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histoires vraies

Montréal -20 °...

Publié le par Bernard Oheix

Se rendre à Montréal un 8 février 2014, n’est pas l’idée du siècle ! En effet, au sortir de l’aéroport, quand les -16° de la température extérieure vous tombent dessus comme une chape de plomb, l’homme devient infiniment petit dans un monde bien trop grand pour lui ! Et dire que les Québécois y vivent toute l’année ! Normal qu’ils aient faim de médailles à Sotchi, faut bien compenser cette glace qui s’accumule au long des routes, ce verglas traître qui se dissimule sous nos pas, ce vent aigre qui déjoue même les bonnets les plus engoncés !

Suite à l’édition à moitié avortée de Juste Pour Jouer, juillet 2013, mon séjour d’une semaine en septembre avec le grand maître Gilbert Rozon aux manettes, avait permis de décanter la situation, de constituer une équipe autour d’Arman Afkhani, un fidèle du sérail Juste pour Rire et d’un jeune intermittent (Guillaume Degré-Timmons) recruté pour l’occasion, tous éléments prouvant à l’évidence un réel engagement envers cette manifestation.

Et il faut bien le dire, la situation évolue, les choses avancent, les contours se précisent ! Mon retour en terre hivernale québécoise s’inscrit dans ce cadre, définition d’un modèle spécifique, architecture du Mondial des jeux adossé à Juste pour Rire, contenu programmatique, rencontre avec les partenaires et nec plus ultra, tentative d’harmonisation entre la machine de guerre de l’empire Juste pour Rire et les subtilités du monde des joueurs !

Tout avait commencé au début du siècle dernier, à la bourse Rideau (un marché du spectacle) perdu à Québec, début février, où quelques programmateurs européens étaient invités, dont moi qui présentais régulièrement des artistes de la Belle Province !

Cette année là, en 2001, le Carnaval de Québec se déroulait en même temps. Délices des fanfares aux doigts gelés, des jeunes sirènes aux épaules nues perchées sur des traineaux dérapant sur les plaques de verglas, tout cela par - 30°... Alors nous avons bu, dans des cornes de caribous élancées, un alcool innommable, et après avoir réchauffé nos coeurs en le brûlant au tord boyaux, nous avons parlé, aidé par les effluves alcoolisées, dans le froid saisissant, au milieu des flons-flons musettes verglacées ! Où donc peut se nicher l’art et l’amitié ?

Il s’avéra que le sémillant jeune homme à mes côtés avait pour nom, Gilbert Rozon, l’empereur de l’humour, l’homme par qui les fous-rires se déclenchaient sur la planète austère d’un nouveau millénaire, Les vidéo-gags, le Festival Juste pour Rire, c’était lui. Il s’était imposé en France en permettant à Charles Trenet de faire une nouvelle et ultime carrière... En le relançant, il s’était lancé ! Et il rebondissait toujours, jamais à court d’idées, réussissant souvent, échouant parfois, véritable leader dont les Stephane Rousseau, les Arturo Bracchetti et autres comiques naissant à Juste Pour Rire étaient les portes étendards d’un empire en train de se bâtir !!!

Quand l’amitié affleure, on se cherche, on se renifle... Il en allait ainsi entre Gilbert R et Bernard O, deux animaux au sang chaud en train de tendre des passerelles entre le vieux et le nouveau monde.

C’est en discutant de ma fonction et des actions que je menais en tant que Directeur de l’Evénementiel du Palais des Festivals de Cannes, qu’incidemment, je fus amené à lui parler du Festival des Jeux...150 000 visiteurs, 12 000 joueurs inscrits à des tournois, Plus de 10 000 nuitées générées...

J’ai réellement vu ses yeux s’ouvrir comme des billes, un éclair en point d’interrogation vacillant dans son regard. Il a dessoulé, mais 15 jours après, il débarquait sur le Festival des Jeux.

Je revois encore sa tête devant les 1000 scrabbleurs alignés sagement dans un silence de cathédrale, son effarement devant les milliers de gens agglutinés devant l’entrée du Palais des Festivals bloquée pour cause de saturation, sa perplexité devant les familles en train de jouer aux centaines de jeux du salon, devant des personnages déguisés simulant des combats préhistoriques, des maquettes des grandes batailles napoléoniennes, sa fatigue au bout de la nuit devant des centaines de joueurs attablés aux tables du Off en train de tester des boites grises dont certaines se retrouveraient commercialisées quelques années après dans de beaux emballages de couleurs !

Suite à cette plongée dans les nuits ludiques cannoises, il avait étoffé son Festival Juste pour Rire d’un volet Juste Pour Jouer, avec plus ou moins de bonheur suivant les années.

Nous avons continué à nous croiser, à entretenir des liens d’amitié, lui de plus en plus grand manitou du Québec, bureaux à Los Angeles, Londres, Paris... Moi, restant l’histrion de la Culture Cannoise, le saltimbanque devenu un épicier de luxe.

Et puis il y a eu ma décision de prendre ma retraite en 2012, avec la satisfaction du devoir accompli, la peur de la saison de trop, la volonté de transmettre le flambeau dans de bonnes conditions, à mon zénith...

Et en septembre 2012, un coup de fil surréaliste de mon pote Rozon.

«-Bernard, qu’est-ce que tu fais. Tu es à la retraite et tu te bronzes au soleil alors que je tu es mon directeur du Festival des Jeux de Montréal ! Et tu le sais même pas ! Allez, monte sur Paris, il faut que l’on se parle.»

Comment résister à une telle injonction ? Je me suis donc rendu en la capitale, dans son magnifique loft, un déjeuner d’amitié et il m’a proposé de travailler sur le chantier d’un grand festival des jeux avec pour objectif 2017...

On passera alors sur la première édition, tentative avortée, et après une semaine de septembre 2013 décisive où les bonnes décisions furent prise grâce à l’investissement personnel de Gilbert Rozon, me revoilà donc perdu en terres verglacées, dans les bourrasques de neige, par des températures polaires en train de rêver d’un grand Mondial des Jeux en train de naître au mois de juillet 2014 avec Bernard O comme consultant !

Alors donc, un Mondial des Jeux à Montréal... il faudra un peu de temps... mais pourquoi pas ? Je peux le penser désormais. En attendant, rendez-vous sur Cannes au Festival Des Jeux, le vrai, du 28 février au 2 mars.

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Red Rhino is dead

Publié le par Bernard Oheix

Au début des années 70, terminant une licence d’histoire avant de mettre en chantier ma maitrise de Cinéma à l’Université de Nice, chaque première semaine du mois de mars, comme en un rituel mystique, j’enfourchais ma Honda 125, franchissais la douane de Menton-Garavan (il y avait une vraie frontière alors) et par la route du bord de mer, venais m’échouer à San-Remo. Un industriel du Nord de l’Italie, Nino Zuchelli, homme immensément riche et très cultivé, passionné de cinéma, avait exporté le «Festival de Bergamo» dans cette cité côtière de la Ligurie célèbre pour son Festival de la Chanson. Il en était le maitre incontesté, se piquait sincèrement de culture comme un prince du XIXème siècle pouvait commander un opéra à Verdi. Avec un goût très sûr, il présentait des films en compétition, positionnés entre l’avant-garde et le film d’auteur, des panoramas thématiques sur des films qu’il était très difficile de visionner (la période soviétique des années 25/35, le cinéma chinois de la révolution culturelle...). Il n’y avait pas les moyens techniques actuels, un film, c’était un support pellicule obligatoire !Des générations de cinéphiles se sont ainsi formées à l’Ariston, l’imposante salle de cinéma où se déroulaient la compétition et dans laquelle, on pouvait fumer pendant la projection. Toute une époque !

Mon statut de critique à Jeune Cinéma m’octroyait le passeport «Invité du Festival» avec repas et chambre d’hôtel, un luxe absolu, à charge pour moi de faire paraître au moins un article dans la presse Française. Ma longévité dans ce Festival que j’adorais comme le premier rayon du printemps avant la folie du mois de mai Cannois, me permit même, sur décision du grand chef, Nino Zuchelli, qui me le proposa personnellement, d’intégrer le jury en 1973.

Ainsi donc, chaque année, une bande de cinéphiles franco-italiens se retrouvaient pour des discussions acharnées, des débats passionnants, des affrontements homériques entre le fond et la forme, l’esthétique du mouvement, la morale d’un «cut», déployant toute cette énergie fascinante d’une jeunesse en train de s’éduquer, de se former, de se préparer à plonger dans la vraie vie après avoir vécu la passion d’un mois de Mai 68 où tout était possible.

Parmi tous ces passionnés qui se retrouvaient, il y avait deux frères, à l’opposé l’un de l’autre. L’ainé avait quelques années de plus que moi, il s’appelait Sandro Signetto. C’était un vrai Italien, élégant, racé, pertinent, ayant largué le monde sûr des comptoirs de la banque pour rallier les quais aventureux d’une coopérative de cinéma, achetant des films à la marge du système pour tenter de réaliser un bénéfice en le sortant dans le circuit des salles «alternatives». Il gérait aussi une grande salle à Turin... c’était avant le massacre du cinéma par la télé Berlusconienne ! Sandro parlait d’une voix douce, inflexions chaudes, vous regardait attentivement en penchant la tête, esquissait un sourire, pouvait vous contredire comme s’il opinait à votre avis, toujours avec douceur et l’ironie dans le coeur ! Sandro Signetto était déjà un seigneur !

