Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

histoires vraies

Au réveil !

Publié le par Bernard Oheix

Les jours s'épuisent à tenter de redonner un visage humain à ce que le chaos avait transformé en torrent de boue. Pourtant sous le soleil revenu, les raclettes que l'on s'échange entre voisins, les pelles qui creusent dans les immondices, les bras d'amis qui viennent spontanément vous soutenir, les montagnes de décombres qui s'amoncellent avant que des camions bennes les évacuent, tout cela forme un grand ballet absurde où les rires commencent à résonner, comme pour bannir la morosité et effacer les peurs de la veille qui planent encore !

Que dire de cette extraordinaire connivence entre les victimes de cette tornade aux relents d'un bouleversement climatique ? Que les trombes d'eau nous ont noyé dans des flots de boue et tenté de nous briser dans la nuit glauque ! Mais la chaleur est revenue, et les manches relevées, le courage de faire et d'oublier, une vraie chaîne d'humanité où l'on échange, se soutient, s'encourage et compatit.

C'est étonnant combien l'être humain arrive à se redresser dans l'adversité. Et l'entraide réelle des voisins victimes tout autant de la colère des cieux, la disponibilité des pompiers, des policiers, des services municipaux et tout simplement des individus touchés ou pas, dévoilent une humanité de courage, sans calculs, un instinct de survie ancré au plus profond de chacun d'entre nous, sans distinction de races, d'âges, de statut social et de religion... Juste une fraternité transversale entre nous, un désir profond de se fondre en une humanité fière de l'être et de lutter contre la nature hostile et la fin des utopies.

Après l'avant....

Après l'avant....

...avant deux jours après !

...avant deux jours après !

Du chaos des flots.....

Du chaos des flots.....

....à l'ordre de la raison ! Seulement une poignée d'heures pour vaincre la peur !

....à l'ordre de la raison ! Seulement une poignée d'heures pour vaincre la peur !

Il reste une mesure pour toute chose. 15 cm à bras le corps de boue et d'immondices vite chassées par l'espoir de renaître !

Il reste une mesure pour toute chose. 15 cm à bras le corps de boue et d'immondices vite chassées par l'espoir de renaître !

5 jours se sont passés... Umaga, le chat a retrouvé sa place au soleil sur le canapé un peu humide il est vrai ! On peut revivre et contempler les derniers vestiges en souriant comme si nous avions gagné contre l'adversité ! Après tout, tant d'autres ont tout perdu !

5 jours se sont passés... Umaga, le chat a retrouvé sa place au soleil sur le canapé un peu humide il est vrai ! On peut revivre et contempler les derniers vestiges en souriant comme si nous avions gagné contre l'adversité ! Après tout, tant d'autres ont tout perdu !

Voir les commentaires

L'apocalypse....

Publié le par Bernard Oheix

Interrompons notre article sur le cinéma pour coller à l'actualité du jour ! Et notre actualité principale colle aux évènements qui passent en boucle sur les télés !

Voici donc quelques photos, florilège d'une nuit de cauchemar, quand les éléments se déchaînent et que la vie peut basculer dans le fait divers ! Nous les avions déjà vues ces photos, dans les drames qui parsèment la vie des autres, mais le décompte macabre des morts (20) et l'impression étrange d'avoir flirté avec le doigt du destin nous laisse désemparés.

Nous étions à 23h30 sur la route du bord de mer, entre Marina Baie de Anges et la Siesta où la Brague sortait de son lit sous les coups de boutoirs d'une crue dévastatrice et des vagues qui éperonnaient le littoral. Nous sommes passés entre deux vagues, l'eau jusqu'aux moyeux de la voiture pour arriver à Cannes à 3h30 ! Comme tant d'autres, nous avons eu l'inconscience de ne pas écouter la voix de la sagesse et avons nié le danger, mis en péril notre existence pour atteindre une maison qui nous attendait et dont on craignait qu'elle n'ait souffert !

Un lac nous attendait devant chez nous, l'avenue Francis Tonner transformée en gigantesque cimetière pour voitures défoncées. Malgré les marches qui me permettent d'accéder chez moi, dans l'eau jusqu'à la taille, j'ai ouvert dans la nuit glauque la porte d'entrée pour poser le pied sur la boue sale d'un rêve éveillé ! Voici ce qui nous attendait.

Mon bureau, juste une mare de boue avec des manuscrits et des textes perdus à jamais !

Mon bureau, juste une mare de boue avec des manuscrits et des textes perdus à jamais !

Des bouteilles couchées par les flots et qui se sont remplies naturellement !

Des bouteilles couchées par les flots et qui se sont remplies naturellement !

Montée des eaux à l'assaut d'une oeuvre de Sayou !

Montée des eaux à l'assaut d'une oeuvre de Sayou !

Etat de mon studio après 46 cm d'eau pour organiser le chaos !

Etat de mon studio après 46 cm d'eau pour organiser le chaos !

Le lendemain, groggy, le jour se lève sur un spectacle de désolation !

Le lendemain, groggy, le jour se lève sur un spectacle de désolation !

Bernard dubitatif ! C'est vraiment arrivé si près de chez nous !

Bernard dubitatif ! C'est vraiment arrivé si près de chez nous !

Voir les commentaires

On ose tout en 2015

Publié le par Bernard Oheix

Que retenir de 2014 ?

Que le Daech avec son cortège de femmes violées et ses décapitations est la nouvelle mesure d'un ordre de la barbarie… et que le jury du Festival de Cannes est passé à travers le film Timbuktu qui en est la plus belle, tragique et poétique dénonciation ?

Que les hommes politiques en général sont déconnectés de la vie réelle et campent dans des sphères inconnues des mortels où l'impunité, la morgue et l'inconséquence font le lit de la démocratie ?

Que Lavillenie a battu le record historique de Bubka à la perche ?

Que Chilly Gonzales a offert le 28 juillet aux Nuits Musicales du Suquet un concert d'anthologie à Cannes ?

Que deux livres nauséabonds de Zemour et Trierwiller ne peuvent concurrencer une ligne de Murakami et que Modiano a obtenu un Nobel bien mérité ?

Que la liste des absents s'allonge et que les frontières de nos amis se rétrécissent, tribut payé à l'âge et à la fuite du temps ?

Que la vie est belle malgré tout et que l'on peut encore rêver d'un monde meilleur ?

Et c'est pour cela que l'on va tout oser en 2015...

Le bain de la nouvelle année et de mon anniversaire, en costard cravate, hommage à tous les damnés de la terre !

Le bain de la nouvelle année et de mon anniversaire, en costard cravate, hommage à tous les damnés de la terre !

C'est fait ! Rendez-vous donc à l'année prochaine afin de faire un bilan sur l'état du monde et sur ma santé mentale !

C'est fait ! Rendez-vous donc à l'année prochaine afin de faire un bilan sur l'état du monde et sur ma santé mentale !

Voir les commentaires

Angéla, 30 ans de bonheur !

Publié le par Bernard Oheix

Elle naissait, il y a 30 ans déjà !

Elle naissait, il y a 30 ans déjà !

Depuis des années, pas un anniversaire en chiffres ronds, pas un départ en retraite, pas un grand évènement de la vie professionnelle du Palais des festivals de Cannes sans un discours de Bernard, comme un passage obligé, un incontournable challenge ! C’est parfois usant, et quand Thérèse m’a demandé d’écrire un discours pour les 30 ans de ma fille, je me suis aperçu avec horreur que je ne l’avais jamais fait pour mes enfants. Où est le discours de tes 30 ans Julien ?

Alors je me su!s assis devant l’ordinateur, j’ai regardé ce temps qui s’est écoulé si vite et je me suis lancé, parce qu’il le fallait bien, parce que vous le valez bien !

Chère Angéla, cher Benjamin ( et chers Julien et Sarah)...

Avoir 30 ans ! A 20 ans, on est une promesse d’avenir, à 30 ans, une certitude du passé !

