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culture

Festival du Film : C'est parti !

Publié le par Bernard Oheix

Il y a des jours heureux, des moments de grâce qui rendent la beauté à la vie. 1er jour du Festival, conférence de presse de Bernardo Bertolucci et répétition de la cérémonie d'ouverture. Backstage, nous attendons l'arrivée de BB dans sa chaise roulante (un problème dorsal) pour lui faire ses empreintes.

 

Il prend le temps, affable et heureux de "faire ses empreintes" pour la postérité et je discute avec lui. Je suis très ému, et lui annonce que la dernière fois que je l'ai rencontré, c'était en 1974, au Centro Sperimentale del Cinema à Rome. Il sourit interrogatif.

Je lui explique que je travaillais sur une maîtrise d'Histoire du Cinéma portant sur un jeune réalisateur italien après avoir visionné La strategia del Ragno, un chef-d'oeuvre incontestable à mes yeux, et que ce jeune réalisateur c'était lui, Bernardo Bertolucci. J'avais 22 ans, il était le réalisateur de Prima de la Revoluzione, du Conformiste, du Dernier Tango à Paris... Et je ne l'avais jamais revu ! Depuis lors, ma maîtrise a été éditée chez Etudes Cinématographique dans un ouvrage collectif dirigé par Jean A Gili, mon maître universitaire et grand spécialiste du cinéma italien et après la direction d'une MJC à Bourg en Bresse, j'ai intégré la Direction de l'Evènementiel du Palais des Festivals de Cannes pour 25 ans d'un labeur de plaisir !

Et 35 ans après, j'obtiens enfin cette autographe que je n'avais osé lui demander à Rome en étudiant constipé impressionné par son aura.

Et le soleil a vraiment brillé, quand en partant après une quinzaine de minutes de discussion, en me regardant dans les yeux, il me dit  : "-Merci pour ce que vous avez fait pour moi !"

A moi, il a dit ces mots !

 

 

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Dans la foulée, "Mel" en train de répéter la cérémonie d'ouverture... La belle, la sublime Mélanie Laurent. Elle a tous les talents, d'abord celui de la grâce, mais aussi de l'actrice, de la réalisatrice et de la chanteuse... et que sais-je encore d'elle ! Je l'avais vu déclarer à la télévision qu'après Bourges et l'ouverture du Festival, il ne lui restait plus qu'à chanter à Cannes. Un trait d'humour qui n'était pas tombé dans l'oreille d'un directeur de l'Evènementiel pour rien !

Je l'avais contacté par le biais de mon gendre, son assistant "chef op" sur son film qui sortira à l'automne et nous étions en négociation avec son booker pour la programmer à Cannes. L'occasion était trop belle de faire connaissance.

Je lui raconte donc cette anecdote et elle fait la connexion immédiate et éclate de rire. "Ah, c'est vous... Benjamin m'a parlé de votre proposition !" Nous allons pendant quelques minutes surfer sur la bonne humeur, Mélanie Laurent, toute fière et heureuse à l'idée d'avoir ses empreintes mêlées à celles des Légendes qui parsèment le parvis du Palais des Festivals et à l'idée de son concert futur sur ces mêmes planches qu'elle habitera dans la soirée au côté de Robert de Niro.

 

 

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L'engagement est pris, elle reviendra donc à Cannes, juste quelques petits problèmes à régler avec son management, des histoires de gros sous, peut-être...mais ne gâchons pas notre plaisir avec des détails triviaux ! 

 

 

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Au fait et le cinéma dans tout cela !

Un Woody Allen, même en forme moyenne avec Midnight in Paris, reste un réalisateur hors du commun...Beaux acteurs, dialogues enlevés, mise en scène soignée, idée séduisante mais, bon, difficile de réintégrer notre époque après avoir côtoyé Dali, Degas et Picasso...Tout comme Nanni Moretti dans son Habemus Papam, qui, sur une belle idée, s'enlise et traîne en longueurs pour un film qui ne fait qu'effleurer son talent de comédie. Sleeping Beauty de Julia Leigh est sans aucun intêret, sulfureusement toc et affreusement chic !

Mon coup de coeur en ce début du Festival est We need to talk about Kevin. Dans une forme sophistiquée, un montage en puzzle, les rapports d'une mère et de son fils sont analysés avec férocité, dans un drame terrible où un enfant échappe à la logique et s'enferme dans le mal pour combler un manque affectif incompréhensible. C'est déchirant, affreux, renvoyant à toutes les angoisses de la relation parents-enfants. L'actrice Tilda Swinton est parfaite et postule d'entrée pour l'interprétation féminine. 

Allez, vite, l'écran m'attend...mais avant, je vais déjeuner avec le Crazy  Horse ! 

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La compagnie des Femmes. Yves Simon

Publié le par Bernard Oheix

Vous connaissez mon amitié pour Yves Simon (confère les articles dans le blog....). Je ne pouvais qu'attendre avec impatience un nouveau roman succèdant à sa monographie sur Jack London et son éphéméride. Acheté et dévoré...Un début tonitruant par un style d'une richesse inouie, puis une vague qui s'alanguit et s'emmêle parfois dans les bons sentiments pour finir étrangement en un une rencontre avec la mort de l'autre et le début d'un amour pour l'éternité. C'est du Yves Simon, un livre en équilibre des sentiments les plus nobles sur l'aventure intérieure d'un road-movie à la Française.

 

 

La signature est française, tellement française que l’on pourrait instinctivement reconnaître cette marque déposée d’une littérature spécifique, une façon d’enchaîner les mots, de composer des phrases qui respirent le parfum de l’autre, de parler des sentiments en interpellant la part noble de l’individu, d’intellectualiser les gestes et de les transfigurer pour en composer une chanson d’amour subtile.

Conçu sur le principe très américain d’un road-movie, un homme, écrivain auquel son éditeur commande une autobiographie, explore les voies d’une nationale hexagonale en pondant à chaque étape quelques pages, compensant l’étroitesse des paysages traversés par la dimension intérieure d’un voyage crépusculaire, quand l’amour se dessine pour donner un sens à l’existence et redonner une perspective à l’avenir.