Red Rhino is dead

Son frère, Alberto Signetto, un peu plus jeune que moi, débarquait dans le grand monde du Cinéma, en forçant le passage et en s’ébrouant. Force de la nature, Alberto parlait fort, mangeait beaucoup, s’exprimait sans arrêt avec un débit de kalachnikov, donnait du volume pour convaincre, était capable de prendre des chemins incroyables pour assurer ses démonstrations, jamais à cours d’une citation où d’un commentaire, d’une contradiction pour le plaisir même de contredire ! Alberto était une bombe perpétuellement allumée bourrée d’inventivité...

Tous les deux allaient devenir mes frères d’adoption, ceux pour lesquels il n’y a plus de frontières, qui dorment chez vous aussi naturellement que vous mangez avec eux, qui sont là au moment où vous avez besoin d’eux, pour qui le temps s’est arrêté parce que l’on s’imagine éternels...

Sandro est devenu un cadre de cette industrie cinématographique dévastée, un des plus sûrs opérateurs des mécanismes du cinéma et des soutiens européens. Il débarquait souvent, MIP TV, MIP COM, Festival du Film, sa chambre était prête, il passait dans notre vie avec régularité...

Alberto par contre...

En 1984, j’étais Directeur de La Belle Bleue, l’agence artistique que j’avais créée pour les 600 MJC qui fonctionnaient (quelle puissance nous aurions du représenter dans le monde de cet âge d’or de la culture !). C’est avec lui que j’élaborais le projet «Rock Around Europe», à une période où l’on pensait que l’Europe avait besoin de liens culturels novateurs. Un jeune artiste sélectionné dans chaque pays fondateur de l’Europe, un Directeur Artistique que l’on avait sollicité, Brian Eno, au cours d’une épopée «piedniquelesque» à Londres, les rendez-vous chez les ambassadeurs d’Espagne et d’Italie, le Ministre de la Culture en France... Ils ont du en rire...pourtant on en a rêvé de ce groupe international donnant une âme à cette Europe tristounette de technocrates qu’ils étaient en train de nous bâtir sans entendre les désirs des jeunes, chacun s’y serait retrouvé... Utopie, certes, mais qu’elle belle utopie qu’une Europe qui avance et crée du sens, une aventure en commun, apprendre à se comprendre et pas seulement à se traverser sans frontières et a ne plus avoir de bureaux de change !

En 1986, Directeur de la Maison Pour Tous des Campelières, nous travaillâmes sur un projet de film sur les activités de la MPT. Puis pendant deux ans, sur un scénario d’une idée originale, «Itinérario Gaudi», un mixte entre un hommage à Antonioni, notre maître commun auteur entre autre de Profession Reporter, et une histoire policière liée au terrorisme international. J’écrivais, il corrigeait, reprenait tout, démontrant son incroyable capacité d’imagination, cette façon si particulière qu’il avait de voir «son» plan, comme s’il était apte à le réaliser intérieurement. Il m’apprit énormément pendant ces longs mois où je me rendais à Turin pour travailler avec lui. J’ai même du me rendre à Barcelone et faire ce fameux «itinéraire» distribué dans les agence touristiques qu’empruntait le terroriste. Je me revois chaque jour, mon carnet à la main, en train de noter les formes des monuments, toujours à 17h, c’était l’argument du film, et entrer en communion avec mon Italien bloqué sur Turin pendant que le réseau bloquait la fuite du terroriste, à cause d’un cinéphile transi qui effectuait le même trajet, aux mêmes heures et mettait en péril cette ex-filtration !

On a rêvé encore...toujours...parce qu’il était dans notre nature d’explorer, de chercher, de concevoir et d’exister à travers le mouvement des idées.

Si Alberto Signetto s’affirmait comme un authentique créatif, moi, j’avais deux pieds dans les institutions et la tête dans les nuages, cela limitait mes possibilités mais aussi mes risques. Et puis il y a eu Cannes, Directeur-Adjoint de l’OMACC, puis Directeur de l’Evénementiel au Palais des Festivals...de plus en plus de responsabilités, des salaires qui montent, une liberté qui s’ampute.

En 1992, j’ai invité Alberto Signetto au jury des Rencontres Cinématographiques. Ce fut un chant d’adieu à l’insouciance, le dernier acte d’un âge d’or en train de se refermer. Il fut royal, grandiose, un Signetto au top, séducteur, brillant (les filles de l’équipe s’en souviennent encore) qui en un clin d’oeil, disait au revoir à son innocence avec bravoure et panache.

Après cet épisode, il ne pouvait que revenir dans ma ville monter le tapis rouge, un film sous le bras... Après avoir été l’assistant de Théo Angelopoulos, Il s’attacha alors à devenir ce cinéaste qui hantait ces nuits enfiévrées, sans moi désormais ! il réalisa de nombreux documentaires au service des villes, des télévisions, des grandes causes comme des petites, cherchant toujours à relier des fils épars pour rendre le réel plus lisible. Il montait aussi des courts métrage de de fiction, réalisant des oeuvres à problématique forte, ambitieuse, flirtant avec l’onirisme, dépassant le naturel pour décrypter le monde intérieur. Il obtint la reconnaissance de ses pairs mais sans pouvoir conquérir ce public qu’il aimait, parce qu’il aimait aimer, se faire aimer et être au centre.

Aujourd’hui il est définitivement au centre. Celui qui avait un surnom qu’il s’était choisi, «Red Rhino», le Rhinocéros rouge, à 60 ans et 1 jour, comme il l’avait annoncé, a mélangé ses funérailles et son anniversaire sans avoir jamais pu répondre à ses rêves. Ses plus beaux films, il les emporte avec lui, ils sont dans son esprit si clair, si précis que quand il vous décrivait une scène, elle se mettait à exister pour vous. Pourtant, il ne m’a jamais parlé de son enterrement dans cette petite église de Mazzé, une cité près de Turin, accrochée à un piton où il a grandi, de ces centaines de personnes convergeant de l’Italie pour lui offrir un dernier hommage, de ces quelques mots qu’il m’a obligé de prononcer afin de lui avouer une dernier fois que je l’aimais, qu’il était mon frère en création, que la vie a été trop courte, que le temps est passé trop vite et qu’il ne méritait pas un «clap» de fin sans roulements de tambours.

Moi, je sais que je lui dois énormément, je sais qu’avec lui, la fusion était naturelle.

Je connais désormais la dernière de ses blagues.

Red Rhino est mort !

Red Rhino is dead

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Bonne Année 2014 !

Publié le par Bernard Oheix

Que nous souhaiter ?

La belle humeur d'une période faste, le contentement de plaisirs simples, savoir gouter le temps présent, ne pas craindre les orages, aimer l'impossible et refuser les prisons dorées...

Savoir tendre la main et ouvrir son coeur, comprendre la misère de l'autre et pouvoir la partager, se satisfaire des joies d'un instant volé au temps, exiger l'impossible et nier la haine qui nous ronge...

Ne pas pouvoir n'est pas une finalité, oser est une fatalité. J'ai dans le coeur l'envie d'un monde qui saurait le prix de la vie, en mesurerait les conséquences et pourrait tendre des passerelles entre les hommes et les femmes. De la misère en Afrique avec ces cadavres rejetés par une mer qui mesure l'exil des siens en corps roulés par les vagues, de la tristesse d'un Argentin dans un pays au bord du gouffre d'une économie gérée par la prévarication et les apprentis sorciers, de l"asiatique si petit d'une Asie si grande, des montées d'un extrémisme qui nie tout et son contraire et joue avec le feu d'une haine qui ne demande qu'a s'attiser pour emporter le monde dans la fureur déferlante d'un maelström où nous n'aurons plus que le temps du regret...

Que vous dire de plus que les voeux pieux d'un bonheur immédiat, d'une santé s'arc-boutant sur nos perpétuelles défaillances, d'un déséquilibre qui touche à l'essence même de l'être à remettre sur les pointes de nos pas, afin de saisir encore et toujours que nous sommes vivants, et que le bonheur ne tient qu'à notre volonté de l'admettre et de l'accepter.

Je vous souhaite une belle année 2014.

Après un excès certain d'images de votre serviteur pendant l'automne, j'ai décidé d'être discret et de ne pas envoyer mes voeux de baignade traditionnelle de Noel. Ce n'est pas pour cela que je n'ai pas plongé dans ma Méditerranée chérie, la preuve avec cette photo. Rendez-vous donc en 2015 !

Après un excès certain d'images de votre serviteur pendant l'automne, j'ai décidé d'être discret et de ne pas envoyer mes voeux de baignade traditionnelle de Noel. Ce n'est pas pour cela que je n'ai pas plongé dans ma Méditerranée chérie, la preuve avec cette photo. Rendez-vous donc en 2015 !

