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histoires vraies

2012 versus 2013

Publié le par Bernard Oheix

2012 aura été une étrange année.

Entamée en roulant des pelles à n’en plus finir à 20 girls du Crazy Horse (sic), elle se sera achevée sous les oripeaux d’une rombière blonde aux gros seins en train de laver son «Linge Sale» applaudie par le public.

Entre ces deux évènements, tant d’heure et de moments si forts.

Les 6 deniers mois d’une vie d’un directeur comblé par sa vie professionnelle en un bouquet final. Concerts magique de Hubert-Felix Thiéfaine, enfin dans ma programmation après tant de tentatives infructueuses, recréation du Canto General de Mikis Théodorakis, moment sublime de ce chant de Pablo Néruda en hommage aux hommes en lutte dans une France en train de se déchirer entre les directs d’un Sarko «ultradroitisé» et la poussée d’un Hollandais apoplectique, mes vieux complices d’Huun Huur TU en train de «diphtoner» si loin de leur steppe, Ballaké Sissoko (même avec Vincent Segal !) nous emportant dans des zones musicales inexplorées et ce dernier concert des Voix Passions, avec mes amis d’A Filetta, mon complice Nilda Fernandez, mes potes du Corou de Berra, ma princesse malgache Taliké et même Julien (mon fils) et Sarah en train de m’offrir une aubade à faire pleurer mon coeur de tous les bonheurs de la vie.

Mais aussi Philippe Genty si loin des marionnettes et si proche des humains, ces «voyageurs immobiles» qui parcourent une histoire en raccourcie de l’homme. L’horreur viscérale des «Amis du placard» avec Romane Bohringer et Didier Benureau en train de s’inventer des amis dans une société qui ne sait plus regarder l’autre, avec en corollaire, «Le Repas des fauves» (3 Molières 2011) où la part d’humanité des individus s'éteint sous le joug de la peur et de l’égoïsme...

 

Et puis vint ce 1er juillet 2012, où comment et quand on peut arriver à la retraite dans le bonheur. Premier Directeur du Palais à partir effectivement à la retraite (mais que sont devenus les autres !), dans l’harmonie d’un départ maîtrisé, succession assurée avec Sophie Dupont, mon adjointe depuis des lustres qui se colle à la mission de régénérer et de donner un nouvel élan à la fonction de Directrice de l'Evènementiel (et Dieu sait comme elle réussit brillamment dans ce challenge pas évident !). Un président, David Lisnard et une Directrice Générale Martine Giuliani me tendant la main pour conclure ce beau parcours entamé au Palais des Festivals de Cannes il y a plus de 20 ans. Et même Bernard Brochand, le Maire de Cannes, décidant de m’offrir la Médaille d’Or de la Ville de Cannes, seule décoration que j’aurai glané dans ma carrière, mais ô combien symbolique et appréciée par l’iconoclaste que je suis resté tout au long de ces années.

Coeur de midinette, peut-être, mais tournant dans une existence, satisfaction du devoir accompli, libération des contraintes et possibilité d’entamer une dernière tranche de vie.

 

Cette année 2012 aura été aussi celle du voyage. La découverte enfin du continent Africain avec 3 semaines au Sénégal dont 8 jours en Casamance. Chaleur et amitié, plongé au coeur d'un peuple, dans une mission catholique de Thiais, entouré de prêtres à vous donner le désir de croire en un Dieu de miséricorde même pour un athée comme moi.

Et pour fêter cette retraite, la Crète en août, en famille avec enfants et conjoints, le pays de mon ami et associé Richard Stephant, producteur de spectacles, le soleil, la mer, des gens adorables plongés dans une crise qui dépasse l’homme mais n’altère en rien leur gentillesse !

 

Et puis le travail aussi puisqu’il y a une vie après la retraite. Une Direction Artistique des Nuits Musicales du Suquet avec des artistes magiques (Nigel Kennedy, Fazil Say, un Mozart visionnaire, Juliette et Sarah Nemtanu, William Sheller, Laure Favre-Kahn et Charles Berling), complet tous les soirs dans la ferveur d’un public séduit par leur talent et leur générosité...

Et comme un bonheur ne vient jamais seul, mon ami Gilbert Rozon qui me propose de monter avec son équipe un Mondial des Jeux à Montréal toiut comme la ville d’Atlantic City qui souhaite monter un Festival Pyrotechnique sur mon nouveau concept de «Battles»... même s’ils se font désirer et ne nous donnent toujours pas leur décision définitive !

Alors bonheur complet avec la reprise de la pièce de théâtre Linge sale en novembre pour 6 séances au Théâtre Francis Gag où j’ai vécu enfin la vie de ces comédiens que j’ai accueillis pendant des années de programmation intensive... Qualité humaine des comédiens professionnels talentueux que j’accompagnais dans un rôle taillé sur mesure pour moi par jean-Claude Grumberg, une blonde, une Martiniquaise et pour finir, un technicien de l’ombre mis en lumière !

Presque complet car le 22 novembre, dans la nuit de la dernière représentation, mon père disparaissait, jetant une note trouble dans ce qui était un parcours vers la plénitude.

Comme tu me manques.

 

Mais l’année 2013 se pointe. Elle est déjà là.

Et je sais que la vie est encore belle et que nous ferons encore des plans sur la comète. 

Je vous souhaite beaucoup de bonheur et mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année. Puisse-t-elle être chargée de tous les vents de l’amitié, de la rencontre, du partage et de l’émotion artistique si nécessaire à l’équilibre de l’être humain.

Oui, il y a une vie après le labeur et vive la retraite à 61 ans et six mois !

 

Bain-petite.JPG

 

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Mon ami Lili Boniche

Publié le par Bernard Oheix

Une des plus belles et étranges rencontre de ma carrière... Le désir de la repartager avec vous ! Lili Boniche, juste une autre époque, un temps évanoui mais dont les sons sombres et mélancholiques remontent malgré tout jusqu'à nous. Ecoutez Ana el Owerka et vous comprendrez mieux l'automne et ses feuilles qui tombent en enterrant nos espoirs. Lili, son sourire et sa voix chaude me manquent...je l'ai croisé, un souffle d'orient avec panache !

 

 

 

Lili Boniche la légende de la musique orientale. J'ai eu la chance, l'honneur, le plaisir de le rencontrer dans des conditions particulières. Il vient de mourir, ce 19 mars 2008. Il est une de mes plus surprenantes aventures culturelles, le produit d'une séries de coïncidences rares, la preuve que le hasard fait parfois bien les choses. C'est ce que je raconte dans ce texte.

Il me reste quelques inflexions de sa voix chaude, le regard pétillant d'un vieux monsieur toujours jeune, l'impression réelle d'avoir pressenti son come-back, mieux, d'avoir ajouté une pierre à sa légende. Je l'ai redécouvert à un tournant de sa vie, anticipant cette mode qui allait lui permettre de revenir pour une dernière apparition sous les feux de la rampe. Modestement, j'ai eu un peu flair et beaucoup de  chance en ce mois de juin 1998.

Et pour ceux qui douteraient du génie de cet homme, achetez son disque dans la collection "trésors de la chanson Judéo-Arabe", vous serez convaincus !

 

Le temps est une valeur relative. Quand on regarde derrière soi, on discerne cette fuite, ce fil discontinu qui nous éloigne toujours plus du passé mais que la force des émotions conserve intact. J'avais ouvert cette saison culturelle avec un concert d'exception de Lili Boniche, cette légende vivante des rapatriés d'Algérie qui, après une longue éclipse causée par son amour pour une comtesse russe, avait repris sa guitare à plus de 70 ans et, par un concours de circonstances particulièrement savoureux, s'était retrouvé sur la scène d'un Palais des Festivals comble. Un peu plus de cinq mois s'étaient écoulés depuis ce jour et il me semblait suivant l'optique avec lequel on le regardait, qu'une éternité nous en séparait ou, à contrario, qu'un simple claquement de doigts avait chassé ces innombrables spectacles que nous avions proposés, s’enchaînant sans répit, semaines après semaines, les week-end se télescopant dans la mémoire vive en un tourbillon de notes et d'images.

Ce concert était né dans des conditions étonnantes. Il y a  plus deux années, mon ami d'enfance Jean-Paul Bertrand, avec qui j'avais traversé une décennie universitaire et les fièvres des soubresauts qui agitaient le monde de l'après 68, m'avait apporté un supplément de Télérama, un CD des étoiles de la musique algérienne incluant toutes les stars de la chanson judéo arabe autour de Reinette l'Oranaise, Blond-Blond, Cheikh Zekri et autres légendes de Radio Alger. A l'écoute du disque, juste derrière le "A Vava Inouva" d'Idir, une plage m'avait envoyé un véritable électrochoc, une décharge rare, capable de secouer et de lancer des ondes de bonheur, un morceau de musique, "Ana el owerka", complainte qui déchirait l'air, hors du temps et de l'espace. Sur le thème d'une feuille morte tombée de sa branche que le vent emporte et que les gens piétinent, le chanteur,  avec une voix de gorge  particulière qui lui permettait des crescendo sur les couplets pour revenir à la rugosité de l'arabe sur le refrain, exhumait un chant enfanté dans l'ombre d'un pays de soleil. Accompagné par une base piano, violon tsigane et derbouka, accordéon en sourdine et guitare en contrepoint, la voix s'inscrivait dans un tissu de sons chauds, un étrange tango en glissando, variation subtile naissant dans les  bouges enfumés d'un Orient mystérieux pour parler du malheur et de la solitude de l'homme, de la fatalité et de la grâce intemporelle.