Le héros prenant le volant de sa vieille Mercedes de collection au volant serti de diamants, s’enfonce à la recherche de quelques miettes de son passé, (des caves à vin en Bourgogne, la tombe d’un ami à Lyon, les remparts d’Avignon, l’image d’une mer bleutée et d’un soleil doré sur les rives de la Méditerranée), simples stations d’un parcours susceptible d’éclairer son présent en faisant resurgir des émotions en équilibre sur cette nationale 7.

Il va rencontrer des personnages « on the road again », vivre un présent d’interrogations et accepter de vivre cet amour qui le retient à une femme qui l’enchaîne. Que ce soit sur le marbre d’une tombe perdue de l’ami qui en finit de vivre parce que c’est trop dur de grandir et de perdre ses illusions, d’une femme (de son âge !) avec  laquelle il jouera de sa séduction pour ne pas l’aimer, lui léguant le cadeau d’une blessure d’amour de plus, où d’un (grand) enfant de circonstance, rencontré par hasard et se substituant à un fils absent dont on perçoit le vide dans une vie de richesses et de trop plein, ces personnages en reflets dans son œil d’or vont nourrir une réalité « fictionnelle » au présent, arabesques subtiles comme des divagations s’ancrant dans un passé assagi.

Il ne fera qu’effleurer cette vie d’avant, qu’elle  soit celle d’une enfance marquée par un père disparu et une mère forte qu’il garde en lui, où celle brièvement évoquée, d’un chanteur à succès…

Tout le ramène toujours à cette femme deux fois aimée, qui ne sait où il est et avec laquelle il correspond par quelques mails ou sms. Elle devine que c’est sur son propre avenir qu’il écrit, une histoire en train de mourir pour renaître comme un dernier chant ultime du désir. Se dessinent sous la trame d’un passé de nostalgie, la beauté de sentiments bruts, le souffle court de la passion, la fin du rêve.

C’est parfois à la limite de la préciosité, mais c’est toujours beau !  Si l’homme est le style, alors Yves Simon est un grand homme car son verbe est cristal, sa ponctuation, scansion du temps, les mots des couleurs, les phrases, une longue litanie douce amère d’un enfant du XXème siècle perdu dans le XXIème à la recherche de sa madeleine éternelle.

Un livre à lire pour comprendre pourquoi on est français, pourquoi notre littérature vit et bouillonne et comment on restera pour l’éternité, des adolescents perdus dans un monde d’adultes !

 

 

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Au pays des voleurs de poules !

Publié le par Bernard Oheix

Django Drom. Une création des Nuits de Fourvière de Dominique Delorme. Hommage à Django, en images, par le gitan du cinéma français, Tony Gatlif et en musique, par Didier Lockwood, avec comme solistes, Biréli Lagrène, Stochelo Rosenberg et un violon que l'on aime, prêt à tout pour une expérience de musique hors des sentiers battus, Didier Lockwood. 11 musiciens les accompagnent dans cette promenade nostalgique sous le regard d'un Django Reinhardt centenaire heureux de sa postérité. Bouts de films entre l'histoire et le rêve, évocation d'un mythe de chair et de sang dans une période où le monde oscillait entre la douleur et l'espoir, éternelle marginalité de ceux qui volent les poules dans les basses-cours d'une société en train de bannir les différences en gommant leur existence. Derrière les aspérités d'un siècle déchiré par les guerres, les notes sont des messagères d'espoir, les doigts des porteurs de paix et les sourires de la différence, des ambassadeurs d'un monde métissé qui refuse de s'inscrire dans une norme aseptisée. Ni hagiographie facile, ni posture de victimes, juste la musique comme un air de révolte pacifique. 

 

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Biréli Lagrène, c'est mon ami, un des artistes que j'ai le plus programmé dans ma carrière de programmateur (7 fois !). Il a des doigts qui distillent la magie, c'est un authentique virtuose grandi en dehors des écoles et des normes. Sa liberté d'improvisation n'a pas de limites et confine au génie. Il est lunaire, toujours un peu à côté de la réalité. Lui, dont on dit parfois qu'il est "gitan" dans sa gestion quotidienne de la vie, pour arriver à Cannes dans une France paralysée par la neige, a attendu 8 heures dans un aéroport pour rejoindre finalement le plateau une heure avant l'ouverture du rideau. Il m'a avoué, avec son drôle de sourire, que le fait que ce soit ce projet précis, le Django Drom, et à Cannes chez ses amis des débuts de sa carrière, qui avaient fortement influé son obstination à rejoindre les rives de la méditerranée. Qu'il en soit honoré au prix de mon amitié. Quand il s'est mis à jouer, c'est toute la quintessence de la guitare, douce et forte, cristalline et rugueuse qui s'est imposée, en hommage à son Maître, Django revenu d'entre les morts pour goûter aux plaisirs d'un dernier boeuf avec ses "potes" les gitans.

 

 

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Didier Lockwood est un autre génie. Son violon est une arme absolue contre la morosité. Il le fait chanter et pleurer à souhait et il fallait bien ce talent pour épauler la partition d'un Biréli portant à ses côtés l'âme sauvage de Django. Il aussi est une vieille connaissance des planches cannoises, (le Jazz et la Diva opus 1 et 2), lui aussi s'est passionné pour cette entreprise d'hommage non servile à une légende. il introduit un glissando merveilleux dans le staccato des guitares, une colonne souple et suave dans la frénésie du jaillissement des notes que les guitaristes en osmose catapultaient vers le public. C'est comme si, dans le feu d'artifice de ces oeuvres reconnaissables entre toutes, une pincée de clacissisme et soupçon de modernité venaient anoblir l'ensemble des oeuvres pour les figer dans l'éternité.

