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culture

De Rokia Traoré à Gotan Project

Publié le par Bernard Oheix

Voilà, la saison 2009/2010 vient de se terminer avec un somptueux Gotan Project, première du spectacle avant Paris, salle archicomble, public chaviré de bonheur, tout comme moi, heureux de cet évènement, heureux de retrouver Jules Frutos, le patron d'Alias, un homme qui aime la musique, qui comprend les artistes mais aussi les organisateurs, qui possède encore des principes et sait se rendre attachant. Alors sur ces derniers mois, quelques photos pour se souvenir du temps passé.

 

La belle Rokia, un de mes grands coups de coeur. Un instant magique qu'elle a illuminé de sa classe, de son humanisme, de son talent. Des frissons à la mémoire de sa grâce, de la pureté de son timbre, de l'éclair de ses yeux.

Je suis devenu son amoureux pour l'éternité.

 

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Rajery, le chantre de Madagascar et Talike, la Princesse des épines dans une des plus formidables rencontres de cette saison. Ils ont travaillé dans le contraste et se sont réunis dans la passion, transmettre l'amour de cette île-continent, parler des différences pour mieux les comprendre, déjà entre eux, toujours avec le public. Il n'y a plus de frontières et les corps vibrent à l'unisson sous cette musique tribale qui parle aux sens !

 

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En habit de Juliette Drouet, la passion de Victor Hugo, la passionaria Anthéa Sogno, et moi, son Roméo d'un soir, juste le plaisir des mots qu'elle a fait chanter, ceux de Hugo comme ceux de Juliette Drouet. Une extraordinaire leçon de vie, une émotion à fleur de peau, du théâtre de sens, sensations à vif,  esprit ouvert sur une petite histoire sublime de la grande histoire. Quand un grand homme est aussi un petit homme qu'une femme inspirera jusqu'au génie !

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Le Gotan est un véhicule hors norme parfait pour explorer les sentiers de l'Amérique du Sud, ceux si sombres des sons langoureux remixés pour devenir éternels. Voix, bandonéon, guitare, cuivre et deux imposantes machines chargées de transformer les notes en machine à se propulser dans le futur. C'est une musique d'éternité, dépassant toutes les frontières, qui reste étrangement naturelle. Le miracle de Gotan Project est de nier le temps !

 

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Dans ce spectacle un soin extrême est apporté au visuel, avec des couleurs chaudes de lumières, des écrans translucides où sont projetés des torrents d'images, un dispositif parfois un peu figé, toujours imposant, la sobriété du mouvement dépassé par la grandiloquence de l'effet, un spectacle à voir tout autant qu'à entendre et qui finira avec les tubes du groupe, dans un tango mécanique emportant le public dans sa fièvre !

 

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Voilà, c'était juste une madeleine sucrée, un petit goût de revenez-y, avec la nostalgie de toutes ces heures si belles car uniques, la certitude que jamais on ne remarchera sur ces travées...Bien sûr, il y aura d'autres moments à jouir, la beauté du passé chassée par l'espoir futur, mais que cette saison fut belle, entre les concerts de septembre 2009  (Bertignac, Archive, Peter Doherty, Bregovic...) et ces images volées par Eric Dervaux (except Victor Hugo) en mars et avril 2010.

Vite, à demain !

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Du pays Niçois à Madagascar

Publié le par Bernard Oheix

 

  La fin de saison se profile à l’horizon avec son heure des bilans qui se pointent, des analyses et des constats, des exégèses et des tableaux, de ce travail qui chasse l’alchimie du moment de rencontre pour le faire entrer dans un schéma avec la perfide sanction des chiffres… Disons-le, malgré la vraie crise, la désaffection générale d’un public volatile, la focalisation sur des produits formatés… la saison 2009/2010 aura été de bonne facture. Avouons que commencer avec Peter Doherty, Archive, Bregovic…et terminer sur le Gotan Project, cela a de la gueule et en impose quelque peu !

Et n’en déplaise aux esprits chagrins, la magie fonctionne encore et dans les interstices d’une crise ravageuse, nous autorise toujours d’espérer et de vivre intensément la rencontre entre un spectacle et un public même si parfois ce public fait cruellement défaut… et c’était le cas le 24 avril du côté du Théâtre de la Licorne pour le Corou de Berra et le malgache Rajery avec Talike en invitée ! Les absents ont vraiment eu tort ! Où étaient-ils nos amis occitans, les amateurs de Musiques du Monde, la communauté malgache ? Où étaient donc ceux qui rêvent debout ?

 

Le Corou de Berra, c’est 15 ans d’amitié, plusieurs concerts récurrents à Cannes, une disponibilité évidente frisant parfois l’inconscience (on se souvient encore d’un concert historique « sous la mer » aux Rochers Rouges de La Bocca où perchés sur un entablement rocheux, ils chantaient vêtus de blanc devant 3000 personnes en maillots et tubas en train de plonger pour écouter leur musique au fond de l’eau !), des réussites exemplaires (le concert avec Jean-Paul Poletti en 1996, des expériences avortées, les balbutiements de l’introduction de la musique (concert avec A Filetta en avril 2001), deux messes de Noël à donner l’envie de se convertir et communier (bon, là, faut pas exagérer !)… C’est aussi un 10ème CD, sobrement intitulé « 10 » et c’est Michel Bianco dit Michael White, Françoise Marchetti, la voix divine de Claudia Musso, Primo Francoia et Pascal Ferret réunis dans un groupe polyphonique qui a su s’extraire de la tradition et aller à la rencontre de créateurs modernes pour enrichir leur répertoire (Etienne Perruchon et Gilberto Richiero).

 

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Même si les cheveux blanchissent sous le harnais depuis 20 ans, même si la période actuelle n’est pas propice à la créativité débridée et à l’enthousiasme délirant, le Corou trace son chemin, sillon après sillon, sans jamais s’endormir sur les recettes toutes faites d’une musique de conformité, bien au contraire. Ils ont réussi à intégrer la mouvance d’une école d’Opéra moderne avec Perrucchon où la recréation sacrée avec Richiero. Leur dernier opus est un bijou, un de ces disques à emmener sur une île déserte pour y inventer l’électricité afin de l’écouter et qui fait partie d’une médiathèque personnelle sans laquelle l’avenir nous semblerait si fade. Quelques plages du CD font courir des frissons. « Lo vielh Senhe » « Niente di Noi » (2mn 57 de grâce et de bonheur absolu avec des voix qui s’enchâssent en vagues et des contrepoints suspendus dans l’éther), Le sette Galere, La Vidjamé (tirée de Dogora, l’opéra d’Etienne Perrucchon), d’autres sont plus traditionnels (Lou Roussignol, Maria, Se Canto…). L’ensemble se caractérise par un extrême soin du volume sonore des voix en contrepoint de la musique, sans jamais forcer sur la présence de l’organe humain tout en valorisant les nuances, la finesse et la précision des traits prenant le pas sur la dimension chorale. C’est l’œuvre majeure du Corou de Berra, celle de la maturité et de la plénitude, de la maîtrise non seulement des voix mais aussi de son rapport à l’instrument. C’est un CD à acheter, à voler chez son ami, à obtenir par tous les moyens !

Le concert sera à l’image du CD : élégant, classe, légèrement distancé, comme si la musique était plus forte que la crise et les fauteuils parsemés de vide. 3 morceaux a cappella avant que les musiciens rejoignent le chœur :(Gilles Choir en vieux pirate attachant avec bandana pour dissimuler son désarroi, Eros à l’accordéon subtil…). 45 minutes de bonheur qui s’écouleront sans même que l’on perçoive l’aile du temps, le frisson à fleur de peau. Corou for ever !

La deuxième partie de la soirée offrait une rencontre inédite, comme on les aime à Cannes, comme seules les villes qui en ont le désir et les moyens peuvent se le permettre. Rajery, une des voix les plus étonnantes de Madagascar invitant Talike, la leader du trio Tiharea accueilli la saison passée en polyphonie, pour un concert sublime. Armé de sa « valiha », une harpe à 15 cordes très complexe à utiliser donnant une sonorité particulière, Rajery pénètre sur la scène, discret, humble, face lunaire et bouille d’enfant émerveillé sortant de sa brousse.

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Après le concert, dans un de ces pots à boire qui nient le temps avec des artistes ouverts sur le monde, il nous racontait son angoisse, la première fois qu’il a débarqué en Europe pour jouer de la musique, devant les escaliers mécaniques, sa peur de la circulation dans les rues, tous ces appareils étranges qui meublent nos vies et lui semblaient si abscons. Il a gardé cet esprit d’enfant rieur, ce regard faussement naïf car si lucide devant le décalage du prix d’une vie selon que l’on est né d’un côté des Pyrénées où par-delà les océans. Il permet à l’ailleurs de faire effraction pour entrer en résonance avec notre univers figé. Son introduction à la « valiha » est un moment d’éternité, notes langoureuses étirées jusqu’à l’infini. Son groupe (batterie, basse et guitare, d’excellents musiciens, tous chanteurs) est en osmose avec lui et imprime une marque forte, une musique qui « sonne » et donne envie de bouger, de laisser son corps dériver.

