Festival du Film : C'est parti !
Il y a des jours heureux, des moments de grâce qui rendent la beauté à la vie. 1er jour du Festival, conférence de presse de Bernardo Bertolucci et répétition de la cérémonie d'ouverture. Backstage, nous attendons l'arrivée de BB dans sa chaise roulante (un problème dorsal) pour lui faire ses empreintes.
Il prend le temps, affable et heureux de "faire ses empreintes" pour la postérité et je discute avec lui. Je suis très ému, et lui annonce que la dernière fois que je l'ai rencontré, c'était en 1974, au Centro Sperimentale del Cinema à Rome. Il sourit interrogatif.
Je lui explique que je travaillais sur une maîtrise d'Histoire du Cinéma portant sur un jeune réalisateur italien après avoir visionné La strategia del Ragno, un chef-d'oeuvre incontestable à mes yeux, et que ce jeune réalisateur c'était lui, Bernardo Bertolucci. J'avais 22 ans, il était le réalisateur de Prima de la Revoluzione, du Conformiste, du Dernier Tango à Paris... Et je ne l'avais jamais revu ! Depuis lors, ma maîtrise a été éditée chez Etudes Cinématographique dans un ouvrage collectif dirigé par Jean A Gili, mon maître universitaire et grand spécialiste du cinéma italien et après la direction d'une MJC à Bourg en Bresse, j'ai intégré la Direction de l'Evènementiel du Palais des Festivals de Cannes pour 25 ans d'un labeur de plaisir !
Et 35 ans après, j'obtiens enfin cette autographe que je n'avais osé lui demander à Rome en étudiant constipé impressionné par son aura.
Et le soleil a vraiment brillé, quand en partant après une quinzaine de minutes de discussion, en me regardant dans les yeux, il me dit : "-Merci pour ce que vous avez fait pour moi !"
A moi, il a dit ces mots !
Dans la foulée, "Mel" en train de répéter la cérémonie d'ouverture... La belle, la sublime Mélanie Laurent. Elle a tous les talents, d'abord celui de la grâce, mais aussi de l'actrice, de la réalisatrice et de la chanteuse... et que sais-je encore d'elle ! Je l'avais vu déclarer à la télévision qu'après Bourges et l'ouverture du Festival, il ne lui restait plus qu'à chanter à Cannes. Un trait d'humour qui n'était pas tombé dans l'oreille d'un directeur de l'Evènementiel pour rien !
Je l'avais contacté par le biais de mon gendre, son assistant "chef op" sur son film qui sortira à l'automne et nous étions en négociation avec son booker pour la programmer à Cannes. L'occasion était trop belle de faire connaissance.
Je lui raconte donc cette anecdote et elle fait la connexion immédiate et éclate de rire. "Ah, c'est vous... Benjamin m'a parlé de votre proposition !" Nous allons pendant quelques minutes surfer sur la bonne humeur, Mélanie Laurent, toute fière et heureuse à l'idée d'avoir ses empreintes mêlées à celles des Légendes qui parsèment le parvis du Palais des Festivals et à l'idée de son concert futur sur ces mêmes planches qu'elle habitera dans la soirée au côté de Robert de Niro.
L'engagement est pris, elle reviendra donc à Cannes, juste quelques petits problèmes à régler avec son management, des histoires de gros sous, peut-être...mais ne gâchons pas notre plaisir avec des détails triviaux !
Au fait et le cinéma dans tout cela !
Un Woody Allen, même en forme moyenne avec Midnight in Paris, reste un réalisateur hors du commun...Beaux acteurs, dialogues enlevés, mise en scène soignée, idée séduisante mais, bon, difficile de réintégrer notre époque après avoir côtoyé Dali, Degas et Picasso...Tout comme Nanni Moretti dans son Habemus Papam, qui, sur une belle idée, s'enlise et traîne en longueurs pour un film qui ne fait qu'effleurer son talent de comédie. Sleeping Beauty de Julia Leigh est sans aucun intêret, sulfureusement toc et affreusement chic !
Mon coup de coeur en ce début du Festival est We need to talk about Kevin. Dans une forme sophistiquée, un montage en puzzle, les rapports d'une mère et de son fils sont analysés avec férocité, dans un drame terrible où un enfant échappe à la logique et s'enferme dans le mal pour combler un manque affectif incompréhensible. C'est déchirant, affreux, renvoyant à toutes les angoisses de la relation parents-enfants. L'actrice Tilda Swinton est parfaite et postule d'entrée pour l'interprétation féminine.
Allez, vite, l'écran m'attend...mais avant, je vais déjeuner avec le Crazy Horse !