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Hervé de Lumières

Publié le par Bernard Oheix

Il avait toujours été là, bien présent dans notre vie depuis ce début des années 70 où nous avions croisé nos chemins, entremêlant l’amitié définitive d’un groupe constitué à la fin des universités, quand l’heure des études doit faire place à celle des responsabilités professionnelles, l’insouciance à la gravité d’une vie à construire, les amours adolescents se confrontent à l’épreuve d’une vie d’adulte... Quand les rêves s’effacent et que fait irruption, au présent, ce monde réel que nous voulions tant transformer dans l’impatience d’une génération qui avait vécu un mois de mai 68 comme une révolution sans effusion de sang, une ode à la modernité d’un vieux monde en train de craquer !

Il y avait Maria et Amparo Fuentes, les belles brunes incendiaires filles d’immigrés espagnols, soeurs et épouses dans une période où les moeurs s’affranchissaient des liens du sacré, toujours à la recherche d’un équilibre à trouver entre leurs deux cultures et la place des femmes dans cette société mutante des années soixante-dix. Elles étaient fragiles et fortes, fières et si complexes de leur racines partagées.

Il y avait le grand Philippe Catalan, futur promoteur immobilier, celui qui devait réussir, à la personnalité fascinante, fils de militaire, cerveau enfiévré, curieux de tout, avide de savoir et d’échanges, appelé à diriger comme d’autres respirent, cassant mais sensible, si proche des autres qu’il en devenait le grand frère avant d’endosser la figure tutélaire du père symbolique de ce groupe disparate. A ses côtés, l’étrange Nicole, discrète en apparence mais tellement présente, le feu sous la glace.

Il y avait Olivier Poulin, le technicien du cinéma, goguenard marginal, buvant et fumant pour narguer la réalité. Rejeton de la haute bourgeoisie aux mains d’or et au coeur grand comme l’infini, il débarquait dans votre vie sans gêne, comme si tout lui était dû par ce que le monde lui appartenait de ne pas s’y insérer. Et tout le monde lui ouvrait la porte et son coeur. comme si c’était naturel et évident.

Il y avait nous aussi, Thérèse et Bernard, les petits derniers, couple atypique forgé dans l’airain, fils de prolos parmi ces enfants de la bourgeoisie qui s’inventaient un avenir échappant à tous les codes. Nous regardions, sans passé, un présent à bâtir, avec nos mains et nos cerveaux, seuls d’une histoire à créer, sans autre protection que notre futur à ériger. Il était beau ce futur car il nous appartenait !

Nous étions à quelques années seulement de notre mai «68», nous l’avions tous encore dans nos chairs, dans nos souvenirs, imprimé sur le parchemin d’un avenir que nous étions en train d’inventer, en rupture de toutes les normes. Nous allions changer le monde !

Nous mangions ensemble, sans s’inviter, en passant les uns chez les autres. Parfois dormions dans des lits de rencontre. A l’époque, il n’y avait pas de téléphone, quelques cartes arrivaient de destinations exotiques, pour nous rappeler à la mémoire des nôtres ! Tout se passait dans le contact, avec la présence physique. On organisait de grandes fêtes, essentiellement dans les villas cossues de Philippe. Nous nous retrouvions pour des journées de jeux, l’alcool coulait à flots, nous fumions tout ce que nous trouvions, nous parlions de politique, de cinéma et de livres. On organisait des jeux, on dansait, on se baignait dans la piscine, on faisait des randonnées. Il y avait toujours un relent de sexe, un indéfinissable parfum d’érotisme dans cette vigueur que nous affichions et dans cette volonté de partage.

Nous étions si jeunes et plein de vie.

Et puis il y avait Hervé Chauvin, né d’un ambassadeur dans un confort sans risque, rejetant le fardeau d’une classe sociale qui l’avait accouché, (mais en cela, Philippe et Olivier aussi vivaient ce rejet), sans prise sur le réel mais ancré dans le présent, à jamais déterminé par une certaine conscience de la vacuité du monde qui les avait enfanté, sans la peur des lendemains qui déchantent car issu de ceux qui possèdent les certitudes du pouvoir, mais désormais incapable d’assumer la place qu’on leur prédestinait.

Hervé était lumineux, comme une lumière chaude qui n’aveugle pas mais donne du relief à la vie.

Il avait décidé de vivre, tout simplement. Des études naturelles, des amours finalement bien sages dans cette période riche en dérèglements (deux femmes et quelques maîtresses), rien n’était jamais extrême chez Hervé, tout résidait dans la nuance de celui qui compose sa fugue comme un nocturne de Chopin.

Extrême sensibilité d’un esprit avide, capable de toucher à tout sans jamais devenir un spécialiste... si ce n’est d’un art de vivre sans contrainte.

J’ai en tête encore un Hervé envoyant une lettre à tous ses amis (nous étions encore jeunes et toujours pauvres, même si notre apparent dénuement de l’époque ressemblerait furieusement à une grande richesse aujourd’hui !). Dans cette lettre, il demandait à chacun d’entre nous, un peu d’argent pour s’offrir un piano à queue afin de nous honorer en musique quand nous viendrions partager des agapes chez lui. Il a obtenu le piano, ce qui n’était pas un mince exploit et démontrait à l’évidence combien on l’aimait, et jusqu’au bout, il en a joué, jamais comme un virtuose mais toujours avec passion. C’était bien sa signature d’échapper à la course de la perfection afin de jouir en esthète d’une existence libérée. Un morceau de cet instrument de musique, une touche blanche ou noire de ce piano, m’appartient à jamais, même si j’aimerais tant qu’il en ait encore la pleine jouissance et ouïr le jaillissement de ses notes sous ses doigts fins comme son esprit !

Je me souviens aussi d’un Hervé en capitaine courage d’un paradis perdu retrouvé, Barccagio, une baie du Cap Corse où il nous entraina pour des «robinsonnades» en camping sauvage qui emplissaient nos étés de soleil, d’amour et d’amitiés. C’était au début des années 80, nous étions jeunes encore, même si nos enfants courraient partout en poussant des cris d’orfraie. Une anse sublime au bout du monde, une vie sans chaînes dans un Eden bucolique, des camps de fortune que chaque famille bâtissaient en architecte éphémère où l’inventivité tenait lieu de savoir faire à coup de planches, toiles, pierres et cordages... Il y avait des puits entre les oliviers et nous nous «désalinisions» à grands coup de jets de seaux d’eau en hurlant de rire avant des soirées de partage, de bouffe et de jeux.

Au menu, on trouvait le poisson qu’il péchait pour les amis, les poulpes qu’il attendrissait et préparait à la poêle avec de l’ail et du persil pour des soupers à la chandelle des étoiles. Car Hervé, en bon vivant, était un redoutable cordon bleu, apte à improviser avec des riens afin de marier les arômes subtils, les saveurs les plus délicates... De ce point de vue, il n’était pas un fils de la Grande Bourgeoisie pour rien !

Hervé aimait le foot, nous regardions chez lui à chaque édition, les coupes du monde des années fastes, celles où l’on pouvait encore rêver, c’était avant l’Afrique du Sud, en un cérémonial païen destiné à accroitre les chances de notre équipe tricolore si mosaïque dans sa composition qu’elle nous apparaissait comme un symbole de cette France que nous aimions. Hervé aimait modérément le jeu... quelques pokers à 3 sous lui permirent de se prouver qu’il avait bien raison de ne pas être accroc... même ses enfants, Raphael et Samuel le battaient régulièrement.

Hervé aimait surtout parler, creuser, lire, se cultiver, discuter, voir des spectacles. Il aimait la musique et nous avions pris l’habitude de nous envoyer des «cassettes» (cela a existé, c’est vrai !) où nous enregistrions des morceaux que nous aimions, à faire découvrir et partager. Il vint plusieurs fois avec la belle Manu, sa femme, au Palais des Festivals de Cannes pour des soirées découvertes. Il était curieux de tout, sans jamais s’obstiner ni se prendre au sérieux.

Hervé n’était pas le père, ce rôle, c’est Philippe qui l’avait endossé à jamais dans notre phalanstère. Hervé était le grand frère dont tout le monde rêve. Les amis de la belle Nina, sa dernière réussite, sa fille, en savent quelque chose, eux qui trouvaient en lui le confident parfait, celui à qui l’on peut tout dire et qui en raconte si peu et si justement qu’il donne l’impression de n’être qu’une caisse de résonance de ses propres aspirations.

Nous avions, dans les années 90, l’âge aidant, imaginé acheter tous ensemble, un grand hôtel désaffecté, mas au soleil, pour y finir nos vieux jours, afin d’y vieillir de concert, notre maison de retraite à nous, un abri dans lequel nous saurions nous rapprocher de la mort avec sérénité, entouré de ceux que nous aimions. Utopie certes, mais si belle réalité ! Nous en avons déliré des soirées à l’inventer ce paradis où trouver la paix ! Pas trop loin de la ville pour les cinémas et les spectacle, proche de la mer, notre passion à tous, des chambres individuelles avec des lieux communs, une mutualisation des biens de culture (quelle gigantesque bibliothèque et discothèque aurions-nous constituées !), avec une répartition des tâches à la clef : Thérèse aurait ré-endossé sa blouse d’infirmière (on en aurait bien l’utilité d'une infirmière même si, n’en déplaise à Olivier, elle n’aurait plus été nue dessous !), moi, j’aurais incarné le «grand» animateur, metteur en scène des grandes fêtes, ordonnateur des pompes célestes avant de passer à celles des veillées funèbres et des panégyriques émus, Philippe aurait assumé la responsabilité de tout (comme à son habitude !), Olivier, la cave à vins et les clops (même si l’âge aidant, la nécessité d’arrêter de fumer se fait sentir !), les Espagnoles au Flamenco et à la cuisine (je sais c’est un peu cliché, elles ont d’autres qualités !), Manu l’épouse d’Hervé, la plus jeune, pour conserver nos fantasmes érotiques cacochymes, Nicole, la tenancière des tables de poker et conscience d’un principe de réalité intangible...