 L'interprète de "Ana el owerka", Lili Boniche est tout droit sorti d'un livre d'histoire. Né en 1921 dans la casbah d'Alger, descendant d'une famille modeste de juifs expulsés d'Espagne par Isabelle la Catholique, ses prédispositions musicales extraordinaires lui permettent d'être placé comme élève de Saoud l'Oranais, un des maîtres de l'Haouzi, dérivé populaire de la musique classique arabo-andalouse. A treize ans, il a assimilé ce répertoire et découvert les subtilités du luth, faisant vivre une nombreuse famille en jouant dans toutes les fêtes religieuses et profanes de la communauté juive ou arabe. C'est une star qui aura son émission sur Radio Alger et va entreprendre de moderniser son style en le confrontant aux rythmes modernes du jazz et des "afro-latins", débouchant même sur le "francarabe", un langage qui remonte aux sources des deux cultures et offre des pasos endiablés, des rumbas envoûtantes, des tangos exotiques qui font danser tout le Maghreb. C'est au cours de ses missions, au tout début des années cinquante, que François Mitterrand le découvre dans un cabaret d'Alger, venant tous les soirs à l'heure de son passage et lui donnant sa confiance et son amitié. Bien des années après, devenu Président de la République, il l'invitera régulièrement à donner des concerts privés, autour de la famille au rang de laquelle Roger Hanin, le beau-frère, le futur gardien de la mémoire, trônait dans sa masse imposante de géant débonnaire. La relative éclipse de Lili Boniche, due à une vie privée passionnée et à des choix professionnels parfois surprenants qui l'écartèrent des scènes et de la musique, n'entamera jamais son aura et le crédit de tous ceux qui l'ont connu et ont eu le privilège de communier à ses concerts.

J'ai bien trouvé un disque dans les rayons musiques du monde sur les trésors de la chanson judéo arabe à la FNAC, rencontré deux pieds-noirs qui connaissaient Lili Boniche et me parlèrent abondamment de lui et de leur jeunesse dans un Alger de soleil si loin des turbulences,  mais j'étais incapable de le situer et de trouver un agent, un producteur ou un tourneur qui m'auraient aiguillé vers cet homme entouré d'un mystère et d'un prestige qui, conjugués à ce morceau de musique que j'écoutais en boucle, me le rendait attirant et étrange. Dans les guides du show-biz, il brillait par son absence et je désespérais de réussir à nouer un contact quand mon ami Jean-Paul, celui même qui me l'avait fait découvrir, mit la main sur un article qui parlait de lui et d'un sondage qui classait une de ses chansons en numéro deux de Radio Alger, toutes époques confondues, et le situait vivant en reclus sur la Côte d'Azur. Après avoir pianoté sur le minitel, un Elie Boniche s'étalait sous mes yeux et l'adresse indiquée, à ma plus totale stupéfaction, portait le nom de ma rue, à cinquante numéros et quelques centaines de mètres de ma demeure, une villa accotée à une station service devant laquelle je passais tous les jours, dissimulées derrière une haie de cyprès, mélange pimpant de murs blancs avec des motifs bleus et jaunes qui lui donnaient un air coquet et méditerranéen.

Je n'ai fait que suivre mon instinct en sonnant à sa porte et j'attendais dans le tintinnabulement du carillon quand un vieux monsieur m'ouvrit et d'une voix qui chantait le Sud me demanda ce que je désirais.

-Excusez-moi, mais je cherche monsieur Boniche, Lili Boniche.

-C'est pourquoi ?

-Ecoutez, c'est un peu long à expliquer, mais je suis directeur au Palais des Festivals et je souhaiterais lui dire quelques mots à propos d'un disque que j'ai écouté et dans lequel il joue un morceau de musique qui s'appelle "Ana el owerka".

Un immense sourire a illuminé son visage parcheminé, une joie enfantine qui faisait briller ses yeux et le rajeunissait d'un seul coup, gommant des années d'usure, effaçant un lacis de rides et laissant sourdre une fierté qui l'irradiait.

-Entrez, venez, on va parler de tout cela.

 

Deux heures après, devant un énième pastis et des tonnes d'olives pimentées, dans la fumée des cigarettes qu'il consommait sans mesure, de sa voix rauque en s'accompagnant à la guitare, il me faisait découvrir ses dernières compositions, me racontant l'Algérie du soleil et de l'amour, les caves des rencontres musicales où les musiciens classiques juifs et musulmans enrichissaient la musique andalouse en se frottant aux rythmes d'un monde nouveau, les perpétuelles nuits de douceur d'une culture qui vivait son agonie et ne pressentait pas les convulsions qui la guettaient. Les douces sonorités du "chaâbi" allaient bientôt se fondre dans le fracas des explosions et du déchirement, les frères se haïr et se partager l'horreur en un tribut que plus rien n'effacerait. Lili Boniche, Juif et Arabe, Français et homme du monde, musicien de génie aux ailes rognées par le destin, m'offrait un concert exclusif, juste présent et attentif au temps des regrets, mélancolie des heures révolues.

 

-L'an prochain, si vous en êtes d'accord, vous m'ouvrirez la saison culturelle, je veux vraiment vous offrir une scène dans votre ville, un public, je veux vous partager avec les autres.

-Vous savez, pour les mariages, les bar-mitsva, les fêtes religieuses on m'appelle toujours, je joue au Japon, dans tous les pays du monde, partout où il se trouve une communauté algérienne, mais en France, il y a bien longtemps que je n'ai pas fait de concert sur une scène.

-Monsieur Boniche, on boit un dernier pastis, vous me contactez votre orchestre et l'an prochain, on remplit le Palais des Festivals en faisant la fête !

 

Il a fallu plus d'une année pour monter le projet, laps de temps pendant lequel, par un incroyable concours de circonstances, Lili Boniche avait retrouvé les faveurs du public. Il avait suffi du disque de Télérama, d'un extrait de ses chansons dans la bande musicale de "La vérité si je mens" et d'un passage au Printemps de Bourges par un directeur artistique de mes amis pour relancer sa carrière et en faire la coqueluche des programmateurs de musiques du monde et des salles jouant la carte du "revival" et de la nostalgie.

 

 

Le hasard en ricochet, comme une chaîne désarmante, une succession d'événements dont le premier induirait les autres, leur ôtant, par cela même, tout caractère aléatoire, les rendant inéluctables. Les cercles concentriques des ronds dans l'eau qui vont se perdre à l'infini et que l'on retrouve flottant à la surface tissant une toile infranchissable. Cette rencontre de l'impondérable, de l'écoute d'un disque à la découverte d'une adresse à quelques centaines de mètres de mon habitation, n'était que le prélude à un autre enchaînement, nouveau concours de circonstances, pied de nez aux arêtes de la réalité.

Je n'avais pas manqué de questionner Lili Boniche sur les amitiés supposées qu'il entretenait avec l'ex-Président de la République, François Mitterrand, sur la légende de ces soirées privées à l'Elysée que le musicien animait. Il était resté très pudique et réservé, opinant juste pour confirmer qu'il connaissait le futur président, depuis qu'un jeune ministre de la France d'Outre-mer de la IVème République avait débarqué en 1950, s'épuisant à passer ses nuits dans les boîtes d'Alger, amoureux de cette douceur langoureuse, des moiteurs orientales des cabarets du quartier sud et de la beauté des femmes qui dansaient sur les pistes. Devenu ministre de l'Afrique du Nord en 1953, il avait eu du temps à consacrer à cette ville qui le fascinait et venait terminer ses nuits dans les volutes de cigarettes américaines, les verres d'alcool et les sons plaintifs des guitares et des instruments orientaux. Ils avaient à peine plus de trente ans et le monde semblait leur appartenir. Le temps avait passé, les lumières de la célébrité l'avaient inondé d'une nappe crue mais Monsieur François lui était resté fidèle, lui conservant son estime, cette constance qu'il lui avait toujours manifestée.

Il se trouve que deux mois après ma rencontre avec Lili, j'accueillis une œuvre de Molière dont le Tartuffe était interprété par Roger Hanin dans une mise en scène qu'il signait. Je tenais à maintenir un classique dans ma saison théâtrale et, même si je n'avais pu visionner le spectacle qui était une création en tournée avant installation dans une salle de Paris, un moyen de roder et tester le spectacle avant d'affronter les critiques et la foule parisienne, je savais par contre m'assurer d'un succès commercial et financier par la présence dans la distribution de Roger Hanin. Il faut avouer que le voir déclamer du Molière avec son accent pied-noir sous-jacent n'était pas vraiment une réussite mais son talent évident par ailleurs et sa gentillesse réelle nous permettaient de tout lui pardonner, y compris quelques traîtrises envers le dieu du théâtre classique.

Dans sa loge encombrée de compatriotes, tous de "là-bas", évoquant leurs souvenirs et égrenant les morts qui parsemaient les allées de leur retour en métropole, j'ai pu dans un moment d'accalmie saluer Roger Hanin et lui parler.

 

-Monsieur Hanin si je vous dis Lili, vous pensez à qui ?

-Lili, mon ami Lili Boniche. Il est là, faites-le entrer tout de suite.

-Non, il n'est pas ici, mais je l'ai eu au téléphone et nous avons parlé de vous. Il ne pouvait pas se libérer ce soir, il m'a chargé de vous saluer de sa part.

-Je sais qu'il habite à Cannes. Cela fait un bon moment que je ne l'ai vu. Comment va-t-il ?

-Très bien, et d'ailleurs je vais ouvrir l'an prochain ma saison en lui offrant la scène de cette salle, au Palais des Festivals. Ce sera un grand concert de musique d'Algérie, une fête de famille. J’aimerai lui faire la surprise de votre présence.

De sa voix de basse chargée des couleurs du Maghreb, il a lancé à la cantonade.

-C'est sûr, je viendrai. Nous y serons tous. C'est vers quelle époque ? Octobre. Ah! Oui, juste après le tournage en Allemagne. Tenez, vous téléphonez à ma secrétaire mais je vous promets d'être là et après le concert  nous mangerons un bon couscous tous ensemble.