Il y a 10957 jours et des poussières d’heures, à ce moment précis, tu naissais comme la belle Viriatine que tu deviendrais ! Un têtard vagissant que nous étions venus contempler avec ton grand frère Juju en chantant «Angela, nous voilà !» à tue tête tout au long de la route qui partait de la MJC de Bourg pour arriver à cet hôpital perdu dans la Bresse qui ne savait pas encore ce qui venait de se dérouler dans ses murs. Ta mère n’avait presque pas souffert en te délivrant, disons le (c’est elle-même qui nous l’a affirmé), il y avait des lambeaux de neiges au sol et des brumes écharpant l’horizon, on était le 4 décembre et c’était presque la fête des lumières à Lyon !

Et quelle lumière dans notre vie. On était déjà des adultes... c’est à dire que l’on avait votre âge actuel, celui que ce discours célèbre. Nous étions des expatriés en terre «incognita» d’une Bresse profonde, on jouait à travailler et à se prendre au sérieux. Nous ne savions pas vraiment ce qu’était vivre et les contraintes qui en découlaient. L’avenir nous appartenait tout simplement parce que nous l’avions rêvé, et dans ce futur si proche, deux enfants occupaient largement leur espace de vie, nous apprenaient à vieillir, à coup de maladies infantiles, de tétés et de cacas «odorants» (ah! la puissance olfactive des déjections de nos enfants, quel charme !), de devoirs à faire et d’histoires à raconter pour vous endormir, interminables, avec en plus la nécessité de l’inventer de soir en soir...Si je m’étais enregistré avec mes pirates aux vies éternelles en train de poursuivre un trésor magique, Harry Potter aurait été un délire pour potaches attardés, j’aurais été publié dans le monde entier, et nous serions riches à millions ! Il faut avouer que vous m’inspiriez tant !

Mais la seule richesse que nous possédions, c’était vous, vous deux, bien avant d’y agréger des Benjamin, des Sarah, et de construire votre propre monde tourné vers des espaces plus lointains !

Nous avions le privilège de sortir d’un monde sclérosé de l’après-guerre, dont nous contemplions les stigmates encore visibles dans notre enfance, en étant la dernière vague du «baby-boom», d’avoir eu 18 ans en mai 68 en imaginant accoucher d’un monde nouveau, meilleur, plus humain, le flower power nous enchantait la tête. Nous étions au coeur des 30 années glorieuses, et avions emprunté cet ascenseur social qui nous permettait d’accéder bien au delà de la condition de nos parents.

Mais nous étions inconscients de tout cela, nous le vivions et chaque moment de notre vie nous rappelait que ces deux enfants que nous avions conçus étaient notre promesse d’avenir !

Nous en avons passé du temps à apprendre à être des parents, sans doute pas les meilleurs du monde, mais les vôtres, ceux qui devaient vous guider et vous permettre de devenir des adultes, qui vous aimaient, vous dorlotaient, vous punissaient quelques fois, même si nous ne comprenions pas pourquoi tant de parents avaient des problèmes sérieux avec leur progéniture alors qu’avec vous, tout semblait presque facile !

Nous n’avons presque pas eu de crise d’adolescence, peu de tenues noires de révolte punkitude, pas de délinquance, jamais de rappel à l’ordre de l’autorité. Vous étiez des excellents élèves un peu fainéants mais brillants naturellement. Vous avez failli devenir des pianistes et tubistes d’exception, des footballeurs et des athlètes, des «circasiens» et des danseurs et nous en avons supporté des galas interminables, des matches (le dimanche matin dans la boue et le froid !) et démonstrations de Karaté ou auditions devant jury... sans que jamais cela nous pèse et avec la certitude que vous alliez trouver votre place dans ce monde dans lequel nous vous avions conçus !

Notre plus grande fierté de parents et de vous contempler, avec vos qualités, vos défauts, votre passion intacte devant la culture, votre capacité de réflexion ! Que de bonheur devant votre goût pour les arts, vos talents naturels d’être vous-mêmes, votre aptitude à la vie !

Nous savons que vous êtes traversés par le désir d’excellence, l’écriture, l’art, la recherche permanente d’un équilibre intérieur mais aussi et surtout, par votre incroyable aptitude au bonheur.

Je ne peux parler de l’enfance de Ben et de Sarah mais je subodore que leur enfance est à l’image de la votre car les compagnons de vos vies sont à l’image de ce que vous êtes profondément, bons et généreux, intelligents et ouverts, comme si les chats ne pouvaient rencontrer des chiens et que le monde avait une cohérence profonde pour les êtres de bonne volonté.

Vous êtes notre passé mais votre avenir. Nous vous avons offert ce que nous pouvions donner, le reste, c’est à vous de le conquérir en sachant que vous êtes armés pour affronter les turbulences d’un monde que notre génération laisse en piteux état ! Comment imaginer que votre si belle jeunesse ne redonne pas un sens à ce monde vieillissant où les rancœurs et le rance tentent toujours de s’imposer devant l’humanité profonde des humains !

Il y a 30 ans, tu naissais Angela pour devenir notre soleil, une étoile qui illumine nos vies et avec les tiens, ce groupe qui navigue autour de toi, qui t’enrichit et t’offre la beauté d’être avec les autres, nous te disons merci d’être là, de nous apporter le mirage de la vie !

Voilà, 30 ans, c’est si peu pour tant de félicité !

Longue vie à toi, notre fille que nous aimons !

Il y a tant de mystère à donner la vie et à la voir s'épanouir sous tes traits !

Il y a tant de mystère à donner la vie et à la voir s'épanouir sous tes traits !

Voilà, 30 ans de bonheur et encore tant d'émotions à partager !

Voilà, 30 ans de bonheur et encore tant d'émotions à partager !

Voir les commentaires

Un discours de plus !

Publié le par Bernard Oheix

Voilà ! Un petit discours de plus, hérité d'une tradition remontant au temps où j'étais un Directeur dynamique et proche de ses collaborateurs !

Mon ex secrétaire m'a demandé de faire un dernier effort…pour Cynthia ! Alors j'ai craqué, et c'est après que j'ai appris que deux autres étaient en commande ! Mais c'est une autre histoire !

Voici donc l'histoire de Cynthia, 30 ans et toutes ses dents, et de son anniversaire le jour où elle a décidé d'arrêter de fumer !

30 ans... enfin !

Bon, c’est vrai ! A son arrivée dans le service de l’Evénementiel de Cannes, je me suis un peu demandé de quelle planète elle débarquait exactement ! Faut dire que, descendue des montagnes à peine dégrossie de l’adolescence, avec l’insolence et l’inconscience de la jeunesse, elle valait le tableau, la Cynthia Reberac de l’époque !

Elle avait encore quelques formes d’adolescente nourrie au «MacDo», une insouciance vestimentaire confinant à la provocation, (c’était le bon temps où elle était capable d’exhiber ses charmes et une poitrine fort généreuse en toute innocence !), elle parlait en laissant traîner des mots incongrus et ne doutait de rien dans son «jean» moulant très avantageux pour des formes à faire damner un homme !

Mais cette gamine à peine sortie de ses langes et achevant ses études par un stage au Palais des Festivals de Cannes, avait une énergie à démonter n’importe quel pisse-froid de bureaucrate directeur planqué derrière son bureau, revenu de tout, et regardant la ligne bleue de l’horizon d’une retraite bien méritée en contemplant les ultimes chantiers d’une vie professionnelle bien remplie !

Et oui, Cynthia Reberac, tu es bien mon dernier challenge, ce 12ème des travaux d’Hercule, où comment transformer une sauvageonne en collaboratrice zélée et efficace, une ébauche, en épure !

Et tu resteras à jamais la trace de mon génie formateur, même s’il me faut avouer que c’est Sophie Dupont qui se chargea de ton éducation et t’inculqua les rudiments de l’art d’organiser et de créer l’ordre à partir du chaos !