 

 

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Tony Gatlif est un homme d'images, un cinéaste reconnu auteur de films qui portent une touche de ce sang errant qui court dans ses veines. Père kabyle, mère gitane, enfance difficile au retour en 1960 de l'Algérie, et rencontre avec Michel Simon qui lui ouvre les yeux et lui permet de canaliser sa violence en la transposant dans un univers baroque et luxuriant d'images où foisonnent les symboles. Ses films obtiendront de nombreuses récompenses dont le prix de la mise en scène pour Exils à Cannes et  une clôture du Festival 2006 avec Transylvania . Le scène cannoise évoque des souvenirs pour lui, il est heureux d'être dans cette ville, dans cette salle et sur ce plancher qu'il a foulé en recevant des prix. Son film est une évocation qui fuit la servilité, entre séquences autour de Django et scènes de la vie quotidienne des "droms", paysages suréalistes et noir et blanc suggestif.

 

Le final du spectacle s'emballera sur un Boléro "swing manouche" déjanté, le rythme lancinant de Ravel en contrepoint d'une frénésie à provoquer la transe du public, un effet de décalage sublime pour une ode à la beauté et à la fureur de vivre.

 

Merci à Django et à ses interprêtes d'un soir de pureté comme au public conquis qui leur réserva une ovation. Une soirée comme je les aime et qui me fait penser, qu'il y a encore quelque chose de mystérieux dans la "marchandisation" d'un art trop formaté et d'un public parfois trop complice des errements du show-biz.

Je n'ai pas parlé de Stochelo Rosenberg bloqué dans l'aéroport d'Amsterdam sous la neige, je n'ai fait qu'évoquer les onze musiciens, tous solistes, qui donnèrent un souffle magnifique à cette soirée, je les associe tous à la réussite de cette soirée et que vive le spectacle vivant !

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Richard Gotainer est (bien) vivant !

Publié le par Bernard Oheix

J’ai rencontré Richard G au jury de la pyrotechnie de Chantilly. A l’époque, il fumait encore même s’il boit toujours. Nous avons sympathisé, deux vieilles carnes en train de se renifler le derrière pour savoir si l’enjeu d’une amitié en vaut la chandelle. Il dit des conneries, j’adore en entendre, et au passage ne résiste pas au plaisir d’en rajouter une couche ! Il est un bon vivant, une perle d’homme à la dérision en oriflamme, sait aussi être ému et parler des belles choses de la vie pour dissimuler des trésors de tendresse.

Il est fier comme un bar-tabac mais peut accepter la critique (j’en ai fait l’expérience avec un peu d'insolence et il sut ne pas m’en vouloir et m'accepter !)…

Il a des heures de route dans le marigot du showbiz, a connu la gloire et quelques traversées d’oasis, fils de pub et icône télévisuelle. C’est un homme de charme et un vrai cœur d’artichaut, une fleur bleue sur le lisier du spectacle vivant, cycliste émérite par ailleurs. Bon, c’est Richard, mon poteau quoi !

Alors après plusieurs tentatives avortées, il est enfin à Cannes pour présenter son spectacle « Comme à la maison » que j’avais découvert au New-Morning, l’an dernier et qui m’avait emballé.

 

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D’entrée, le public qui remplit la salle de la Licorne, l’accueille comme un ami que l’on est heureux de retrouver. C’est une assistance bizarre composée de gens qui ne fréquentent pas les salles assidûment, avec très peu d'abonnés traditionnels de la saison « Sortir à Cannes », arc familial qui balaie de l’enfant aux grands-parents, public populaire mais aussi élitiste avec quelques belles personnalités dans la salle, mélange harmonieux de vrais fans attendant leur show man. Il en joue parfaitement, à l’aise blaise sur ces planches, petites interventions douces pour installer le climat, quelques anecdotes en renfort, élégance naturelle même pour parler des atrocités du fumet d’un pétomane ou de la crotte d’un Youki insaisissable… C’est Gotainer au zénith, voix d’écorché rendu gouailleuse, évoluant avec élégance, occupant l’espace avec une totale maîtrise, accompagné d’un groupe de jeunes musiciens talentueux et heureux d’être à ses côtés. Muriel, choriste en contrepoint aigu de sa voix basse, guitariste, bassiste et percussions, clavier en chef d’orchestre.

Il attaquera par quelques morceaux moins connus, remarquablement orchestrés, Le Taquin et la grognon, un sublime Les quatre saisons avec un hiver déchirant, Le béquillard des bois (sa plus belle chanson d’après lui !)…

Et puis au fil du temps, les « tubes » surgissent, les « Sampa », Youki, Poil au tableau et autre « décalco du mambo » qui emportent tout sur leur passage et terminent en apothéose, public debout pendant 20 minutes, 3 rappels, un show d’anthologie pour un authentique artiste qui revendique d’être l’ami de la famille, le prince et son bouffon en même temps, le poète et le rimailleur, le chanteur et le copain du bistrot.

Etrange alchimie sur le fil du rasoir qu’il sait maintenir en équilibre, comme si la vie l’emportait sur les aspérités d’un monde trop dur, humour au service d’un sens de la dérision.

Richard G, ou le triomphe de l’esprit sur la matière !

 

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Nous terminerons tard dans la nuit, à La Pasta, le meilleur restaurant de pates de la Côte d'Azur, que dis-je, de l'Europe du Sud, et même de l'univers intersidéral...Il est heureux de cette soirée, 40 personnes réunies pour lui faire sa fête...Il le mérite son succès et honore la dive bouteille sous l'oeil inquiet de l'organisateur. Attiré comme un ludion par les objectifs des photographes (Le toujours présent Eriiic et Xavier, le petit dernier), il décide de se laisser emporter par sa furia naturelle et plaque sur ma joue, (j'ai tourné la tête au dernier moment, sinon ce sont mes lèvres qui auraient hérité de son baiser baveux) l'expression de son bonheur forcené.

got biz 

 

 

Heureux mon Richard de cette nuit formidable, de ce concert, de ta présence, de ta chaleur et de ton humour. Tellement heureux, que je t'en propose la présidence du jury du Festival d'Art Pyrotechnique pour cet été...ce qu'il s'empressa d'accepter, le bougre, par l'odeur alléchée de quelques bonnes "ripaillades" promises et de quelques bouteilles de nectar à consommer sans modération.