 

J'étais plus que circonspect sur cette proposition d’un artiste au sortir de la scène, attendant que les actes se concrétisent avant de lancer ma campagne de communication sur sa présence. Quelques mois après, sa secrétaire me confirmait sa venue avec une dizaine d'amis. Refusant de se faire inviter à l'hôtel, exigeant même de payer ses places de spectacle malgré mon insistance, tenant à régler le restaurant où nous devions finir la soirée, il fut à la hauteur de son personnage, chaleureux, humain, serviable, acceptant de se faire photographier avec les invités, accordant interviews sur dédicaces et lançant superbement ma saison  grâce à une photo en première page du quotidien Nice-Matin et à un petit discours improvisé sur scène pour parler de son ami Lili Boniche au bord des larmes en évoquant devant une salle subjuguée, quelques souvenirs du bon vieux temps. Je me rappellerai toujours, à son entrée, la foule des 1200 spectateurs se lever et applaudir à tout rompre en scandant "Navarro, Navarro" en une liesse communicative devant son sourire désarmant et la chaleur qu'il dégageait.

J'ai rempli la salle Debussy pour ce concert de la mémoire et j'ai vu des larmes dans les yeux du public, j'ai senti le souffle torride du Maghreb caresser nos visages, l'émotion trop contenue de ceux qui, l'espace d'une chanson, replongeaient dans le monde de leur jeunesse et activaient les souvenirs des temps heureux, quand l'insouciance et l'innocence qui les animaient leur permettaient de ne pas voir les nuages du futur et que la vie se conjuguait au présent.

 

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Super Bingo !

Publié le par Bernard Oheix

A l'occasion de mon départ à la retraite, j'ai décidé de rééditer quelques articles de mon blog concernant ma vie professionnelle...Non pas en une tentative désespérée de recyclage, mais tel un éclairage nouveau, une façon de rendre les éloges dont je suis récipendiaire plus ambiguës, complexes. Derrière la statue du commandeur, il y a aussi les affres de la création !

Re-bonne lecture !

 

40 ans que je fais ce métier. J’en ai vécu des cas de figure, réussites, échecs, entre les deux. A chaque fois, on tente d’en tirer des leçons et de se rendre plus performants, de s’améliorer, de ne pas reproduire les erreurs passées…Mais parfois, même ce travail s’avère impossible, c’est ainsi, quelquefois, c’est arrivée à Cannes, un vendredi 13 !

 

Un parapluie d’une valeur de 15€ offert par le groupe L…B…, un bon pour une boisson non alcoolisée et un jeton de 5€ pour les machines à sous…5ème quine et la tempête gronde ! Nous allons jouer maintenant pour le carton plein, deux places pour le magnifique spectacle du Palais des Festivals, les Moines de Shaolin…Je ne sais pas pourquoi, mais c’est à ce moment que j’ai compris que nous étions dans la merde, une belle et énorme merde…Comment en étions-nous arrivés là ?

 

Tout a commencé il y a presque une année avec ma collaboratrice Nadine S, chargée du Festival International des Jeux. C’est une manifestation incroyable, titanesque qui se déroule pendant une semaine au mois de février. 150 000 visiteurs en train de jouer, 15 000 inscrits à des compétitions, le monde entier des jeux regroupé sur 30 000 m2, des champions et des amateurs, des hommes femmes, enfants, riches et pauvres s’évertuant à jouer à tous les jeux possibles et imaginables, des plus simples aux plus sophistiqués, bien français ou exotiques (Mah-jong, Go, Awalé…). 50 nationalités, un univers de règles et de règlements qui laissent une totale liberté aux individus, se confrontant aux autres pour mieux se connaître, s’affrontant pour découvrir ses propres limites.

Une tour de Babel ! C’est génial, émouvant, beau et terriblement chargé d’amitié et de respect. Pas une tension à l’horizon, la preuve, si besoin était, que l’on peut vivre à plusieurs, par milliers, avec ses différences, une belle leçon d’humanité chaque année pour beaucoup de responsables divers qui devraient plus traîner dans les travées du Palais à observer ce microcosme que dans les antichambres du pouvoir à rêver de transformer un monde qui ne demande rien !

 

Replongeons-nous quelques mois en arrière. Nadine me déclare, quelques restrictions budgétaires obligeant, que nous allons diminuer la partie spectacle du Festival (toujours onéreuse !), en profitant de l’aubaine d’un vendredi 13 opportunément glissé dans nos dates du Festival, pour réaliser une grande première : un loto ! Bingo !

Génial. J’ai la pratique de cet exercice, ayant animé à moult occasions les lotos du club de football de mon fils à l’époque glorieuse de ses exploits en short sur les terrains boueux de la région ! J’en ai pratiqué des tirages de numéros en glosant sur les chiffres, recherche de lots et autres saucisses frittes mayonnaise sur les tables des salles des sports où nous récupérions un peu d’argent pour les têtes blondes qui nous étaient chères !

C’est une bonne idée que nous validons par une recherche de partenaires, un grand casino du coin, une équipe de spécialiste des animations de jeux avec lesquels nous collaborons depuis de longues années (Destination J…)… Et c’est parti pour de nouvelles aventures !

Le temps passant, je me suis bien vaguement inquiété quelques jours avant.

-Alors ce loto ?

-Pas de problèmes, les lots sont beaux.

-Et c’est quoi ?

-Un séjour au Majestic (un palace), une console Nintendo, plein de trucs encore…

Je sais que c’est là que j’ai fait une erreur, dans le plein de trucs « encore », j’aurais dû me méfier, creuser le dossier, exiger de voir la liste des lots mais les garanties conjuguées de nos deux partenaires m’ont fait baisser la garde et oublier que ni Nadine S, ni Eurielle D, les deux responsables de mon équipe de ce dossier, n’avaient jamais assisté à un loto de leur vie !

Mal m’en pris. La litanie des parapluies a commencé devant 800 personnes ébahies, dont, il faut le dire, les 2/3 étaient des professionnels convaincus du Bingo, alléchés par la publicité d’un grand loto à Cannes avec des prix prestigieux (sic).

Les lazzis fusant au rythme des parapluies généreusement dispensés furent complétés par des stocks d’un jeu, le Deluxe Camping, qui nous restaient sur les bras et dont Nadine profitait de cette occasion inespérée pour les fourguer en quantité industrielle aux victimes du Loto. Ainsi donc, les participants ayant payé 3€ le carton, 10€ les 5 et 20€ les 10, pouvaient gagner de haute lutte, après des empoignades titanesques, des parapluies dans une ville où il ne pleut jamais (enfin presque !), et des jeux sur un camping dans une ville symbole du luxe et des palaces. Cherchez l’erreur !

Quand la vague de contestations s’est transformée en tsunami, j’ai compris que je me trouvais devant une alternative simple : me casser en me planquant ou rester et en prendre plein la gueule ! Les sourires anxieux d’Eurielle et de Nathalie, la stagiaire dont c’était le baptême du feu (...et quel baptême !) m’ont hélas contraint à puiser dans ma réserve en restant comme un capitaine à la barre de son navire en train de sombrer corps et biens. Fidèle au poste.

Dans un réflexe de survie, j’envoie Eurielle récupérer tout ce qu’elle peut dénicher dans nos réserves comme lots potentiels, dictionnaires, consoles vidéo, assortiment de jeux…je fais éditer 50 places de spectacles (Fame, Carolyn Carlson (les pauvres !), Cirque de Chine… et dans les hurlements du public, annonce une pause de 20 minutes. L’équipe des « professionnels » de Destination J flirte avec la crise de nerfs, l’animatrice fond en larmes et laisse sa place à un garçon…plus résistant. Au passage, attribuons-lui le crédit d’avoir réussi à annoncer un 98 devant la foule esbaudie, ce qui fait légèrement désordre, vu que c’est un numéro qui n’existe pas et qu’elle avait confondu avec le 86 ! Au bar, débordé et dévalisé, tenu par les joueurs de tarot stupéfaits, les hurlements montent pendant que nous rectifions le tir avec Eurielle et Nathalie en recomposant à vue les lots. On passe de 8 parties restantes à 4, on entasse dans les sacs des collections de parapluies, de bons divers non-alcoolisés, billets de spectacles, porte-clefs, jeux, consoles, séances gratuites de fitness…On force le rythme devant les yeux ébahis de 800 joueurs dont certains hilares couvrent de leurs rires les cris de colère d’une minorité d’acariâtres. On avance dans la nuit avec la certitude que le mur se profile à l’horizon et que l’on s’écrasera dessus sans rémission !

Les deux derniers cartons pleins tirent enfin quelques soupirs envieux de la masse des perdants et de timides applaudissements pour les quelques gagnants bienheureux. C’est la fin. Avec Eurielle, nous nous installons devant notre table et attendons la dernière salve et la ruée prévisible des mécontents avec, à la clef, notre exécution en place publique.

Et voici donc le bal qui s’ouvre avec une charmante dame aux yeux cruels, dénonçant à haute voix notre incompétence, cette parodie de « grand loto », l’incurie de l’équipe d’animation et l'extrême pauvreté des lots du Casino L…B…

Elle est là celle qui ouvre les hostilités..mais la meute attend dans l'ombre ! Vous apercevez les visages  tendus d'Eurielle et de Nathalie observant le désastre annoncé !

Je reste stoïque. J’abonde même, surenchérissant sur l’échec de la soirée et dans notre autocritique. Je me flagelle jusqu’à ce qu’elle en reste coite, désarmée…La deuxième vague arrive et j’en rajoute, effectue mon autocritique, me fouette avec délice, foule ma fierté jusqu’à ce qu’une « histrionne » de bas étage me traite de voleur, m’accusant de détourner l’argent du Loto. Là, je dois le dire, je vois rouge, craque et commence à insulter la moitié de la terre, les joueurs, leurs mères et pères, ancêtres et descendants…  Je leur parle du Festival des Jeux qui est gratuit, des 500 000€ que la ville consacre à les divertir pendant cette semaine, des efforts consentis pour leur offrir des conditions exceptionnelles de séjours et d’activités…Mon ton et mes yeux qui roulent comme des billes de loto épileptiques (les revoilà les numéros !) calment la foule et surnageant par-delà les récriminations, quelques encouragements solidaires me réchauffent (enfin !) le cœur en m’offrant un réconfort bienvenu ! Au moins, se trouvait-il dans cette salle immense, quelques joueurs qui, à défaut d’apprécier les parapluies et les boissons non-alcoolisées, m’accordèrent le crédit d’avoir tout tenté pour sauver du désastre ce qui devait être une fête et se transformait en Bérézina !