Curieusement, dans toute ce délire fantasmagorique, Hervé avait réussi à n’avoir aucun rôle précis, sans doute parce qu’il représentait l’archétype même du membre symbolique, unique et indispensable, bien à l’image de ce qu’il a tenté d’être toute sa vie, ailleurs et ici, futile et capital, indispensable et dérisoire, élégant jusqu’au plus infime détail...

Hervé était un sourire de la vie. Il avait une façon si particulière de vous regarder et de vous aimer. Un peu distant mais si proche, un peu caustique mais si humain, classe jusque dans les douleurs de son dos qui le terrassait dans les dernières années de sa vie.

Hervé à eu une vie professionnelle comme cette génération du baby-boom a pu l’avoir, par nécessité et sans drame : cadre à l’ANPE, lui qui méprisait au fond de lui le travail et les oripeaux de ce qu’il implique en relations sociales désincarnées !

Il a conçu trois enfants magnifiques qui représentaient vraiment ce que nous espérions tous de nos générations futures, pleins d’humour et d’intelligence, vivant même dans le regard qu’ils portent sur les autres. Il y a Raphaël le «businessman», cadre qui gagne beaucoup d’argent dans l’immobilier mais n’a jamais oublié d’en rire, et Samuel l’artiste, producteur fauché de cinéma mais qui tire son épingle du jeu et survit dans une jungle impitoyable en gardant toute son intelligence et sa finesse... Et puis il y a Nina, la petite dernière, qui est a un âge où l’on ne devrait pas vivre de drame, entre les amours et les études. Elle était avec son père la nuit ou il a décidé de s’en aller visiter les musées des fantômes de l’ailleurs.

Et puis il y a Manu, l’épouse, celle qui venait de prendre sa retraite et pouvait envisager de changer de vie pour se mettre en phase avec son «vieux» mari. Elle nous avait contacté en secret afin d’organiser l’anniversaire symbolique des 70 ans d’Hervé, une grande réunion de tous ses amis, à la mi-septembre avec surprises et amitiés en dessert. C’est aujourd’hui, samedi 14 septembre, que nous aurions du nous retrouver pour l’honorer !

Quand l’on regarde bien, Hervé a toujours été le premier. Premier de sa classe, premier à faire des enfants, premier à fêter ses 50 ans, premier à partir à la retraite... Au fond, peut-être n’est-il que justice que ce soit lui qui nous montre la voie : premier à décéder pour nous préparer aux parfums de l’automne, premier à pouvoir contempler tout ce que l’on a pas fait et que l’on ne fera plus désormais, premier à ne pas pleurer les autres, premier à nous faire sentir combien l’âge a rattrapé notre vieillesse, comme ont fuit les espoirs et les rêves, premier a se demander si nous avons vraiment vécu et pourquoi ?

Voilà, Hervé nous a fait sa révérence, avec classe et ironie, comme d’habitude, parce que c’est Hervé, et qu’il nous manque déjà !

Parfois, dans un groupe, entre amis, la fréquence des liens est intense, parfois ils s’étirent, plus lâches, comme l’est la vie tout simplement.

Ces derniers temps, coincés dans nos vies séparées, une petite faille temporelle était apparue. Il y avait bien plusieurs mois que nous n’avions plus eu de contacts. Fins de carrière professionnelle, des jours qui s’effilochent, un rendez-vous raté quand, devant partir en Corse, ils nous téléphonèrent pour une halte à Cannes avant d’embarquer à Nice... maison pleine ! Un week-end prévu à Aix... mais la famille Chauvin était partie à la campagne... C’est la vie de l’amitié, des rendez-vous que l’on rate parce qu’on a l’éternité pour les réussir. Thérèse avait envoyé, il y a quelques semaines, un mail pour renouer ce contact distendu depuis quelques mois... Il avait répondu avec enthousiasme, nous annonçant nos retrouvailles, pour bientôt, maintenant que sa Manu était enfin libérée, comme nous, des liens sacrés du travail !

Alors, on devait se revoir, manger, boire, fumer et rire...

C’est vraiment ce que l’on a fait, mais devant son cercueil, en un dernier clin d’oeil qu’il aurait aimé, avec ironie et distance, un peu hautain mais charmeur, avant de s’envoler en fumée, et ses cendres seront déposées dans l’anse de Barccagio, pour une dernière «robinsonnade» éternelle !

Combien allons-nous couper de fleurs dans les hivers qui s’annoncent ? Et quelle ironie que ce Hervé goguenard en train de nous attendre en souriant dans les vagues sereines de notre mémoire...

A toi, mon Hervé de lumières !

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Montréal is a festival !

Publié le par Bernard Oheix

Montréal en juillet a la Festimania aiguë, un délire apocalyptique où se télescopent un nombre incalculable de manifestations dans un choc culturel sans égal. Entre le Jazz à Montréal, Juste Pour Rire et Zoofest, Les Nuits Africaines et le Festival du Cirque, Festival du Film Fantastique, de la Pyrotechnie et autre Juste pour Jouer...

Le centre de la Ville est transformé en agora permanente où se succèdent concerts gratuits devant des dizaines milliers de personnes, animations de rue, démonstrations de danse où cavalcades d’échassiers sous un soleil de plomb ou un orage violent, c’est selon !

Dès la fin du Festival de Jazz, le lendemain, une équipe de 100 personnes fait table rase des scènes installées aux carrefours des artères d’un centre ville interdit à la circulation. Le quartier des Arts porte bien son nom ! De grosses machines drainant des dizaines de milliers de personnes (Wax Tailor, Amadou et Maryam, ...) s’y sont succédées, complété par des bluesmens tout droit sortis de leur bayous, des canadiens avec leurs violons et leurs accordéons, des fanfares balkaniques, un délire hallucinant complété par des concerts payants dans la vingtaine de salles qui offrent un panorama incroyable de la musique actuelle.

200 personnes avec leur tenue jaune JPR (Juste pour Rire dont le boss est Gilbert Rozon) envahissent alors les lieux pour bâtir d’autres échafaudages, des scènes circassiennes, aménager des lieux atypiques, suspendre des filins d’acier dans les airs, accrocher des formes fantomatiques aux réverbères, ériger un restaurant «Bouffons Montréal»dans des cabanes peinturlurées avec un service humoristique à la carte...en sus de la poutine !

Un délire permanent, une inventivité et une dynamique de la dynamite pure. En 22 ans de parcours Cannois, ayant vécu au coeur du Palais des Festivals pendant des saisons chargées d’évènements majeurs en tant que Directeur de l’Evènementiel, jamais je n’ai vécu une telle sensation de dépassement par la culture du mouvement, eu cette impression étrange d’être immergé par un climat où tout est possible, imaginable. Ivresse de l’action.

Il faudrait sans doute se poser de nombreuses questions. Comment et pourquoi en arriver-là, combien cela coûte, quelles sont les retombées d’un tel investissement, qui gagne et quoi ?

Il n’empêche ! Cela mérite vraiment d’être vécu de l’intérieur !

Après 12 jours de ce rythme effréné, j’ai assisté à 12 spectacles en salle, 6 concerts en plein air, mangé 35 hamburgers insupportables et bu 12 hectolitres d’un café qui n’en porte que le nom !

Et ce n’est qu’un début car aujourd’hui, Juste Pour Jouer, la manifestation dont je suis le consultant pour Gilbert Rozon, entame son parcours sur les fonds baptismaux de cette orgie évènementielle.

Le bébé est un peu rachitique, certes, il a bien failli naître mort-né... mais quelques fées veillaient autour de lui et s’il survit à son premier cri, on en fera un bel athlète apte à remporter une médaille d’or aux jeux olympiques de Montréal !

Et sans dopage s’il vous plait !

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La Nuit de la Tchache

Publié le par Bernard Oheix

C’était en mai... Chantal Veuillet, mon amie et ancienne collaboratrice, à l’époque où j’étais Directeur de la MJC de Bourg en Bresse (prononcer Bourk !) de 1980 à 1986, m’avait contacté il y a 6 mois afin de reprendre une manifestation que j’avais créé à la fin des années 80 à Mougins, la Nuit de la Tchatche, (bien avant la mode des matches d’improvisation) dans le cadre d’un Festival organisé par la Ville, «C’est pas sérieux». Vous imaginez, c’est pas sérieux... alors j’ai foncé comme un taureau devant un chiffon rouge !