Merci Richard Gotainer d'être toi-même !

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Un Chant pour l'Infini

Publié le par Bernard Oheix

Vous en entendrez parler, du moins, je l'espère ! Avec mon ami Richard Stephant, nous montons une production originale pour la saison 2011/2012, la dernière de ma carrière comme Directeur de l'Evènementiel au Palais des Festivals de Cannes...Le Chant Général, oratorio issu de la rencontre entre un jeune exilé grec, Mikis Theodorakis, et un poète chilien au faîte de sa gloire, Pablo Neruda. Véritable Carmina Burana du XXème siècle, nous sommes en train de rêver et d'oeuvrer à l'exhumer du relatif anonymat dans lequel il est tombé. Nous allons faire pleurer les pierres et même les coeurs les plus endurcis fondront devant tant de beauté. Les mise en scène et en images, seront assurées par Paolo Miccichè ( avec lequel nous avions créé Le Jugement dernier/ Requiem de Verdi).

Les 13 et 14 avril 2012, il faudra être du côté de Cannes !

 

 

Extrait du dossier de production.

 

Il est des œuvres qui traversent les époques, transcendent les cultures, restent gravées à jamais dans l’inconscient collectif des peuples. C’est le cas pour le « Chant Général » de Pablo Neruda, chef-d’œuvre littéraire épique du poète chilien, ode à une humanité en marche, héritage des luttes de libération des peuples asservis, brandie comme une oriflamme au visage des bourreaux…

C’est le cas aussi de la composition musicale du « Chant Général », rencontre hallucinée entre le compositeur Mikis Theodorakis, exilée d’une Grèce écrasée sous la férule d’une dictature militaire, et l’œuvre romantique révolutionnaire d’un poète chilien, ambassadeur à Paris, au faîte de sa gloire.

Certains se souviennent encore de ces mots volés au temps, polis dans un maelström de notes, roulant comme des galets au fond d’un torrent d’énergie, montant comme des vagues à l’assaut des citadelles de larmes, de ces chœurs sublimant le désespoir des tortures de l’ignoble. Force symbolique du destin, confluence de leur génie respectif, s’unissant pour interrompre le cours nauséeux des oppressions, en un oratorio magistral dont seuls ceux qui perçoivent la douleur des êtres sans défense sont capables en puisant dans leur capital d’empathie.

Et dans cette période légèreté où tout paraissait possible, même l’impossible, les voix des solistes, les percussions, les chœurs, les violons tressent des lauriers au visage d’une paix transfigurée.

C’était ainsi, il y a une éternité…Pourtant cette œuvre respire toujours, sa force de réaction préservée, intacte, elle gît, assoupie, attendant que le passé se réveille et gronde de nouveau. C’est le temps des retrouvailles, tant d’années et d’évènements après, tant de luttes soldées par les mains massacrées de Victor Jara, le feu d’un Jan Palach s’immolant, les corps suppliciés comme ultime rempart au désespoir de ceux que la lumière ne peut plus atteindre.

Ils gisent tous, ces innocents, entre les notes, dans les rimes, dans le rythme d’une œuvre crépusculaire.

Et nous vous l’offrons comme un espoir pour que le mirage d’un monde meilleur ne s’évanouisse pas dans les flots de l’ignorance et de l’oubli.

Venez donc partager avec nous le rêve d’un monde meilleur sur les traces de Pablo Neruda et de Mikis Theodorakis.

 

Bernard Oheix

 

 

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L'affiche du spectacle est de mon ami Eric Dervaux...L'aventure commence !

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L'Afrique...aujourd'hui !

Publié le par Bernard Oheix

Il n'y a pas si longtemps....Un rendez-vous en Afrique, la création d'Hervé Koubi à la rencontre d'une compagnie de danse Ivoirienne, choc entre deux cultures laissant le chorégraphe sous le charme de la qualité des danseurs, beauté de cette énergie qu'il tenta de canaliser avec bonheur et parfois un soupçon de peur, trop de générosité sans doute... mais avec un résultat tout à fait estimable, apprentissage de la diversité, hommage à cette culture venant d'une terre désolée où l'être humain apprend à vivre au contact du monde de la réalité...

 

C'est ce même lambeau de terre qu'un dictateur d'opérette tente de conserver contre toute logique, contre toute équité, avec le risque d'une guerre fratricide, car le noir n'est pas toujours noir, il peut aussi se subdiviser à l'infini entre racines et cultures pour tracer des frontières encore plus terribles, plus sanglantes que les murs entre des peuples !

Comment imaginer le présent de ces danseurs si beaux, si heureux, qui m'offrirent dans une cérémonie chantée un collier de bonheur dans le hall, après la représentation en remerciement de mon accueil ? Sont-ils en train de fourbir des armes pour choisir leur camp ? Peuvent-ils ignorer les factions, résister aux fractions, rester des artistes authentiques dans ce confetti paradisiaque qui explose sous la pression des voleurs, des potentats, d'un néo-colonialisme entretenu par-delà les pays et les continents, par l'histoire de la conquête d'un pouvoir synonyme d'enrichissement et de prévarication ? Le choc des armes contre le chassé du danseur ! 

J'ai peur pour ma belle Isabelle, j'aimerai penser que son beau sourire ne peut s'éteindre sous les coups de boutoir de  l'inhumanité. J'espère que leurs danses tribales sauront chasser les démons et que les ultimes vestiges de la raison ramèneront les bourreaux dans le camp de la sagesse...Est-ce trop rêver ?  

 

koubi

 

Merci à Jean-Pierre Oheix pour ce montage "colibri". J'étais heureux ce soir-là d'ouvrir mon coeur à ces danseurs venus d'un continent qui me fascine...J'espère que rien ne viendra dans les jours qui viennent gâter le souvenir des jours heureux et que la guerre fratricide qui s'annonce s'évanouira sous le poids de la raison et de l'amour !