Humanité cruelle ! 10 ans que je n’avais vécu une telle galère !

Un loto, un vendredi 13, sincèrement, j’aurais dû me méfier….

 

Bon, une dizaine de lettres de réclamations, quelques coups de fil à la mairie, et la vie a repris son cours ! Quelques réponses s’adaptant au ton des récriminations et de mon humeur, une réunion avec les casinotiers partenaires (!!) pour débriefer cette soirée d’enfer avec une distribution de volée de bois vert où chacun en prit pour son grade (y compris votre serviteur par lui-même flagellé !), la facture divisée par deux pour nos partenaires professionnels du Loto…et le long fleuve tranquille s’est remis à couler, le mauvais temps s’est estompé à l’horizon jusqu’à rire des avatars de notre organisation particulièrement brillante ! C’est sûr, la prochaine fois qu’il y aura un vendredi 13 pendant le Festival des Jeux, je me débrouillerai quand même…pour me tirer aux Galápagos !

Et ne me parlez plus de Bingo !

 

 

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Voix Passions

Publié le par Bernard Oheix

Chers amis,

Comment vous remercier pour cette soirée du 27 avril ?

Il y a des dates importantes dans une vie… La naissance, mais on ne s’en souvient pas vraiment, la mort, quoique là, on s’en contrefiche vu qu’on ne peut pas la raconter aux autres, le premier baiser (avec le nom, le parfum et la couleur des yeux de l’heureuse élue), la première fois que l’on voit se lever le soleil dans le désert du Sahara ou que l’on voit l’Etna entrer en éruption avec la lave qui jaillit au ciel, le premier jour de travail dans une entreprise (la couleur de la cravate)… et tout naturellement, son dernier concert en tant qu’organisateur, la dernière date programmée comme Directeur de l’Evènementiel… ce qui fut mon cas en ce vendredi du 27 avril du côté de la salle de la Licorne à Cannes La Bocca !

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Il y a plus d’un an, j’avais une idée très précise de cette soirée. Je la voulais classe mais sans affectation, avec des amis, mais sans concessions à l’Art, je voulais du public et une vraie salle avec une âme, je voulais des potes mais artistes avant tout !

Je vous avais proposé de participer à cette aventure et vous avez répondu présents, vous avez joué le jeu en entrant dans la danse de ce moment si fort  pour moi, que je tenais à partager avec vous ! Je vous en remercie avec tout mon cœur :

A Cédric O’Heix, en te souhaitant bon vent sur les mers de cette poésie que tu chevauches avec tant d’élégance. Je me souviens d’une interrogation après ta demi-finale de la Nouvelle Star… Cédric O’Heix deviendra-t-il une Star ? Je ne peux toujours pas répondre à cette question, mais par contre, je sais qu’il est devenu un artiste, un vrai artiste ! Attendez, Un jour de solitude et autrescedric-o.jpg ballades sont inscrites à jamais dans ma mémoire. Tu as embarqué le public avec toi et tu mérites ses applaudissements fournis, juste hommage à ton talent, à ta présence sur scène, à ton charisme. Alors, à toi, petit neveu sorti de la nuit des temps ! Continue et garde le cap !

A Talike. Talike, que ce soit en polyphonie pure avec Tiharea, en invitée de Rajery ou avec ton nouveau complice Kilema, tu es une vraie Princesse du Peuple des Epines sur scène. Tu as le sens de l’image et du son et ton duo avec Kilema est un bijou fascinant… rythmes étonnants, instruments bizarres, tenues chatoyantes… Et avant tout, tu as une voix qui entre en résonance avec le cœur de l’homme.

talike.jpgTu en joues avec brio, aisance, comme une soliste d'un instrument maitrisé jusqu’à la perfection. Le volume du son dégagé semblait produit d’un orchestre complexe et non d’un duo. Vous avez une vraie pépite entre les mains, bravo à vous deux et bonne chance sur les routes des Musiques du Monde.

Au Corou de Berra. Mes « pôvres » victimes préférées. Vous les régionaux de l’étape, je vous ai tout fait subir depuis de si longues années. Chaque fois que j’ai une idée tordue, c’est sur vous que cela échoue ! Vous avez ainsi chanté pour moi perché sur des rochers, dans des églises froides, sur des places de village, dans un répertoire sacré, profane, en toutes les langues, à capella, sonorisé… Et pourtant, vous continuez à me surprendre, de concerts en CD, de propositions en compositions. J’écoute souvent vos productions dans le confort de ma chaîne, elles sont d’une qualité et d’une précision qui frôlent la perfection dans le meilleur de vos créations. Votre travail de mise en musique est un miracle d’équilibre et les voix des filles résonnent à l’égal des sirènes, telles des déesses annonciatrices des beaux jours (désolé les garçons, même si vous n’êtes pas mal non plus !). Je vous aime pour votre talent et vous me le rendez par votre amitié. Merci d’avoir partagé ce moment de grâce.

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A Nilda Fernandez. L’amitié n’a pas de frontières, elle échappe au temps et à la distance, à la notoriété et au silence. Nous nous sommes rencontrés avant ton succès, jeunes du côté de Lyon, entre Paris et Barcelone, avec l’espoir de lendemains chantants du côté de Madrid, Madrid. J’ai fait mon chemin, tu as accompli une partie de ton œuvre. Derrière le succès, tu as fui les facilités, toujours ailleurs, jamais où le showbiz t’attendait ! A Cuba, traversant la France en roulotte, avec les Inuits, star en Russie…

nilda.jpgTu es un poète moderne, atypique et même seul avec ta guitare, tu donnes des ailes aux mots, du souffle aux notes. Tu es mon ami, par devers les aléas d’une carrière, tu es toujours ce barde qui sait faire jongler la nuit. On se retrouvera toujours, parce que c’est écrit sur la plus belle des partitions, celle de la vraie vie !

Mais aussi… A Filetta ! J’ai épousé la Corse au sens littéral du terme. Ses bons côtés aussi ! Je me souviens d’une église dans le Niolo, et des premiers chants entendus d’A Filetta, dans une église perdue dans les bois, dans ces années d’une Corse qui se désespérait en cherchant son âme. Je me souviens aussi de ces innombrables concerts, partout, tout le temps, de ces discussions autour d’un verre, de ces interrogations sur le devenir d’une île et d’un peuple si fier et passionnant parce que passionné. Le groupe que j’ai le plus programmé de ma carrière, le plus entendu de mon existence, c’est vous ! Le Festival à Calvi, les nuits chaudes de Séville, les églises, les salles de fêtes et les multiples scènes de Cannes. Jean-Claude Acquaviva et le chœur d’hommes. Votre réserve naturelle et votre chaleur sincère d’amitié envers moi. Ce soir, vous avez ciselé le son, accroché des notes aux nuages, transporté le public dans une apesanteur où plus rien ne comptait que cette beauté immatérielle, cette résonance du chant des Dieux.

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A vous tous, j’ai tant aimé les voix, j’ai adoré vos voix. Merci d’avoir été là, pour moi, c’est un grand honneur que vous m’avez fait en ce 27 avril 2012 dans la conclusion d’une saison qui sera la dernière de mon activité professionnelle !

Et comment ne pas remercier aussi, ce duo inattendu de mon fils et de ma belle-fille, Julien à la guitare et Sarah au chant. Ils m’ont offert ce bonheur absolu d’entendre par surprise, ses enfants oser, être capables d’entreprendre avec brio un tour de scène pour un chant d’adieu. Sarah possèdeju-sarah.jpg une voix douce et mélodieuse, une voix d’ange, Julien une contre voix grave et un toucher de guitare léger. Ils s’en sortirent magnifiquement dans cette inattendue surprise d’un « Cat Power » dont la scène sublime du baiser de Blueberry Nights reste une illustration parfaite. Mon cœur a volé en éclats et les passions de la voix se firent si fortes qu’elles en emportèrent toute réserve bue !

Voilà, tant de voix si pures, tant de mots si gentils, un dernier chant (Adieu monsieur le professeur !) et le noir complice pour rendre à la vie réelle, ceux qui furent et ceux qui seront, tous unis dans la beauté du spectacle.

 

Merci à vous tous !
PS : toutes les photos sont de Eric Dervaux ! Merci à toi collègue !

 

 

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La Battistinade

Publié le par Bernard Oheix

 

En attendant un article sur le Canto General de Mikis Theodarakis et Pablo Neruda et sur mon expérience de comédien (je joue un drôle de rôle dans une pièce de Grinberg, Linge Sale, mis en scène par Régis Braun), la dernière pièce de ma carrière de Directeur de l'Evènementiel qui sera programmée le 20 avril à Cannes et le 21 à  Nice...

Un discours anniversaire pour les 45 ans d'Hervé Battistini, collaborateur fidèle, régisseur dans mon équipe. Un homme que j'apprécie tout particulièrement et dont je sais la fidélité et les compétences. Je ne pouvais laisser passer son 45ème anniversaire, il y a des traditions dans notre équipe ! 

 

 

La Battistinade.

 

Cette figure très complexe s’exécute de la manière suivante :

1)      Bomber le torse en relevant légèrement les épaules

2)      pivoter d’un quart de tour de la gauche vers la droite en haussant l’avant-bras

3)      amener le biceps au niveau des lèvres

4)      déposer un baiser légèrement mouillé en gonflant le muscle

5)      relever la tête et toiser l’environnement d’un air farouche, du style, « -vous avez vu, je ne m’en laisse pas compter ! »

Seuls les grands et authentiques mégalomanes peuvent réussir cette figure très particulière dont on peut dire qu’Hervé Battistini fut l’inventeur, à la fin du siècle dernier. En effet, c’est après un concert des Nuits Musicales du Suquet, dans la joie et la passion d’une soirée sans faute de la régie technique qu’il inventa cette chorégraphie devant Angéla, une jeune vendeuse de programmes,  et un voiturier nommé Julien par ailleurs fille et fils du Directeur. Dans l’euphorie générale, personne ne pensa à noter la sophistication extrême de cet enchaînement. Pourtant, dans la semaine qui suivit, Julien toutes les nuits rêva de ce magnifique geste et un matin, au lever, il retrouva comme par magie l’essence même de cet art nouveau, de cette somptueuse gymnastique qui allait révolutionner l’art de s’autocongratuler !