A mi-concert, il va présenter son invitée spéciale, Talike, Princesse des Epines, née dans le Sud du pays, le territoire de l’Androy de Madagascar, cette île continent aux 18 ethnies qui arrivent encore à vivre ensemble et à se comprendre, Talike possède une voix dévastatrice, une voix qu’elle peut percher en hauteur et laisser en suspens. Avec ses « dokodokos », des tresses rituelles, elle est fière et sauvage, elle donne un coup de fouet au concert en permettant au jeu entre Rajery, les musiciens et cette silhouette féline de monter encore d’un cran. La salle tangue, les danseurs envahissent les travées et le concert finira dans une orgie de sons et de couleurs, de cris et de chants, de beauté et de ferveur.

 

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C’est ainsi donc une rencontre rare à laquelle nous avons assisté, une vraie création musicale « live » entre deux hérauts d’une culture où la musique se niche dans chaque geste quotidien, chaque drame et joie de l’existence, au cœur de la vie. Madagascar est un pays de musique trop souvent éloigné des chemins de notre connaissance et ce soir-là, du côté de Cannes, une page d’espérance s’est ouverte...

 

PS : Les photos sont de mon ami Eric Dervaux, un photographe qui aime les artistes et leur offre un soupçon d'éternité !

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De la Corse...et de quelques spectacles !

Publié le par Bernard Oheix

 

Période de grande densité culturelle, entre les spectacles accueillis à Cannes et ceux visionnés à Paris, Lyon et Nantes afin d’élaborer la saison prochaine, entre deux averses et des vagues gigantesques qui éperonnent le bord de mer en dévastant tout sur leur passage et une chute de flocons qui recouvrent la Croisette d’un manteau blanc étrange…plus de 20 ans qu’on avait pas vu un tel spectacle, il n’y a vraiment plus de saisons…J’ai suspendu mes baignades et je me calfeutre dans les salles en nourrissant ma tête de belles aventures.


boneige2.jpgBon, c'est vrai, il a neigé sur Cannes...Je crois que je vais cesser de me baigner pendant quelque temps !  La Croisette dans la semaine du blanc, je ne pensais pas que c'était possible, et pourtant !


Petite sélection des programmes vus (et à venir donc !)

 

Le Trio Esperanca, disparu depuis de longues années, se reforme sur Paris pour promouvoir leur nouvel opus. Les 3 sœurs brésiliennes restent belles, envoûtantes, elles sont inimitables même quand elles décident de rencontrer la musique classique avec leurs rythmes d’Amérique du Sud. Chaleur de la samba sur volutes de Bach. Cela reste naturel, juste une belle rencontre de sons qu’un musicien accompagne et orchestre. On sent le désir de renouer et de retrouver le public qui se laisse convaincre sans attendre et se met à tanguer de bonheur.

 

La Nuit des Rois. Comment Shakespeare a-t-il pu écrire une pièce aussi moderne, aussi impertinente, novatrice ? Ce ne sont qu’inversions, travestissements, amours homosexuels, ambiguïté permanente ! C’est divinement joué, tirant vers l’absurde les personnages décalés, induisant un vent de folie qui dérègle la mécanique des rapports humains. Un gâteau à la chantilly que l’on consommera à l’automne !

 

Thé à la menthe ou thé citron. Pièce culte, syndrome du Père Noël…On rit à cette pièce de boulevard qui se construit sous nos yeux, acteurs ringards (volontairement !), metteuse en scène à la dérive, texte inepte, gags incessants, dérèglement de mécanique annoncé…Je l’avais vu il y a 10 ans, elle sera à Cannes l’an prochain pour le meilleur de nos zygomatiques en folie !

 

Le kangourou de et avec Patrick Sébastien. J’y allais à reculons…il faut l’avouer. Mais la pièce, après une ouverture en fanfare au pire de ce que l’on peut imaginer, (une nana qui se fait sauter au cours d’un entretien d’embauche (!!) et qui obtient le job)…va dériver vers un univers à la Hellzapoppin. Délire entre la politique et monde des affaires, les rapports homme femme, puissance et séduction… Merveilleusement servie par deux comédiennes et un comédien qui entourent et protègent l’auteur qui navigue dans les hauts-fonds de l’indicible et du politiquement incorrect, la pièce s’achève sur un propos humaniste dans le meilleur des mondes. Une vraie réussite sur une odeur de soufre ! Rendez-vous à Cannes en janvier 2011.

 

Nilda Fernandez, le retour. Il n’avait plus produit de disque depuis quelques années, exilé aux confins de l’Europe dans une Russie qui lui tendait les bras. Il nous revient, voix inimitable, ressort ses tubes immémoriaux et présente ses derniers morceaux comme des bijoux ciselés dans l’or du temps. Nilda comme on l’aime !

 

On purge bébé. Cristiana Reali et Dominique Pinon. Si le texte reste à la limite du supportable dans son archétype d’un boulevard du XIX ème siècle, si les acteurs se démènent et en font des tonnes pour exister, si la mise en scène ne recule devant aucun effet surligné... c’est bien pour nous servir le plat brûlant d’une tranche d’histoire du théâtre de boulevard ! Et cela fonctionne, comme une madeleine encore odorante, le parfum suave d’une bourgeoisie insouciante en train d’ériger un monde en noir et blanc. A voir et à revoir.

 

Le mal de mère. Marthe Villalonga au zénith. Elle sort de ses rôles types pour endosser les habits plus sophistiqués d’une femme qui paye un psychiatre pour être entendue enfin. Elle trouve ainsi une profondeur et un propos plus riche que dans ses dernières créations. C’est une vraie belle réussite. Elle se métamorphose au cours de cette «thérapie» pendant que son thérapeute se liquéfie dans un processus d’inversion dont il sera la victime. Dommage que son partenaire (Bruno Madinier) souffre quelque peu de la comparaison et ne puisse maintenir son personnage au niveau de sa composition. Mais avec le temps, on peut espérer que Marthe soit moins seule à défendre son rôle et la pièce en sortira encore grandie.

 

Je passerai sur nombre de pièces ou concerts vus ou entrevus sur les planches parisiennes pour arriver aux programmes de notre saison actuelle à Cannes.

 

Un sublimissime ballet d’Antonio Gadès, (Fuenteovejuna), sans doute le chef-d’œuvre du chorégraphe, plein d’énergie et de passion, lecture d’une révolte paysanne aux sons du flamenco. La compagnie préserve de l’usure du temps, cette œuvre majeure de son patrimoine. Les rapports amoureux se confrontent aux rapports de classe dans un affrontement sans merci et la force la plus brutale ne peut enfermer la ferveur d’un peuple qui se soulève contre l’oppression pour sauvegarder son honneur et préserver l’amour. (C’est beau ce que je viens d’écrire, non ?). C’est biblique, c’est romantique et la fusion de l’inspiration flamenco et de l’art chorégraphique en fait un miracle d’équilibre et d’énergie !

 

Reste le week-end dernier, avec un Roland Giraud formidable dans Bonté Divine, la veille de l’annonce du suicide de Treiber. La pièce démarre comme une leçon de philosophie sur les religions, (un prêtre, un imam, un rabbin et un vénérable bouddhiste sont réunis pour une conférence). Par la suite, elle basculera dans une histoire (certes) tirée par les cheveux, support d’une comédie sérieuse où le (sou)rire le partage à la réflexion ! L’ensemble reste attachant, ouvert, intelligent, comme si le simple fait de parler ensemble pouvait bannir la haine et le rejet de l’autre. Communiquer sur ce qui différencie les êtres, c’est déjà accepter la différence ! C’est un manifeste pour la tolérance où l’objectif à atteindre permet d’accepter les quelques faiblesses de la mise en scène… sans états d’âme !

 

Une soirée corse, cela sent à priori, le figatelli grillé au coin du feu, une atmosphère bon enfant, la main sur l’oreille pendant le chant profond et l’accent inimitable de nos frères îliens. Nos amateurs d’exotisme en auront été pour leur frais tant cette soirée fut moderne, riche et particulièrement intense. De 51 Pégase, je ne dirai pas grand-chose tant j’ai déjà couvert d’éloges cette pièce tirée du livre de Marc Biancarelli, présent dans la salle. Beauté des mots et force des images, acteur superbe, mise en scène élégante de Jean-Pierre Lanfranchi… Parfois, quand on programme et que l’on sélectionne une oeuvre, on se pose des questions sur son adéquation dans un lieu et son public, sur la «prise de risques», sur les raisons profondes qui nous motivent. Point d’interrogations pour cette magistrale œuvre de théâtre contemporain présentée à Cannes. La crudité des situations décrites, la violence des propos, la rigueur austère s’effacent devant la beauté de ce moment de grâce absolue d’une introspection collective. C’est un théâtre branché sur le courant continu d’une création en prise directe avec l’écho de la réalité !

Et comme pour se sublimer, la soirée corse se clôturera avec un concert de l’Alba, un groupe de la 2ème génération, libéré des angoisses existentielles de leurs aînés focalisés sur la recherche d’une identité et de racines, s’épanouissant dans une musique instrumentale subtile, mixant les chants et la polyphonie, profane ou sacrée, mise en lumière ritualisée, instruments baroques, vent ouvert d’influence diverses orientales.

Voilà, n’en déplaise aux esprits chagrins, une soirée corse fait aussi appel à la modernité et à l’intelligence entre deux mastications de « lonzo » et de « salsiccia ».

 

Bientôt le Festival des jeux, Paris encore pour les derniers réglages d’une saison à venir. La vie continue même dans les frimas d’un hiver rude. Sortez, même couverts, mais sortez s’il vous plait, le monde à besoin de vous et de l’obscurité des salles de spectacle jaillira la lumière !

