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histoires vraies

Surprise...surprise !

Publié le par Bernard Oheix

Le contexte : un mardi 4 janvier de reprise. Tout est normal. Je monte au bureau de la presse, pour une interview qui s'avère téléphonique. Un collègue m'accroche dans le couloir et commence à me raconter ses vacances en Egypte sur le Nil. Il tient à me servir un café, m'interroge sur mes enfants, mon chat, ma collection de timbres et le dernier épisode des Piliers de la Terre...Moi, je suis hyper poli et gentil et je l'aime bien ce collègue...mais je trouve le temps un peu long ! Au bout d'une demi heure, il prend sa veste, les filles de la presse viennent me chercher et l'on s'en retourne vers mon bureau...Je ne percute pas quand elles m'accompagnent et grimpent l'escalier en ouvrant à la volée la porte !

Surprise, surprise...Une cinquantaine de personnes m'attendent. Ils ont préparé un buffet, me servent une coupe, m'embrassent en me souhaitant un bon soixantième anniversaire. Sophie Dupont se juche sur une chaise et commence un discours (pour une fois, un discours écrit par une autre !). Puis chacune et chacun ira de son évocation sur le thème de "je me souviens".

Et moi, j'étais ému comme rarement, j'avais la certitude d'un moment d'une perfection rare ! 

C'était le 4 janvier 2011, de 11h55 à 13h42 !

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 Sophie, perchée en train de lire son discours...Elle est mon soleil de minuit, toute l'émotion dans mon regard  !

Voici donc le contenu des discours.

Très cher Bernard,

Nous sommes tous réunis ici pour te fêter et j’ai la lourde tâche de te célébrer au nom de toute l’équipe qui t’accompagne au quotidien, te vénère souvent et te supporte parfois.

Il n’est pas si loin le temps où tu usais tes culottes courtes sur les bancs des écoles de Ranchito car pur produit  boccassien tu es et le revendique même si parfois tu lui fais des infidélités avec Nissa la bella.  En 68 il y eut tes années révolutionnaire au Lycée Carnot  et les belles années 70-80  qui suivirent te marquèrent à tout jamais.  A 30 ans tu mettais fin à ta longue carrière d’étudiant pour intégrer la grande famille socioculturelle des MJC.

Je me souviens qu’à 40 ans tu devenais Directeur Adjoint de l’OMACC et allais constituer une belle équipe de D2. Après un passage éclair à La Palestre, galère dans laquelle tu entraînais ton obligée, tu devenais Directeur au Palais des Festivals et super coach d’une équipe de D1 qui reste dans les meilleures équipes  de cette catégorie, n’ayons pas peur de le dire et ne faisons pas preuve de fausse modestie, sentiment que tu ignores.

Car,  si l’on y regarde bien, ce ne sont pas moins de 2000 spectacles que tu as programmés, organisés, portés depuis 20 ans que tu es au service de la culture cannoise. Que de Festivals organisés dans des conditions parfois extrêmes mais toujours avec courage : Cannes Guitare Passion, les RCC, les Festivals de Marionnettes, du  Palm Beach  et encore aujourd’hui les  Festivals de Danse, du Suquet, de la Pyrotechnie, Jazz à Domergue, Russes, Festival International des Jeux, les saisons culturelles. Toutes ces manifestations, leurs Directeurs artistiques, publics, collaborateurs d’hier et d’aujourd’hui, tous te doivent, d’avoir parfois contre vents et marées et BBZ, défendu avec fougue et volonté ces manifestations.

Homme de cœur tu sais faire partager toutes tes passions à ton équipe et  nous nous souvenons de tes années foot, de ta période coureur de fond, de tes années cycliste et challenges en tous genres (que n’avons-nous entendu sur le tour de Corse à vélo ou Nice/Gdansk), de tes années nageur ou de tes années baignades en eau sibérienne glacée par grand temps de vodka.

 Et puis, il y a toujours ces films du FIF que tu nous  fais vivre par procuration, ces essais et livres que nous avons le privilège de lire voire de corriger (merci Marie), ces parties de cartes endiablées pendant le Festival International des Jeux, et  ce blog qui te permet  de t’exprimer librement toi qu’aucun Directeur, et dieu sait que tu en as épuisé plus d’un, n’a jamais réussi à faire taire.…

D’ailleurs, te souviens-tu du nombre de Directeurs et élus qu’il t’a fallu convaincre du bien-fondé de notre action et qui t’ont souvent pris pour un extraterrestre de la culture, un électron libre parfois  non maîtrisable  mais toujours professionnel et sachant faire rêver tous ceux qui t’approchent.