Allez mes beaux danseurs, continuez dans votre art de passion, l'histoire ne vous mordra pas la nuque  et nous ne danserons pas avec les loups !

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J'aime (plus) Merce Cunningham !

Publié le par Bernard Oheix

 

Surprenante journée monégasque, entre Nadal exécutant un Ferrero éberlué, Nalbadian atomisé par Djokovic sous un soleil printanier et un déjeuner offert par mes amis de la communication d’Eurosud  dans le village VIP du tournoi de tennis de Monte-Carlo. En fin d’après-midi, petite promenade dans une ville sinistrée par l’installation des structures du Grand Prix de Monaco. Amoncellement de tubes d’acier, de tribunes, de sacs de sable et de pneus utilisés pour le carrousel des chevaux mécaniques qui vrombiront dans plus de 3 semaines dans cette cité aux allures d’un Disneyland pour adultes. Monaco n’est pas une ville, n’est pas un Etat, c’est un phantasme imaginé par un créateur atteint du syndrome de Peter Pan !

 

A 19h, je retrouve mon adjointe, SD, avant de plonger dans la salle des Princes du Grimaldi Forum, ce Palais des Congrès construit en rognant sous la mer pour trouver un peu d’espace dans une ville confinée où la moindre surface carrée et plane vaut son pesant d’or.

 

Au programme, un grand héros de notre jeunesse culturelle, un nom de légende qui a marqué l’histoire de la Danse du XXème siècle. Leader de l’avant-garde américaine, innovateur de talent et de génie qui a explosé les limites de la danse et les a confrontées aux techniques modernes, aux arts visuels, à tout ce que la planète du moderne pouvait concevoir. Son compagnonnage avec John Cage a insufflé une dimension particulière à son travail de création en structurant des colonnes sonores propices à sa volonté d’exploser les codes traditionnels de la danse classique. Robert Rauschenberg signant des décors et des costumes en phase avec l’univers d’une modernité en train de reculer les limites du réalisme introduit cette déstructuration du cadre de la scène.

Enfin, tout cela c’est la théorie…

 

La soirée commença par Suite for five, une œuvre de ses débuts datée de 1956. Musique de John Cage interprétée en direct par un pianiste, costumes de Robert Rauschenberg. Du beau monde pour 5 danseurs évoluant aux sons contrapuntiques d’un piano ivre. Mouvements en saccades, gestes amorcés, ruptures permanentes des lignes de fuite, comme un alphabet de tout ce que cette danse moderne allait importer d’usant et d’artificiel. C’est vieillot à souhait, drame absolu d’imaginer que ce qui était rupture et novation en 1956 devient le triste reflet d’un ennui récurrent un demi-siècle après.

Au fond, c’est peut-être la première fois de ma vie que je ressens avec tant d’acuité ce décalage que le temps induit qui transforme le moderne en ancien, renvoie la novation à l’académisme et fait apparaître poussiéreux ce que l’on portait aux nues de la révolution créatrice. La recréation est parfois redoutable pour les sens émoussés de brûler ce que l’on a adoré…Mais c’est la dure réalité des idées que de s’épanouir avant de se faner !

La pièce suivante MinEvent, toujours avec Cage et Rauschenberg, permet au groupe de danseurs de se livrer et rompt avec l’esprit de rupture permanente qui est la signature du chorégraphe. Il réintroduit une certaine fluidité poussant même jusqu’à permettre aux interprètes de se trouver à l’unisson, aux gestes de définir une fresque, aux rythmes d’atteindre une fusion qui exalte la qualité technique de la compagnie.

Le dernier opus date de 2007. Il reste une des dernières œuvres composées par le génie vieillissant. Dans Xover, par couples, les danseurs viennent composer leurs éternels duos saccadés, rencontres avortées, ébauches de complicité d’une technicité brillante et enlevée se brisant en permanence sur les sonorités décalées d’un trio de musiciens et d’une chanteuse développant des arabesques vocales d’où surgissent cris d’oiseaux, onomatopées, textes en langues diverses éclatés. Cela pourrait avoir du charme, cela pourrait surprendre…mais est-il encore l’heure de s’ébaudir à ces recettes qui ont été surexploitées par les cuisiniers fades d’une nouvelle danse qui n’en peut plus de vouloir surprendre sans surprises ? Où est passé la magie d’une démarche de rupture, les codes volant en éclats n’ont laissé que des ruines fumantes sur les scènes des théâtres de la danse actuelle, comme si à force de hurler des messages vidés de leur sens, on ne pouvait plus entendre les variations d’un esprit libéré !

 

C’était ainsi, une soirée de connivence pour régler ses comptes avec son passé dont il reste la certitude d’une grandeur évanouie, d’une période où tout était possible et ouvert, une technique brillante de danseurs capables de rendre esthétique les gestes les plus atypiques, une démarche permanente d’équilibriste installant des passerelles entre les arts, l’aventure du « choquer » pour remuer les consciences…mais un demi-siècle se s’est écoulé, et dans les vagues qui balaient et effacent les vestiges de la création, il y a le conformisme actuel, toutes les fuites dans une provocation dont la seule finalité est l’installation de l’individu au faîte d’une gloire médiatique au service d’« egos » surdimensionnés, il y a l’appauvrissement intellectuel d’un zapping permanent et des effets de mode où les limites se sont évanouies.

Alors c’est vrai, je n’aime plus Merce Cunningham, mais c’est aussi parce que l’époque d’aujourd’hui n’est plus aimable et transforme son travail en jeux du cirque, en page d’histoire dont la seule finalité serait de dire, « j’ai existé et j’ai créé les conditions de l’ennui…admirez donc mes ruines et passez donc comme des ombres sans vous poser les questions d’un pourquoi vide de sens… Posez-vous les questions essentielles car de toutes les manières, on n'y répondra plus ! »

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FIF (4) : Enfin des films !