 

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photos et livres

Publié le par Bernard Oheix

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Hervé Koubi dans Bref séjour chez les vivants !

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L'enfant étrange des Castafiore...Des fleurs rouge vont lui pousser dans le cerveau !

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Les Betty Boop de Zoopsie Comedi ! Démultipliées à l'infini dans une comédie musicale déjantée !

Quelques photos du Festival de Danse réalisées par Eric Derveau...Pour se souvenir d'heures magiques !
Quand l'imaginaire des créateurs rencontre l'oeil du spectateur !


 

Quelques livres.

Trois femmes puissantes. Marie NDiaye.

Chaque année c’est avec une certaine émotion que l’on se plonge dans le Goncourt et les autres prix. Un rituel, passage obligé souvent convaincant pour comprendre l’état de la littérature en France. Non que ce soit les seuls livres à lire, mais bien la partie remarquée, visible, d’un iceberg qui parfois se confond avec le Titanic. Que dire du cru 2009 ?

Femme, noire, écrivaine, iconoclaste et libre, tout pour plaire à priori chez l’auteure !

Le livre est composé de 3 nouvelles vaguement reliées entres elles, très différentes les unes des autres. La première nous permet de suivre une femme avocate revenant sur son passé en retrouvant son père africain qui l’a appelée à la rescousse. Un plat à la sauce aigre douce, orange amère où affleurent les sentiments d’amour et de haine d’une fille délaissée se confrontant à la statue du commandeur. Comment vivre la déchéance de celui qui symbolisait la force dans toute sa brutalité ? D’autant plus forte qu’il l’a abandonnée !

La deuxième campe le paysage flou d’une femme en filigrane, vue à travers l’agonie d’un couple mixte déraciné, un authentique amour qui se brise sur les rivages impossibles d’une terre d’exil.

La troisième est la plus forte, la plus bouleversante, récit d’une tentative d’évasion vers cette terre d’exil, la longue agonie d’une femme brièvement entrevue dans la première nouvelle qui est contrainte de choisir la voie des clandestins pour atteindre l’oasis d’une Europe aux ventres pleins. Une tragédie terrifiante, choc salutaire pour ceux qui campent sur leurs certitudes dans la forteresse assiégée des pays développés. Comment ne pas entendre les cris de ceux qui ont faim et fermer les yeux devant ces scènes quotidiennes de barques échouées avec leur lot de cadavres gorgés d’illusions ? Comment continuer d’ignorer ceux qui n’ont rien, que la mort comme compagne et vivent sur le fil d’un rasoir ? Comment ne pas comprendre que la misère engendre le pire des systèmes où l’exploité est opprimé par ceux qui survivent sur la misère des autres en une chaîne ignoble d’asservissement et d’ignominie !

C’est un chant bouleversant avec des mots d’une beauté qui ne rend que plus dramatique l’horreur des situations.


Le club des incorrigibles optimistes
. Jean-Michel Ghénassia.

On rentre doucement dans cette histoire qui sinue dans une France qui naît pendant la guerre d’Algérie pour s’échouer aux prémices d’un 68 enfiévré. Des personnages étranges, diaspora des réfugiés politiques de l’empire soviétique sous le joug d’un Staline tortionnaire, se retrouvent dans l’annexe d’un restaurant de famille pour jouer aux échecs et partager des moments d’abandon. Ils sont des génies échappés aux drames de l’histoire, ont participé aux combats les plus terrifiants de cette moitié du XXème siècle, portent les cicatrices de la peur en eux mais n’ont pas renoncé à hurler leur désespoir. Chacun est une somme de science et de courage et leur phalanstère est un condensé de tous les espoirs trahis, de tous les reniements du possible.

Un adolescent va pénétrer dans leur cénacle, suivre leur parcours sans épouser leur cause, entrer à la lisière de leur univers sanglant pour grandir et se forger un devenir. Il va étrangement occuper une place centrale, miroir du désespoir, parce qu’il est un témoin sans passé, parce qu’il est le ferment d’un lendemain de mutation et parce qu’il ne juge pas. C’est l’histoire que l’on enterre dans les dernières convulsions de ce monde en train d’agoniser.

Il faudra bien qu’il grandisse et que l’on enterre Camus, Kessel et Sartre… et sur les ruines de ces passions, que l’histoire aboutisse à un grand pardon général dans le souffle apaisé de l’abandon.

C’est beau, tonique, effrayant et magique. Le Goncourt des lycéens est une immense ode à la liberté, celle qui est emprisonnée dans les mailles du passé et que seule la mort peut affranchir.


Pêle-mêle, car il n’y a pas que les prix dans la littérature, je suis tombé sur un petit bijou de Didier Daeninck, Camarades de classe. Un perdu de vue étrange, rapports épistolaires entre d’anciens élèves qui débouchent sur un coup de théâtre étonnant. C’est troublant, une confrontation entre les rêves du passé et le futur en marche, tranches de vie à l’épreuve du temps. Cela se lit avec plaisir et le retournement final est surprenant.

Plus étonnant encore, Vers les blancs de Philippe Djian. Quel écrivain ne s’est pas posé la question : « -et si j’écrivais un porno » ? Djian y répond en insérant à l’intérieur de son œuvre, une dimension purement érotique, une plongée dans les arcanes d’une sexualité débridée, les frontières s’estompant petit à petit jusqu’à produire un roman sulfureux, crépusculaire. A la différence de nombre de ses prédécesseurs, il réussit à conjuguer l’univers de la fiction et le trash crû de mots libérés. C’est à lire en s’accrochant aux racines de la raison !

Enfin, dernier petit livre (par la taille !), Bertina Henrichs nous propose avec La joueuse d’échecs, une énième variation sur ce jeu ancestral. Pourquoi ces figurines attirent-elles tant d’écrivain ? On peut se poser la question, mais elle y répond par un texte court, ciselé, sans fioriture ni aspérité. Une femme sans relief découvre par hasard, dans le vide de sa vie, ce jeu et les figures improbables d’un échiquier infini. Cela provoquera une transformation profonde, à la fois de sa perception du monde et de sa propre existence, pion dans une comédie ritualisée de la vie, reine par la grâce d’un mouvement stratégique d’une dame de bois. L’échiquier est bien le terrain fertile d’une vie rêvée et permet son émancipation.


Voici donc une livraison de commentaires sur quelques livres lus et à lire. Il y en a tant dans notre bibliothèque idéale, qu’il semble illusoire d’aborder la culture du monde avec des certitudes. Juste des mots alignés pour sanctifier ceux des autres et leurs ouvrir quelques portes. Les échecs, le sexe, les africaines opprimées et les réfugiés politiques forment une famille de cœur de mon bestiaire personnel, je vous les offre sans retenue !

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Festival de Danse 2009 (2)

Publié le par Bernard Oheix

Suite et fin de cette aventure dans le monde de la danse. Un Festival, c’est beaucoup de tensions, enchaînement de propositions diverses, une façon de découvrir les tendances qui parcourent la création et donnent le tempo du lendemain. C’est avant tout une aventure personnelle, une réflexion sur sa propre histoire et sa culture. Quelques mots pour vous en convaincre !


Lundi 30 novembre-18h

Compagnie Ando-Davy Brun

A contre danse

Deux hommes sautillent sur le battement sourd d’une machine. Cela dure longtemps. Vers la fin du spectacle, ils danseront… un peu ! Entre ces deux moments, ils nous imposent deux mannequins, une gestuelle compassée, des non-effets, pensum théâtralo-psychologique qui porte bien le nom de contre danse pour des contre-spectateurs ! Dommage, il y avait matière à créer quelque chose, mais quoi, déjà !


Mardi 1er décembre-20h30

Compagnie Pockemon Crew

La Faute idéale

Show 100% Hip-Hop Breakdance.

Un peu prétentieux nos breakeurs dans la première partie. La mort du faune, une comédienne, une danseuse, une chanteuse… théâtralisation de l’univers de la rue, quand les trottoirs de la contestation se mettent à penser et veulent devenir intelligent pour faire comme tout le monde. Bof ! C’est pas mal malgré tout, on a envie de les aimer nos petits beurs, même s’ils ne sont jamais meilleurs que lorsque on leur lâche la bride sur le corps et qu’ils exécutent ce qu’ils aiment, tourner sur la tête, bondir et jaillir en écartant les jambes, sauter et s’équilibrer sur les bras. Les jeunes du public, désarçonnés, leur ont offert un accessit malgré tout et c’est tant mieux.


Mercredi 2 décembre-18h

Compagnie Hervé Koubi.

Coppélia, une fiancée aux yeux d’émail

Les suprêmes.

Bref séjour chez les vivants.

Hervé Koubi est l’enfant du sérail, le prodige local, passé par l’école de Rosella, apprécié des institutionnels. Première sélection dans le Festival de Danse avec la pression qui en découle.

Coppélia en version courte. Deux femmes figées par des hauts talons, trois hommes amoureux de ces poupées. Parfois un peu brouillon, une belle proposition pas tout à fait achevée.

Les suprêmes ou l’univers autobiographique (cela sent le vécu !) d’un enfant qui n’aime pas le foot et découvrira dans une boîte de nuit, les émois d’un monde de moiteur. La qualité de l’instant est évidente, les danseurs donnent du mouvement mais cela semble parfois un brin naïf, une évocation trop surlignée de sens.

Bref séjour chez les vivants dévoile, dans un décor d’apocalypse, des morts-vivants, qui vont s’animer. La proposition est forte, introduit une véritable tension.