Te souviens-tu de notre premier surbooking à la Licorne avec ce concert fabuleux d’al di Méola, de tes folies qu’étaient les concerts sous la Mer, les circassiens de Tridon au Palm Beach, les Jam -sessions du Festival de Guitare,  la reconstitution de Nashville , le show laser et plus récemment les programmations d’Archive, d’Iggy Pop,  de Pete Doherty  et du Requiem de Verdi.

 

JEAN-MARC : Je me souviens...en 1993, lors d’un spectacle à Mérimée, où tu m’avais demandé de rejoindre l’équipe pour les Festivals comme le Suquet, la Danse, Musique Passion, les Marionnettes, Musique Classique, et bien d’autres mais aussi des événements comme les concerts sous l’eau Mare Sonans, des concerts au stade des Hespérides, des concerts DJ’s sur la plage, des créations théâtrales, la liste est longue mais tout cela nous a permis de nous connaître et nous rapprocher, toi d’avoir confiance, moi d’aller toujours plus loin et plus haut, preuve en est maintenant avec les bombes, non pas les Russes, mais celles qui éclatent et réjouissent tout nos spectateurs. Toutes ces années ont fait notre force et nous ont permis surtout de ne pas voir les années passer car heureux des événements créés, des résultats obtenus et soif d’en faire toujours plus. Donc sans revenir plus longtemps sur le passé, nous avons encore envie d’aller loin avec cette famille que tu as su paterner à ta manière et qui porte ses fruits. Alors à « l’an que ven » et pendant plusieurs années !

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Quelques garçons en train de s'éclater, les coupes se remplissent !

NADINE : Je me souviens...  du loto GEANT du Festival International des Jeux où... je n'étais pas là !!! Et d’ailleurs, qu’aurais-je pu faire ? Il n’y avait que toi qui pouvais répondre à la demande de…Jambons ! Je me souviens… des faux Chœurs de l'Armée Rouge où cette fois-là ... tu n'étais pas là et la foule ne scandait pas Kalinka, Kalinka  mais… remboursez ! remboursez !

Mais je me souviens surtout de la magie du spectacle vivant que tu fais si bien vivre à Cannes. Merci pour l’enthousiasme et l’émerveillement que tu nous a insufflés que nous espérons continuer à perpétuer à tes côtés.

 

HERVE : Je me souviens  de ce début novembre 1997 où j'arrivais dans le service Démentiel !!!!, ce fameux spectacle  "Mare Sonans" dans lequel je pensais refaire le Grand Bleu mais au bout du compte je ressemblais à l'homme qui coule à pic !!! La fabuleuse file d'attente sur le concert d’Elton John qui s'étendait du Grand Audi jusqu'à la sortie du parking public qui aurait pu nous faire penser au premier jour de soldes dans les magasins !!!! ou encore à tenir, sous un pluie battante, les bâches du podium extérieur sur les Allées avec des balais en attendant le mot magique de Bernard qui ne viendra jamais (on annule ) !!!! Mieux encore où Bernard et moi-même étions devant les caméras du monde entier pour les remerciements du Président de la République de l'époque Jacques CHIRAC qui était présent dans le cadre du G7 à Cannes devant l'entrée des artistes !!!!!! il y en a tant d'autres !!!! Merci Bernard pour toutes ces aventures trépidantes et insolites !!!!!!

 

MARIE : Je me souviens Bernard d’être passée sous ton bureau, ce qui pouvait prêter à confusion si l’on n’avait pas connu la nature on ne peut plus « chaste » de nos rapports. Je me souviens de cette photo prise par Julien, par surprise, sur la terrasse et sous la pluie, toi en short tenant un grand parapluie rouge et blanc et ta secrétaire posant à tes côtés (drôle de duo) !!! Je me souviens de tous ces moments de pure émotion lorsque, à l’occasion d’anniversaires de tes collaboratrices et collaborateurs, tu lisais, en les vivant, après les avoir rédigés et personnalisés, des discours à leur intention. Je me souviens de tant d’événements qu’il me faudrait des heures pour les coucher sur le papier. Je me souviens surtout de l’évolution, au fil des ans, de nos rapports professionnels basés, de part et d’autre, sur la confiance, le respect et l’affection. Bien qu’ayant à plusieurs reprises, à une certaine époque, voulu changer de service aujourd’hui je suis fière d’avoir parcouru ces 19 années à tes côtés. Merci mon Directeur préféré.