Tu habitais encore chez papa et maman, descendais de tes montagnes en pétaradant dans ta voiture brinquebalante, effectuais des heures impossibles sans rechigner, toujours prête à apprendre, à rendre service, dévorant goulûment toute bribe de savoir avec la soif d’une femme cherchant une oasis dans un désert d’incertitudes.

Tu ne doutais de rien, tu baissais la tête et fonçais comme si la vie ne devait que se brûler à ton contact, plier à ta volonté, s’incurver afin de satisfaire tes désirs !

De ce premier stage, tu sortis avec panache, laissant un sillage de bonne volonté, une évidence que tu collais à ce métier et que rien ne t’arrêterait dans ton désir de revenir parmi nous !

Et à partir de là, disons-le, tu dévoilas ton vrai visage !

Même l’apparente fermeture d’ouverture de poste, même l’achèvement de ton cycle d’études, même la tentation d’aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte ! Non, tu revenais toujours vers ces bureaux où tu avais vécu quelques mois qui semblaient des années. Stage, CDD, précarité, rien ne te faisait démordre de cette conduite qui devait permettre qu’à un moment, il devint presque plus simple de t’intégrer que de te refuser l’accès à notre équipe.

Car tu l’avais mise dans ta poche cette petite équipe de travail que tu souhaitais faire grossir de ta présence !

Même l’impassible Sophie, qui en avait tant vu de ses stagiaires excités, qui cédait à ta capacité d’apprendre... Même notre Hervé, que tu avais retourné comme un gant, et ne jurait plus que par toi comme assistante, même Nadine qui te mit le grappin dessus pour combler les vides d’une Festival des Jeux, ce que tu accomplis avec talent même si tout le monde sait que tu n’aimes pas jouer... Même Marie, campant derrière son statut de maman des stagiaires qui t’octroyait tous les stylos que tu demandais et te pardonnait tes consommations excessives de feutres et autres agrafeuses sans te morigéner...

Toutes et tous ont succombé à ton charme, toutes et tous ont fait que ce poste, que rien ne dessinait, finalement, s’est ouvert pour toi, comme si ta volonté était plus forte que la réalité des chiffres, que les préceptes d’une Direction Générale, que la dureté d’une période sans pitié pour les jeunes qui ont soif d’apprendre et de travailler en s’intégrant !

Alors, tu es devenue la Cynthia Reberac de l’Evénementiel du Palais des Festivals, la vraie, celle qui aime son travail, celle en qui on a confiance, une collaboratrice juste et efficace, qui ne s’est pas endormie derrière sa titularisation pour casser son rythme de croisière... Bien au contraire, tu as passé la vitesse supérieure !

Tu as mis ta passion au service de la réalisation des événements culturels, tu as su te rendre indispensable, à Bernard Oheix en train de partir, à Sophie Dupont en train d’investir les plus hautes responsabilités, à l’équipe toute entière, devenant une cadre responsable et efficace de la culture Cannoise !

Bon c’est vrai aussi qu’il y a un prix à payer ! Trop absorbée par ton travail, tu as perdu en chemin un mari potentiel à qui tu aurais dû servir, comme une femme aimante et soumise, des bières pendant qu’il regarde des matches de foot sur le canapé et que par contrecoup, tes futurs enfants s’impatientent de naître, que tu rêves parfois d’une console technique en lieu et place d’un tableau «excel», et que dans ton sommeil, toute seule dans le petit lit de ton austère studio, tu te laisses à espérer, parfois, ne plus avoir de responsabilités sur un Festival des Jeux quelconque ou sur un concert de musique classique des Nuits Musicales du Suquet... Mais qu’importe !

Tu es au zénith de la vie parce que tu sais désormais ce que tu veux et ce que tu vaux bien !

Et ce que tu vaux, on est tous ici pour te le dire et te le confirmer : tu es de l’or, un bijou de femme, une battante, une positive «women», et on est fier de travailler avec toi !

Surtout ne change rien, Cynthia, ce sont les autres qui devront s’adapter, et il y a bien dans ce monde, quelque part sur cette terre, un homme qui ne sera pas un boulet pour t’attendre, qui comprendra quel trésor se cache en toi et combien il faut t’accepter comme tu es, pleine et entière, indépendante et capable de vivre avec les autres, ombres et lumières...

Tu as l’âge des possibles, c’est une certitude, et je suis heureux au nom de toutes et tous, de te dire, «bienvenue parmi le monde des adultes, des trentenaires, de ceux qui sont les femmes et les hommes qui devront transformer le monde afin de l’améliorer car il en a bien besoin !»

Bon anniversaire très chère Cynthia Reberac, et au travail !

Voir les commentaires

Mondial des Jeux Loto Québec. Année 2014

Publié le par Bernard Oheix

Depuis deux ans, je travaille sur Montréal avec l’espoir fou de créer une manifestation nouvelle autour du monde des jeux. Pour moi, qui ai géré pendant 15 ans le Festival International des Jeux de Cannes, la référence absolue en la matière, ce serait un formidable pied de nez à l’histoire que d’ouvrir un nouveau front au Québec et de réussir cette entreprise sous l’aile de Gilbert Rozon, le patron charismatique de Juste pour Rire.

Tout avait commencé par un coup de fil au mois de septembre 2012, au tout début de ma retraite dorée !

-Bernard, tu te crois en vacances ! Tu te dores au soleil alors que tu es mon directeur du Festival des Jeux et que tu ne le sais même pas ? Allez, monte à Paris, il faut que l’on parle !

Et pour être sincère, ce que Gilbert R veut... !

J’ai connu Gilbert à l’aube du nouveau millénaire, à la Bourse Rideau, un marché du spectacle vivant qui se déroulait à Québec, en février, où j’étais invité régulièrement car je programmais fréquemment nos cousins de la Belle Province. Cette année-là, la Bourse coïncidait avec le Carnaval de Québec ! Imaginez ! Beauté des femmes à moitié nues sur des traineaux dérapant sur la neige par - 30°, fanfare aux doigts gourds, sculptures dans la glace formant des structures fantasmagoriques que seule la chaleur future du printemps viendraient renvoyer au néant !

Mais s’il faisait un froid polaire pour les acteurs du Carnaval, nous les spectateurs le partagions en buvant dans de grandes cornes un vin chaud âpre à déboucher tous nos calculs intérieurs et à chasser les démons du grand froid !

Comme souvent dans ce type de situation, on sympathise, on parle, on crée de l’illusion en se dévoilant. L’homme a mes côtés était sympathique en diable, doté d’un humour corrosif à dégeler les plus coincés, ce qui dans la situation de ce Carnaval par moins 30° n’était pas pour me déplaire !

Comme souvent avec des inconnus, on se livre sans affectation, on joue une partition où, sous couvert de se dérober, on en dévoile beaucoup plus sur soi-même que dans bien des réunions sérieuses à souhaits !

Et il faut dire qu’il m’attirait le bougre, et je ne parle pas de sexe, vous l’avez bien compris !

Il était en pleine ascension vers son apogée pour devenir un des hommes les plus influents de «l’entertainment» et le québécois le plus populaire de la planète en dehors de René, le mari de Céline Dion. J’avais mon bâton de maréchal avec la direction de l’Evénementiel de la Ville de Cannes, je ne demandais rien à personne, il n’avait rien à m’offrir, nous pouvions tomber en amitié !

Peut-on être ami avec un homme qui côtoie la moitié de la planète spectacle... certes pas ! Mais je pressentais qu’il avait une certaine estime pour moi, que je devais l’amuser. Magie de la rencontre !