Publié le par Bernard Oheix

  

Il faut savoir ne pas désespérer. Dans ce festival de films avortés, bien à l’image d’une société malade et d’un cinéma en crise, les moments de bonheur peuvent aussi nous rattraper ! Il suffit de peu de chose finalement pour nous rendre au plaisir d’une manifestation hors norme… juste un enchaînement de bons films qui font pleurer et rire, d’histoires touchantes et bien interprétées, d’une lumière qui embrase la nuit, d’un réalisateur qui a décidé de parler au spectateur, de créer pour lui…

Cela arrive aussi à Cannes ! Et n’en déplaise aux sceptiques, je vais arrêter de commenter les mauvais films, par exemple le Kaboom de Gregg Araki, ou le médiocre Tavernier, La Princesse de Montpensier, ou…

 

Parlons plutôt d’Un homme qui crie, de Mahamat-Saleh Haroun. Un film tchadien, bien éloigné des clichés que véhiculent les cinématographies de ce continent, souvent taxées d’être naïves, « surjouées », techniquement faibles. Ici, l’image est parfaite, les acteurs justes, la dramaturgie cohérente. Même les lenteurs sont puissantes, incluses dans le développement logique d’un drame en train de se dérouler sous nos yeux. N’Djamena, capitale du Tchad, est lentement encerclée par les insurgés, sa situation se détériore en même temps qu’un homme « champion », maître-nageur d’une piscine dans un hôtel de luxe qui se vide de ses clients, voit sa vie basculer dans l’horreur, la trahison et un drame cornélien. Jamais la violence n’est montrée, jamais le sang jaillit, pourtant, un sentiment de détresse et d’oppression inexorable grandit chez le spectateur. C’est un vrai drame sans issue, magnifié par la beauté des paysages, la grandeur des hommes et femmes qui y vivent, l’amour et les sentiments les plus nobles confrontés à la rigueur de sociétés déchirées.

Parlons Des hommes et des dieux, la somptueuse oeuvre de Xavier Beauvois, oscillant entre le sacré et le profane, l’univers clos des Moines de l’Atlas et le village arabe de Tibéhirine qui l’entoure, le jeu entre les groupes armés du GIA et les forces officielles de l’Algérie, la montée des périls extérieurs et l’action collective de ces moines pour créer un havre de paix et d’hospitalité dans un territoire dévasté par la haine. Composition picturale et chants rituels contre effervescence populaire et tension de la société en guerre fratricide, subtil dialogue entre ces deux forces où la terreur triomphera. Là aussi, la violence n’est jamais explicite, lovée qu’elle est dans la vie réelle et dans la vision de ses conséquences, pas de ses actes. Cela la rend d’autant plus insoutenable… comme si les deux cinéastes précités retrouvaient la vertu de ne pas exhiber pour mieux dévoiler et asséner. La lente procession dans la forêt neigeuse des moines en route vers leur calvaire restera un des moments les plus poignants de ce Festival 2010.

Parlons de La nostra vita de Daniele Luchetti, anticomédie à l’italienne, tranche de vie d’un maçon heureux soudain confronté au drame de sa femme qui décède en accouchant de son 3ème enfant et le laisse avec la nécessité d’inventer une nouvelle vie, cherchant dans le travail la force de survivre en compagnie de ses ouvriers clandestins, cerné par les maffieux de l’immobilier d’une société civile sans cadre ni lois, et d’une famille qui le soutiendra contre l’adversité. C’est un hymne à la vie réelle, à la beauté d’une Italie du terroir, hospitalière, ouverte sur elle-même et sur les autres, en dehors des codes figés et des règles, borderline dans sa façon de se pérenniser mais vivante, avec de l’humanité et de l’honneur, de l’amour sans normes, sans couleurs, sans frontières. Un vrai film sur la vraie Italie d’aujourd’hui.

Parlons enfin de Biutiful de Inarritu. C’est ma Palme d’Or à l’heure actuelle, sans hésitation et sans regrets. Après l’académisme de Babel, le réalisateur revient vers un cinéma moins « propre », plus « trash », plus authentiquement ancré dans la misère actuelle. Un homme, extraordinaire performance de Javier Bardem, atteint d’un cancer en phase terminale, doué de la faculté de communiquer avec les morts, tente de mettre de l’ordre dans sa vie afin de partir en paix. Il élève ses deux enfants, vit d’expédients, entre les vendeurs sauvages africains qu’il approvisionne et les Chinois qui produisent des contrefaçons dans des locaux insalubres. Il touche l’argent de la misère mais n’est pas corrompu par lui, restant un individu se battant dans un monde cruel en éprouvant la compassion de ceux qui souffrent de concert. Il tente d’humaniser l’abomination. C’est un hymne à la beauté sauvage, à l’horreur quotidienne de ceux qui sont les rebuts de la société, clandestins, chairs bonnes à toutes les surexploitations, la mort comme viatique, l’horizon bouché par les sociétés occidentales qui vivent de leurs trafics en les niant comme individus. Corps inanimés allongés sur les plages dans l’aube grise, funèbre et crépusculaire, le réalisateur montre ce que nous savons, ce que nous lisons, ce que nous ne voulons pas voir de nos turpitudes de sociétés gavées se vautrant dans l’indicible afin de préserver leurs privilèges. C’est du cinéma de révolution, où tout est pensé, ajusté et mis en déforme afin que le spectateur ne puisse plus jamais dire, -je ne savais pas !- Et en prime, il nous offre un regain d’optimisme, tant avec une immigrée, Ige, qui assumera le rôle de mère pour le futur qui lui attribuait, que dans cette mort enfin apaisée d’un homme que les démons avaient pourchassé toute son existence morcelée !

 

Voilà, j’aime encore et toujours le cinéma, j’aime cette foire de pellicules de Cannes où le meilleur peut côtoyer le pire, où la vie rêvée peut naître des décombres de nos empires à la dérive. Le 7ème Art a encore un rôle à jouer pour éveiller nos consciences. Merci à Alejandro Gonzalez Inarritu, à Xavier Beauvois, à Mahamat-Saleh Haroun, à Daniele Luchetti pour les émotions si fortes qu’ils sont capables de provoquer en nous !