FLORENCE : Je me souviens de ton arrivée à l'OMACC, j'avais 20 ans et c'est grâce à toi que j'ai signé mon CDI. Tu m'as fait confiance et j'espère que je ne t'ai pas déçu tout au long de ces 21 ans (pour le moment tu es le mec avec qui je suis restée le plus longtemps !!). Je t'ai vu vieillir !! Tu m'as vue grandir. Mes meilleurs souvenirs sont ceux de l'OMACC, tu étais fou et toute l'équipe l'était avec toi. Les vacances en Ardèche et ma valise à roulettes, quel délire ! le week-end à Turin, une tuerie ! Les soirées bien arrosées à l'hôtel Mondial pendant le Festival de Guitare, une boucherie ! J'ai des anecdotes plein la tête, mais celles-ci sont aussi les tiennes, nous nous comprenons !!! QUE DU BONHEUR. Les années Palais sont super également, mais je suis beaucoup moins folle et donc beaucoup plus sage et raisonnable. C'est grâce à toi que j'ai vibré sur les concerts de Jacques Higelin, Cali, Iggy pop et une grande émotion quand j'ai rencontré Maurice Béjart et découvert son univers chorégraphique. Toutes ces joies, ces rencontres, et ces émotions je te les dois. 1000 MERCIS et bon anniversaire.

 

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Les filles énamourées en train de me fixer....toute la tendresse du monde !

EURIELLE : Je me souviens d'une permanence de février 2009 qui devait se passer le plus simplement du monde et qui a tourné en véritable cauchemar...loto, Festival International des Jeux 2009, ou comment un Directeur a fait face à une foule en colère, ivre de parapluies et de porte-clés du groupe Barrière, devant une animatrice en larmes totalement dépassée par l'événement. Comment oublier cette soirée sans fin où nous avons fini par faire les fonds de tiroirs du bureau de l'Evénementiel, sous les huées d'un public irrité, avide de gains ! Je me souviens aussi d'un discours sur la scène du Grand Audi...on peut, je pense, le qualifier de magistral...repli au Grand Audi du concert des Sœurs Labèque...vous seul avez le don de justifier un repli par temps de pluie alors qu'il fait beau ! 

NITYA : Je me souviens

Par cœur du numéro de téléphone de Frédéric Ballester…à force de vous le donner

De cet ordinateur, machine obscure et capricieuse, mais qu’on arrive toujours à dompter.

De cette sono qui hurle 10 fois de suite la dernière merveilleuse chanson d’un artiste encore inconnu qu’IL FAUT ABSOLUMENT ECOUTER, et qu’on écoute, en boucle…

Des réunions d’équipe qui, à partir de midi, dérivent et se ponctuent de blagues, qu’il faut avouer souvent douteuses…mais qui nous mettent toujours de bonne humeur !

Des nombreux compliments de nos abonnés, parfois râleurs, mais qui s’abonnent quand même…donc c’est qu’ils sont contents !

De la magie d’une salle de spectacle qui se met debout et qui applaudit, grâce à certains spectacles non programmables, et pourtant programmés, et qui marchent…bravo chef !

 

CYNTHIA : Je ne me souviens pas avoir été volontaire pour Rouben Elbakian, et pourtant… J’étais à vos côtés ! Je ne me souviens pas, non plus, avoir été actionnaire chez Marlboro, et pourtant… J’aurais dû croire en vous ! Mais, je me souviens de Pete Doherty, de la foule et de votre regard envieux quand les petites culottes volaient sur scène ! Je me souviens aussi vous avoir entraîné dans les quartiers, pour vous faire découvrir la « nervous » folk, qui l’aurait cru ! Merci Patron.

Bernard, je mets mes souvenirs de côté pour continuer à vivre, je l’espère, de belles années au sein de l’Evénementiel.

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Les jeunes de l'équipe tentent de me consoler...elles y réussissent !

SOPHIE : Je me souviens  de tous ces concerts fabuleux que le temps n’a pas pu effacer : Arno, Rachid Taha, Cali, Goran Bregovic, Daho, Da Silva, Idir, Charlélie Couture, Higelin, Aznavour, Arthur H et bien sûr, nos regrettés Bashung et Mano Solo.  Et il y a tous ces blacks que tu nous as fait découvrir : Salif, Sally, Ismaël, Rokia, Youssou ainsi que tous ces Corses que tu as réussi, au fil du temps, à nous faire aimer : A Filetta, I Muvrini …Il y a tous ces spectacles de Théâtre, de Danse ou non identifiés qui nous ont ravis mais que je n’ai pas le temps de citer et puis  tous ces artistes que tu continues à nous faire découvrir en même temps qu’à un public de plus en plus difficile à convaincre.  

 Les temps ont changé depuis que tu exerces ce métier mais à l’heure d’internet, tu sais et nous le savons tous ici que l’Homme aura toujours besoin de se retrouver pour partager ces moments de bonheur que seul peut offrir le spectacle vivant.

Continue à nous faire rire, à nous émerveiller et  sache que grâce à toi, nous avons assez de souvenirs pour vivre encore heureux pendant 60 ans.

Merci  Bernard !!! 