Dans ces bribes de discours qui s’échappaient dans la tentative de briser la glace (à noter cette image pertinente par moins 30°... Qui es-tu ? Que fais-tu ?), on se lâche quelque peu et dans mon explication de textes (les festivals, la danse, la pyrotechnie, les saisons d’été et d’hiver, les 120 jours spectacles annuels, mon argumentaire bien rodé et maîtrisé à la perfection), j’en vins à lui parler du Festival des Jeux... Et là, j’ai vu son oeil s’allumer, la machine Rozon se mettre en route, l’insight du singe savant jaillir et mon nouveau pote, quinze jours après débarquait sur Cannes avec une délégation pour comprendre ce qu’était ce Festival des Jeux si bien vendu par cet olibrius de sudiste un soir de glace éternelle !

Têtes ahuries devant les 800 scrabbleurs sagement alignés, les 500 bridgeurs, les centaines joueurs de belote et de tarot... Effarement à voir se précipiter des hordes de familles vers le salon des jeux et remplir le Palais des Festivals de bruits et de passion !

Malgré quelques fausses notes, (ce fut l’année de ma plus mauvaise cérémonie de remise des As d’Or, exilée au Palm-Beach avec 3 cacahouètes et un verre de champagne frelaté en agapes), Gilbert Rozon, en homme d’affaires avisé, à son retour sur ses terres, décida d’ouvrir dans son Festival Juste pour Rire, la plus grande manifestation au monde d’humour, un secteur d’animation dans la rue sur le thème du jeu.

Avec des hauts et des bas, depuis 2001, Juste pour Jouer existe et montre à l’évidence que ce secteur est un vraie vecteur d’animations. Pourtant, il manquait un véritable projet, une stratégie de développement qui s’inscrive dans le temps, une équipe compétente... et c’était ce que Gilbert Rozon me proposait en ce septembre 2012 dans son loft Parisien «cosy», entre deux verres d’un bon vin et deux tranches de rire : l’aider enfin à accoucher de ce Festival qu’il dessinait dans ses rêves, qu’il percevait comme un élément capable de confirmer sa stratégie de développement et de renouvellement perpétuel.

Je suis venu faire un audit en novembre 2012 et il m’a reçu avec amitié et sympathie. Nous avons conclu un accord pour fonder ce festival des Jeux avec un objectif à 3 ans, l’idée étant de se positionner comme une des manifestations phares du monde du jeu en 2017, année de la célébration du 375ème anniversaire de la fondation de Montréal dont il est un des commissaires chargés des festivités.

Las ! Le monde n’est pas toujours un fleuve tranquille et l’édition 2013 s’avéra comme une catastrophe. Confiée à une équipe extérieure, coincée entre des dossiers complexes, sans soutien politique, dans la jungle d’une logique de «business» où les chiffres doivent parler avant même d’être émis, le produit «Juste Pour Jouer» 2013, malgré la bonne volonté de certains, s’effondra comme un château de cartes ! Mais je l’en avais averti et j’avais pressenti l’impasse dans lequel se trouvait cette manifestation dès le printemps.

Une nouvelle fois, Gilbert Rozon fit preuve de ce sens inné des affaires qui est le sien, de sa capacité à entrevoir les lignes de fractures et de réagir dans la foulée en inventant des réponses adaptées!

Pendant l’édition 2013, il me demanda de lui présenter en détail l’opération telle que je la voyais, me fit rencontrer un de ses poulains pour prendre en charge les destinées du Festival, accepta de constituer une équipe (réduite certes...) et la machine fut (enfin) lancée.

Arman Afkhami, le producteur est un perse francophone multi cartes, attachant en diable, un chien fou héritant à moins de 30 ans d’un dossier porteur d’avenir. Il a un bagout incroyable, vendrait de la glace à des Inuits et sait driver une équipe et rêver debout. Son adjoint, Guillaume Degré-Timmons est encore plus jeune et accède au rang envié de porteur de projet, s’occupant de la conception et du suivi, véritable doublure opérant sur tous les fronts. A ses deux permanents soudés, on peut rajouter une assistante débarquant au printemps, Wacim, un responsable des réseaux sociaux quasiment bénévole, colosse débonnaire au sourire charmeur, toujours prêt a aider et bourré de compétences, et une stagiaire Française non-payée redoutable d’efficacité drivant une horde de bénévoles avec doigté !

Si on me rajoute comme consultant, voilà l’équipe gagnante de pieds cassés en train de marquer l’histoire de la Ville de Montréal où les festivals et spectacles éclosent en été comme les fleurs au printemps.

Mais c’était sans compter sans Francis Gagnon de Socio-jeux, un passionné passionnant perdu dans un monde de jeux, sans l’équipe d’un Bar à jeux atypique, le Randolph, sans un président d’une Fédération d’Echecs osant postuler pour le Mondial des Jeunes en 2017, les responsable de Cyber’Activ aux projets ambitieux, sans tous ces bénévoles et ces soutiens spontanés qu’une société où la méritocratie existe sait générer, et sans tous ceux qui oeuvrent depuis des années dans cette mini-industrie et qui me font l’honneur et le plaisir de penser que j’apporte un vent nouveau à cette manifestation en train de naître.

Car après bien des vicissitudes, des périodes de doutes et des atermoiements, deux séjours à Montréal à l’automne et à l’hiver, la venue à Cannes d’Arman et de Guillaume, le soutien indéfectible de Gilbert Rozon et de ses principaux cadres de Juste Pour Rire (Alain Cousineau et Marc Tremblay) ont permis in-extrémis à la situation de se décanter et au Mondial des Jeux loto Québec d’ouvrir en ce 12 juillet, dans les flonflons de la fête et un air de succès plane autour du Mondial des Jeux loto Québec.

Il faudra bien sûr le confirmer tout au long des 15 jours qui viennent mais d’ores et déjà, cette première marche tant redoutée est franchie.

On peut le dire désormais, Le Mondial des Jeux existe, il est né un 12 juillet 2014 à Montréal, c’est un bébé en pleine forme, qui pète le feu, nourrit à la «poutine» de caribou, dans la passion d’une bande de jeunes qu’aucunes limites n’effraient, apte à construire un avenir doré et a dessiner pour les années à venir, un monde où jouer pourrait bien être un moyen de construire leur propre avenir !

Et moi, j’observe et je suis heureux, ils me rendent un peu de ma jeunesse et de mes rêves envolés, ils me permettent d’être encore en vie et d’espérer !

Gilbert Rozon et Bernard Oheix pendant l'inauguration du MDJ... Life is beautiful, life is a festival !

Gilbert Rozon et Bernard Oheix pendant l'inauguration du MDJ... Life is beautiful, life is a festival !

Voir les commentaires

Montréal -20 °...

Publié le par Bernard Oheix

Se rendre à Montréal un 8 février 2014, n’est pas l’idée du siècle ! En effet, au sortir de l’aéroport, quand les -16° de la température extérieure vous tombent dessus comme une chape de plomb, l’homme devient infiniment petit dans un monde bien trop grand pour lui ! Et dire que les Québécois y vivent toute l’année ! Normal qu’ils aient faim de médailles à Sotchi, faut bien compenser cette glace qui s’accumule au long des routes, ce verglas traître qui se dissimule sous nos pas, ce vent aigre qui déjoue même les bonnets les plus engoncés !

Suite à l’édition à moitié avortée de Juste Pour Jouer, juillet 2013, mon séjour d’une semaine en septembre avec le grand maître Gilbert Rozon aux manettes, avait permis de décanter la situation, de constituer une équipe autour d’Arman Afkhani, un fidèle du sérail Juste pour Rire et d’un jeune intermittent (Guillaume Degré-Timmons) recruté pour l’occasion, tous éléments prouvant à l’évidence un réel engagement envers cette manifestation.

Et il faut bien le dire, la situation évolue, les choses avancent, les contours se précisent ! Mon retour en terre hivernale québécoise s’inscrit dans ce cadre, définition d’un modèle spécifique, architecture du Mondial des jeux adossé à Juste pour Rire, contenu programmatique, rencontre avec les partenaires et nec plus ultra, tentative d’harmonisation entre la machine de guerre de l’empire Juste pour Rire et les subtilités du monde des joueurs !