 

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Mon maître en cinéma à l'Université de Nice : Jean A Gili avec sa toge d'apparat pour la soutenance de thèse de Julien Gartner sur la place de "l' Arabe dans le cinéma français depuis 1970". Mention très honorable avec félicitations, 10 ans d'études sanctionnées par une note maximale...Et moi, j'en profite pour retrouver celui qui a été un de mes maîtres spirituels, un de ceux qui m'a transmis le goût d'étudier et de comprendre. Bernard ému !

 

PS : dernière minute. Vous pouvez rajouter aux belles aventures du Festival du Film 2010, Route Irish le dernier Ken Loach, opus mortifère sur la guerre d’Irak et ses conséquences, les trafics d’armes et les profiteurs de guerre et Hors la Loi de Rachid Bouchared sur lequel nous n’avons pas fini de gloser. Le talent cinématographique du réalisateur et d’acteurs d’exception au service d’une page peu glorieuse de notre histoire…Nostalgiques d’une France forte et coloniale…réveillez-vous, bon sang !

 

 

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Crime de lèse-Godardisme assumé !

Publié le par Bernard Oheix

 

Pour une génération de soixante-huitards dont je suis, il y a d’innombrables figures tutélaires qui parsèment ce long cheminement de l’acquisition d’une conscience politique et d’une culture universelle se voulant embrasser tous les savoirs. De Wilhelm Reich à Kérouac, des Beatles aux leaders « maximos », de Lacan à Robbe-Grillet… Il y a aussi, les pères fondateurs, les dieux vivants, maîtres parmi les maîtres, que personne assurément ne pouvait toucher, au panthéon des esprits supérieurs, tel Jean-Paul Sartre, le philosophe écrivain engagé, Picasso, l’homme qui restitua la peinture au temps présent ou Jean-Luc Godard, le pape du Cinéma…Film socialisme arrive sur la Croisette, en 2010, quelques décennies après, âge et rides en plus, et il est l’heure des constats…

 

Que Jean-Luc Godard ait transformé le cinéma est un fait. De A bout de souffle à Pierrot le Fou, de Week-end au Mépris, de Deux ou trois choses que je sais d’elle à tous ses films qui dans les années soixante ont inventé une nouvelle façon de filmer, mieux, de penser (panser ?) le Cinéma. Une décade prodigieuse, une tornade respirant les vents de la création. J’étais donc Godardien parce qu’il ne pouvait en être autrement et que chacune de ses œuvres ouvrait les champs de l’impossible, une réflexion tendue entre le savoir et le connaître, entre le possible et l’improbable. La rupture violente de 68 consacrera son isolement dans une logique de contre-production. Il émergera de son utopie créatrice révolutionnaire, et sonnera le glas du temps de l’expérimentation pour entamer un lent chemin de croix vers sa propre glorification, vers l’institutionnalisation de tout ce magma tonifiant qui fondait sa légitimité. A parler de la marge pour investir le centre, il se retrouvera soudain, par l’usure du temps et l’érosion des utopies, à camper au centre du centre, comme l’histrion assumé d’un monde marchand qui avait bien besoin d’un fou du roi pour se régénérer en redéfinissant ses frontières.

Film socialisme est le dernier opus du Maître, sélectionné dans Un Certain Regard, il se devait d’apporter une réponse au temps qui fuit, ambition d’une somme esquissée à travers ses Leçons de cinéma, émergeant d’un silence que sa statue de commandeur imposait aux détracteurs. Tout tourne toujours autour de Godard, que pouvait-il alors nous offrir dans ce chant crépusculaire ?

Entre images sublimes (la mer et l’horizon) et trashs (les lieux de vie), des dialogues cachés par des bruits de fond, des citations parcellaires, des montages en opposition, des collages, du contrepoint, de la distanciation… tout le rituel de l’alphabet d’un cinéma à la Godard est développé sans aucune distance, comme si Godard jouait à être Jean-Luc, comme s’il n’y avait plus de marge entre ce qu’il dynamitait joyeusement et ce qu’il fabrique laborieusement, quête d’un sens caché, étalage de tics et de moments si convenus.

Dans ce prétexte, une croisière sur «Mare Nostrum» déclinant des villes portuaires charnières, plus rien n’a d’importance, que le vide créé par son torrent créatif. -L’imagination au pouvoir- déclinions-nous dans les années ferventes, mais à quelle fin désormais ? Pour perdre le sens du spectateur et la finalité d’un film ? Godard est ailleurs, dans un monde que lui seul reconnaît et peut mesurer, celui d’un alphabet figé qui lui ôte tout espoir de « dire » au détriment d’un « faire ». Et si certains d’entre nous, lui accordons toujours notre crédit, c’est parce qu’il continue d’être celui qui a embrassé pour l’éternité son rôle de bouffon d’une société marchande.

Pendant ce temps, la vie continue. Il restera toujours Le Mépris pour signifier que Jean-Luc Godard fut un des plus grands cinéastes du XXème siècle. Son œuvre restera immortelle même s’il lui faut abdiquer, désormais, tout espoir de se dépasser pour atteindre cette zone improbable où l’instinct vient au secours du génie pour composer une œuvre définitive !

Non, décidément, Film socialisme de Jean-Luc Godard est assurément ennuyeux, très ennuyeux !

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FIF (2) : 15 films après !