 

 

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Le jugement dernier/Requiem de Verdi

Publié le par Bernard Oheix

 

La genèse de cette création plonge dans le Trastevere, un restaurant de pâtes situé le long du Tibre dans une Rome où je m’étais rendu pour visionner La Divina Comédia, opération chantilly sponsorisée par le Vatican. De cette Divine Comédie, il ne restait que la qualité d’un procédé de rétrovision sur des tulles transparents d’un décor virtuel créant un véritable choc esthétique. Au repas qui suivit, se trouvaient réunis mon ami Richard Stephan, un producteur atypique de gros spectacles et Paolo Miccichè, auteur, dans cette Divine Comédie, des projections futuristes permettant aux chanteurs et acteurs d’évoluer dans des décors de synthèse à la réalité sublimée.

C’est au cours de ce repas, qu’après avoir formulé quelques réserves sur le spectacle à la mortadelle auquel nous venions d’assister, vantant malgré tout la qualité de son procédé, que nous convînmes tous les 3, de créer à Cannes un véritable événement, une création mondiale s’appuyant sur son idée de mêler le Requiem de Verdi avec les images du Jugement Dernier de Michel-Ange ornant le plafond de la Chapelle Sixtine. Ajoutons que les pâtes étaient succulentes, le vin délicieux que nous bûmes à forces rasades pour fêter cet engagement à l’ancienne, et que nous « topâmes » dans la main en gens qui se respectent et respectent leur parole !

 

Disons-le, à partir de ce moment, tout ne fut pas rose…

A commencer par les négociations avec les orchestres de Nice et de Cannes en train de fusionner dans la haine, des responsables (que nous ne citerons point) nous toisant de haut, trublions dans ce monde compassé d’une musique classique qu’ils étouffent et font mourir sous leur conformisme…En décembre 2009, après une réunion à Nice qui tourna à l’inquisition et au procès d’intention, nous décidâmes de jeter l’éponge malgré les ventes plus que satisfaisantes et l’attente du public : l’orchestre refusait toute idée de mise en scène et les chœurs hurlaient avec la meute ! C’est toujours triste l’annulation d’une création, un sentiment d’injustice qui nous prive de notre part de rêve, la disparition dans le chaos d’une oasis d’espérance, des émotions perdues à jamais…

C’est dans ce week-end fatal entre chien et loup que Richard Stephan eut un sursaut libérateur. Il me demanda de suspendre la suspension, le temps pour lui de négocier avec l’orchestre de l’Opéra de Toulon et les chœurs semi-professionnels de Nice.

 

Que dire du spectacle ? Superbe et envoûtante cérémonie secrète, hymne à une vision libérée et désincarnée dans les plages sonores obsédantes d’un Requiem de Verdi sublimé. Les voix magnifiques, les solistes d’exception au service de ce Jugement Dernier de Michel-Ange, contrepoint par l’image des angoisses d’une messe des morts. C’est un opéra total, une œuvre hybride entre la leçon magnifique d’un peintre offrant sa vision d’une humanité désarmée devant la mort et les boucles intemporelles envahissant l’espace d’un compositeur obsédé par cette frontière que l’homme franchit pour s’affranchir. Rarement j’ai perçu à ce point combien le détail d’une peinture, qui a marqué une époque, pouvait se confondre avec un son immatériel, une alchimie complexe, deux arts se fondant dans une fresque animée pour renvoyer le public vers des questions essentielles : beauté mortifère, hymne à la mort, sentiment d’un Dieu tout puissant bien loin des oripeaux du pouvoir, dans un éden que la vie offre à ceux qui passent de l’autre côté du miroir et nous laissent orphelins d’une mémoire.

 

Bien sûr, comme toute authentique création, le spectacle progressera encore après cette première, certaines images ne sont pas assez exploitées, le montage peut gagner en efficacité, la mise en scène se libérer en s’étoffant…mais en toute état de cause, cette première ébauche affirme la force de la vision de Paolo Miccichè, son talent dans l’orchestration d’une technique novatrice au service d’œuvres immémoriales.

 

Et n’en déplaise à tous les conformistes qui parasitent le monde de la musique, on peut aimer et travailler le classique en étant moderne, en offrant une alternative à l’ennui profond de ceux qui endorment le public dans la répétition sans saveur du suranné ! L’inventivité peut faire bon ménage avec le bon goût…Nous l’avons prouvé ! Merci à Richard Stephan, le producteur atypique et à Paolo Miccichè le metteur en scène de génie de m’avoir permis de les accompagner sur les chemins tortueux de la création et d’avoir entrouvert les portes de la perception !

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Rokia Traoré : ma déclaration d'amour !

Publié le par Bernard Oheix

Rokia Traoré : déclaration d’amour.