Car, il faut bien le dire, Hervé Battistini ne fut pas toujours en mesure de s’infliger une telle récompense. On se souvient de ses débuts balbutiant à  la Direction de l’Evénementiel peuplée de jeunes filles en fleurs avec des seins superbes, lui, issu du moule masculin de la Gendarmerie Nationale, échoué au service du gardiennage des portes ouvertes du Palais des Festivals et des Congrès où il vivotait, récupéré in extrémis par le Directeur de l’époque qui avait pressenti l’authentique potentiel de ce grand dadais un peu raide, mais se posait la question de sa capacité d’exploitation d’ un talent brut englué dans une gangue forgée au fil des années d’exécution d’ordres absurdes et vains pour tenter de maintenir la paix et rétablir le calme dans une société ballottée et perturbée par des années de Sarkosyte aiguës !

Hervé, à l’époque, menait une vie quelque peu dissolue, dansant la salsa sur tous les planchers de Cannes et de ses environs, en traquant avec son pistolet magique les plus belles métisses qui succombaient toutes à son charme et à son portefeuille de petit blanc possédant des papiers authentiques et de surcroît, célibataire… un rêve pour certaines, une proie pour toutes ! Il en a passé ainsi des nuits blanches dans les ambiances lourdes chargées de Cuba libre et de sueur d’aisselles avec au matin les yeux dans les poches et les muscles gourds !

Les premières années furent éprouvantes. Il se souvient (et nous aussi, encore après tant de temps !) d’une régie particulière où un chanteur belge fuit dans la nuit plutôt que de monter sur scène et  de jouer sur le plateau qu’il avait aménagé avec  tant d’amour et de sa traque désespérée dans les rues noires alentours du Noga-Hilton des musiciens éméchés d’Arno ! Las ! Le punk de Bruxelles resta dans l’ombre et son concert avorté, comme le témoignage d’un apprentissage au forceps d’une technique rétive et de codes sanguinaires afin que le spectacle vive !

Il se souvient également de ses premiers balbutiements à la régie générale du Festival International des Jeux, de sa tendance à gonfler, non seulement les biceps, mais aussi le budget du nombre de techniciens, avec le secret espoir d’arriver à l’équité, un technicien pour un chaise et une table, un technicien par personne entrant dans le Festival… avec lui en Général en chef annonçant les figures imposées comme un juge aux Jeux Olympiques de patinage !

On se souvient toujours d’un Hervé Battistini pour qui une brise marine déclinante était un risque majeur climatique et une tornade venant du fond de l’océan, ou une ondée à 2heures du matin, un lundi, un ouragan potentiel sur la soirée concert du mercredi !

Mais derrière ces tentatives toujours sincères pour assurer sa mission envers et contre tout, la belle Sandrine vint mettre un peu d’ordre. Lui donnant au passage, l’authentique fierté d’engendrer une belle Carla et un délicieux Hugo qui devait perpétuer son nom. Finit les nuits dépravées, papa au boulot, repas en famille, il y gagna deux choses : une grande sérénité et un tour de taille que les repas de famille et les fonds de petits pots des enfants qu’il léchait goulûment jusqu’à faire craquer sa ceinture !

En même temps, par une étrange alchimie, sans aucun doute mis en confiance par cette famille soudée qui l’attendait tous les soirs en réclamant sa pitance, (Papa, du pain, papa du couscous !), il commença une révolution culturelle. Dans l’ombre de Jean-Marc, au début, qui lui permit d’acquérir les bases de son métier, il s’émancipa sur le Festival de Danse, trouvant instinctivement un style de management, son style à lui, mixe d’autorité naturelle et de gestion des hommes basée sur la dynamique et la confiance.

Ce qui n’était que balbutiements au départ s’avéra comme l’alphabet d’une régie générale débouchant sur les Nuits Musicales du Suquet ! Hervé était enfin au zénith !

Il était désormais fin prêt à affronter les budgets et à traquer les dépenses inutiles, allant même jusqu’à sabrer dans ses propres budgets techniques pour concourir à l’équilibre général des finances de la Direction de l’Evénementiel, (bon là, faut peut-être pas exagérer, il a encore un bout de chemin à faire !), négociant d’arrache-pied avec les fournisseurs extérieurs pour obtenir des rabais, organisant ses plannings comme une véritable partition de musique.

Bien sûr, il continue de vouloir séduire toutes les belles stagiaires qui débarquent comme des hirondelles de printemps, mais naturellement,  il n’a plus aucune chance vu que sa femme débarque régulièrement avec les petits, histoire de lui rappeler que le temps de la bagatelle est terminé…

Alors, avouons-le, les 45 premières années de sa riche existence lui permirent de s’affiner et de devenir un cadre performant, un régisseur d’élite, un père attentionné, un collègue  (presque parfait), au point que Florence J  ne veut plus qu’il soit séparé d’elle dans ce bureau sans lumière qu’ils occupent, les stagiaires ont appris à éviter le pitt-bull qui sommeille en lui, même si quelques périodes de garde continuent de lui permettre d’endosser son habit de lumière de flic dans lequel il se trouve un peu à l’étroit désormais, (et ce n’est pas seulement d’un tour de taille qu’il s’agit !), alors on peut le dire mon cher Hervé :

Tu nous es indispensable, ta bonne humeur rayonne (sauf quand il y a un nuage dans les Nuits Musicales du Suquet et que ton grand corps se malade !), tu apportes une vraie compétence et tu es fidèle (avec tes collègues, pas avec les salseras !), tu es Hervé, 15 ans d’Evénementiel au compteur, plein de rêves et de projets, une personnalité attachante, un vrai soutien pour ton directeur et la directrice qui prend les rênes. Tu es Hervé Battistini et aujourd’hui, pour ton anniversaire, nous t’autorisons à effectuer la plus belle des Battistinades, celle qui te permettra d’entrer dans une nouvelle ère, celle de la maturité rayonnante !

Bon anniversaire Hervé !

 

Voilà donc et en avant pour de nouvelles aventures....

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HUBERT-FELIX THIEFAINE

Publié le par Bernard Oheix

 

1985. Printemps de Bourges.

Un ovni chantant, poète rockeur, avec des textes longs comme des jours d’espoir, une musique au vitriol, un seigneur de la scène devant un public en délire. C’est dans ces années de folie d’une culture libérée qu’Hubert-Félix Thiéfaine forge sa légende avec des titres comme la Fille du coupeur de joints ou Alligator 427, Loreleï et tant d’autres textes abscons que seule son énergie permet de comprendre. Subtilité et passion, intelligence et déraison d’un rock sophistiqué dans l’outrance.

On ne sort pas indemne d’un concert d’Hubert-Félix Thiéfaine.

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Banni des plateaux télévisés, ne passant que très rarement sur les ondes, il va produire avec constance des albums beaux comme des lueurs d’espérance dans un monde de grisaille avec des scores de vente à faire hurler des producteurs engagés dans une course au formatage télévisuel dans une période où les rêves se transforment en cauchemars. Il égrènera comme dans la discrétion mais avec régularité des tournées lui permettant de sillonner la France, retrouvant son public dont la fidélité étonnera plus d’un opérateur, toujours présent sans être sous les feux d’une notoriété que la télévision impose éphémère… Lui, ailleurs, à côté, continuera son chemin, entre cris d’espoir et constat « rimbaldien » d’un monde en décomposition. Hubert-Félix Thiéfaine existe, je l’ai rencontré !

Avec mon adjointe Sophie Dupont, elle-même fan inconditionnelle de H-FT, en automne 2010, après avoir trimbalé mon désir de programmer Hubert-Félix (Non ! Mais quel nom pour un rocker !), au Palais des Festivals pendant des années, à l’aube de ma dernière saison, je peux enfin conclure. Après Christophe, Bashung, Higelin, Murat, Nilda Fernandez, Bertignac, Etienne Daho… Je peux toper avec son tourneur pour une conclusion de ma vie professionnelle : Thiéfaine sera à Cannes le 23 mars 2012 et je bouclerai ainsi la boucle. De 1985, jeune et sémillant Directeur de MJC à Bourg-en-Bresse, à 2012, sénior actif de l’action culturelle sur la Côte d’Azur… une vie de culture pour les « survivors » de l’agit-prop post-soixante-huitarde !

La mise en place de la billetterie, dès juin 2011, nous rassurera sans équivoque : -FT a toujours son public et les achats de places montrent une progression constante, une régularité rassurante.

Heureuse opportunité, lui, le grand marginal en dehors de tous systèmes et inconnu des coteries des bien-pensants, va alors se débrouiller pour rafler 2 Victoires de la Musique 2012 à la surprise générale, m’offrant le cadeau inespéré d’être enfin sous les feux de la rampe… Vous avez dit flair ? Le résultat est trébuchant et sonnant pour nous. La courbe régulière de vente des billets se retrouve fouettée vers une verticale annonciatrice de griserie des sommets ! Champagne à partir de 1700 tickets, score explosé avec à la clef une salle bondée de tous ses fans réveillés par son passage cathodique et son exposition médiatique.