Tout avait commencé au début du siècle dernier, à la bourse Rideau (un marché du spectacle) perdu à Québec, début février, où quelques programmateurs européens étaient invités, dont moi qui présentais régulièrement des artistes de la Belle Province !

Cette année là, en 2001, le Carnaval de Québec se déroulait en même temps. Délices des fanfares aux doigts gelés, des jeunes sirènes aux épaules nues perchées sur des traineaux dérapant sur les plaques de verglas, tout cela par - 30°... Alors nous avons bu, dans des cornes de caribous élancées, un alcool innommable, et après avoir réchauffé nos coeurs en le brûlant au tord boyaux, nous avons parlé, aidé par les effluves alcoolisées, dans le froid saisissant, au milieu des flons-flons musettes verglacées ! Où donc peut se nicher l’art et l’amitié ?

Il s’avéra que le sémillant jeune homme à mes côtés avait pour nom, Gilbert Rozon, l’empereur de l’humour, l’homme par qui les fous-rires se déclenchaient sur la planète austère d’un nouveau millénaire, Les vidéo-gags, le Festival Juste pour Rire, c’était lui. Il s’était imposé en France en permettant à Charles Trenet de faire une nouvelle et ultime carrière... En le relançant, il s’était lancé ! Et il rebondissait toujours, jamais à court d’idées, réussissant souvent, échouant parfois, véritable leader dont les Stephane Rousseau, les Arturo Bracchetti et autres comiques naissant à Juste Pour Rire étaient les portes étendards d’un empire en train de se bâtir !!!

Quand l’amitié affleure, on se cherche, on se renifle... Il en allait ainsi entre Gilbert R et Bernard O, deux animaux au sang chaud en train de tendre des passerelles entre le vieux et le nouveau monde.

C’est en discutant de ma fonction et des actions que je menais en tant que Directeur de l’Evénementiel du Palais des Festivals de Cannes, qu’incidemment, je fus amené à lui parler du Festival des Jeux...150 000 visiteurs, 12 000 joueurs inscrits à des tournois, Plus de 10 000 nuitées générées...

J’ai réellement vu ses yeux s’ouvrir comme des billes, un éclair en point d’interrogation vacillant dans son regard. Il a dessoulé, mais 15 jours après, il débarquait sur le Festival des Jeux.

Je revois encore sa tête devant les 1000 scrabbleurs alignés sagement dans un silence de cathédrale, son effarement devant les milliers de gens agglutinés devant l’entrée du Palais des Festivals bloquée pour cause de saturation, sa perplexité devant les familles en train de jouer aux centaines de jeux du salon, devant des personnages déguisés simulant des combats préhistoriques, des maquettes des grandes batailles napoléoniennes, sa fatigue au bout de la nuit devant des centaines de joueurs attablés aux tables du Off en train de tester des boites grises dont certaines se retrouveraient commercialisées quelques années après dans de beaux emballages de couleurs !

Suite à cette plongée dans les nuits ludiques cannoises, il avait étoffé son Festival Juste pour Rire d’un volet Juste Pour Jouer, avec plus ou moins de bonheur suivant les années.

Nous avons continué à nous croiser, à entretenir des liens d’amitié, lui de plus en plus grand manitou du Québec, bureaux à Los Angeles, Londres, Paris... Moi, restant l’histrion de la Culture Cannoise, le saltimbanque devenu un épicier de luxe.

Et puis il y a eu ma décision de prendre ma retraite en 2012, avec la satisfaction du devoir accompli, la peur de la saison de trop, la volonté de transmettre le flambeau dans de bonnes conditions, à mon zénith...

Et en septembre 2012, un coup de fil surréaliste de mon pote Rozon.

«-Bernard, qu’est-ce que tu fais. Tu es à la retraite et tu te bronzes au soleil alors que je tu es mon directeur du Festival des Jeux de Montréal ! Et tu le sais même pas ! Allez, monte sur Paris, il faut que l’on se parle.»

Comment résister à une telle injonction ? Je me suis donc rendu en la capitale, dans son magnifique loft, un déjeuner d’amitié et il m’a proposé de travailler sur le chantier d’un grand festival des jeux avec pour objectif 2017...

On passera alors sur la première édition, tentative avortée, et après une semaine de septembre 2013 décisive où les bonnes décisions furent prise grâce à l’investissement personnel de Gilbert Rozon, me revoilà donc perdu en terres verglacées, dans les bourrasques de neige, par des températures polaires en train de rêver d’un grand Mondial des Jeux en train de naître au mois de juillet 2014 avec Bernard O comme consultant !

Alors donc, un Mondial des Jeux à Montréal... il faudra un peu de temps... mais pourquoi pas ? Je peux le penser désormais. En attendant, rendez-vous sur Cannes au Festival Des Jeux, le vrai, du 28 février au 2 mars.

Voir les commentaires

Red Rhino is dead

Publié le par Bernard Oheix

Au début des années 70, terminant une licence d’histoire avant de mettre en chantier ma maitrise de Cinéma à l’Université de Nice, chaque première semaine du mois de mars, comme en un rituel mystique, j’enfourchais ma Honda 125, franchissais la douane de Menton-Garavan (il y avait une vraie frontière alors) et par la route du bord de mer, venais m’échouer à San-Remo. Un industriel du Nord de l’Italie, Nino Zuchelli, homme immensément riche et très cultivé, passionné de cinéma, avait exporté le «Festival de Bergamo» dans cette cité côtière de la Ligurie célèbre pour son Festival de la Chanson. Il en était le maitre incontesté, se piquait sincèrement de culture comme un prince du XIXème siècle pouvait commander un opéra à Verdi. Avec un goût très sûr, il présentait des films en compétition, positionnés entre l’avant-garde et le film d’auteur, des panoramas thématiques sur des films qu’il était très difficile de visionner (la période soviétique des années 25/35, le cinéma chinois de la révolution culturelle...). Il n’y avait pas les moyens techniques actuels, un film, c’était un support pellicule obligatoire !Des générations de cinéphiles se sont ainsi formées à l’Ariston, l’imposante salle de cinéma où se déroulaient la compétition et dans laquelle, on pouvait fumer pendant la projection. Toute une époque !

Mon statut de critique à Jeune Cinéma m’octroyait le passeport «Invité du Festival» avec repas et chambre d’hôtel, un luxe absolu, à charge pour moi de faire paraître au moins un article dans la presse Française. Ma longévité dans ce Festival que j’adorais comme le premier rayon du printemps avant la folie du mois de mai Cannois, me permit même, sur décision du grand chef, Nino Zuchelli, qui me le proposa personnellement, d’intégrer le jury en 1973.

Ainsi donc, chaque année, une bande de cinéphiles franco-italiens se retrouvaient pour des discussions acharnées, des débats passionnants, des affrontements homériques entre le fond et la forme, l’esthétique du mouvement, la morale d’un «cut», déployant toute cette énergie fascinante d’une jeunesse en train de s’éduquer, de se former, de se préparer à plonger dans la vraie vie après avoir vécu la passion d’un mois de Mai 68 où tout était possible.

Parmi tous ces passionnés qui se retrouvaient, il y avait deux frères, à l’opposé l’un de l’autre. L’ainé avait quelques années de plus que moi, il s’appelait Sandro Signetto. C’était un vrai Italien, élégant, racé, pertinent, ayant largué le monde sûr des comptoirs de la banque pour rallier les quais aventureux d’une coopérative de cinéma, achetant des films à la marge du système pour tenter de réaliser un bénéfice en le sortant dans le circuit des salles «alternatives». Il gérait aussi une grande salle à Turin... c’était avant le massacre du cinéma par la télé Berlusconienne ! Sandro parlait d’une voix douce, inflexions chaudes, vous regardait attentivement en penchant la tête, esquissait un sourire, pouvait vous contredire comme s’il opinait à votre avis, toujours avec douceur et l’ironie dans le coeur ! Sandro Signetto était déjà un seigneur !