 

Samedi 20 mars 2010, Théâtre de la Licorne. Après bien des vicissitudes, Rokia s’apprête à entrer sur scène. Il est 21 heures 15. Nous avons 45 minutes de retard, la salle initialement prévue ayant été récupérée pour un congrès, nous avons dû nous replier à la Licorne pleine à craquer, arrêter les ventes et mettre en place un système de navettes afin de rapatrier les égarés de La Croisette que nous n’avions pu informer. Le public s’impatiente. J’arrive de mon piquet de garde devant l’ex-lieu où j’ai fait la voiture-balai. J’ai hâte de retrouver une de ces chanteuses merveilleuses, une de celles qui font rêver et permettent de penser que la musique est bien un vecteur entre les cultures, un facteur de paix et d’amour. Elle me donne l’impression de faire quelque chose de bien en la programmant, de servir et d’être utile. J’ai déjà assisté à 2 de ses concerts et pour rien au monde je ne raterai celui que j’organise dans ma ville !

 

Elle est belle, étrangement belle d’ailleurs. En dehors de tous canons, Grande et filiforme, un visage étroit et plat, deux immenses yeux fureteurs, un corps maigre. Elle n’a pas de poitrine ni de fesses, une longue robe l’enveloppe, dissimulant sa finesse. Elle ressemble à une enfant gracile qui ouvrirait d’immenses yeux devant la beauté du monde.

Quand elle parle, un filet de voix discret s’échappe de sa bouche, comme si elle avait peur de ce micro ouvert qui l’oblige à meubler le silence et à se livrer au public. Elle veut partager, pas imposer et s’excuserait presque de ces feux qui l’illuminent dans un travail d’orfèvre. Pourtant elle habite la scène et quand la musique sculpte l’ombre, quand elle se met en mouvements devant ses musiciens dans un cône de lumière, alors, elle devient une reine, somptueuse de grâce, liane vivante habitée de toutes les passions, nerveuse, cadencée, vivant les notes comme si elle pouvait les incarner et donner de la chair à l’éphémère.

Et cette voix si fluette, quand elle décide de la projeter pour l’inscrire dans le rythme de ses musiciens, rien ne lui résiste. Elle franchit les barrières, casse les frontières, envahit chaque espace, devient l’incarnation de ces notes qui flamboient et dévastent tout sur leur passage.

Elle est à mi-chemin de toutes les cultures même si son essence africaine affleure à chaque instant. Sur la base d’une étrange guitare « ethnique » au son aigre, elle va évoluer en flirtant entre le blues et les rocks, sertissant de mélopées profondes d’autant plus belles que sa voix aiguë se glisse entre les instruments, batterie, basse et guitare en contrepoint, sa sœur en appoint de chœur pour relever le chant et lui permettre de dominer le son en l’épiçant de variations.

Dans son introduction musicale, elle va installer son univers, donner une atmosphère en tendant la main à son public, deux morceaux très lents et doux avant de prendre possession de la salle et d’attirer les spectateurs dans son univers si particulier de douceur et de fureur. Loin d’un Salif Keita ou d’un Ismael Lo, elle est en rupture d’une tradition et invente une musique de métissage originale, fusion de deux mondes qui communiqueront par son entremise pour mieux s’aimer. Elle est Princesse Africaine et donne son énergie pour que l’osmose ne soit pas seulement le tribut d’un concert mais bien au cœur d’une démarche où la vie prend toute sa valeur.

Ses interventions, toujours justes et mesurées, donnent une dimension humaniste à sa démarche, une compréhension de ce qui réunit les gens et gomme les différences sans les exclure. Elle est l’oriflamme derrière lequel nous avons le désir de nous rallier, pour la paix dans le monde, pour le partage.

Rokia, je t’aime d’amour, ton univers est le mien, tes gestes me fascinent, ta voix me transporte. Avec toi, je deviens « fan », je signe et persiste. On a besoin de toi parce que tu es une lumière dans la nuit et que derrière ton sourire humble, tes yeux qui rient, ton corps qui tangue, il y a la beauté de l’humanité, la ferveur d’une femme, le cri désespéré de ceux qui portent la paix et la tolérance au sein d’un monde si imparfait.