Dans ces trois pièces, Hervé Koubi démontre à l’évidence un sens du spectacle et de la scénographie. Pourtant, il semble que, paradoxalement, sa danse ne soit pas encore au niveau de sa vision et de son désir du « signifier ». Il lui manque un soupçon de maturité chorégraphique (de l’expérience ?) pour rendre cohérents sa perception de la scène et son désir de l’animer. Une séance comme celle du Festival devrait lui permettre d’aller plus loin et d’en tirer les fruits. Hervé Koubi est attachant, sensible et possède une marge de progression importante. A lui de nous prouver qu’il possède cette matière dansante enfouie dans son histoire et qu’elle ne demande qu’à éclore pour toucher le spectateur.


Mercredi 2 décembre-20h30

Zoopsie Comedi

Recréation d’une pièce des années 80 qui avait rencontré un beau succès dans les salles. Dominique Boivin (dont on avait apprécié l’Histoire de la Danse présentée dans le Festival, au siècle dernier, en 1999), Christian Lacroix aux costumes et les Castafiore au soutien artistique et au réglage chorégraphique de certains numéros…une belle proposition à priori, même si Télérama faisait paraître une critique très acidulée sur cette reprise d’une œuvre qui aurait mal vieilli !

Qu’importe ! Les spectateurs se sont plongés dans un petit bijou de danse jubilatoire, l’humour si rare en danse est bien présent, un spectacle tout fou, plein d’énergie et de décalages, entre Decouflé et les Monty Pythons avec un zeste de Tex Avery, de superbes moments de danse piochant largement dans l’univers des claquettes, du hip-hop, du jazz, de la comédie musicale…Les tenues extravagantes collent aux personnages, certains passages sont hilarants (le combat des cavaliers antiques en claquettes, les betty boop qui se multiplient, les danseurs poissons avec des palmes…).

Les deux héros sont de merveilleux danseurs qui viennent de la rue, à la fois chewing-gums et aciers, souples et dynamiques, étrange paradoxe si l’on pense au spectacle des Pockemon qui tentaient de se « nobiliser » alors c’est la comédie qui se « vulgarise » avec bonheur dans cette récréation de Dominique Boivin. « L’après-midi d’un faune » ne réussit pas à élever un spectacle de rue alors que les figures de la rue rendent jubilatoires une comédie musicale traditionnelle ! Beau pied de nez !

Zoopsie Comedi est une vraie réussite qui fait aimer la danse, une approche tout public, tout âge, toute culture. Ils tournent encore en France, précipitez-vous, on ne regrette pas cette plongée dans l’univers déraisonnable de ces déjantés de première classe !



Jeudi 3 décembre-20h30

Dumb Type

Voyage

On attendait énormément de ces japonais à la réputation sulfureuse qui éperonnent les codes, transgressent les frontières des arts et renvoient le spectateur à un inconfort motivant…trop peut-être !

En 1975, j’ai participé à un Concert Fluxus de Ben et des artistes de l’Ecole de Nice…le temps a passé. 35 ans après, la technique en plus et la vidéo en renfort, j’ai l’impression de me retrouver jeune étudiant m’ébaudissant d’une rupture radicale avec les codes de l’establishment ! Même non-discours, même relecture ampoulée chargée de provocations décalées, même étirement des images entrant en collision avec la réalité.

Certaines séquences sont plutôt réussies, quelques effets sont prenants… mais l’ensemble dégage une impression de vide dans des interstices sidéraux, comme si à force de s’interroger, les acteurs de cette pièce n’offraient qu’un regard dénué de toute énergie, de contradictions. Il y a un renoncement général en abysse, les cris ne percent plus les murs de l’indifférence. Chaque moment est trop long, chaque idée se retrouve étirée dans le temps et au bout du compte, il y a bien longtemps que l’on ne peut plus révolutionner la scène avec une non-histoire dans une palette d’images fabriquées pour une provocation sans fondement. On n’a même pas envie d’être en colère, juste de se dire, « -tout cela pour ça ! -»


Vendredi 4 novembre-18h

Jeune Création Italienne

Francesco Nappa. Backlash

Imperfect Dancers Compagnia Balletto 90. Luce Bianca – Bolero

Ils sont beaux nos jeunes italiens, et ils ont de l’énergie à revendre !

Sur la scène, inspiration jazz danse, danseurs énergiques, décors sophistiqués, c’est pas mal du tout cela ! Et en plus, ils sont vraiment italiens !


Vendredi 4 novembre-20h30

Ballet de l’Opéra de Lyon.

Giselle. Mats Ek. « Un chef-d’œuvre en mouvement »

Une trame éternelle. Une femme abusée par un homme, deux castes qui s’affrontent, la folie comme prix à payer d’une trahison et la rédemption avec le don d’une vie. Mats Ek détourne les codes de la danse classique en étant fidèle à la musique et à la structure générale. Il tire les personnages vers un naturalisme de synthèse pour mieux le détourner et symboliser au final la folie des hommes. Les vêtements sont très réalistes dans le 1er acte, habits des paysans ou de nobles, accessoires, danses de groupes renvoyant à des images simples, des rapports de force primaires entre deux blocs soudés par la haine. Dans le 2ème acte, il casse les figures de la rhétorique traditionnelle et introduit la folie des personnages dans la gestuelle mécanisée qui les anime, une succession de pas et d’attitudes reliant à l’enfermement des êtres dans une prison intérieure. Bouches ouvertes, soumission à un garde-chiourme, démarche grégaire d’un pas étrange qui fait peser le passé sur les épaules. Dans cette lecture « engagée » de l’œuvre Giselle, Mats Ek utilise tout un alphabet de la cassure, bras brisés, jambes en angles, têtes tournées, corps affaissés, démarches claudicantes afin de créer une parenthèse entre la vie des personnages et les émotions qu’ils ressentent. C’est magistral et éblouissant, à l’image de cette compagnie de l’Opéra de Lyon qui porte à la perfection l’expression d’un néoclassicisme inventant une danse éternelle. C’est une clôture en forme d’apothéose, un ballet qui ouvre les portes du paradis !



Voilà une nouvelle édition du Festival de Danse qui s’est achevée dans la sérénité. On aura eu beaucoup d’images, de la danse aussi pour cette édition en demi-teinte bien en phase avec la morosité de la scène vivante actuelle. Beaucoup de questions pour peu de réponses, exhumer quelques œuvres du passé, prévoir un arsenal de provocations (timides) pour marquer l’air du temps…reste le public qui a répondu présent pour une édition sans grandes têtes d’affiche, qui a suivi attentivement et a marqué son attachement au Festival malgré une crise réelle et une inflation de spectacles à venir dans une principauté voisine. Reste les coups de cœur des Castafiore, de Benjamin Millepied et du Ballet de l’Opéra de Lyon avec la Giselle de Mats Ek. Reste aussi et avant tout, la rencontre et les discussions autour de ces œuvres souvent inclassables…le talent n’a pas de frontières, les spectateurs ressortiront un peu plus intelligents de cette plongée dans l’univers du mouvement !

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Festival de Danse 2009 (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

C’est parti pour la biennale 2009 qui, du vendredi 27 novembre au vendredi 4 décembre, nous a proposé 14 spectacles. La programmation est l’œuvre de Yorgos Loukos, Directeur du Ballet de l’Opéra de Lyon, un des meilleurs spécialistes de la Danse en France et dans le monde, personnage atypique et attachant, parfois irritant mais toujours passionnant… même si j’y ai apporté une petite touche avec entre autre, nos amis de la Castafiore ! Avec le temps, les aspérités s’émoussent et les relations se fluidifient. Revue d’effectif !

 

Vendredi 27 novembre. 20h30
Michèle Anne de Mey

Charleroi/Danses

Neige

Où et comment composer une scénographie magique tout en se loupant lamentablement sur la chorégraphie !

Dommage ! Un dispositif fascinant de neige artificielle, un tourbillon de flocons blancs qui noient la scène sous un manteau immaculé et composent un hymne à la nature, une mise en scène fabuleuse que les éclairages magnifient, l’intelligence d’une technique au service du cœur…Tout cela pour voir s’agiter quelques danseurs sans âme errant dans le paysage désertique d’une chorégraphe perdue. On appelle cela se « planter » ou je ne m’y connais pas ! Et on ne peut que le regretter !

 

Samedi 28 novembre. 18h
Système Castafiore

Stand Alone Zone

Pour tout savoir sur cette pièce, se reporter à mon article du mois de novembre. J’avais eu la chance de voir une première version… un mois après, c’est encore mieux, plus fou, soigné jusqu’au moindre détail, une fresque baroque futuriste. La chorégraphie de Marcia Barcellos habite l’espace torturé de Karl Biscuit, le virtuel flirte avec le réel, la réalité s’imbrique dans nos cauchemars. C’est une œuvre magistrale. Attention, chef-d’œuvre en marche à consommer sans modération et de toute urgence !

Une petite pensée pour le solo éblouissant de Monique Loudières, ex-étoile de l’Opéra de Paris qui fut la directrice de l’école de Rosella pendant ces dernières années. Clin d’œil particulièrement réussi, dans le décor en images de synthèse d’un opéra à la dérive, sa silhouette menue, évolue comme un fantôme de l’opéra, technique préservée, arabesques en boucle du temps.