Red Rhino is dead

Son frère, Alberto Signetto, un peu plus jeune que moi, débarquait dans le grand monde du Cinéma, en forçant le passage et en s’ébrouant. Force de la nature, Alberto parlait fort, mangeait beaucoup, s’exprimait sans arrêt avec un débit de kalachnikov, donnait du volume pour convaincre, était capable de prendre des chemins incroyables pour assurer ses démonstrations, jamais à cours d’une citation où d’un commentaire, d’une contradiction pour le plaisir même de contredire ! Alberto était une bombe perpétuellement allumée bourrée d’inventivité...

Tous les deux allaient devenir mes frères d’adoption, ceux pour lesquels il n’y a plus de frontières, qui dorment chez vous aussi naturellement que vous mangez avec eux, qui sont là au moment où vous avez besoin d’eux, pour qui le temps s’est arrêté parce que l’on s’imagine éternels...

Sandro est devenu un cadre de cette industrie cinématographique dévastée, un des plus sûrs opérateurs des mécanismes du cinéma et des soutiens européens. Il débarquait souvent, MIP TV, MIP COM, Festival du Film, sa chambre était prête, il passait dans notre vie avec régularité...

Alberto par contre...

En 1984, j’étais Directeur de La Belle Bleue, l’agence artistique que j’avais créée pour les 600 MJC qui fonctionnaient (quelle puissance nous aurions du représenter dans le monde de cet âge d’or de la culture !). C’est avec lui que j’élaborais le projet «Rock Around Europe», à une période où l’on pensait que l’Europe avait besoin de liens culturels novateurs. Un jeune artiste sélectionné dans chaque pays fondateur de l’Europe, un Directeur Artistique que l’on avait sollicité, Brian Eno, au cours d’une épopée «piedniquelesque» à Londres, les rendez-vous chez les ambassadeurs d’Espagne et d’Italie, le Ministre de la Culture en France... Ils ont du en rire...pourtant on en a rêvé de ce groupe international donnant une âme à cette Europe tristounette de technocrates qu’ils étaient en train de nous bâtir sans entendre les désirs des jeunes, chacun s’y serait retrouvé... Utopie, certes, mais qu’elle belle utopie qu’une Europe qui avance et crée du sens, une aventure en commun, apprendre à se comprendre et pas seulement à se traverser sans frontières et a ne plus avoir de bureaux de change !

En 1986, Directeur de la Maison Pour Tous des Campelières, nous travaillâmes sur un projet de film sur les activités de la MPT. Puis pendant deux ans, sur un scénario d’une idée originale, «Itinérario Gaudi», un mixte entre un hommage à Antonioni, notre maître commun auteur entre autre de Profession Reporter, et une histoire policière liée au terrorisme international. J’écrivais, il corrigeait, reprenait tout, démontrant son incroyable capacité d’imagination, cette façon si particulière qu’il avait de voir «son» plan, comme s’il était apte à le réaliser intérieurement. Il m’apprit énormément pendant ces longs mois où je me rendais à Turin pour travailler avec lui. J’ai même du me rendre à Barcelone et faire ce fameux «itinéraire» distribué dans les agence touristiques qu’empruntait le terroriste. Je me revois chaque jour, mon carnet à la main, en train de noter les formes des monuments, toujours à 17h, c’était l’argument du film, et entrer en communion avec mon Italien bloqué sur Turin pendant que le réseau bloquait la fuite du terroriste, à cause d’un cinéphile transi qui effectuait le même trajet, aux mêmes heures et mettait en péril cette ex-filtration !

On a rêvé encore...toujours...parce qu’il était dans notre nature d’explorer, de chercher, de concevoir et d’exister à travers le mouvement des idées.

Si Alberto Signetto s’affirmait comme un authentique créatif, moi, j’avais deux pieds dans les institutions et la tête dans les nuages, cela limitait mes possibilités mais aussi mes risques. Et puis il y a eu Cannes, Directeur-Adjoint de l’OMACC, puis Directeur de l’Evénementiel au Palais des Festivals...de plus en plus de responsabilités, des salaires qui montent, une liberté qui s’ampute.

En 1992, j’ai invité Alberto Signetto au jury des Rencontres Cinématographiques. Ce fut un chant d’adieu à l’insouciance, le dernier acte d’un âge d’or en train de se refermer. Il fut royal, grandiose, un Signetto au top, séducteur, brillant (les filles de l’équipe s’en souviennent encore) qui en un clin d’oeil, disait au revoir à son innocence avec bravoure et panache.

Après cet épisode, il ne pouvait que revenir dans ma ville monter le tapis rouge, un film sous le bras... Après avoir été l’assistant de Théo Angelopoulos, Il s’attacha alors à devenir ce cinéaste qui hantait ces nuits enfiévrées, sans moi désormais ! il réalisa de nombreux documentaires au service des villes, des télévisions, des grandes causes comme des petites, cherchant toujours à relier des fils épars pour rendre le réel plus lisible. Il montait aussi des courts métrage de de fiction, réalisant des oeuvres à problématique forte, ambitieuse, flirtant avec l’onirisme, dépassant le naturel pour décrypter le monde intérieur. Il obtint la reconnaissance de ses pairs mais sans pouvoir conquérir ce public qu’il aimait, parce qu’il aimait aimer, se faire aimer et être au centre.

Aujourd’hui il est définitivement au centre. Celui qui avait un surnom qu’il s’était choisi, «Red Rhino», le Rhinocéros rouge, à 60 ans et 1 jour, comme il l’avait annoncé, a mélangé ses funérailles et son anniversaire sans avoir jamais pu répondre à ses rêves. Ses plus beaux films, il les emporte avec lui, ils sont dans son esprit si clair, si précis que quand il vous décrivait une scène, elle se mettait à exister pour vous. Pourtant, il ne m’a jamais parlé de son enterrement dans cette petite église de Mazzé, une cité près de Turin, accrochée à un piton où il a grandi, de ces centaines de personnes convergeant de l’Italie pour lui offrir un dernier hommage, de ces quelques mots qu’il m’a obligé de prononcer afin de lui avouer une dernier fois que je l’aimais, qu’il était mon frère en création, que la vie a été trop courte, que le temps est passé trop vite et qu’il ne méritait pas un «clap» de fin sans roulements de tambours.

Moi, je sais que je lui dois énormément, je sais qu’avec lui, la fusion était naturelle.

Je connais désormais la dernière de ses blagues.

Red Rhino est mort !

Red Rhino is dead

Voir les commentaires

Bonne Année 2014 !

Publié le par Bernard Oheix

Que nous souhaiter ?

La belle humeur d'une période faste, le contentement de plaisirs simples, savoir gouter le temps présent, ne pas craindre les orages, aimer l'impossible et refuser les prisons dorées...

Savoir tendre la main et ouvrir son coeur, comprendre la misère de l'autre et pouvoir la partager, se satisfaire des joies d'un instant volé au temps, exiger l'impossible et nier la haine qui nous ronge...

Ne pas pouvoir n'est pas une finalité, oser est une fatalité. J'ai dans le coeur l'envie d'un monde qui saurait le prix de la vie, en mesurerait les conséquences et pourrait tendre des passerelles entre les hommes et les femmes. De la misère en Afrique avec ces cadavres rejetés par une mer qui mesure l'exil des siens en corps roulés par les vagues, de la tristesse d'un Argentin dans un pays au bord du gouffre d'une économie gérée par la prévarication et les apprentis sorciers, de l"asiatique si petit d'une Asie si grande, des montées d'un extrémisme qui nie tout et son contraire et joue avec le feu d'une haine qui ne demande qu'a s'attiser pour emporter le monde dans la fureur déferlante d'un maelström où nous n'aurons plus que le temps du regret...