Et après une période de préparation par skype et mails, je me suis retrouvé avec l’équipe actuelle de la MJC, en train de «monter» cette Nuit de la Tchache pour les Burgiens. Une co-présentatrice efficace, Christine, et quelques séances de travail pour se régler me font arriver le vendredi et le samedi, tous réunis au QG des bobos locaux, «Chez Jeanne», nous travaillons au filage de la soirée du lundi quand, levant la tête, je vois apparaître mes enfants, tout droit descendus de Paris en nous faisant la surprise. Heureux !

Nous décidons de manger tous ensemble le soir, dans un restaurant en dehors de la Ville et sommes tombés alors dans le plus beau des traquenards comme de grands benêts que nous restons et resterons à jamais !

A l’entrée du restaurant, toute la bande des jeunes de l’époque qui constituaient ma «task-force» nous attendait pour une haie d’honneur, Thérèse et moi. Une fête de retrouvailles au parfum de l’amitié. Surprise, surprise. Tous ceux qui avaient investit la MJC quand je leur avais tendu la main, et que j’avais perdu de vue depuis 25 ans, étaient présents pour une «boum des anciens !».

Emotion. J’étais arrivé en septembre 1980, Directeur de mon premier poste et j’avais trouvé un bâtiment sain dans une ville propre...mais qui sentait un peu le renfermé militant, le sérieux à tous les étages !

Alors j’avais ouvert les fenêtres et la porte à tous ces jeunes de 20/25 ans qui n’attendaient que cela et nous avons vécu ensemble 6 ans de créativité et d’un réel bonheur de faire et défaire la vie culturelle Bressane ! Et cela avait marché !

La soirée fut délicieuse et l’émotion réelle des retrouvailles comme une madeleine douce aux saveurs de la fraternité.

la «Nuit de la tchache» fut une immense réussite, mais de cela nous reparlerons dans un prochain article...

Et en attendant, imaginer que ces hommes et femmes d’âge plus que certain désormais, puissent avoir l’envie de revenir, de loin souvent, Grenoble, Annecy... sur les lieux de nos crimes, uniquement dans le but de se retrouver, nous a donné la certitude d’un bonheur à portée de mains, d’une justification, si besoin été, d’avoir partagé quelque chose de si fort et si intense, comme un bonheur qui submerge et donne une raison d’être à ce qui fut notre jeunesse.

Je n’avais que quelques années de plus que la plupart d’entre eux, ils m’ont rattrapé, mais nous avons toujours tous 20 ans dans le coeur.

C’est Chantal Veuillet et Pascal Ainardi qui avaient élaboré ce beau traquenard avec la complicité de mes enfants et de ma belle soeur ! Grâce soit rendue à tous ceux qui le méritent.

je me devais de me fendre d’une lettre. La voici donc !

Cher(e)s ami(e)s,

Comment vous décrire l’incroyable moment d’émotions qui nous a étreint à la seule vue de vos visages (certes un peu corrodés et avilis par le temps) mais aux regards encore si juvéniles. Thérèse et moi avons vraiment plongé dans un maelström de souvenirs, d’images, de petits riens et d’un grand tout qui caractérisent ces quelques années où nous sommes côtoyés, aimés, engueulés et pendant lesquelles nous avons transformé le monde...de Bourg en Bresse sûrement, beaucoup moins, hélas, de la France !

Vous avez fait l’effort de venir en la capitale de la Bresse quelques heures seulement pour retrouver le souffle ténu de nos rêves, quand on était jeune et que rien ne nous semblait impossible.

J’étais sous le coup de l’émotion lors de mon discours totalement improvisé (et pour cause !) et j’ai peur de ne pas avoir assez fait transparaître ce que représente ce moment unique de notre vie, d’insouciance et de sérieux, de passion et de création, avant tout, ce compagnonnage qui nous a permis de nous retrouver, près de 30 années après, comme si le désir d’être ensemble ne nous avait jamais quitté.

Bien sûr, il y a eu la vie, les distances, les chemins du coeur et du portefeuille qui nous ont séparés...mais combien de fois, un peu ivre, au sommet (!!) de ma gloire dans un Palais des Festivals où j’ai pu accomplir d’autres rêves, me suis-je remémoré ces heures de passions Burgiennes, cette légèreté incroyable, cet engagement sans réserve permis parce que nous étions si forts tous ensemble !

Ces ingrédients, je ne les ai jamais retrouvés ailleurs. J’ai produit les plus grands artistes, organisé des Festivals avec des moyens inconcevables, programmé 100 jours spectacles à l’année pendant 20 ans d’une vie culturelle Cannoise intense. J’ai créé les saisons «Sortir à Cannes», remonté le festival de la Pyrotechnie, développé le Festival des Jeux pour finir en apothéose avec les 20 girls du Crazy Horse (elles m’ont toutes embrassées pour le réveillon du 31 décembre 2012)...

Mais dans mes souvenirs, c’est bien la nuit de l’horreur et du polar réalisés avec des bouts de ficelle qui trônent, ce sont les éditions de SAC 1 et 2 (pourquoi donc cela s’est-il arrêté ?), le concert de Patrick Abrial, le mois Italien... c’est aussi le «hamburger» spécial de Michel Hutinel que nous dévorions entre midi et deux heures en refaisant le monde, entre deux réunions de la commission d’animation où Dominique Gauthier, Mylène et les autres s’escrimaient à inventer l’impossible en empruntant les chemins les plus tortueux, les réunions du CA avec la Mère Touton et le saucisson et le pinard à la fin en récompense, Mamie Crépon et son papier noir scotché sur les murs de la MJC, le jeune objecteur de conscience aux cheveux d’or, fier comme un bar-tabac d’être avec les grands pour s’occuper des petits, Kiki le chanteur rockeur et Chantal que j’ai embauché parce qu’elle était comme un double et que j’ai même tenté de la former... ai-je réussi ? (Apparemment oui au vu de ce brillant week-end qu’elle a organisé pour moi !), Pascal, le grand décalé marginal aux mains d’or (et c’était bien avant qu’il ne transforme mon grenier en un loft qui vous attend !) qui s’est inscrit dans le temps comme une valeur si sûre et indispensable pour notre groupe, et Jean-Claude Gayet, l’inaltérable pilier de la MJC, celui qui nettoyait (au propre comme au figuré) toutes les conneries que nous nous ingénions à concocter, et les Petitpoisson, mes amis, avec une pensée particulière pour Danielle qui a accepté d’enterrer les ombres du passé pour ne garder que la lumière, et toute la famille, mes enfants Julien et Angéla, et Sarah, les neveux et la belle soeur présents comme un cadeau sur cette soirée surprise-surprise...et les conjoints qui se sont intégrés avec tant d’harmonie...et les gens de l’AGLCA, et tous les autres, même ceux qui ont disparu...les Michon, Bernard, Maryvonne et autres Cayot, Autelain, Veylon, Durafour... Toute cette famille improbable du coeur ! Et je ne cite pas tout le monde mais ils sont présents dans les «greniers de la mémoire !!!» (le nom de notre première exposition !). Remember for ever !

Il semblerait que la Nuit de la Tchatche ai eu un certain succès...(n’est-ce point Christine ?) aussi vous propose-je de nous retrouver l’an prochain pour deux jours. Le premier sera consacré aux anciens combattants avec, par exemple une randonnée et un pique-nique dans la journée et en soirée, un repas dans un lieu adapté où je vous imposerai une épreuve : raconter au moins une anecdote qui vous a particulièrement marquée sur cette période... (et si possible qu’elle tourne en dérision l’un d’entre nous !). Vous avez un an pour la travailler ! Attention, ce sera filmé et enregistré ! Le deuxième jour, on assisterait à la nuit de la Tchache, version deux.

A priori ce serait sur un week-end d’avril... Challenge relevé ? Je n’aimerais pas vous reperdre pour 30 ans !

C’est aussi pour cette raison, qu’avec Thérèse, nous avons décidé d’offrir à chacun d’entre-vous un séjour à Cannes pour 3 jours (et plus si affinités !), dans notre loft aménagé par Pascal, les pieds dans l’eau avec la plus belle des piscines, la Méditerranée...si possible pas tous en même temps et pas pendant le mois de mai du Festival du Film, on est complet jusqu’en 2018 !

Voilà, on vous aime et on vous aimera toujours et pour finir, un grand coup de chapeau à Chantal Veuillet et Pascal Ainardi qui ont su trouver le courage de canaliser toutes ces énergies si positives au service de la plus belle des causes, celle de l’amitié.

La vie est belle de vous avoir retrouvés.

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Les 50 ans de Christine.

Publié le par Bernard Oheix

Situons le contexte... Mon amie est étrange, une copine sorcière, Christine Raggava. Elle désirait que je sois présent à son anniversaire, un chiffre bien rond qui claque comme un coup de fouet, 5O balais, circulez, y a rien à voir !

Bon, je tenais à être avec elle pour franchir cette frontière d’une demi vie, un cap particulièrement important, l’impression étrange de monter des escaliers, d’arriver sur un palier après un demi siècle et d’entamer une descente dans un temps désormais mesuré....vers l'eden ou l’enfer ?