 

J’avais déjà écrit sur Rokia Traoré, (cf. mon blog, Musiques et spectacles en stock 1, juillet 2007). Après le concert, je me suis rendu dans sa loge pour la saluer et la remercier. Elle avait la tête ailleurs, ivre de sa prestation, décompressant. J’ai balbutié quelques mots et je l’ai serrée dans mes bras en me présentant. Elle a mis quelques secondes à redescendre sur terre et je lui ai sorti quelques tristes banalités de circonstance, sincères mais si pauvres ! Elle a souri et quand j’ai tourné les talons après avoir obtenu une dédicace sur mon programme, elle est rentrée dans sa loge. En m’éloignant dans le couloir, j’ai entendu « Bernard ». Elle était ressortie sur le seuil et m’a lancé « -Merci de m’avoir invitée, merci vraiment… », comme pour se rattraper d’une distance qu’elle n’aurait point désirée…J’ai été heureux, simplement, bêtement, de ce rappel, d’un merci sincère, sans affectation, comme rattrapé par une force qui cimente les passions, les gens de bonne volonté dans la crudité d’un couloir triste illuminé par sa présence.

Rokia, une grande Dame, une artiste d’exception, une femme de cœur !

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Infernum Suquetam

Publié le par Bernard Oheix

 

La roche Tarpéienne n’est jamais loin du Capitole…J’en ai fait la cruelle expérience, une fois de plus, et des ors de Montréal, où la gloire m’effleura, aux pavés glissants des Nuits Musicales du Suquet, il n’y eut qu’un pas que je franchis allégrement pour me vautrer dans la fange de l’ignominie !!! Jugez-en par vous-même !

 

« -Mesdames, messieurs, aujourd’hui, je viens de prendre la décision la plus stupide de ma carrière d’organisateur… ».

Ainsi ai-je entamé mon discours sur le plateau du Grand Auditorium du Palais des Festivals, déclenchant les rires des 700 personnes installées sur les fauteuils de velours rouge, dans la quiétude de la salle, en lieu et place d’affronter des bourrasques sur les gradins du Suquet, sous les étoiles, plus près de toi, Mon Dieu !

Le repli éventuel au Palais des Festivals devant être impérativement décidé au plus tard à 16h15, sans possibilité de retour en arrière, en ce 22 juillet 2009, la lecture à 14h30 du bulletin météo me refroidit quelque peu. Des vents en moyenne à 40km/h étant annoncés, je passe 30 mn au téléphone avec le responsable de la station où nous sommes abonnés afin de tenter de voir clair dans l’imbroglio d’une soirée qui s’annonce complexe. 700 personnes ont pris leurs billets pour les sœurs Labèque. La salle est archicomble. Ce n’est pas la première fois que je les programme et chacune de leur venue est propice à une bonne décharge d’adrénaline. Disons-le clairement, elles n’aiment pas jouer en extérieur, détestent le vent et les cris des cormorans, le moindre klaxon déclenche leur irritation et quand un spectateur tousse, elles se sentent personnellement agressées. Cela n’enlève rien à leur talent et à leur gentillesse, elles sont comme cela les sœurs Labèque, méticuleuses et particulièrement scrupuleuses quant à l’exercice de leur art.

Je reprends rendez-vous téléphoniquement avec le gardien des cieux pour 16h afin de faire un ultime point qui ne changera rien. Il me certifie que le Suquet subira de travers des rafales de vent marin entre 20h et 23h et les artistes consultées par précaution me poussent au repli immédiat…

J’imagine la tête de mes supérieurs à l’annonce qu’il faut rembourser tout le monde parce que j’aurais fait le mauvais choix et déclenche in petto un repli stratégique au risque zéro malgré la maigreur du souffle d’Eole qui tente une percée vers 16h30, sans conviction… avouons-le !

Sophie D, mon adjointe débarque en rigolant… « -repli, vous avez dit repli, mais il n’y a pas de vent …pourquoi ? Encore une de tes lubies, Bernard !». Admirez au passage la solidarité de ma plus proche collaboratrice, celle qui partage ma vie (professionnelle) depuis 20 ans désormais !

Je résiste et tente de me convaincre de la justesse de ma décision, me mets à guetter, le nez en l’air, chaque branche d’arbres qui se courbe timidement… Et plus le temps passe, plus le vent décroît jusqu’à ce qu’il s’éteigne définitivement à 19h30, laissant les drapeaux en berne, mon cœur en jachère et le public particulièrement furieux de ce repli intempestif, incompréhensible.

Je vais donc passer les heures qui suivent à exhiber mon bulletin devant les faces de hordes excitées zébrées de rictus méchants afin de prouver que le vent devrait être là, jusqu’à ma montée sur scène pour une expiation publique.

Inutile de vous dire que je n’en menais pas large au moment de pénétrer sur l’immense plateau, m’accrochant au micro comme à une bouée de sauvetage…jusqu’à cette introduction qui dérida la salle et me mit les rieurs dans la poche…

Sophie, goguenarde, avait annoncé à la cantonade, que cette fois-ci, si j’arrivais à les faire sourire et à les retourner en ma faveur, j’aurais vraiment droit à une médaille ! Je la porte au revers de tous mes espoirs, comme un tribut payé au vent capricieux colportant les ondes mauvaises d’un dieu Suquétan pervers !