Conférence de presse surréaliste dans sa loge. Il convoque Rimbaud et Nietzsche, invoque les muses, définit son approche d’une poésie moderne ciselée dans les volutes d’un rock primitif. Il est humble et fier, sûr de lui et rasséréné, quelques drames pudiquement éludés (la maladie, le temps de l’hôpital) le laisse en état d’apesanteur, cadeau d’une vie qu’il sait riche et accomplie dont il goûte encore plus chaque instant. « -J’ai  vécu de ma musique, j’ai pu rêver éveillé, c’est un privilège que la vie m’a offert ! »

Le concert sera un concert typique de Hubert-Félix Thiéfaine. Foule chamarrée de babas, vieux nostalgiques retrouvant leur jeunesse,  refrains entonnés en canon sans que jamais le chanteur ne joue avec ses « fans » en utilisant les ficelles du métier. Bien au contraire, son exigence est réelle, authentique. Il est heureux d’être ce héraut sans artifices dispensant une poésie moderne et sophistiquée, des mots d’entendement que son public attend et qui le rendent inimitable. HubertFelixThiefaine.jpg

Ce public que, trop souvent, je trouve si peu à la hauteur de l’événement, aujourd’hui est en phase avec l’exigence d’un monde meilleur, rendu plus intelligent par la force des idées, l’énergie d’une passion. Ce public ne cède pas à la facilité et devient disponible pour toutes les aventures intérieures.

Elle est belle cette soirée même si je l’ai attendue pendant 27 ans !

 

Dernier contact avec l’artiste. Dans sa loge. Seuls. Je lui dis mon émotion, je lui explique que c’est mon ultime concert dans cette salle en tant que Directeur de l’Evénementiel du Palais des Festivals et combien je suis fier de conclure cette page de ma vie professionnelle avec lui. La retraite à l’horizon proche d’un 1er juillet. Il sourit et m’annonce que lui, il la prendra dans deux ans, pour ses 65 piges ! Gag !

Puis, on évoque ce métier et son évolution des deux dernières décennies. On est en phase sur cette paupérisation générale des idées et sur le constat d’une culture qui s’est couchée devant la réalité ! Les idées fusent, il est amusé de notre partie de ping-pong, dans cette ville qu’il craignait, poids de l’image et des cérémonies d’un Festival omniprésent pour cet homme de discrétion ! Il m’interroge sur la vie pendant le mois de mai !

La nuit aurait pu s’étirer, mais ses invités attendaient. Je me suis éclipsé avec la certitude d’avoir rencontré un homme dont je pourrai dire avec fierté ; « -Je l’ai connu, je l’ai aimé et nous avons partagé quelques bribes d’humanité ! »

Merci Monsieur Thiéfaine !

 

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                        Une photo d'Eric Dervaux, mon ami photographe. Vous pouvez aller voir toutes les autres sur son nouveau remarquable site : http:// www.ericdervaux.com

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Vincent SEGAL... et Ballaké SISSOKO.

Publié le par Bernard Oheix

Soirée magique au Théâtre de La Licorne. Programmation de mon groupe fétiche des Huun Huur Tu (3ème fois que je les programme !), l’ensemble de Touva qui pratique les chants diphoniques et nous fait voyager dans les espaces et la culture d’un monde perdu.

 

CÔTE FACE

 

En première partie, présentation d’un duo à faire courir des frissons, à emporter tout être normalement constitué dans un monde étrange de notes éthérées. Ballaké Sissoko (un géant black débonnaire) à la kora et Vincent Segal, agrippé à l’archet de son violoncelle sont éblouissants de virtuosité et de tendresse. Les doigts de Ballaké pincent les cordes de la kora pour créer un univers de notes jaillissantes en cascades en contrepoint des glissandos du violoncelle de Vincent Segal. C’est un moment divin, un échange rare entre deux cultures par le biais de deux techniques... D’une part un instrument africain connoté ethnique pour aboutir à un univers de type classique, de l’autre un instrument classique qui s’échoue sur les rives de la musique moderne. Tous les deux partagent et confrontent l’extraordinaire sonorité qui se dégage de leur fusion. Ils font pleurer le silence, se juche en équilibre sur des mélodies qui déforment l’espace et atteignent le spectateur en de vagues douces. La tension est dans la salle, moment de rupture, comme pour basculer dans l’irrationnel d’un art apte à faire franchir les portes de perception.

Alors, si vous en avez l’occasion, courez, bondissez, prenez vos places pour participer au banquet des dieux auquel nous invite Ballaké Sissoko et Vincent Segal, ils vous combleront de bonheur !

 

CÔTE PILE

 

Comment un musicien aussi exceptionnel que Vincent Segal, peut-il être aussi méprisant et injurieux envers les organisateurs ? Comment, un violoncelliste capable de tirer des sons aussi étonnants, de partager avec Ballaké Sissoko un échange en partage aussi subtil, peut-il être autant vulgaire dans son rapport à la réalité ? D’une réception sans répondre au bonjour du technicien (entrée en matière plutôt malheureuse dans une salle où son destin artistique sera remis dans les mains de ces mêmes techniciens), aux incessantes récriminations sur la qualité environnementale de la salle, sur les travaux de ravalement de façade, sur la signalétique, sur le bruit de la climatisation, sur la loge trop petite qu’il exige de changer pour une autre qui ne lui convient pas… jusqu’à l’hôtel qui ne trouve pas grâce à ses yeux dans lequel « on se gratte »…

Et le bouquet final, quand je viens le saluer en me présentant avant le spectacle, ignorant de ses états d’âmes, et qu’il m’agresse verbalement avec hargne, (je ne suis pas content de l’accueil et…etc.), se plaignant de l’hôtel, de la salle, du personnel. Il rejoint au panthéon des malappris, Bernard Tapie, (et c’est en soi déjà un véritable exploit, cf. mon article dans ce blog, Les pieds dans le « tapie ») et quelques autres, heureusement pas nombreux devant l’immense majorité des artistes, particulièrement satisfaits de notre accueil et du professionnalisme de l’équipe de l’Evènementiel du Palais des Festivals.

Réaction plutôt vive de votre serviteur. Je refuse de continuer à écouter son torrent acrimonieux, le confie à son agent (mon amie Annie Rosenblatt de Mad Minute, sidérée) et pars en exprimant de vive voix mon désir qu’il joue le soir et se casse en empochant son pognon pour ne plus jamais revenir sur Cannes.

Par la suite, dans une soirée quelque peu alcoolisée, nous apprendrons les diverses frasques qui parsèment sa tournée, son incapacité à se contrôler, sans aucun doute produit d’un trac que l’on peut comprendre mais que son manque immense d’humilité rend particulièrement odieux. Le « -On voit bien que l’on n’est pas à Lyon ! » lancé au public de Bron qui le sifflera, les innombrables jérémiades, caprices et autres mouvements d’humeur qui poussent à bout son entourage et laisse planer une ombre délétère sur l’avenir de sa tournée.

Alors, Vincent Segal, ange ou démon ? Ange sans doute si vous êtes spectateur…mais ange qui ne remettra plus jamais les pieds dans une de mes programmations, et c’est vraiment regrettable car il aurait été parfait dans une édition des Nuits Musicales du Suquet.

Tant pis, on survivra, et lui aussi, il fait nul doute…mais il ne devrait pas oublier que ce sont des programmateurs comme nous qui misons sur lui, et que cet investissement porte sur son talent et certainement pas sur ses états d’âme de garçon mal élevé et mal embouché.

Une main mordue n’a pas envie de caresser !

Adieu Vincent Segal !

 

PS : j’ai attendu qu’il s’excuse après le concert, ce qui aurait effacé une partie du malaise, j’attends toujours même s’il est passé devant moi !

 

PPS : j’ai lancé le message qu’il pouvait me téléphoner auprès de ses tourneurs afin que l’on discute du problème à froid, mais apparemment sans effet. Il ne s’abaisse sans doute point devant un petit directeur de province !

 

PPPS : Huun Huur Tu, c’était génial, des musiciens sortis de leur steppe et heureux de vivre et de partager. Tout était parfait pour ces mongols issus de la nuit des temps ! Ballaké Sissoko s’est révélé adorable et passionnant… Dommage pour lui, mais il a encore quelques dates à souffrir, la perfection musicale tolère bien quelques petits accrocs à la sérénité et au confort d’une existence trop quiète !

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Ô Sergio...mon ami !

Publié le par Bernard Oheix

 

Un de mes discours, encore...mais pas pour n'importe qui ! Un des êtres les plus adorables hérité de ma jeunesse, quelqu'un qui donne le désir de tendresse, l'envie de le protéger, de garder le lien ténu qui court sur plus de 35 ans parsemés de douleurs et de joies, d'échecs et de réussites, de grands moments futiles et de petits instants précieux, de bruits et de fureur...

La vie toute simple, quand, même les distances et les années ne peuvent abolir le sentiment d'appartenir à une famille de coeur. C'est cela Mon Sergio, et à  l'occasion de ses 60 ans, il attendait ce discours avec impatience. Il a eu la larme à l'oeil, mais c'est normal, c'est un vrai tendre mon Pote !

 

 

A soixante ans, on est plus près de la fin de son siècle que de l’aube de l’humanité.

C’est ainsi Sergio, tu fais désormais partie des têtes grises, des cartes vermeil, du 3ème âge. Tu entreposes dans ton placard une provision de « couches confiance » et tu  radotes déjà comme les petits vieux sur « l’avant qui était mieux », que les jeunes ne savent plus rien parce que l’école, c’est le foutoir, qu’ils n’ont plus de respect, que c’est une bonne guerre qui leur manque et que les communistes, c’est la honte... etc...etc

Serge, réveille-toi, ils ont disparu depuis longtemps les communistes, ils ne peuvent être responsables de tout !

Mon pauvre Sergio, si tu savais comme tu es normal, abominablement normal, normal jusqu’à la caricature, toi qui raconte que tes petits-enfants sont les plus beaux et les plus intelligents du monde… Sais-tu qu’ils vont aller à l’école pour ne rien apprendre, faire leur crise d’adolescence comme les autres, se révolter et se droguer, et peut-être même devenir des gens de gauche comme les enfants de tes collègues !

Pourtant, on t’a aussi connu jeune, dynamique, plein de rêves et de passions. Souviens-toi de Thérèse, qui a commencé par bousiller la portière de ta superbe 4L alors qu’elle attendait le bus et que Micheline, dans la même école d’infirmières, la remarquant, t’obligea à freiner pour la charger…

Une portière en moins et 35 années après, l’amitié est toujours présente et nous sommes réunis pour célébrer tes 60 piges pour le pire… et le meilleur !