Christine est attachante, amie de coeur, douée d’étranges pouvoirs. Elle me masse et me magnétise depuis des années. De temps en temps, elle pousse des incantations bizarres en une langue incompréhensible, puis égorge un poulet avec ses dents et asperge mon corps de son sang....

Non, c’est une blague !

Je reste un cartésien et matérialiste convaincu, mais elle est chargée d’ondes ma copine, et je l’aime comme elle est, à la fois attachante et bien plus fragile qu’elle n’y parait et que ses pouvoirs de magnétiseuse ne pourraient le laisser penser... C’est une femme qui a cherché toute sa vie quelque chose en sachant qu’elle ne le trouverait jamais, une harmonie de l’air, une perfection du sentiment, l’absolu d’un moment unique que son compagnonnage avec les mystères de la vie lui dérobent...

Elle vit avec un ami, son Raphael, un black antillais génial, un homme qui la comprend et lui offre un peu de cette sérénité et de ce fatalisme issus d’une culture qui connait le poids des ombres.

Bon, à part cela, quand on est ensemble, on boit normalement, on raconte des stupidités et on mange avec des fourchettes...

Qui dit un chiffre rond, dit discours de Bernard.

Alors je lui ai offert, à elle et à toute sa famille réunie, ces quelques mots de tendresse.

 

 

Il y a un fait avéré aujourd’hui. Tu as 50 ans ma belle Christine ! 50 printemps derrière toi... plus que tu n’auras jamais d’automnes devant toi !

Il y a deux façon de prendre la chose.

La première est d’une logique désarmante. Tu es vieille désormais, tu rentres dans l’hiver de ton existence et le crépuscule s’annonce ! On t’autorise à pleurer, ma chère Christine, toutes les larmes de ton corps, il y a assez de serpillères pour éponger ce bal des occasions manquées.

Il y a la deuxième, celle qui implique de prendre un peu de recul (sic) !

Christine, soit positive. C’est un miracle que tu aies vécu jusque là, c’est un mystère, tu as eu une chance insolente !

Car il est évident, à quelques siècles près, que l’on t’aurait brûlée comme sorcière, que tu aurais fini sur le bûcher des peurs, immolée comme la rebouteuse de l’horreur, la main gauche de la nuit, celle qui fraye avec les forces occultes... Condamnée à finir suppliciée, on ne fraye pas avec l’au-delà sans en payer le prix.

Soyons optimistes. Tu as eu de la chance finalement car à partir du XXème siècle on a (presque) cessé  de brûler les sorcières !

Tu vois, il y a du positif dans tout... même dans le fait de franchir le mur des 50 ans... qui est tout sauf un mur des cons puisque nous sommes un certain nombre à l’avoir déjà franchi, dont moi d’ailleurs... regarde autour de toi !

Analysons alors ce que tu as fait de ces quelques dizaines d’années dont tu as héritées.

Un calcul très précis me permet d’affirmer que tu as massé 6632 fois pour dispenser cet étrange bienfait d’un magnétisme que tu ne demandais qu’a transmettre. Comment j’en arrive à ce chiffre ?

J’enlève les 20 premières années de ton existence car il faut exclure les jeux adolescents du docteur et de l’infirmière auxquels tu t’adonnais comme toutes les petites filles, ces impositions de mains s’apparentant plus à des jeux érotiques qu’à des massages régénérants... mais il fallait bien que tu en passes par là, comme tout le monde, car même les sorcières ont droit à l’enfance !

Evaluant un massage par jour sur une base de 5 jours par semaine (tu as aussi le droit de te reposer les week end) et comptant 10 mois de travail par année (les deux mois restant étant consacrés à 4 semaines de congés payés et à un grand voyage en Inde où tu te rends régulièrement chez tes gourous où en Afrique qui te fascine tant, que tu tentas même de t’y installer)... cela donne : 5*4*10*30 soit 6000 massages auxquels je rajoute 632 actes en bonus pour les périodes plus intenses où tu croulais sous les rendez-vous, soit, bien la somme annoncée de 6632 fois où tu pratiquas ton art sur des corps inconnus.

D’après cette enquête très poussée, cela a permis ma chère Christine :

 

1) De redonner goût à la vie à 143 personnes 

 A 75 autres de remarcher normalement

 27 de tes clients ont pu arrêter de fumer (hélas, avec moi, cela a échoué !)

 8 suicides ont pu être évités de justesse

 Et enfin, deux hommes ont retrouvé leurs pulsions sexuelles décuplées...mais rassure-toi, je ne donnerais leurs noms et leurs numéros de téléphone que contre une somme d’argent conséquente que nous partagerons.

Si j’avais le temps de creuser un peu plus, je trouverais, il fait nul doute, bien d’autres bienfaits à tes impositions de mains confirmant l’évidente efficacité de ton art magnétique... Entendre à nouveau le gazouillis des oiseaux, retrouver le sens de l’odorat, marcher sur les mains, réinventer la vie, multiplier les petits pains...

Voilà sans doute dévoilées quelques unes des raisons qui nous permettent, ma chère et tendre Christine, de te dire MERCI, et de te supplier de t’accrocher encore quelques années.

Nos corps ont besoin de tes mains, Christine, et nos têtes sont plus sereines une fois que tu as dompté nos flux intérieurs.

C’est pour cela que nous sommes fiers d’être avec toi en ce jour anniversaire de la moitié d’un siècle.

50 ans et après ?

Tu es belle comme un soleil brun, tu as trouvé un authentique trésor des caraïbes avec Raphael, tu as des enfants qui sont magnifiques, alors accroche-toi... Il faut que tu me masses la semaine prochaine... et le mois prochain... et toutes les années jusqu’à l’extinction de tes forces, vers 2075 après Jésus Christ.

Merci Christine et bon anniversaire !

 

Voilà, c’était le dimanche 28 avril, à Aix en Provence, et si vous pensez que j’exagère, j’ai son numéro de téléphone.

A bientôt Christine !


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Lasers (toujours) à rien !

Publié le par Bernard Oheix

Un des épisodes le plus ridicule de toute ma carrière : il méritait bien un petit coup de rétro-projecteur !

Alors, si vous voulez vous moquer de moi, pas de problème, ce ne sera rien à côté de ce que j'ai vécu en cet été 1990 et comparé au souvenir cuisant de mon échec !

Le Laser, à ne pas mettre entre toutes les mains et à déguster à toutes petites doses !


Eté 1990. Une nouvelle municipalité s’est installée à Cannes avec Michel Mouillot à sa tête. Françoise Léadouze est une adjointe à la culture passionnée, mère Térésa des « sans culture », révolutionnaire humaniste persuadée qu’elle peut transformer la réalité à coups de rêve. Elle nous booste, bobo avant l’heure, et nous oblige à trouver du sens à notre action.
Nous sommes une équipe jeune, celle de l’Office de la Culture, Une dizaine de filles dont je suis le directeur-adjoint, chargées des manifestations. Elles sont issues de stages, de Tuc, de bric et de « broque », manquent cruellement d’expérience mais compensent avec une farouche volonté de bien faire, une capacité de se dépasser et d’accomplir des miracles. Elles sont jeunes et belles, et moi, moins jeune mais toujours rêveur ! 
Et justement, en ce mois de mars 1990, le miracle a eu lieu. Dans mon esprit torturé, mon imagination débordante a encore sévi. L’espoir fou de marquer l’histoire (de Cannes !) et de laisser une trace indélébile me provoque une acné tardive et entraîne toute mon équipe dans un de ces cauchemars récurrents dont je suis un grand spécialiste. 

Tout est venu, à ma décharge, d’une rencontre avec un Belge trop amateur de bière dont les effets néfastes sur son équilibre intellectuel le poussa à me proposer d’illuminer la rade de Cannes avec des lasers dont il faisait la promotion et la commercialisation. Il me dessina si bien le tableau de ce qui adviendrait, que je la voyais cette immense baie, éclatante de soleil de nuit, croulante sous les faisceaux se décomposant en myriades d’étoiles, découpée comme les remparts de Carcassonne, montagnes de lumières assemblées par un architecte divin. C’était moi, ce Dieu de l’impossible, j’allais montrer à quel point le désir est capable d’imposer sa loi à la réalité. 

Le projet consistait à illuminer la Croisette à l’aide de lasers, à l’entracte d’un concert qui se déroulait sur le parvis du Suquet, la colline qui surplombe Cannes de son clocher où se déroule un festival de musique classique. Pour corser l’affaire, nous avions récupéré l’écran géant du stade de foot (à l’époque, Cannes avait une bonne équipe… Zidane, Vieri, Micoud…etc.) pour l’installer sur le parvis du Palais des Festivals afin de retransmettre le concert en « direct live ». Il manquait juste une montgolfière pour y accrocher des miroirs réfléchissants qui renverraient les lasers vers les cieux cléments. Une bagatelle somme toute au vu de ce que nous envisagions. 