 

Les soeurs Labèque, après la tourmente...

Mais ce n'en était pas fini avec cette édition du Festival !
Passons sur les rumeurs montantes, celles qui déchirent le silence précieux des pianistes avec des airs de « batucada » peu propices au mixage des genres, à notre toile esthétisante surplombant les spectateurs sauvagement lacérée dans un pur élan de vandalisme par une nuit sans fond, pour arriver à cette clôture des Nuits Musicales du Suquet avec mon ami Nilda Fernandez.

« -Mesdames et messieurs, un guitariste a besoin de doigts, un chanteur de cordes vocales et une danseuse de jambes…c’est, hélas, ce qui manque à notre Carmen ! En effet, il y a une semaine, pendant une répétition de ce spectacle que j’ai vu à Paris, à la Casa des Espana, spécialement repris pour Cannes en exclusivité, elle s’est foulée une cheville…exit donc notre Carmen. Dans l’impossibilité de trouver une danseuse, refusant une annulation pure et simple, j’ai convaincu Nilda d’adapter son spectacle en reprenant  un travail sur Garcia Lorca qu’il avait monté tout en conservant la trame musicale du précédent spectacle… Dommage pour la Carmen Cita et vive donc Fédérico Garcia Lorca… ».

 

Il est certain que le début du spectacle péchait quelque peu, malgré deux chansons sublimes de Nilda sur des poèmes de Garcia Lorca…le rapport à l’Espagne, une conférence sur la renaissance du flamenco, une distribution de jambon…chaque élément en soi était plutôt riche mais l’impréparation et l’improvisation de cette première partie de 30 minutes rendaient un flou artistique pas toujours convaincant…Par la suite, le groupe (deux guitares, deux voix masculine et féminine, un carom et deux danseurs, homme et femme) entra en scène pour une heure et quart d’un flamenco âpre et rugueux. Les musiciens géniaux, la chanteuse sublime, un danseur atypique portaient l’ensemble et réussissaient à retourner l’ambiance et à faire basculer les spectateurs malgré une poignée d’entre eux (une vingtaine) qui décidèrent de quitter la salle au bout d’une demi-heure non sans avoir au passage, apostrophé le metteur en scène avec vulgarité.

Un des semeurs de zizanie, 35 ans, pantalon blanc, chemise blanche, (ouverte sur un torse viril avec poils noirs frisés) vint vers moi de sa démarche chaloupée et m’apostropha. « -J’ai un ami avocat, je suis Corse, et maintenant, si tu ne me rembourses pas immédiatement, on réglera ça en homme » me dit-il, en me saisissant par une épaule ! « D’abord, c’est pas un spectacle, ils boivent et mangent du jambon sur scène au lieu de jouer et de danser ! »

«-Monsieur, enlevez votre main de mon épaule », répondis-je stoïque, avant que la police n’intervienne avec brio, (on ne s’en prend pas au caissier ! (sic), et que le spectateur irascible et peu mélomane conclue d’un sonore « -mais enfin, si on se fait enculer, alors on n’est pas un homme ! »

Et moi qui pensais que la musique adoucissait les mœurs et qu’une soirée au Suquet à 30€ sous les étoiles ne pouvait déboucher que sur une note d’harmonie !

Et 650 personnes debout, à la fin du spectacle, firent une ovation aux musiciens et à un Nilda attachant, légèrement désorienté et quelque peu perplexe.

Reste l’attitude inqualifiable d’une poignée d’histrions sans éducation, mais de cela, je vous reparlerai bientôt, dans un billet futur !

 

Le Suquet est terminé, il fait chaud, très chaud, et les manifestations s’enchaînent, Feux d’artifice, Pantiero, plages électroniques, Jazz à Domergue… avec leur lot de problèmes et leur somme d’angoisse. C’est la marque d’un été complexe, dédié aux caprices d’une météo fluctuante et d’une société en crise…mais le beau temps reviendra et « l’avis de tempête culturelle », accroche de notre programme d’été sur Cannes, cessera bien un jour prochain ! Enfin, on l’espère !

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Une nuit à Vence

Publié le par Bernard Oheix

 

Juan Carmona, mon vieux complice des « Nuits Flamenca », virtuose de la guitare gitane, avec Dominique Fillon, un jazzman au nom si lourd à porter (Eh oui ! C’est bien le frère !)… même si son talent n’appartient qu’à lui, sans aucune discussion. Ils étaient annoncés dans une création en première partie de Khaled, dont le dernier disque est un bijou, autant d’éléments pour me convaincre de me rendre avec Nilda Fernandez, sur la place de la ville pour passer une soirée musique de détente après son opus flamenco en clôture des « Nuits Musicales du Suquet » de Cannes.