 

Samedi 28 novembre. 20h30
CCN Ballet de Lorraine

White Feeling

Organic Beat

 

Une soirée autour de Paulo Ribeiro, jeune chorégraphe portugais avec la recréation de deux pièces de 2004 et 2008.

Mouvements et croisements, lignes brisées qui s’affrontent et créent l’harmonie dans un apparent chaos, corps qui tournent et tentent de s’affranchir de la pesanteur. Il y a, chez Paulo Ribeiro, une énergie sauvage, une dynamique débridée du groupe auquel les individus tentent vainement d’échapper, des moments d’unisson fragile (l’ensemble chorégraphié dans Organic Beat est de ce point de vue d’une force et d’une violence maîtrisées impressionnantes). Un grand corps de ballet (30 danseurs), des figures amples qui investissent l’espace, une utilisation de la musique live dans White Feeling ou de la vidéo qui fait basculer les repères dans Organic Beat, Le Ballet de Lorraine nous a présenté une belle soirée de danse, de la vraie danse qui prend les corps et touche les cœurs, quand la technique est au service du muscle.

 

Dimanche 29 novembre. 16h
Hommage à Rosella Hightower

 

Exercice toujours complexe que de rendre hommage à quelqu’un qui a disparu. Rosella a inventé la danse à Cannes. Ancienne étoile du Marquis de Cuevas, son école a formé des générations de danseurs et de chorégraphes. Figure de légende, on lui doit la création du Festival de Danse avec René Corbier, directeur des Affaires Culturelles à l’époque (et encore aujourd’hui d’ailleurs, belle marque de longévité que nous avons l’honneur de partager, tous les deux, ayant survécu à toutes les tempêtes cannoises de ce dernier quart de siècle !).

Une nouvelle directrice (Paola Cantalupo, ancienne danseuse des Ballets de Monaco), un statut d’Ecole Nationale difficile à maintenir dans une période non moins facile pour l’Art en général, des problèmes de finances mais toujours cette âme qui semble régner en maître au-dessus de l’Ecole, cette silhouette fragile d’une femme que j’ai connue et qui m’a fasciné. Je me souviens d’un voyage en voiture, retour d’une réunion où, en veine de confidences, elle répondit à mes interrogations sur sa famille indienne (des Etats-Unis, descendante d’authentiques Utes) se livrant sans affectation. Elle a tout connu de la vie, les plus belles scènes, les partenaires les plus incroyables, égérie et muse de génies, condensant sur une vie l’histoire d’un art du XXème siècle, entre ses mains si fines et un corps qui jusqu’à la dernière limite pouvait se plier à la souffrance d’une sculpture humaine. Je l’ai vue danser son dernier ballet (avec Jean Babilée en 1990), j’ai entrevu aussi la perte de contrôle des derniers instants  quand l’usure se faisait plus forte que l’acier de son caractère. J’ai eu le bonheur de croiser son chemin et ce fut une grande chance que d’avoir partagé quelques bribes de son histoire.

L’hommage organisé par sa fille fut à la hauteur de sa carrière, sobre, sans pathos, avec le Cannes Jeune Ballet dans de belles chorégraphies permettant de mettre en valeur le travail de formation de l’Ecole et quelques invités dont un couple du Ballet de Genève dirigé par un de ses anciens élèves dans un sublime duo aux seins nus. Rosella, c’était aussi et avant tout la modernité jusqu’à son dernier souffle et ce dernier spectacle lui a rendu justice ! Une grande Dame a disparu, vive la danse !

 

Dimanche 29 novembre. 20h30
Danses Concertantes-Benjamin Millepied

Closer

Whithout

Anima

 

La coqueluche des médias, le soliste du New York City Ballet, les danseurs de l’Américan Ballet Théâtre, odeur de soufre, vent d’attente sur l’événement du Festival 2009. Il n’a pas déçu le porteur de nos rêves dans ces 3 pièces dont la dernière était une création pour Cannes.

Closer est un duo de 2005 remonté, quand un couple cherche à bannir tout espace entre les corps et que les mouvements fusionnent afin d’éliminer les failles du hasard. Porté, glissé, agrippé, la femme et l’homme évoluent sans à-coups, fluidité de ces deux masses qui s’entremêlent, ne se séparent que pour mieux se retrouver. Sensualité et osmose, grâce infinie de la lenteur opposée à la vivacité de cette interpénétration physique. C’est beau et troublant.

La deuxième pièce voit des couples surgir de rideaux disposés en cadre de scène, sur la partition en live des études de Chopin. Ils virevoltent et donnent du mouvement aux notes, glissent et modèlent l’espace, se retrouvent et s’évanouissent. Un peu académique malgré tout, même si la qualité des danseurs permet au temps de s’étirer et à la beauté des attitudes de figer l’espace.

Restait la création 2009. Anima.

Musique de Bach, sons sourds de l’orgue, basses atonales qui écrasent la scène en un continuum angoissant. Un couple vêtu de longues robes noires asiatiques se cherche, bientôt rejoint par d’autres couples. Dans cette musique et ces décors en noir, seuls les glissandos des corps sont fluides, éclairs de chair qui trouent l’obscurité, masses physiques en perpétuelle évolution à la recherche d’une union impossible. C’est de la sculpture vivante, une ode à l’esprit des corps qui tentent de fusionner dans le mouvement. Autant la musique étire l’espace, autant les corps rétrécissent le temps. C’est haletant et majestueux, un rythme en contrepoint, comme le souffle d’une poésie sauvage, l’ivresse d’une plongée dans ce qui se dissimule sous la nature du vide.

Benjamin Millepied est un génie, l’histoire nous dira si ce génie trouvera le temps de devenir éternel !

 

 

Voilà, on en est à la moitié du Festival, encore des compagnies, des œuvres et des interprètes pour rêver, des images à n’en plus finir, des sons qui percent sous le froid qui envahit Cannes. On est en hiver, il reste les projecteurs des salles sombres pour illuminer l’espoir. C’est la Danse, un art du mouvement, l’occasion d’explorer les limites des corps humains et  l’esthétique de l’urgence des chorégraphes…Le rêve d’une réalité à façonner ! 

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Je suis l'Ange Rayonnant de Moscou !

Publié le par Bernard Oheix

La neige tombe en flocons tournoyant avant de recouvrir les voitures et les arbres d’un linceul immaculé. Les trottoirs deviennent glissants, on patine à la recherche d’un équilibre incertain, les yeux à moitié fermés, le corps déhanché. Les remparts du Kremlin sur ma gauche, je longe de grandes avenues illuminées où quelques silhouettes projettent des ombres vacillantes, traverse le pont qui surplombe l’eau noire de la Moscova aux reflets sombres. Une étoile rouge brille couronnant la flèche d’une église, des dômes  bulbeux vert et ocre découpent le ciel. Moscou dans la première  tempête  de l’hiver 2009, Moscou comme une invitation éternelle à découvrir l’âme slave.

Chaque fois que je viens dans cette ville, l’émotion m’étreint. Dix ans pour communier dans les mêmes langueurs tout en voyant se transformer et s’adapter le siège d’un empire moderne, magie intacte du passé, invocation subtile des âmes mortes, les vivants partagent leur présent avec ceux qui ont bâti de leur sang ce mythe qui perdure dans les nuits de cet hiver. Etranger, on ne peut comprendre toutes les subtilités de la Russie, tout au plus partager une étrange sensation de résonance. Aux certitudes de nos perceptions actuelles se greffe  le subtil arôme qu’évoque l’image trouble d’un Ivan le Terrible confluant aux traits d’un Lénine dont le mausolée cubique trône sur la Place Rouge.  C’est ainsi, l’alchimie d’une plongée dans l’hiver russe, sur les rives d’une histoire cruelle et magnifique, quand la réalité se fond dans l’imaginaire de tout un peuple.

La lettre n’offrait que peu d’échappatoires. La Direction des Programmes Internationaux qui organise le Festival de l’Art Russe à Cannes m’invitait à Moscou dans le jury d’un Festival de Cinéma se déroulant du 4 au 8 novembre. Je conjuguerais donc visionnement de films et organisation de la prochaine édition, m’épargnant mon voyage traditionnel de janvier, ce qui tombait parfaitement puisque devant me rendre sur le BIS de Nantes sur cette même période.

Le « Festival de L’Ange Rayonnant » étant produit par l’Eglise orthodoxe, les œuvres ont été sélectionnées avec des critères bannissant le sexe, la drogue et la violence et ce n’est qu’en arrivant que je découvris que 18 longs métrages et 6 courts, tous russes, attendaient mon jugement perspicace…J’avais 2 jours pour les visionner dans des versions originales non sous-titrées !

Sur la scène de l’Académie du Cinéma  trône un Ange Rayonnant, espèce de Vénus de Milo avec des ailes, statuette grandeur nature en matière translucide qui joue de la lumière des spots. Dans la salle, pour cette cérémonie inaugurale, de nombreux popes avec leurs curieux chapeaux qui s’évasent vers le haut et leurs toges noires où brille une grosse croix d’argent qui s’étale sur la poitrine. Ils ont de grandes barbes grises et sont présents avec l’ambition de défendre les valeurs les plus nobles de l’humanité. Un des popes, ne pouvant regarder les scènes païennes, se couvre les yeux d’un voile blanc et écoute attentivement. Plusieurs archiprêtres se succèdent au micro pour défendre l’idée que la qualité d’un film ne doit pas se mesurer à l’aune des scènes de violence et de sexe et qu’une autre voie de noblesse est possible pour atteindre le cœur de l’homme.