Je me souviens alors, de ces nuits de repérages au port Canto, à la pointe du Palm-Beach, des essais pour aligner les faisceaux sur les palaces, visant des disques minuscules qui permettaient de faire diffracter les pinceaux lumineux. Du phare du quai du vieux port pour cibler la pointe du Palais et même la colline du Suquet. Pour être honnête, j’avais l’impression très nette de ne rien voir mais vu les exclamations enthousiastes des techniciens belges, je mis sur le compte de ma fatigue et de mon inexpérience cette absence d’émotion…ce qui aurait dû m’alerter. 
Et puis, nous avions tant de choses à préparer. Trouver la montgolfière, organiser le transport de cet écran géant, obtenir les autorisations de la marine, de la sécurité, ceinturer le parvis du Palais, tirer des tracts dont le titre alléchant explosait en un : « illumination aux lasers de la Baie de Cannes » comme un vœu qui allait rapidement devenir pieux. 

Le soir du concert arrive, l’Orchestre de Vienne interprétant des valses, dirigé par un chef autrichien hilare devant le bordel ambiant. Inquiétude générale. Au dernier moment, les lasériens belges nous demandent un bateau pour étendre un rideau de fumée sur la mer trop étale et claire. Imaginez le ridicule d’une barcasse avec un enfant de Wallonie en tête de proue, le bras levé comme la Victoire de Samothrace, qui dégage à l’aide d’un fumigène un maigrelet trait de brouillard qui se fond dans la vastitude du plan d’eau. Qu’à cela ne tienne ! Il faut désormais boire jusqu’à « l’hallali » cette coupe frelatée de mes propres délires. 

Pendant la première partie du concert, le vent se lève et la nacelle de la montgolfière arrimée au bord de l’eau se couche sur l’eau, endommageant irréversiblement le matériel et faisant courir des frissons auprès des spectateurs inconscients qui batifolent autour du ballon secoué comme un prunier. Un effet à l’eau, déjà, et en l’occurrence, ce n’est pas qu’une image ! 

Le public, aussi bien dans l’enceinte du Suquet que sur le parvis, chaloupe et tangue dans la tempête qui se lève. Une nuit de soufre. A l’entracte, le maire de Cannes et les invités de marque se massent au bord du muret dans l’attente du flamboiement de la baie. Après quelques minutes d’intense attente, un filet vert s’échappe presque par hasard du port Canto. Frémissement dans la foule. Enfin le spectacle commence. Las, c’était l’effet final ! Deux doigts anémiques se courant l’un après l’autre, tentant vainement d’accrocher l’attention et de s’imposer devant le grand vide de la baie ouverte à mon désespoir. Je disparais derrière les buissons et me cache aux yeux de tous. Séparé des officiels par un rideau de buissons, j’entends les commentaires fuser, portant tout autant sur le ridicule des lasers que sur la température trop élevé de la coupe de champagne où sur les petits fours rances que le traiteur nous avait refourgués. Certains même se gaussent de moi et je ne peux les en blâmer, sincèrement, j’avais autant envie qu’eux de me moquer de moi. J’ai honte comme rarement un directeur peut avoir honte. Le voile rouge devant les yeux, la gorge nouée, c’est Sophie mon adjointe et Françoise Léadouze qui viennent me déloger de ma tanière. Elles tentent maladroitement de cautériser les plaies à vif de mon orgueil et ne réussissent qu’à me rendre ombre qui marche, zombie de la culture, pâle ectoplasme du pouvoir de faire.
La deuxième partie du concert fut un feu d’artifice (enfin) d’humour et de déraison. C’est comme si un vent de folie venait doubler les rafales qui soulevaient les tentures du Suquet. En bas, sur le parvis, des milliers de personnes valsaient en riant de cette fête impromptue et gratuite où le grain de la déraison dispensait ses vapeurs hilarantes. 
Pourtant, sur ma vespa, j’entendais, encore et toujours, rire des fameux lasers qui avaient inoculé une dose confortable de ridicule dans l’ego et les couleurs d’un directeur dérouté ! 
La conclusion. Le lendemain, Michel Mouillot m’attendait dans son bureau de maire. En entrant, dans mes petits souliers, je m’excusai platement…Eclats de rire ! J’ai rarement vu le maire de Cannes rire autant et si franchement. Il en avait les larmes aux yeux de me raconter son attente des lasers. Il doit s’en régaler encore et j’entends sa voix me glisser entre deux hoquets : « Oheix Bernard, il n’y a que les imbéciles qui ne se plantent pas… mais là, vous avez fait fort !!! Par contre si les huiles ont pâti d’être sur les hauteurs, mes électeurs étaient en bas et se sont bien amusés. Bon, avertissez-moi quand même si vous avez une autre idée de ce genre ! » 
Et la vie a continué… comme quoi, on survit au ridicule… même si, quand j’entends parler de lasers belges, je me mets à avoir des palpitations et que le rouge me monte au visage.

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Michèle, ma belle, sont des mots...

Publié le par Bernard Oheix

Situons l'affaire. Le service de la billetterie du Palais des Festivals est dirigé depuis plus de 20 ans par une personne haute en couleur, au caractère bien trempé. Michèle Gastaldi. L'âge de péremption, qui nous guette tous, arrivant à grand pas pour elle, son équipe décide de lui organiser une fête surprise et me charge de lui faire un discours pour son départ à la retraite. Ma réputation de "discoureur" n'étant plus à faire en ce lieu que j'ai hanté pendant plus de 20 années où je l'ai côtoyée au quotidien... Mission complexe !

J'ai donc entamé mes déambulations oratoires en l'invoquant, annonçant que, par ce fameux principe de l'arroseur arrosé, elle avait eu vent de l'affaire et m'avait contacté afin que je lise son propre discours. On n'est jamais si bien servi que par soi-même !

Et j'ai donc présenté ce qui était sensé être sa prose. Et elle a pleuré... même si les autres ont beaucoup rit...

 

 

Moi, Michèle Gastaldi, âgée de soixante et... (Bip), saine de corps et d’esprit, même si certains peuvent en douter, en mon âme et conscience, déclare faire don de moi-même et du reste d’ailleurs au Palais des Festivals de Cannes...

Car qui mieux que ma personne peut symboliser les dernières décennies de ce Palais des Folies de Cannes ?
Qui mieux que Michèle Gastaldi, peut vous replonger dans la préhistoire de la Semec, la Société d’Economie Mixte pour les Evénements Cannois. J’étais presque là quand ils ont créé le Festival du Film, (bon, j’exagère un peu quand même...), j’étais toujours là quand ils ont abattu le vieux Palais, j’étais une des premières à occuper un fauteuil dans le nouveau bâtiment ultra laid qu’ils ont érigé et qui portait bien son nom de bunker, je me suis lové dans ce bureau de la vente des billets avec la satisfaction d’avoir atteint mon but...C’était dans la décade avant la dernière décade du précédent millénaire... Vous suivez ?
Au début c’était dur, on attendait les clients comme le messie (pas le footballeur, j’ai jamais aimé les footballeurs même si leurs jambes musclées et fuselées parfois me le faisait regretter), faut avouer qu’on avait (presque rien) à vendre, Jean-Pierre Carriau ne venait qu’une fois par an avec sa Performance d'Acteurs, Bernard et Sophie n’étaient pas encore dans nos murs et ne programmaient pas ces concerts bizarre de nègres chanteurs ou de rappeurs hurleurs, ces cirques à moitié cinglés de déjantés, ces ballets modernes où l'on se trémousse sur la scène... Non, non, au début, j’avais pas de clients mais des vrais spectacles, du théâtre bien de ce soir, des danseuses en tutu de Ballets Russes, des chanteurs à voix de la variété française, des musiciens vraiment très classiques...enfin des choses normales, quoi !
Bon, c’est vrai que c’était pas facile techniquement. Tout était manuel. J’avais bien formé mon quarteron de filles à faire des beaux traits avec des belles couleurs sur des plans papiers des salles et je pouvais gommer et mettre qui je voulais ou je voulais...
Mais Michel Lefrancq, le Directeur fiancier de l'époque, m’a obligée à passer à l’informatique, et du coup, il a fallu que j’apprenne à pianoter sur l’écran, à maîtriser des codes, les listing si froids, les soldes jamais justes...avec le crayon, c’était plus facile, un coup de gomme et hop, l’opération s’équilibrait... Non, c’est dur de vivre la mutation...mais je l’ai fait !
Et puis il a fallu que je m’adapte aux cinglés de l'Evénementiel. Cela a été le plus difficile pour moi. Ils voulaient toujours avoir raison. Moi, je leur disais, faites moi des ballets russes le 31 décembre, et eux, ils programmaient de l’Opéra de Pékin avec plein de chinois et leurs couinements de sauvages qu’on a toujours l’impression qu’ils se coincent les roubignoles dans le sas du Grand Audit, ou même des rockers que je savais pas qu’ils étaient encore vivants, l’iguane, un mec qui se retrouve à poil sur la scène et éructe des mots que l’on ne comprend pas vu qu’ils sont couverts par la musique, et quand je dis musique ! Ou l’autre drogué de Pete Doherty que les filles lui envoyaient leur petite culotte, même que je me suis laissée emporter et que je lui ai envoyé ma culotte petit bateau... il n’en a pas voulu et me l’a renvoyée... Après ces soirées, c’est moi qui devait m’expliquer avec les abonnés, c’est à moi qu’ils confiaient leur désespoir...
Parce que pour bibi, c’est un service public que j’assumais. Les autres, la haut, ils avaient bien construit comme si c’était une révolution, un système d’abonnement et de réseau de relais... Mais qui les dorlotait individuellement, qui les coucounait, leur offrait un chocolat dans son bureau, qui donnait de sa personne pour les convaincre de résister et d’accepter que le monde change... Et Dieu sait s’il mutait ce monde incompréhensible !
J’ai été une mère poule (et celui qui dit mère maquerelle, je lui défonce la tronche !) de mes filles de la billetterie. Et que je te les formes à avoir un beau sourire, et que je choisisse leur soutien gorge, et que je te les manage pour monter des horaires à faire rêver un Philippe Lougarre, l'actuel Directeur Financier, obnubilé par l’idée de faire du chiffre, (...mais monsieur Lougarre, c’est pas moi qui programmait, hélas, c’est eux) , et que je m’occupe de leurs soucis, de leurs amours trahis, de leurs bobos...