Que vous dire de plus que les voeux pieux d'un bonheur immédiat, d'une santé s'arc-boutant sur nos perpétuelles défaillances, d'un déséquilibre qui touche à l'essence même de l'être à remettre sur les pointes de nos pas, afin de saisir encore et toujours que nous sommes vivants, et que le bonheur ne tient qu'à notre volonté de l'admettre et de l'accepter.

Je vous souhaite une belle année 2014.

Après un excès certain d'images de votre serviteur pendant l'automne, j'ai décidé d'être discret et de ne pas envoyer mes voeux de baignade traditionnelle de Noel. Ce n'est pas pour cela que je n'ai pas plongé dans ma Méditerranée chérie, la preuve avec cette photo. Rendez-vous donc en 2015 !

Après un excès certain d'images de votre serviteur pendant l'automne, j'ai décidé d'être discret et de ne pas envoyer mes voeux de baignade traditionnelle de Noel. Ce n'est pas pour cela que je n'ai pas plongé dans ma Méditerranée chérie, la preuve avec cette photo. Rendez-vous donc en 2015 !

Voir les commentaires

Hervé de Lumières

Publié le par Bernard Oheix

Il avait toujours été là, bien présent dans notre vie depuis ce début des années 70 où nous avions croisé nos chemins, entremêlant l’amitié définitive d’un groupe constitué à la fin des universités, quand l’heure des études doit faire place à celle des responsabilités professionnelles, l’insouciance à la gravité d’une vie à construire, les amours adolescents se confrontent à l’épreuve d’une vie d’adulte... Quand les rêves s’effacent et que fait irruption, au présent, ce monde réel que nous voulions tant transformer dans l’impatience d’une génération qui avait vécu un mois de mai 68 comme une révolution sans effusion de sang, une ode à la modernité d’un vieux monde en train de craquer !

Il y avait Maria et Amparo Fuentes, les belles brunes incendiaires filles d’immigrés espagnols, soeurs et épouses dans une période où les moeurs s’affranchissaient des liens du sacré, toujours à la recherche d’un équilibre à trouver entre leurs deux cultures et la place des femmes dans cette société mutante des années soixante-dix. Elles étaient fragiles et fortes, fières et si complexes de leur racines partagées.

Il y avait le grand Philippe Catalan, futur promoteur immobilier, celui qui devait réussir, à la personnalité fascinante, fils de militaire, cerveau enfiévré, curieux de tout, avide de savoir et d’échanges, appelé à diriger comme d’autres respirent, cassant mais sensible, si proche des autres qu’il en devenait le grand frère avant d’endosser la figure tutélaire du père symbolique de ce groupe disparate. A ses côtés, l’étrange Nicole, discrète en apparence mais tellement présente, le feu sous la glace.

Il y avait Olivier Poulin, le technicien du cinéma, goguenard marginal, buvant et fumant pour narguer la réalité. Rejeton de la haute bourgeoisie aux mains d’or et au coeur grand comme l’infini, il débarquait dans votre vie sans gêne, comme si tout lui était dû par ce que le monde lui appartenait de ne pas s’y insérer. Et tout le monde lui ouvrait la porte et son coeur. comme si c’était naturel et évident.

Il y avait nous aussi, Thérèse et Bernard, les petits derniers, couple atypique forgé dans l’airain, fils de prolos parmi ces enfants de la bourgeoisie qui s’inventaient un avenir échappant à tous les codes. Nous regardions, sans passé, un présent à bâtir, avec nos mains et nos cerveaux, seuls d’une histoire à créer, sans autre protection que notre futur à ériger. Il était beau ce futur car il nous appartenait !

Nous étions à quelques années seulement de notre mai «68», nous l’avions tous encore dans nos chairs, dans nos souvenirs, imprimé sur le parchemin d’un avenir que nous étions en train d’inventer, en rupture de toutes les normes. Nous allions changer le monde !

Nous mangions ensemble, sans s’inviter, en passant les uns chez les autres. Parfois dormions dans des lits de rencontre. A l’époque, il n’y avait pas de téléphone, quelques cartes arrivaient de destinations exotiques, pour nous rappeler à la mémoire des nôtres ! Tout se passait dans le contact, avec la présence physique. On organisait de grandes fêtes, essentiellement dans les villas cossues de Philippe. Nous nous retrouvions pour des journées de jeux, l’alcool coulait à flots, nous fumions tout ce que nous trouvions, nous parlions de politique, de cinéma et de livres. On organisait des jeux, on dansait, on se baignait dans la piscine, on faisait des randonnées. Il y avait toujours un relent de sexe, un indéfinissable parfum d’érotisme dans cette vigueur que nous affichions et dans cette volonté de partage.

Nous étions si jeunes et plein de vie.

Et puis il y avait Hervé Chauvin, né d’un ambassadeur dans un confort sans risque, rejetant le fardeau d’une classe sociale qui l’avait accouché, (mais en cela, Philippe et Olivier aussi vivaient ce rejet), sans prise sur le réel mais ancré dans le présent, à jamais déterminé par une certaine conscience de la vacuité du monde qui les avait enfanté, sans la peur des lendemains qui déchantent car issu de ceux qui possèdent les certitudes du pouvoir, mais désormais incapable d’assumer la place qu’on leur prédestinait.

Hervé était lumineux, comme une lumière chaude qui n’aveugle pas mais donne du relief à la vie.

Il avait décidé de vivre, tout simplement. Des études naturelles, des amours finalement bien sages dans cette période riche en dérèglements (deux femmes et quelques maîtresses), rien n’était jamais extrême chez Hervé, tout résidait dans la nuance de celui qui compose sa fugue comme un nocturne de Chopin.

Extrême sensibilité d’un esprit avide, capable de toucher à tout sans jamais devenir un spécialiste... si ce n’est d’un art de vivre sans contrainte.

J’ai en tête encore un Hervé envoyant une lettre à tous ses amis (nous étions encore jeunes et toujours pauvres, même si notre apparent dénuement de l’époque ressemblerait furieusement à une grande richesse aujourd’hui !). Dans cette lettre, il demandait à chacun d’entre nous, un peu d’argent pour s’offrir un piano à queue afin de nous honorer en musique quand nous viendrions partager des agapes chez lui. Il a obtenu le piano, ce qui n’était pas un mince exploit et démontrait à l’évidence combien on l’aimait, et jusqu’au bout, il en a joué, jamais comme un virtuose mais toujours avec passion. C’était bien sa signature d’échapper à la course de la perfection afin de jouir en esthète d’une existence libérée. Un morceau de cet instrument de musique, une touche blanche ou noire de ce piano, m’appartient à jamais, même si j’aimerais tant qu’il en ait encore la pleine jouissance et ouïr le jaillissement de ses notes sous ses doigts fins comme son esprit !

Je me souviens aussi d’un Hervé en capitaine courage d’un paradis perdu retrouvé, Barccagio, une baie du Cap Corse où il nous entraina pour des «robinsonnades» en camping sauvage qui emplissaient nos étés de soleil, d’amour et d’amitiés. C’était au début des années 80, nous étions jeunes encore, même si nos enfants courraient partout en poussant des cris d’orfraie. Une anse sublime au bout du monde, une vie sans chaînes dans un Eden bucolique, des camps de fortune que chaque famille bâtissaient en architecte éphémère où l’inventivité tenait lieu de savoir faire à coup de planches, toiles, pierres et cordages... Il y avait des puits entre les oliviers et nous nous «désalinisions» à grands coup de jets de seaux d’eau en hurlant de rire avant des soirées de partage, de bouffe et de jeux.

Au menu, on trouvait le poisson qu’il péchait pour les amis, les poulpes qu’il attendrissait et préparait à la poêle avec de l’ail et du persil pour des soupers à la chandelle des étoiles. Car Hervé, en bon vivant, était un redoutable cordon bleu, apte à improviser avec des riens afin de marier les arômes subtils, les saveurs les plus délicates... De ce point de vue, il n’était pas un fils de la Grande Bourgeoisie pour rien !