Tu étais jeune et beau, tu sentais bon le sable chaud, mais surtout, tu gagnais plein d’argent. Tu étais le seul d’entre nous à travailler, étudiants, nous dépensions ce que tu épargnais. Tu avais une voiture, un boulot, une femme qui débarquait des îles avec son délicieux accent chantant, mais derrière tout cela, au fond de toi, c’est à l’Italie que tu pensais, rital tu l’étais, rital tu le restais et c’est devant l’hymne italien que tu te pâmais en regardant les shorts des joueurs transalpins mettre régulièrement la pâtée aux tricolores !

Tu es un fils de paysan, et tu es resté ce fils de paysan italien, toi qui petit à petit s’est élevé dans la société pour côtoyer les grands de ce monde. Du chemin tu en as fait. Travaillant dans des hôtels luxueux, des restaurants de charme à étoiles, t’égarant même fortuitement dans la création florale jusqu’à ce que ta route croise celle d’un baron pas rouge mais ô combien protecteur et salvateur pour le fils d’émigré que tu es.

Il a poli en toi ce trésor brut qui restait dans sa gangue, il t’a adopté et tu t’es rangé à son service comme en noviciat, consacrant ton talent à lui offrir la quiétude et l’ordre d’un monde d’harmonie. Tu es devenu son ombre et il t’a formé à voyager, de Courchevel au Maroc, de Saint-Tropez à Madrid. Il t’a initié à la chasse, t’a permis de passer sous le par et de putter en swinguant comme un talentueux golfeur que tu es devenu.

Tu as aussi accueilli des têtes couronnées, servi des fortunes de France et d’ailleurs, et même, paraît-il, quelques dictateurs en instance de déchéance…

Sergio, tu vis tellement dans le luxe que tu aurais pu oublier tes amis roturiers, anciens soixante-huitards, étudiants attardés, femelles langoureuses et autres chats errants… mais tu ne l’as pas fait !

Et eux aussi ne t’oublient pas. Ils savent que tu es resté notre Sergio, celui généreux et sympathique que nous avons aimé et qui est toujours présent pour affronter les coups durs de la vie, et qui peut rire d’un rien et pleurer pour beaucoup, apte à offrir son cœur et à énoncer n’importe quelle bêtise…

Et tu deviendras aussi un vieux acariâtre, sa canne à la main en train de maudire le monde entier même si tu es toujours comme une fleur bleue malgré ton âge.

Tu as le temps, Sergio, 60 ans, c’est le début d’une autre aventure, peut-être la part la plus belle de notre vie, quand on décide de ne plus avoir peur et d’être enfin soi-même.

Et nous, on t’aime comme tu es !

Et on t’aimera toujours comme cela !

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Le Fantôme du Suquet !

Publié le par Bernard Oheix

Situons bièvement le contexte...Un Festival de Musique Classique perché sur les hauteurs de Cannes, en fronton de l'Eglise, 700 places en écrin sous les étoiles. Un art de vivre à l'image d'une version champagne de la Côte d'Azur. Depuis 35 ans, un Directeur Artistique compose des programmes à l'image d'une musique classique...toujours un peu plus poussièreuse au fil des années, reflet d'un âge d'or révolu des années 70/80, pour un public vieillissant inexorablement et dont chaque année, quelques sièges vides, rappellent que le temps poursuit son oeuvre en utilisant "métronomiquement" sa faux aiguisée à couper les têtes grisonnantes !  Depuis 22 éditions je produis le Festival avec l'équipe de l'Evènementiel ! 

Solistes, ensembles, cérémonial et frac du pauvre, échange de bons procédés entre organisateurs de Festivals, et par-dessus tout, salaire hérité d'une époque glorieuse... Terrain miné pour une musique classique en train d'étouffer sous le conformisme des rides. Souvenons-nous de la charge de Duchable, jetant son frac aux orties et balançant, d'hélicoptère, un piano dans un lac de la Vallée des Merveilles ! La révolte pouvait gronder !

Le temps du changement était venu et quand ma direction m'a demandé de reprendre le Festival (sans augmentation de salaire !) et de le moderniser, j'ai accepté pour deux éditions, par le challenge alléché, d'une dernière pierre à bâtir sur les remparts de ma Ville avant mon départ à la retraite ! On était à l'automne et les fleurs de la calomnie allaient s'épanouir sur les pavés de mon chemin de croix !

Que dire de la tempête dans un verre d'eau qui embrasa les médias locaux cet automne. Que d'articles en expressions libres dans Nice-Matin, un quarteron d'aficionados de l'ancien directeur artistique se leva pour jeter l'anathème à mon encontre ! Que les journalistes par l'odeur alléchée, entretinrent (à juste titre) une pression en convoquant le banni au rang du témoignage, que d'autres lancèrent aux cieux que la perte était irréparrable et que le "people", la "mode" et l'incompétence venaient de triompher de la sagesse et de la connaissance ! J'ai donc dû répondre et je vous livre mon "droit de réponse" paru dans Nice-Matin. Vous avez ici sa version originale, sa longueur ne pouvant lui permettre d'être publié en l'état, le journaliste effectua des coupes (intelligentes) afin de le formater.

   

 

BO/MAP

Objet : Réponse à Nice-Matin

Nuits Musicales du Suquet

 

 

Monsieur,

 

Pour faire suite à votre article paru dans Nice-Matin du samedi 9 Avril et à la rubrique C’est vous qui l’écrivez ! du mardi 12 Avril 2011, je vous prie de bien vouloir trouver, ci-dessous, ma réponse à Nice-Matin.

 

Vous avez tous, je l’imagine, reconnu « l’incompétent chargé des destinées du Suquet ». Je me décide donc à apporter ma pierre aux remparts du Suquet, un éclairage sur les raisons qui m’ont conduit à accepter les responsabilités de la programmation artistique sur les éditions 2011 et 2012, et sur l’analyse que je porte de la situation actuelle et du rôle d’une direction artistique.

 

Je tiens tout d’abord à rassurer votre lectrice : Gabriel Tacchino est très bien traité et les Nuits Musicales du Suquet resteront à dominante classique, fidèles à leur identité. Elles sont adaptées et dynamisées tout simplement. Car il en va des manifestations culturelles comme des êtres qui les dirigent…elles évoluent, se contractent, se libèrent, trouvent des axes nouveaux, vieillissent parfois, rebondissent souvent, sont ouvertes sur le futur mais dépendent de leur propre histoire.

Mais le temps nous rattrape toujours ! Et il y a bien longtemps désormais que la presse et la critique nationale ne s’intéressent plus à notre Festival. Son aura médiatique s’est bien terni, hélas ! De même, l’affluence générale suit une courbe descendante depuis quelques années à la mesure d’un non-renouvellement du public. Où sont les nouveaux spectateurs du classique ?

L’usure du Festival est bien là, elle se perçoit clairement pour ceux qui l’organisent et président à sa destinée.

C’est Gabriel Tacchino, l'enfant du pays, qui avait eu l’intuition de ce lieu, la vision de ce Festival. Avec Georges Dufour, l’adjoint au maire de l’époque qui joua un rôle déterminant, ils surent imposer la musique reine dans cette agora d’honneur.

 

Loin d’être seulement une charge, ce fut aussi un privilège pour Gabriel que de conduire pendant tant d’années une telle manifestation : salaires, cachets, échanges d’artistes, considération générale, réputation, autant de facteurs qui influèrent positivement sur sa carrière, juste considération en retour de son action !

Nous en avons vécu de belles heures, tous ensemble, avec des êtres de légende. Quelques noms tirés de ce livre d’or ne peuvent cacher la richesse de ces plus de 200 concerts, myriades de groupes et de solistes, chaînes de la passion : Le Mozarteum de Salzburg, Les Virtuoses de Moscou, Le Royal de Wallonie, I Musici di Montréal, L’Orchestre de Chambre d’Israël, I Solisti Veneti… accompagnés des Rostropovitch, Oistrakh, Pires, Rudy, Stern, Fazil Say, Repin, Sokolov…

 

35 années se sont écoulées entre les premiers essais d’un jeune programmateur et la machine à remonter un XXIème siècle de fureur. Il était alors venu le temps de prendre un peu de recul pour lui, de laisser à d’autres le soin d’entamer une nouvelle étape, celle d’une adaptation aux nouvelles tendances, aux contingences modernes.

 

Le public, qu’il soit dit élitiste ou populaire, les jeunes, les adultes de la génération actuelle ont des goûts, des habitudes culturelles qui ont évolué avec le temps présent. Ils ne se reconnaissent pas toujours dans un concept purement classique. C’est ainsi que la ligne directrice de la programmation des Nuits du Suquet se doit d’évoluer, afin d’être plus en phase avec ceux, nombreux, qui aiment le classique tout en étant dans la modernité.

 

L’édition 2011 fonde les bases d’un nouveau développement des Nuits du Suquet. Toujours classiques, et ouvertes sur d’autres genres. Toujours classieuses, et en phase avec la culture d’aujourd’hui.

 

Enfin, c’est à moi, Bernard Oheix, Directeur de l’Evènementiel depuis 1992, que les responsables du Palais des Festivals et des Congrès de Cannes ont confié la responsabilité d’accompagner cette mutation en douceur.

Jusqu’à preuve du contraire, les saisons « Sortir à Cannes », les  plus de 1000 artistes et groupes, pièces de théâtre et ballets, cirques et opéras, concerts gratuits et grandes stars programmés par la Direction de l’Evènementiel du Palais des Festivals et des Congrès ces dernières années ont écrit quelques belles pages de la vie culturelle cannoise.

Et cela continuera avec les Nuits du Suquet 2011…

Et même après mon retrait de la vie professionnelle, d’autres apporteront leur talent, leur finesse, leur passion pour que la culture vive à Cannes, au Suquet comme ailleurs ! Car s’il est une chose que ma vie professionnelle m’a bien appris au cours de ces longues années, c’est que même si les individus peuvent s’épuiser et disparaître, la réalité, elle, subsiste et perdure, possède une vie qui dépasse largement les intérêts de ceux qui sont en situation de responsabilités et vivent sur  les privilèges du passé.