Publié le par Bernard Oheix

 

Dans mon précédent billet, je restais sur une opinion mitigée…Ce Festival, 63ème du nom, me semblait bien poussif en son début et si les premières images sont à l’image de ce qui doit suivre, alors cela veut dire que les nuages s’amoncèlent au-dessus de nos têtes et que les dieux du 7ème art nous ont peut-être abandonnés…

 

Pourquoi et comment oser exhumer le Lions love (Quinzaine des Réalisateurs) d’Agnès Varda, grotesque pantalonnade sur l’amour libre et les couples à 3 du floper-power ? Avec un tel film, il est certain que l’esprit soixante-huitard en prend un sacré coup et que nos enfants doivent nous trouver bien ridicule ! Cette oeuvre dormait depuis tant d’années, elle aurait pu rester dans les limbes, cela n’aurait offusqué personne et certainement pas moi !

Quand Woody Allen parodie Woody Allen, cela donne You will meet a tall dark stranger, un film (hors compétition) sur des tranches de vie tissées, un patch-work de ce qu’il nous a donné à aimer depuis de longues années mais qu’il semble avoir de la peine à régénérer. Nouvel opus donc au goût légèrement acidulé de déjà vu, déjà entendu…On attendait mieux ! Et quand Kitano parodie un film sur les yakusas de Kitano, cela donne Outrage (compétition), une énième version avec coups (et écho sonore sur chaque direct asséné), hémoglobine, morts particulièrement sophistiquées (pas mal, la tête décapitée !), histoire tortueuse à souhait où chacun trahit l’autre, où les protagonistes hurlent sans cesse, sortent les révolvers pour dézinguer à tout bout de champs, où les voitures et les costumes sont noirs et le visage de Beat Takeshi Kitano, une carte de toutes les violences d’une société gangrenée par la drogue et tous les vices. Bon, d’accord monsieur Kitano... pas besoin de hurler !

Bedevilled (Semaine de la critique) du Coréen Cheol-soo Jang est une pochade gore ou une femme décide de se venger à coups de faucille et de marteau en éventrant et décapitant toutes celles et ceux qui l’ont faite souffrir, (il y en a beaucoup !), dans son humble vie sur une île perdue à être l’esclave des autres. Réjouissant petit premier film où l’on rit sans retenue de tant d’abominations !

The Housemaid, (Compétition), autre Coréen, Im Sang-soo, film glacé sur l’oppression des riches sur les pauvres, quand l’homme au pouvoir domine aussi le corps de la femme et son destin. Film intéressant, irruption d’une lecture particulièrement «militante » du rapport homme-femme et de la notion de pouvoir et de sexe. A noter la belle facture de l’image, de la lumière, et du jeu des comédiens pour une œuvre qui mérite une vision plus riche que celle d’un festivalier zappant d’un film à l’autre sans temps mort.

Chatroom (Un Certain Regard) de Hideo Nakata est insupportable. Les adolescents ont leur espace virtuel réellement symbolisé par des pièces dans lesquelles ils donnent libre cours à leurs idées. Verbeux, artificiel…comme cet espace virtuel dont ce film n’aurait jamais dû émerger !

Mardi, après Noël (Un Certain Regard) de Radu Muntean est l’histoire d’un adultère. Ce film roumain, dans la tradition d’un néoréalisme héritée de la Palme d’Or obtenue il y a quelques années, propose quelques moments particulièrement bien sentis (la rupture vue de l’intérieur, la préparation du repas de Noël). C’est pourtant un peu lent et long, défauts, avouons-le, qui touchent la plupart des films présentés cette année !

Que dire de Belle Epine (Semaine de la Critique) de Rebecca Zlotowski ? Que c’est un 1er film sur des adolescents perdus dans l’univers de la moto, qu’il est prometteur et qu’elle passe désormais au 2ème pour nous prouver son authentique potentiel ! Où du glacé et froid Unter dir die Stadt (Un Certain Regard) de Christoph Hochhaüser, film situé dans le monde des grands banquiers, entre pouvoir et chair humaine…qu’il est incompréhensible, part dans tous les sens, et qu’il faut nous donner le mode d’emploi afin de saisir ce qu’il a voulu (ou pas) dire… Mais que de toutes les façons, son film, même compris, restera ennuyeux et vide malgré une superbe photo qui embellit Francfort de ses innombrables reflets !

Reste deux petits bijoux. Le premier Banda Bilili (Quinzaine des Réalisateurs), de Renaud Barret et Florent de la Tullaye. C’est un film reportage qui dessine une véritable fiction. Sur 5 ans, dans une ville dévastée par la pauvreté et la misère, (Kinshasa, République du Congo), une équipe de cinéastes va suivre et soutenir un orchestre d’handicapés jusqu’à leur tournée triomphale dans les grands festivals et les capitales d’Europe. Leur musique est la colonne du film et la raison même de ce film, elle contient tout leur espoir, leur dynamisme, leur optimisme dans le plus extrême des dénuements. Ce film est une leçon de vie, un baume au cœur, une façon de mieux comprendre les autres et leurs différences, l’handicap et la force de vie de ceux qui n’ont rien, si ce n’est l’espoir au fond du cœur. Le personnage de l’enfant qui joue de sa boîte à lait monocorde, que l’on voit grandir jusqu’à devenir un homme, est magnifique : pour une fois, la caméra n’arrête pas le temps, bien au contraire, elle l’accompagne et l’enrichit de sa mémoire !

Le deuxième, Another Year de Mike Leigh (compétition) est dans la veine de My name is Jo de Ken Loach. Sur 4 saisons en 4 chapitres, un couple heureux (elle est psychologue, il est géologue) voit graviter autour de lui, des amis désemparés, des victimes de la vie, des épaves, la mort, tout cela en jardinant, en recevant beaucoup, en buvant (pas mal !) et en parlant (énormément !). C’est un réalisme à l’anglaise, humour et drame entremêlés, acteurs exceptionnels, notes sur des vies si humaines et si belles. On rit, on est ému, et même si le film pêche un peu par sa longueur (ces fameuses 15 mn de trop !), il emporte l’adhésion et transmet une vraie ration de bonheur au spectateur !

 

Bon, la lumière s’éteint, c’est le Godard, Film Socialisme qui commence…On en reparlera, et puis, il reste encore 5 jours… Peut-être qu’on le gagnera notre paradis des images, notre éden filmique ! A voir !

 

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