Après un chant consacré au Dieu des Miséricordes pendant lequel le public se lève pieusement, le film d’ouverture en compétition est lancé. Il s’agit du « Pope », le bien nommé, où un servant d’une l’église mise au ban de la société, apporte le réconfort à ses concitoyens sous le régime communiste, se dévoue pour son village pendant l’invasion nazi malgré leur tentative de séduction, pour se retrouver au goulag quand les rouges reviennent au pouvoir, accusé d’avoir collaboré avec l’occupant.  Le film a été tourné en bénéficiant de moyens importants. Pourtant, à l’image grossière des symboles assenés, dans l’onirisme clinquant d’un propos caricatural, ce mystique christ moderne ne peut émouvoir, engoncé dans un fatras de bonnes intentions. L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs mais le cinéma ne peut se satisfaire des trames simplistes, il se nourrit d’ambiguïté et de tension, d’une lecture polymorphe, des failles et des rebondissements.

Au cours du cocktail qui suivra la projection, un archiprêtre viendra avec beaucoup de sagacité me soumettre à la question. Qu’avais-je pensé de ce film, pourquoi ne serait-il point sélectionné à Cannes, en quoi n’aurait-il point les faveurs d’un public étranger ? Autant de questions posées avec un regard clair, guettant mes réactions. Il était redoutablement intelligent mon hiérarque orthodoxe, une demi-heure à me cuisiner avec finesse pendant que des femmes venaient à intervalles réguliers lui baiser les mains.

Le lendemain, chez Eléna, mon interprète  depuis de longues années, plongée dans l’univers animé de la sélection officielle. Deux jours pour visionner les films avec le même rituel : les 10 premières minutes en accéléré à la vitesse 2, puis, passage en multiple 4, puis 8,  jusqu’à 16 suivant l’intérêt du film avec possible redescente aux sacro-saintes 24 images-seconde si le besoin s’en faisait ressentir. Et « pope » sait combien il y eut de mauvais films, de ridicules scénarii, d’images archinulles, de degré zéro du sens…Mais où est donc passé la magie du cinéma russe, cette prestigieuse école qui contribua à sa naissance en ce début du siècle dernier, inventa une nouvelle façon de filmer, fonda des théories et des styles diversifiés ?

Quelques films heureusement. « Une Guerre » de Glagoleva, subtile variation à la Buzzatti sur un poste aux confins de rien. Cinq femmes avec leurs enfants, emprisonnées de les avoir conçus avec l’ennemi allemand, qu’un officier meurtri vient encadrer, à quelques jours de la fin de la guerre avec la mission de les séparer. C’est un film rempli d’humanité et d’espoir,  magnifiquement filmé, bien rythmé avec des images superbes de cet îlot perdu dans la Baltique. « George » de Simma, ou l’histoire vraie d’un grand chanteur estonien obligé de trahir son premier amour et qui vivra avec ce mal en lui dans un après-guerre que la nomenclatura communiste rend absurde. « Le Miracle » aussi même si quelques longueurs apesantissent le rythme, quelques dialogues trop longs freinant cette histoire étrange d’une jeune femme qui se retrouve figée, une icône dans les bras, et que les communistes tentent d’expliquer rationnellement jusqu’à une mémorable scène avec un Kroutchev paroxystique  venant dénouer énergiquement la situation.

On peut aussi noter un court-métrage, « Le premier dégel » de Drozvovo, petit bijou iconoclaste. Des enfants construisent un bonhomme de neige et l’un des petits le déguise en Staline. Tout le quartier est paralysé, les communistes cherchent à comprendre s’il y a outrage, les services secrets interviennent, les habitants n’osent pas le démolir par peur des représailles, jusqu’à ce que les premiers rayons de soleil et la fonte des neiges règlent le problème au grand soulagement de tous !

Les délibérations seront rondement menées. Pope vainqueur pas KO technique,  Une Guerre et George se voyant attribuer les deux accessits, le miracle obtenant le prix spécial de la mise en scène, il ne restait alors qu’à distribuer quelques médailles en chocolat (notamment à un affreux « Gogol », un abscons Pierre sur la route dans un paysage céleste…

 Le patriarche Cyrill, le pape des orthodoxes, nous fera l’honneur de sa présence et d’une bénédiction accompagnée d’un discours sur les valeurs morales du cinéma. La première Dame de Russie m’accordera quelques minutes de son temps pour m’entretenir du Festival de l’Art Russe de Cannes et m’annoncer quelques propositions spectaculaires… Quelques vodkas avec l’équipe de la Fondation et l’heure du retour aura sonné…

Je ne sais pas si la fréquentation des popes m’a transformé en me rendant meilleur (je n’en suis pas certain, à vrai dire, même s’ils ont été d’une extrême discrétion et d’une serviabilité à toute épreuve), mais je suis persuadé que derrière les bonnes idées se dissimulent parfois d’étranges desseins. Il ne suffit point d’un scénario généreux et de présupposés éducatifs pour ériger une société meilleure. Le cinéma n’est plus un « art révolutionnaire » (Lénine) depuis longtemps et l’ont ne saurait opposer l’indigence et la vulgarité de certaines productions flattant les plus vils instincts aux idéaux désincarnés d’un monde qui gommerait, d’un coup de scénario magique, les drames d’une humanité en souffrance. La réalité ne s’enferme pas aussi aisément dans le corset de la pureté !

 

PS : Le 7 novembre est devenu le jour de la Fête Nationale, une obscure victoire sur la Pologne censée fonder le pays, nécessité politique faisant loi d’effacer les stigmates communistes et de se donner une perspective historique bannissant la prise de pouvoir par Lénine. Je tenterai bien d’accéder à la Place Rouge, mais sans le sésame indispensable, j’en serai réduit à me contenter de l’environnement, bouclage par les militaires, défilé au loin, voix martiale retransmise d’un discours, retour des régiments, et nec plus ultra, une contre-manifestation des nostalgiques du communisme brandissant leurs drapeaux rouges sous les remparts du Kremlin. Tintin au pays des Soviets !
Autour de la Place Rouge...

PPS : En conclusion, il faut l'avouer, un film sans drogue, sexe et violence est quand même un film qui a de grandes chances d'être un peu chiant !!! 

 

 

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Danish boy

Publié le par Bernard Oheix

 Cette année, le Womex a émigré. Des ors et décors de la perle sévillane, nous plongeons dans la froideur de la capitale danoise. Des ruelles animées et des bodegas à tapas aux grandes avenues et aux lumières rutilantes d’une ville qui refuse de sombrer dans la nuit. Contraste évident d’un sud orgueilleux et d’un nord pragmatique. Là où régnait un certain désordre, une bonhomie faconde, l’improvisation ibère, désormais s’installe l’efficacité d’un système qui tente de broyer l’aléatoire. D’immenses lieux fonctionnels, des salles prestigieuses, un service de sécurité particulièrement présent, ne peuvent faire oublier les distances qui séparent les concerts du congrès, les hôtels des restaurants, éclatement absurde qui impose des temps de transports interminables et un surcoût particulièrement obérant. La vie est chère, plus chère que dans le sud, les hôtels neufs, petits et ultra fonctionnels jusqu’à la déshumanisation. Logé dans un Cabin’in, (une chaîne qui est à l’hébergement ce que le MacDo est à la restauration, merci à Zone Franche de nous l’avoir conseillé !), par chance situé près de la gare des trains, pas trop loin du centre ville, j’ai dormi dans un lit étroit avec les bras et les pieds dépassant le cadre, comme si les Danois du haut de leur taille élevée pensaient que les touristes sont tous des nains de jardin, me douchant dans une alvéole réussissant l’exploit de rassembler chiotte, lavabo et douche dans le même mètre carré, me cognant dès mon lever dans les angles de cette chambre impossible ! Horizon plat pour pluie fine, nuages bas, canaux soigneusement délimités entre les constructions futuristes de verre et poutrelles d’acier qui parsèment la plaine, c’est une certaine idée du nord, propret et tiré au cordeau, avec d’authentiques blonds peuplant un univers aseptisé.
Il faudra bien s’y faire aux brumes nordiques…

Se rendre au Womex est toujours un moment particulier. Certitude de retrouver les acteurs principaux de la diffusion des Musiques du Monde, show-cases de groupes inconnus en espérant des coups de cœur, stars des scènes culturelles avec parfois des déceptions, ambiance si particulière de milliers de personnes qui se croisent et s’évaluent, tentent de se convaincre et de se séduire, rêvent de gagner le jackpot en obtenant la reconnaissance des programmateurs et, par leur intermédiaire, celle d’un public futur… En tant que Directeur de l’Evènementiel d’un établissement prestigieux, je suis bien sûr sollicité, nombreux rêvant qu’un passage sur une scène de notoriété internationale déclenche la mécanique du succès et de la reconnaissance. Moi, je sais qu’il n’en est rien, que cette scène n’est qu’un plateau comme les autres dans la vie d’un groupe et « qu’un coup de dés ne peut abolir le hasard », mais comment ne pas espérer quand la réalité vous attire vers les hauts-fonds du spectacle vivant, les écueils d’un monde du spectacle en train de muter à marche forcée vers l’aseptisation d’un show-biz conquérant ! 