 

Vous en souhaitant bonne réception,

 

Je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

 

Bernard OHEIX

Directeur de l’Evénementiel

 

 

Les Nuits Musicales du Suquet ont eu lieu. J'ai entrevu le fantôme de l'ancien directeur errer entre les pierres séculaires. J'ai eu du mal pour lui, comme si cette histoire commencée il y a 22 ans, ne pouvait s'achever que dans le goût amer de la déchirure.

Brigitte Engerer et l'Orchestre de Cannes furent égaux à eux-mêmes. Laurent Korcia apporta son souffle d'air frais. Monsieur Jean-Louis Trintignant dans des poèmes de Vian, Desnos et Prévert en musique fit basculer le public dans l'émotion d'une vie déchirée, une voix inimitable pour un vieil homme encore debout comme un seigneur des temps modernes. Nemanja Radulovic fut éblouissant, le meilleur du classique en boots, crinière au vent, percing et élégance ravageuse. Grand Corps Malade scella la réconciliation des deux publics, le classique et le moderne malgré un repli dû à la pluie. Les Pianotokés importèrent des rasades de rires (l'humour en classique, cela existe !). Reste Dame Felicity Lott et Isabelle Moretti qui, malgré leur talent et leur gentillesse, oeuvrèrent dans un récital conformiste dénué de souffle (ce qui est regrettable pour une chanteuse !). Alors le Suquet ne s'est pas écroulé, le vent et le froid n'atteignirent que les gorges des plus fragiles et 2012 nous dira si le pari peut réussir d'allier le classique et la modernité pour enterrer toute guerre des anciens !

 

 

En prime et comme exemple, un mail et ma réponse (je réponds systématiquement !) comme un rappel de la crise passée.

 

Monsieur,

Les programmes des Nuits du Suquet ne sont plus ce qu'ils étaient depuis plusieurs années!

Programmes musicaux d'une rare qualité, ambiance festive et amicale!

Les Nuits ont perdu leur âme

C'est bien regrettable!

Avec mes salutations

Roger M....

 

Que les Nuits aient perdu leur âme est votre opinion...et je la respecte.

Mais est-ce à dire que vous n'avez pas aimé les concerts de Laurent Korcia et Nemanja Radulovic... Ou Brigitte Engerer avec l'Orchestre de Bender, ou le récital de Felicity Lott...ou l'humour des Pianotokés...Et même l'extraordinaire présence de Jean-Louis Trintignant par cette voix portant des poèmes magiques sur un accompagnement musical divin...

Bon, je vous accorde que question ambiance, le vent, la fraîcheur et même la pluie sur le dernier jour (mais cela n'a pas dû vous gêner... ce qui est regrettable car le concert de Grand Corps Malade a fait l'unanimité de tous les publics présents !) n'étaient pas pour améliorer cette édition. On peut rajouter les termites du Suquet, les fantômes du passé et espérer finalement que le temps saura vous convaincre que les Festivals ont une vie et doivent évoluer pour s'adapter et maintenir leur lustre !

Cordialement.

 

 

 

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Les pompes de Korcia

Publié le par Bernard Oheix

 

Laurent Korcia est un des violonistes les plus talentueux de sa génération. Jeune, beau, vivant, il décape l’image du soliste classique brillant enfermé dans son monde aseptisé. Il est un peu people, beaucoup et passionnément tourné vers les autres, avec des attitudes de rocker, fort de ce toucher d’un Stradivarius dont son génie a hérité !

Je le connais depuis longtemps, le suivant au fil des programmations des Nuits Musicales du Suquet et à chaque fois, un grain de sable me prouvait à l’évidence que derrière la star inaccessible, un homme fondamentalement humain était tapi en catimini.

 

Le vendredi 20 juillet 2007, Laurent termine son concert triomphalement après avoir interprété avec Dana Ciocarlie au piano,  la sonate n°1 de Robert Schumann, du Dvorak (danse slave) et Bartok (danses roumaines), ses fonds de commerce, Ravel et Debussy et une pincée de Liszt (les cloches de Genève). Après un dîner avec l’organisation, il avait changé ses plans pour aller dormir avec sa famille à Nice. Quittant le restaurant après avoir signé la facture, je le vis sur le parking de la mairie, sa famille autour de lui, en train de contempler, désemparé, une énorme berline allemande manifestement en panne d’inspiration ! A l’heure du tout électronique, foin de manivelle pour démarrer le monstre noir rutilant restant résolument sourd à toute sollicitation d’une clef magnétique.

N’écoutant que mon altruisme, bien que doté d’une capacité d’affronter les problèmes mécaniques proche du zéro, je m’incruste devant un Korcia étrangement serein dans cette situation kafkaïenne. Je fais revenir le voiturier et le charge de raccompagner la famille à Nice (il est 2 heures du matin quand même….tête du voiturier !), le charge dans mon modeste véhicule pour le ramener à l’hôtel Cavendish, et satisfaction du devoir accompli réintégre mes pénates à 3h du matin !

Le mercredi 22 septembre 2010, au Palais des Festivals, moment de grâce avec mon pote Nilda Fernandez accompagné de l’Orchestre Régional de Cannes, Provence Alpes Côte d’Azur. (cf article dans mon blog de septembre-octobre 2010). Un des invités présents s’appelle Laurent Korcia. Il va interpréter la Méditation de Thaïs de Massenet et faire courir des frissons dans le public. C’était si beau, si parfait et si superbement décalé, morceau de classique pur dans un concert de voix divines. Puis il accompagnera Nilda dans « Mes yeux dans ton regard » et autres tubes que son « Stradivarius » tout émoustillé permet de faire briller de mille notes étincelantes.

C’est au restaurant que je le retrouve pour un dîner où l’émotion pure venue des tréfonds de l’amitié baigne les convives de cette soirée autour de Nilda.

Laurent est heureux, un peu désorienté….Il me confie son plaisir d’échanger avec ce monde de « rockers » aux codes si différents de son univers « classique » et me lance qu’il a un programme « cinéma » qu’il rêve de jouer à Cannes, dans la capitale mondiale de l’image !

A l’époque, la décision venait d’être prise de me confier la direction artistique des Nuits Musicales du Suquet ! C’était confidentiel, et je me revois encore avancer en louvoyant pour instiller l’idée que ce programme « atypique » pourrait trouver sa place dans l’édition des Nuits Musicales du Suquet en 2011…Finalement, je lui lâche que c’est moi qui reprend les rênes de l’artistique et il me donne rendez-vous à Marseille en octobre pour assister à la première du spectacle.

Petite église perchée au-dessus du Prado, ambiance 3ème âge bénévoles, avec cartons nominatifs sur chaises en paille inconfortables et serrements de mains sur visages compassés. Les quatre saisons de Vivaldi en première partie et ces perles de cinéma réorchestrées, Chaplin, Morricone, In the Mood for Love, sans oublier ses propres créations pour le 7ème Art et des auteurs classiques mis à contribution de films, Bartok, Gardel…

C’est ainsi qu’en ce samedi 23 juillet, dans une ambiance particulièrement tendue entre l’ancien directeur artistique et le nouveau se croisant comme des fantômes à l’opéra, Laurent Korcia débarque avec ses quatre belles solistes et un accordéoniste gigantesque par la taille et le talent, Vincent Peirani. Il m’embrasse et me salue avec chaleur.

Comme d’habitude, il a du retard, il a la tête ailleurs, il est dans le vent, au propre et au figuré, et s’aperçoit avec horreur qu’il a oublié ses chaussures noires de concert dans un hôtel, la veille, à Montélimar où il jouait ce même programme.

Au dernier moment, incapable de supporter plus longtemps ses « baskets » bleues tranchant avec abomination sur son élégant costume noir, je lui propose un échange de pompes en toute clandestinité. Mon 42 de pointure lui sied à ravir, il n’en est pas de même de son 41,5 qui me comprime les panards et qui, outre la faute de goût évidente d’une couleur azur sur mon costume sombre, m’empêcheront d’apprécier pleinement son merveilleux concert ! Mais qu’importe, mes escarpins à moi ont trôné sur la scène pendant tout le concert, ils ont dégusté chaque minute de grâce aux pieds de celui que ses mains d’or ont consacré une fois de plus du côté des scènes cannoises !

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Et dès la fin du spectacle, je me suis précipité vers lui pour récupérer mon bien avec le soulagement évident d’orteils enfin libérés s’épanouissant dans un confort retrouvé !

Et le public l’acclamera sans savoir que j’avais quasiment sauvé le concert, que mes simples souliers de cuir avaient œuvré à l’accomplissement d’une soirée d’exception !

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Le repas d’après feu sera à l’image du personnage et de sa joyeuse bande talentueuse et sympathique groupée autour de leur leader charismatique. Un esprit nouveau vogue sur les flots de la musique classique, des jeunes moins corsetés, des artistes dans la vie réelle, des œuvres dépoussiérées et ce « Stradivarius » dont les plaintes magiques rappellent à qui l’aurait oublié, que ce n’est pas la pompe qui fait l’habit, que ce n’est pas l’habit qui fait l’image, et que le talent seul peut émouvoir dans l’ombre du génie !

PS : En récupérant mes grolles, j’ai rêvé de récupérer aussi une partie de son talent. Je me suis installé au matin devant le piano de ma fille en espérant que mes doigts courent sur le clavier pour une symphonie de notes. Que nenni ! J’ai bien retrouvé mes brodequins mais n’ai point hérité d’une parcelle de son art ! Elles n’étaient même pas géniales ces chaussures !

PPS : Faudra penser à écrire une nouvelle sur ce thème ! Vous savez, l’histoire d’un mec qui prête ses chaussures à un artiste et qui, en les récupérant, hérite du talent de celui-ci !

Bon, la suite, je ne la connais pas… encore !

 

 

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