Mais je suis fière de cette belle aventure. Je dois reconnaître, que j’ai même aimé quelques uns des spectacles des autres olibrius, que parfois, j’ai eu des compliments de la part de mes abonnés chéris, et que au fil du temps, j’ai eu la très nette impression que je pourrais rester éternellement derrière mon bureau, près de la cave, sans fenêtre, avec l’issue de secours où tous les jeunes drogués du coin venaient se soulager la vessie, à vendre pour l’éternité des spectacles qui n’étaient même pas Julien Clerc où Le Lac des Cygnes....

Et si je restais d’ailleurs, si je rempilais pour une petite décade ?
Quand Bernard O. est parti, pour être honnête, j’y ai sérieusement pensé... Je me disais, enfin, il se casse le pornocrate du Crazy Horse, on va enfin programmer des choses sérieuses... Mais quand j’ai vu que l’autre blondasse qui lui a succédé me faisaient un Lac des Cygnes avec des vrais cygnes qui chient partout sur la scène et des danseurs qui se vautrent dans des baignoires, ou un Benjamin Bioley qui est quand même le chanteur qui a le moins de voix de toute la planète, et qui est le dernier à se dire de gauche et à ne pas se tirer en Belgique, ou encore deux aveugles qui en plus sont noirs (est-ce que c’est une excuse, non mais !), je me suis dit, «-Ma Michèle, ils ne t’auront pas.. Passe la main, donne les clefs à Alexandrine, et part sur la route accrochée aux basques de ton motard, la route 66, mais sans Bob Dylan, siou plait, occupe-toi de toi-même, pense à toutes les années qui te restent pour faire ce que tu désires, ce que tu aimes... Je pourrais même militer de nouveau, avec les trotskistes cette fois-ci...ou ailleurs, aller à la pêche, faire du tricot, garder mes petits enfants (mais qu’est-ce ça hurle un chiard!), et peut-être qu’un jour, par erreur, sans le savoir, l‘Evénementiel programmera un bon théâtre avec des acteurs sympathiques comme je les aime, un Darry Cowl ou une Simon Valère (merde, c’est vrai, ils sont morts...) dans Mon cul sur la commode, ou un superbe Bolchoï (quoique depuis que Depardieu est Russe, je doute même de leurs opéras et de leurs ballets)... ou Michel Sardou que j’aime secrètement depuis que j’ai l’âge de regarder les garçons... Bon, il y en aura bien un de temps en temps de spectacle comme je les aime, c’est pas dieu possible...
Et ce jour là, je demanderai une invitation, je râlerai parce que l’on entend rien, je critiquerai les acteurs et le son trop fort, et la lumière qui aveugle, et je sortirai la première pour ne pas faire la queue au parking,...
Et je serai contente, cela me rappellera tout ce que j’ai subi pendant tant d’années en service commandé de la culture au Palais des Festivals de Cannes...
Et je rirai à gorge déployée...même si aujourd’hui, j’ai envie de pleurer parce que je vous quitte, un peu, beaucoup, passionnément...
La vie continue mes amies, je sais que à jamais, dans un fauteuil de ce Palais magnifique, il y aura toujours la forme de mes fesses pour vous narguer et vous obliger à penser à moi !
Je vous aime toutes et tous et merci de m’avoir supportée... toutes ces années de bonheur !


Bernard Oheix

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Belmondo, un rendez-vous raté !

Publié le par Bernard Oheix

 

Repas de Gala des 25 ans des Rencontres Cinématographiques de Cannes, l'autre Festival de Cinéma de Cannes, celui de décembre, de l'Art et Essai, des stages pour les jeunes désirant apprendre à écrire, des cinéphiles aux cheveux blanchis par les innombrables pellicules ingérées, de tous les amateurs en attente de la folie du mois de mai. Gérard Camy, le Président de Cannes Cinéma avait bien fait les choses, réunissant (presque) tous les directeurs qui au fil du temps avaient géré la manifestation, sur la scène du Palais Marriott et dans une belle salle d’un hôtel pour un dîner de gala avec des invités de prestige.

J’en faisais partie puisque pendant 2 éditions, j’ai eu le privilège d’en assurer la direction, juste au début de ma carrière au Palais des Festivals, il y a bien longtemps, quand j’étais presque jeune et que j’avais encore des cheveux bouclés !

C’est en voyant un des invités que je me suis levé afin de lui raconter une belle anecdote le concernant...

 

 

Assis, il porte bien son âge, prestance d’une icône du cinéma, l’homme qui révéla une nouvelle façon de filmer sous l’oeil de Godard, qui enchaîna les succès même si certains fleuraient par la suite un peu trop ce cinéma de comédies à la Française. Belmondo, un mythe à ma table, une personnalité attachante dont les déboires actuels n’en provoquent que plus d’attachement envers ce personnage si haut en couleur.

-Monsieur Belmondo, puis-je prendre quelques minutes pour vous narrer une histoire qui vous concerne directement....

Il a eu un grand sourire charmeur, à la Belmondo flamboyant, et m’a encouragé pendant que Daniel Prévost à ses côtés s'esclaffait...

-Figurez-vous que j’étais, jusqu’au mois de juillet, le Directeur de l'Evénementiel Cannois, et à ce titre, je programmais les saisons culturelles de Cannes. Un bon programmateur rêve dans sa vie de programmateur d’accueillir au moins une fois Bebel et Delon... Bon, Alain, c’est jamais facile, 3 fois j’ai failli mais à chaque tentative, il y avait annulation de la tournée et l'affaire capotait...

Me restait donc Jean-Paul Belmondo qui ne tournait plus au théâtre depuis de longues années sauf  qu’en 1999, pour la naissance du nouveau millénaire, j’apprends que vous partez en tournée avec Frédérick ou le boulevard du crime, une pièce d’Eric Emmanuel Schmitt qui avait obtenu un Molière, dans une mise en scène de Bernard Murat.

Imaginez... J’ai sauté sur l’occasion, elle trop belle la mariée. J’ai donc signé pour deux séances, les 7 et 8 janvier 2000 à la salle Debussy du Palais des Festivals de Cannes.

J’étais fier, Monsieur Belmondo, heureux, presque Dieu pendant quelques temps ! Pouvoir vous recevoir !

Les ventes de billets s’envolèrent jusqu’à solder même les strapontins, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je me promenais chaque jour dans le Palais en sachant que mon jour de gloire se rapprochait, que votre venue coïnciderait avec l’extinction des lampions des fêtes de cette fin d’année exceptionnelle. Moi aussi, je m’étais hissé à la hauteur de l’an 2000 puisque je vous aurai en chair et en os sur les planches de Cannes !

Las ! Le 3 janvier 2000, un incendie se déclarait dans les cuisines du casino jouxtant la salle de théâtre rendant impraticable la réception du public et je dus, la mort dans l’âme, après avoir tout tenté, annuler les 2 représentations sans possibilité de les reporter, votre programme de tournée étant figé depuis bien longtemps et les autres salles de Cannes trop petites pour contenir votre décors..

Voilà Monsieur Belmondo, la triste histoire de la seule programmation de Jean-Paul Belmondo que j’ai effectué, un rendez-vous raté... et ce n’était ni de votre fait, ni du mien !

 

J’ai vu son visage s’illuminer, les convives rire et un zeste d’émotion traverser la table...

Jean-Paul, lui, m’a lancé un clin d’oeil amical, une oeillade complice. il ne m’a pas proposé de reprendre rendez-vous... Trop tard pour moi il fait nul doute, mais quand il s’est levé péniblement marchant vers la sortie, engoncé d’un corps malhabile qu’il ne maîtrise plus que partiellement, j’ai compris qu’il n’y aurait plus jamais son étoile sur les scènes de Cannes comme d’ailleurs. L’histoire a rendez-vous avec son passé, le futur de Belmondo s’écrit désormais au présent.

Merci Monsieur Belmondo de m’avoir écouter si gentiment et de m’avoir restitué un peu de cette magie dont un incendie stupide m’avait privé, il y a 12 ans !

 

BO-Bebel-Camy.JPGBerand Oheix, Gérard Camy et mon rendez-vous raté, jean-Paul Belmondo avec ce sourire si particulier que les années ne peuvent effacer !

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