Le Marché des Musiques du Monde est une grande loterie où beaucoup perdront mais où d’aucuns tirent encore leur épingle du jeu. L’alchimie de la réussite ne s’explique pas, elle se vit. Sabine Grenard, grâce à la prestation réussie des Corses d’A Filetta l’an dernier en show case, vit encore sur cette dynamique, avec des dizaines de contrats signés, des tournées au Brésil, dans les Etats Baltes… et des projets innombrables pour les saisons à venir. Il y a de nombreux exemples de cette roulette russe, d’artistes descendus en flamme à cause d’un médiocre concert ou d’un passage trop tardif, en concurrence avec un autre show…ou bien au contraire, montés au pinacle, effet de mode, discret « buzz », qualité intrinsèque ou survalorisée. L’histoire tranchera, le temps anoblira et les meilleurs survivront même si de nombreux groupes, qui auraient pu prétendre à la consécration, resteront encore dans l’ombre des coulisses en attendant que l’aile mystérieuse de la réussite les effleure !

Le péril rôde pourtant, à la mesure des enjeux d’un secteur en pleine expansion dans des économies exsangues prospectant toutes les niches porteuses de bénéfices. Le spectacle vivant est en train de muter dans sa recherche de profits maximums à court terme.  Laminé par les médias, le public se formate de plus en plus, perd l’essence même de son libre arbitre et de son goût de la découverte. Les scènes deviennent des lieux de méga-shows, des rassemblements où l’on communie avec ferveur à la gloire d’une idole païenne, où tout est conçu pour entretenir un lien de dépendance entre la masse anonyme de ceux qui viennent se recueillir et de celui qui capte la lumière des autres. De ce point de vue, avez-vous remarqué qu’il y a de moins en moins de groupes et de plus en plus de stars… comme s’il fallait mettre des noms sur des visages et rendre unique l’affection de celui qui révère. 

Ce n’est pas l’espace de liberté illusoire d’un Internet qui viendra combler les vides créés dans les réseaux de diffusion, bien au contraire. Loin d’une liberté chérie, ce no man’s land accentue l’individualisme et le repli identitaire, le comportement clanique et la fonction de bande mené par un illusoire leader d’autant plus présent qu’il n’existe pas concrètement, enfoui qu’il est dans un magma collectif informel. C’est à qui dénichera la perle rare, celle qui chante faux, joue grotesquement dans le ridicule qui ne tue plus et fait de la surenchère afin de faire résonner les trompettes de la renommée. Il devient le prolongement exacerbé de sa propre médiocrité, le reflet déformé d’une illusoire gloire. Combien survivront et trouveront leur place dans cet univers glacé géré désormais par des économistes sans mémoire ? Quand la rentabilité d’un artiste est l’aune de la réussite, le temps n’a plus d’espace…et c’est le temps qui construit la relation entre un artiste et son public, l’expérience renouvelée, la répétition vers l’excellence !

C’est le monde des arts de demain et je ne suis pas certain que nos enfants y retrouveront leurs billes. L’exception culturelle dont nous étions si fiers, nous Français, est en train de sombrer sous les uppercuts de l’égoïsme et du zapping. Mais c’est ainsi et ma génération est en train de disparaître, tant mieux, nous nous sommes suffisamment accrochés aux branches du pouvoir avec nos certitudes du savoir, pour devoir laisser la place aux autres…A charge pour eux de gérer le futur, nous, les soixante-huitards avons échoué à créer un monde meilleur, à vous de vous y coller mais attention, la charge est lourde et les échéances incertaines ! 

Et le Womex dans tout cela ? Quelques concerts intéressants, le Burkinabé Victor Demé, un petit vieux à la gouaille géniale dans une vraie musique africaine pleine de rythmes et de chaleur, Les Yeux Noirs, toujours fertiles, traversant le temps avec leur musique tsigane revisitée à la caf’conc,  Watcha Clan, entre l’électro et l’ethnique, des Marseillais à la croisée de tous les chemins en train de définir leur style chatoyant, un groupe éthiopien de fusion de virtuoses…Debba, de belles Comoriennes aux visages peints dans une cérémonie un brin lassante que l’on a pourtant envie de respecter et d’aimer.

La crise est bien là, même si Alpha Blondy, en off, dans le centre ville, nous rappelle que la musique cela se danse et s’éructe, cela se trémousse et se tord dans tous les sens, que cela se trompe et s’expérimente, que c’est un corps vivant destiné à toucher le cœur pour élever l’âme !

 

PS : Et mes « frappadingues » alors ? Dur dur de continuer la fête sévillane. Les lieux éclatés, les missions différentes, les hôtels inappropriés… tout cela malheureusement a nui aux retrouvailles de ce petit groupe d’amis. Il y aura bien la comète Aurélie débarquant d’on ne sait d’où, avec l’Emilie aux charmes si fins, la voix grave d’Ourida la rebelle et Sabine qui perd la sienne de recompter inlassablement ses contrats, les yeux clairs de Claire éblouie par son Alpha à l’oméga, il y aura aussi le rire caverneux de Laurent à l’humus délicieux ultime dépositaire d’un chapeau vert qui rejoindra les rives d’une côte hospitalière, la tendresse de François perdu dans un monde d’adultes et la pizza partagée avec Valentin dans le quartier rouge dans le rire de Soraya, il y aura plein d’autres tourneurs à tourner sans s’arrêter et des « moritos » pour tenir le coup, la fatigue dans les mollets compensée par les éclats de rire d’une nuit sans fond, les rencontres d’un moment d’éternité et les espoirs de lendemains sans chanter…Une fraternité éphémère, construite sur le désir de partager, de bannir les angoisses et de refuser la fatalité, de s’aimer et de rejoindre un paradis où tout ne serait qu’harmonie, musique et volupté, un monde idéal  que l’avenir nous dénie, nous le savons mais refusons de l’accepter et buvons à l’amitié pour le nier !

PPS : Je pense que 25% des opérateurs actuels des Musiques du Monde disparaîtront dans les 5 années à venir…Vous avez dit pessimiste ? Hélas, et si j’étais lucide ! Ce n’est pas de gaité de cœur… mais vous, dites-moi, quand donc vous êtes-vous rendus pour la dernière fois à un concert de Musique du Monde communier aux sons venus d’ailleurs ? Vous avez tort…C’est un des plus beaux partage possible ! La mémoire des autres est un livre ouvert dans lequel notre futur s’inscrit. Le jour où nous ne feuilletterons que les pages de notre propre histoire annonce la fermeture de l’horizon et le repliement sur un identitaire aveuglement. C’est faire le lit de l’égoïsme et forger les conflits de l’indifférence à venir !

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Le système Castafiore

Publié le par Bernard Oheix

 

Il y a plus de 10 ans, Karl Biscuit et Marcia Barcellos faisaient le choix de s’implanter sur Grasse, dans les Alpes-Maritimes. Cette idée saugrenue fit sourire bien des opérateurs culturels à l’époque. Le choc de l’ancien, du provincial, d’une ville qui espère s’ouvrir à la modernité tout en plongeant ses racines dans l’arrière-pays, les champs de lavande en jachère d’une industrie de la parfumerie à l’agonie…confrontés à une des compagnies les plus créatrices de la danse, forgée aux expérimentations de Philippe Decouflé, de Dominique Boivin et aux collectifs des années 80 qui tentèrent d’importer un vent nouveau aux conformismes naissants d’une nouvelle danse en train de s’instituer comme la référence au bon goût !


Karl Biscuit à la scénographie et à la musique, Marcia Barcellos à la chorégraphie, tous les deux en phase sur l’essentiel : une vision follement décalée, étrange, entre la BD, l’humour et la danse au service de spectacles décapants illustrant des histoires impossibles dans des mondes improbables.

Leur dernière création Stand Alone Zone devant être créée pendant le Festival de Danse, ils ont proposé leur travail dans une série de « scolaires » afin de le rôder et de se présenter dans les meilleures conditions devant la presse et les professionnels en décembre. C’est ainsi qu’un jeudi, dans un théâtre rempli de jeunes excités (il faudra que l’on reparle de l’éducation du public qui, des jeunes aux séniors, devient de plus en plus méprisant et inconvenant en ne respectant plus la distance qui sépare la salle de la scène !), Karl et Marcia livrèrent une première mouture de leurs divagations épiques.

Le rideau s’ouvre sur un monde futuriste postapocalyptique né dans un imaginaire à la Bilal, un travail technique époustouflant avec des images de synthèse et une vision en 3D délimitant la scène. Le scénariste convoque Mélies pour dessiner des arbres volant dans des puits d’oxygène, un vaisseau spatial décollant pour un voyage infini, décors mêlant quelques rares éléments concrets et une luxuriance graphique dans les ruines d’une ville du futur. Ce qui est fascinant d’entrée, c’est la qualité de la fusion entre le réel et l’abstrait, des personnages évoluent parmi d’autres « fantômes » sans que les limites entre les deux soient bien clairement définies. Parfois, les deux dimensions s’enchevêtrent et un animal émerge du décor pour kidnapper une danseuse. Franju à la rescousse pour cette histoire surréaliste d’un bébé atteint d’une maladie (il lui pousse des fleurs dans le cerveau) qui ne peut être sauvé que par un remède qu’il faut dénicher derrière les neuf salles secrètes gardées par un colosse. Déambulations dans cette ville en lambeaux, entre la poésie et l’aventure, le rêve et le cauchemar, spectacle écologique et dynamisant, une immense bouffée d’oxygène rythmée par les compositions savantes de Marcia Barcellos qui calque la chorégraphie sur les états d’âme des protagonistes. Un combat de boxe hypnotique dans une salle qui tournoie sur 360°, une descente inversée dans un ascenseur qui s’enfonce dans les entrailles de la terre, des mouvements syncopés, découpés dans le silence, la frénésie qui s’empare des danseurs, tout est en suspens, bien plus authentique que cette nature qui enferme nos rêves. C’est une plongée hallucinée, hallucinante dans un univers fantasmatique qui nous paraît si proche qu’on peut le caresser des yeux. Les costumes très sophistiqués, la musique empruntant du classique au bruitage avec des plages en sourdine composant un requiem moderne, l’agencement des couleurs (du rouge, du noir et des pastels !), tout est soigné, peint à la palette de la perfection, une prouesse quand on connaît les moyens dont dispose la compagnie, une preuve si besoin est que le génie peut, parfois, compenser les contraintes matérielles. Les Castafiore sont libres parce que le monde se plie à leurs désirs.