Hervé aimait le foot, nous regardions chez lui à chaque édition, les coupes du monde des années fastes, celles où l’on pouvait encore rêver, c’était avant l’Afrique du Sud, en un cérémonial païen destiné à accroitre les chances de notre équipe tricolore si mosaïque dans sa composition qu’elle nous apparaissait comme un symbole de cette France que nous aimions. Hervé aimait modérément le jeu... quelques pokers à 3 sous lui permirent de se prouver qu’il avait bien raison de ne pas être accroc... même ses enfants, Raphael et Samuel le battaient régulièrement.

Hervé aimait surtout parler, creuser, lire, se cultiver, discuter, voir des spectacles. Il aimait la musique et nous avions pris l’habitude de nous envoyer des «cassettes» (cela a existé, c’est vrai !) où nous enregistrions des morceaux que nous aimions, à faire découvrir et partager. Il vint plusieurs fois avec la belle Manu, sa femme, au Palais des Festivals de Cannes pour des soirées découvertes. Il était curieux de tout, sans jamais s’obstiner ni se prendre au sérieux.

Hervé n’était pas le père, ce rôle, c’est Philippe qui l’avait endossé à jamais dans notre phalanstère. Hervé était le grand frère dont tout le monde rêve. Les amis de la belle Nina, sa dernière réussite, sa fille, en savent quelque chose, eux qui trouvaient en lui le confident parfait, celui à qui l’on peut tout dire et qui en raconte si peu et si justement qu’il donne l’impression de n’être qu’une caisse de résonance de ses propres aspirations.

Nous avions, dans les années 90, l’âge aidant, imaginé acheter tous ensemble, un grand hôtel désaffecté, mas au soleil, pour y finir nos vieux jours, afin d’y vieillir de concert, notre maison de retraite à nous, un abri dans lequel nous saurions nous rapprocher de la mort avec sérénité, entouré de ceux que nous aimions. Utopie certes, mais si belle réalité ! Nous en avons déliré des soirées à l’inventer ce paradis où trouver la paix ! Pas trop loin de la ville pour les cinémas et les spectacle, proche de la mer, notre passion à tous, des chambres individuelles avec des lieux communs, une mutualisation des biens de culture (quelle gigantesque bibliothèque et discothèque aurions-nous constituées !), avec une répartition des tâches à la clef : Thérèse aurait ré-endossé sa blouse d’infirmière (on en aurait bien l’utilité d'une infirmière même si, n’en déplaise à Olivier, elle n’aurait plus été nue dessous !), moi, j’aurais incarné le «grand» animateur, metteur en scène des grandes fêtes, ordonnateur des pompes célestes avant de passer à celles des veillées funèbres et des panégyriques émus, Philippe aurait assumé la responsabilité de tout (comme à son habitude !), Olivier, la cave à vins et les clops (même si l’âge aidant, la nécessité d’arrêter de fumer se fait sentir !), les Espagnoles au Flamenco et à la cuisine (je sais c’est un peu cliché, elles ont d’autres qualités !), Manu l’épouse d’Hervé, la plus jeune, pour conserver nos fantasmes érotiques cacochymes, Nicole, la tenancière des tables de poker et conscience d’un principe de réalité intangible...

Curieusement, dans toute ce délire fantasmagorique, Hervé avait réussi à n’avoir aucun rôle précis, sans doute parce qu’il représentait l’archétype même du membre symbolique, unique et indispensable, bien à l’image de ce qu’il a tenté d’être toute sa vie, ailleurs et ici, futile et capital, indispensable et dérisoire, élégant jusqu’au plus infime détail...

Hervé était un sourire de la vie. Il avait une façon si particulière de vous regarder et de vous aimer. Un peu distant mais si proche, un peu caustique mais si humain, classe jusque dans les douleurs de son dos qui le terrassait dans les dernières années de sa vie.

Hervé à eu une vie professionnelle comme cette génération du baby-boom a pu l’avoir, par nécessité et sans drame : cadre à l’ANPE, lui qui méprisait au fond de lui le travail et les oripeaux de ce qu’il implique en relations sociales désincarnées !

Il a conçu trois enfants magnifiques qui représentaient vraiment ce que nous espérions tous de nos générations futures, pleins d’humour et d’intelligence, vivant même dans le regard qu’ils portent sur les autres. Il y a Raphaël le «businessman», cadre qui gagne beaucoup d’argent dans l’immobilier mais n’a jamais oublié d’en rire, et Samuel l’artiste, producteur fauché de cinéma mais qui tire son épingle du jeu et survit dans une jungle impitoyable en gardant toute son intelligence et sa finesse... Et puis il y a Nina, la petite dernière, qui est a un âge où l’on ne devrait pas vivre de drame, entre les amours et les études. Elle était avec son père la nuit ou il a décidé de s’en aller visiter les musées des fantômes de l’ailleurs.

Et puis il y a Manu, l’épouse, celle qui venait de prendre sa retraite et pouvait envisager de changer de vie pour se mettre en phase avec son «vieux» mari. Elle nous avait contacté en secret afin d’organiser l’anniversaire symbolique des 70 ans d’Hervé, une grande réunion de tous ses amis, à la mi-septembre avec surprises et amitiés en dessert. C’est aujourd’hui, samedi 14 septembre, que nous aurions du nous retrouver pour l’honorer !

Quand l’on regarde bien, Hervé a toujours été le premier. Premier de sa classe, premier à faire des enfants, premier à fêter ses 50 ans, premier à partir à la retraite... Au fond, peut-être n’est-il que justice que ce soit lui qui nous montre la voie : premier à décéder pour nous préparer aux parfums de l’automne, premier à pouvoir contempler tout ce que l’on a pas fait et que l’on ne fera plus désormais, premier à ne pas pleurer les autres, premier à nous faire sentir combien l’âge a rattrapé notre vieillesse, comme ont fuit les espoirs et les rêves, premier a se demander si nous avons vraiment vécu et pourquoi ?

Voilà, Hervé nous a fait sa révérence, avec classe et ironie, comme d’habitude, parce que c’est Hervé, et qu’il nous manque déjà !

Parfois, dans un groupe, entre amis, la fréquence des liens est intense, parfois ils s’étirent, plus lâches, comme l’est la vie tout simplement.

Ces derniers temps, coincés dans nos vies séparées, une petite faille temporelle était apparue. Il y avait bien plusieurs mois que nous n’avions plus eu de contacts. Fins de carrière professionnelle, des jours qui s’effilochent, un rendez-vous raté quand, devant partir en Corse, ils nous téléphonèrent pour une halte à Cannes avant d’embarquer à Nice... maison pleine ! Un week-end prévu à Aix... mais la famille Chauvin était partie à la campagne... C’est la vie de l’amitié, des rendez-vous que l’on rate parce qu’on a l’éternité pour les réussir. Thérèse avait envoyé, il y a quelques semaines, un mail pour renouer ce contact distendu depuis quelques mois... Il avait répondu avec enthousiasme, nous annonçant nos retrouvailles, pour bientôt, maintenant que sa Manu était enfin libérée, comme nous, des liens sacrés du travail !

Alors, on devait se revoir, manger, boire, fumer et rire...

C’est vraiment ce que l’on a fait, mais devant son cercueil, en un dernier clin d’oeil qu’il aurait aimé, avec ironie et distance, un peu hautain mais charmeur, avant de s’envoler en fumée, et ses cendres seront déposées dans l’anse de Barccagio, pour une dernière «robinsonnade» éternelle !

Combien allons-nous couper de fleurs dans les hivers qui s’annoncent ? Et quelle ironie que ce Hervé goguenard en train de nous attendre en souriant dans les vagues sereines de notre mémoire...

A toi, mon Hervé de lumières !

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 > >>