la fête des Inrockuptibles pendant le Festival du Film. Petite scène en extérieur, sono minimaliste…Là, sur le plancher du Grand Auditorium, sa puissance peut exploser, tout ravager, et laisser le spectateur la bouche béante devant la force incroyable qui se dégage de son show !

 

 

 

 

stupeflipSTUPEFLIP. Entre le gag  potache et le concert concept, étranges silhouettes en capelines noires, masques sur le visage, interventions râpeuses au char d’assaut, sur le fil du rasoir d’un bon goût ou d’une tarte à la crème. Ils assurent les petits jeunes, devant un vrai public de fans, des initiés de la première heure, grands prêtres comme un chœur de vestales barbues et couturées de piercings et de tatouages. C’est Stupéfliant, comme un « horsecruise » d’Harry Potter, avec micros en place de baguettes magiques, effet de synthé et scratches en lieu et place du combat contre les forces de la hiérarchie et de la morosité ! Pas toujours en place…mais qu’importe, leur énergie est sur vitaminée, leur rap, rock, électro totalement déjanté. Il reste l’impression ineffable d’un contraste saisissant entre la majesté de cette salle dans le Palais des Festivals et leur bruyante démonstration d’une musique venue de quelques lointaines planètes peuplées d’extraterrestres !

 

 

 

 

DER110908 6198Drunksouls. Jeunes marseillais entrés en dissidence culturelle. Melting pot encore d’un esprit punk dans un corps de rock pour des sons reggae. Ils assurent une première partie sans fautes, le chanteur porté par un groupe déterminé. Ils sont bons, sympathiques, commencent à bien maîtriser la scène devant un public à conquérir (ils en sont à plus de 200 concerts sur les scènes alternatives !), réussissent à faire oublier le dieu Tiken qui doit suivre. Drunksouls a un avenir, celui d’un groupe « festif », qui donne envie de bouger et de suivre en musique leurs pas sur les chemins de l’espoir.

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Tiken Jah Fakoly. Un colosse africain aux pieds d’airain. C’est un barde vaudou, immense et conquérant, sûr de sa force et de la puissance de son Afrique éternelle. Son reggae se tinte de Kora et d’instruments typiques, deux choristes chaloupent sur la scène en glissant des plages aigües dans son timbre grave…Cuivres en apesanteur pour pulser l’énergie, batterie, clavier, basse, le son se transforme en vagues tumultueuses, rouleaux qui balaient tout sur leurs passages pendant que Tiken Jah Fakoly fait son African Revolution en sautant, courant, bondissant comme un superbe animal sauvage. Ses thèmes tournent autour de la prise en compte par les africains de leur destin, de l’éducation, de la tolérance entre les ethnies et les religions pour s’unir contre les forces de l’oppression, du « bla bla bla », des dictateurs de tout genre et des forces néocoloniales qui pillent les richesses du continent ! Tout un programme !

Jah, mon frère noir, tu la feras ta révolution africaine et si on peut t'aider !

 

 

kevinKilltronik. C’est souvent le cas, dans sa propre ville, sur une belle scène reconnue, l’enjeu prend le pas sur le jeu. Le désir de prouver, de s’imposer ne permet pas de se poser. Alors Kevin, le jeune et sympathique (21 ans) leader de Killtronik a tout tenté…un peu trop même ! Je l’avais découvert dans son garage studio, une demi-heure haletante sans respiration d’un mix électro pop, avec présence entêtante de basse et de batterie. Prometteur, intéressant, énergique…Las, pour cette première partie des Stanglers, ils se sont mis en contresens, contrepied que l’on peut comprendre tant leur désir d’éblouir et de faire une fête de ce set les a aveuglés au détriment de la musique. Ballons, cœur en suspension, créatures mad max, flash mob, tout y est passé, même un duo piano/voix pas des plus heureux. Kévin a de l’avenir, désormais qu’il a réalisé son rêve, il va pouvoir passer aux choses sérieuses…la musique ! 

 

 

 

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Les papys du punk-rock sont toujours vivants…plus que jamais ! Nouveaux guitariste et batteur, basse et clavier comme en formation de troupe de choc, les Stranglers nous ont offert un set d’une puissance stratosphérique, une plongée haletante dans l’énergie matière, fusion musique, pour des basses en folie, une batterie en symbiose, un clavier à déchirer le silence et deux voix remarquables portant des morceaux en guirlande comme des tubes de collection. Always the sun, GB, Peaches, No more heroes…Les murs du Palais en vibrent encore, comme en mémoire à ce concert annulé il y a 35 ans et qu’ils venaient enfin de réaliser. Groupe phare des années 80, ils ont prouvé que leur légende est méritée et leur avenir, pour ces enfants du no-future, toujours préservé. Comme des adolescents heureux de ce pied de nez, ils ont emporté le public en transe pour une destination de fureur sereine. Les Stranglers, c’est un groupe actuel qui a de la mémoire !

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Et voilà, fin d’une mission qui s’annonçait terriblement complexe et qui au final, nous aura offert des moments rares de bonheur. Saul Williams, Tiken Jah Fakoly et les Stranglers au Panthéon des grands concerts de Cannes, gravés dans nos souvenirs, Drunksouls et Killtronik en découvertes prometteuses et Stupeflip en extra-terrestre venu nous faire délirer ! Il y a pire pour une fin de saison particulièrement riche en coups de cœur et en révélations…Alors, vive les vacances !

 

 

 

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