Ils réussissent à introduire, telle une composante à part entière du spectacle, le regard d’une vidéo qui occupe l’espace, envahit l’action et devient partie intégrante de l’œil du spectateur.

Une prouesse due à la combinaison de la maîtrise technique et à l’inventivité d’une gestuelle qui entraîne la plongée dans un univers de mystère. C’est la magie ancienne appliquée au monde du lendemain, ou le passé à la rencontre du futur au service d’une esthétique de la déraison.


Bravo à toute l’équipe du Système Castafiore (costumier, décorateur, techniciens, danseurs) et rendez-vous le samedi 28 novembre à 18h, au Théâtre Croisette-Hôtel Palais Stéphanie à Cannes. Pour 14€, une place au paradis vous attend. Vive Marcia et sa grâce aérienne, vive Karl et son génie dévorant la réalité pour la façonner aux songes d’une nuit torturée.

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Toujours Paris...

Publié le par Bernard Oheix

 

Petite moisson sur les scènes parisiennes. Que le théâtre se porte mal est une évidence, mais l’indigence générale des propositions de cette rentrée 2009 inquiète. Depuis quelques saisons, l’on perçoit la vacuité de nombre textes, la pauvreté des décors et des mises en scène enchaînées par les mêmes stakhanovistes (des noms, des noms !). Pour quelques belles créations, combien de reprises poussives, de comédies ringardes, de pièces construites autour d’un casting improbable censé faire « événement » et drainer la foule…

Manifestement, la recette n’est pas au point, les salles plus souvent à moitié vides qu’à moitié pleines, les rangs abandonnés s’étalent dans le noir et nous permettent d’allonger nos jambes en fond de fauteuils d’orchestre.

 

En général, je « monte » sur Paris deux fois en automne et deux fois en hiver avec comme objectif de voir 4 à 5 pièces présélectionnées par les tourneurs et producteurs en vue de les programmer dans la saison d’après. Sur la vingtaine, j’en sélectionne une douzaine, la difficulté étant de faire coller les disponibilités des salles avec les dates et l’organisation des tournées… Un casse-tête chinois d’autant plus excitant quand les désirs sont forts, intenses portés par des pièces qui marquent…Mais quand ce n’est pas le cas ?

La première vers laquelle on m’aiguille, sélectionnée par un tourneur historique de la place de Paris, s’appelle Vie Privée avec une distribution alléchante. Las ! Un texte débilitant de Philip Barry sur un thème totalement inintéressant (l’ancien mari vient au remariage de sa femme pour la reconquérir), une Anne Brochet quasi absente (et ce n’était pas que du jeu !), des situations d’un vaudeville médiocre font de cette rentrée en matière, la matière d’un authentique désespoir. J’ai fini au Foota-Djalon devant un tilapia braisé (la tendre douceur des joues du poisson !), épicé à l’achéké, saucé de piments, seule possibilité à l’évidence de sauver cette soirée en la relevant de la saveur d’une Afrique éternelle !

Le lendemain, Théâtre Saint-Georges, un tandem efficace blanchi sous le harnais des planches de la Capitale. Eric Assous à l’écriture, Jean-Luc Moreau à la mise en scène. Une distribution de qualité. P H Gendron des « Avocats et Associés », Manuel Gelin…Sur une belle évidence, Les hommes préfèrent mentir, une comédie de boulevard (niveau rez-de-chaussée), voit un homme annoncer qu’il quitte sa femme pour sa maîtresse qui attend un enfant, puis quelques années après, au cours des retrouvailles, annoncer qu’il quitte son ancienne nouvelle pour la nouvelle ancienne femme de son ami (un peu compliqué non ?)…C’est lourd à souhait, poussif et ce n’est pas les quelques rires arrachés au temps qui passe qui peuvent sauver la pièce d’un naufrage parfois pesant !

Tout autre (enfin !) sont Les Autres, œuvres de jeunesse de Jean-Claude Grumberg, 3 pièces réunies par l’écriture libre d’une période (les années soixante) qui autorisait une grande liberté de ton et une charge sans merci des convenances. Si la première se situe sur le terrain d’un absurde à la Ionesco, les deux suivantes s’inspirent d’un ton « Charlie Hebdo », avec une « beaufitude » vécue de l’intérieur. Une famille française moyenne en vacances en Turquie égrène les poncifs du touriste insupportable de veulerie et de méchanceté. L’éducation des 2 enfants, les liens mari et femme, le rapport à l’étranger, le mépris profond des « autres » sont des constantes que nous avons tous, hélas, rencontrées chez nos congénères en goguette dans les pays exotiques. Honte sans vergogne, la médiocrité au crible des petites mesquineries, page peu glorieuse de notre passé de coloniaux où l’indigène n’est même pas l’ennemi, il est un néant qui ne compte pas, une quantité négligeable devant la fierté d’un nationalisme très Vème république. Reste l’ultime opus, un homme arrivant chez lui après une « petite » embrouille avec un « crouille », un « bicot », texte incendiaire sur le fascisme ordinaire, la peur des autres et la morgue du petit cadre pétri de certitudes et voyant chez tous les étrangers, la marque du diable et de l’horreur. Dans un récit dialogué d’une formidable méchanceté (Ah ! Liberté chérie de ton d’une époque où l’on pouvait tout dire pour montrer son contraire, qui oserait de nos jours écrire un tel texte, à ce niveau hallucinant de subversion par les mots, par les images, par les idées d’une France plongée dans le racisme quotidien ?).

Une belle leçon d’action civique en revers des convenances, une démonstration par l’absurde de la haine des « autres », portée par une Evelyne Buyle (femme soumise d’avant 68 et la révolution féministe!) et un Daniel Russo étonnant de force brute et de veulerie, petit Français moyen qui aurait dénoncé les juifs à la milice pour le Vel d’Hiv, envoyé des lettres anonymes à la kommandantur et continué à vivre sans états d’âme.

Dernière pièce de cette première série automnale, le Parole et Guérison tant attendu sur les rapports entre Freud et Jung. Sur un texte de Christopher Hampton, une mise en scène de Didier Long, Barbara Schutz (la première patiente de Jung sur laquelle il appliquera les méthodes révolutionnaires de Freud et qui deviendra après sa guérison une thérapeute) et Samuel le Bihan (Jung) portent la pièce avec brio. Barbar Schutz est éblouissante pleine de fureur et de passion, parfois, Le Bihan quelque peu empesé, un brin monolithique dans son personnage d’abord ami et fidèle, fils spirituel du père de la psychanalyse puis opposé à Freud. Leur « divorce » idéologique interviendra sur fond de désaccord entre l’orthodoxie freudienne et la volonté de son disciple, Jung, d’explorer des champs nouveaux (la religion) afin de permettre à la psychanalyse d’offrir un champ totalement nouveau et un outil pour façonner un homme moderne, complet.

C’est intelligent, le type de pièce qui vous donne l’impression de réfléchir et la certitude d’être un peu plus cultivé à la sortie qu’à l’entrée. Mais avouons-le, vaguement ennuyeux, légèrement poussif avec quelques « boucles » inutiles, une sensation subtile que la machine lancée sur son erre s’échouera naturellement sur les hauts-fonds d’un discours intellectualisant les passions humaines. Le goût du pouvoir autocrate de Freud est suggéré tout comme la volonté de Jung de rompre avec le dogme freudien en s’évadant de la contrainte du « père ». Il règne, sur le plateau, une certaine froideur surlignée par un dispositif scénique glacé. On est loin de la luxuriance d’un Hystéria ou de la tension d’un Caïman, deux pièces déjà présentées portant sur la psychanalyse. Reste un travail tout à fait honorable, un jeu d’acteurs plutôt cohérent, une finesse évidente du propos. Une belle soirée donc pour les amateurs d’intelligence !

 

Et voilà, Paris dans le froid et la pluie d’octobre. Quelques rencontres pour remplir les journées et les nuits, un Yves Simon attentionné avec qui nous sifflons une bonne bouteille de blanc à la Méditerranée en décortiquant le monde et en cherchant les points de rencontre de deux existences en parallèle…La famille et les amies dans nos périples nocturnes, la fête des vendanges à Montmartre un samedi, Valentin le tourneur et Laurence la manager pour des retrouvailles, les spectacles comme un trait d’union entre la vraie vie et le rêve…

PS : En rentrant de Paris, je suis allé courir au bord de ma mer jusqu'à La Napoule et je me suis baigné dans une eau translucide, fraîche sans être froide, salée...En ce 18 octobre, je suis redevenu un enfant du Sud, et c'était bon, j'étais chez moi !

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