 

 

Jaillissement de notes, torrents déferlants pour maestros en fusion, un jazz teinté de sonorités flamenca qui coule en flots ininterrompus. Une création les réunit pour des échanges riches et cristallins. Même si la virtuosité élégante des musiciens est manifeste, c’est une musique qui ne me parle pas, qui effleure mon cerveau sans atteindre le cœur. Je préfère et de loin le Carmona de la Symphonie Flamenca, le rugissement de sa guitare à une expressivité trop sophistiquée. C’est ainsi, j’aime toujours le Maître, même si sur ces chemins de traverse, il m’apparaît quelque peu figé, enfermé dans sa volonté d’aller vers les autres en s’oubliant. Carmona est un grand soliste contemporain de la guitare, il n’est que juste qu’il se confronte à diverses formes d’expression mais son talent réside au bout de ses doigts quand il parle vraiment de cette musique qui le hante et règne dans son âme de gitan perdu dans un monde de chaleur.

 

J’adore l’ultime opus de Khaled. Des compositions fortes, un musicien qui se régénère et offre une nouvelle facette de son talent. J’en frémissais de l’écouter et de voir son show. Déception. Il reste Khaled, un son trop fort et gras qui déboule des enceintes, une gestuelle un peu ridicule, un sourire qui résiste au temps. On a envie de l’aimer, de lui offrir notre écoute mais il semble si absorbé par son propre destin, qu’il n’y a pas de prises à l’émotion. Quelques tentatives de se trémousser plus loin, il nous laisse sur notre faim, sans l’énergie de ses débuts, sans la sérénité de la maturité. Un peu trop accrocheur, manquant de finesse, il réussit par la force de son timbre à me prendre par la main mais échoue à me transporter dans une contrée où tout est harmonie.

J’aime khaled malgré tout et continuerai à le suivre en espérant que l’alchimie subtile de la perfection lui offre enfin la magie d’une communion avec son public !

 

Au passage, dans cette équipe géniale des Nuits du Sud, le meilleur festival de la Côte, où professionnels et bénévoles se côtoient, Théo Saavedra, le directeur artistique et Serge Kolpa, le directeur technique nous accueillent avec le sourire de ceux qui ne trichent pas. J’ai toujours du plaisir à les retrouver, la concurrence est une belle émulation quand elle se produit dans un respect mutuel.

 

Pendant le changement de plateau, une amie qui m’avait interviewé récemment se dirige vers moi et me dit bonjour. Elle est accompagnée d’une jeune fille qui me salue. Je la regarde sans mettre de nom sur son visage.

-Bonjour, je suis Gwendoline C. Vous ne vous rappelez pas de moi ?

-A vrai dire, non, cela me dit quelque chose, mais…

-J’étais une de vos étudiantes à l’Université de Nice, il y a plus de 5 ans. Les cours d’économie du spectacle en licence Arts du Spectacle.

-C’est vrai ! Et que deviens-tu ?

-Je travaille aux Nuits du Sud… et c’est grâce à vous ! Vous m’avez donné le goût de l’évènementiel et vous m’aviez conseillée d’aller vers la technique pour trouver du travail…C’est ce que j’ai fait et je voulais vous dire merci. Je vous avais raté l’an dernier mais quand j’ai su que vous étiez là, je tenais à vous rencontrer, enfin !

 

Je lui ai claqué une grosse bise qui a résonné sur la place pour la gratifier de ces mots doux et pendant quelques secondes, j’ai été heureux, simplement heureux et fier. Comment imaginer que l’on puisse influer positivement sur l’avenir des autres ? Elle me rappelait à l’espoir et au plaisir que j’avais réellement eu de transmettre un peu de mon expérience dans ces murs de la Faculté. Même si l’aventure avait tourné cours, (confère mon article dans le blog, rubrique Culture du 05/03/2008), elle reste la preuve vivante que je n’ai pas effectué tout cela pour rien !

Merci Gwendoline et bon vent dans ton métier !

 

 

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Mes 5 minutes de gloire...

Publié le par Bernard Oheix

C’est Andy Warhol qui écrivait que chacun d’entre nous est condamné à avoir son quart d’heure de gloire dans son existence…Bon, dans mon cas, j’ai la nette impression que Montréal 2009 aura entamé ce capital de quelques minutes particulièrement riches ! Jugez-en par vous-même en lisant la suite…

 

Je suis le Père Noël et nous sommes en juillet…C’est ainsi que j’ai attaqué mon discours devant 25 000 personnes massées sur les gradins de La Ronde déclenchant immédiatement une cascade de rires !

Au départ il y a un voyage éclair à Montréal afin de rencontrer les responsables du Festival de Feux d’Artifice et de Juste pour Rire…deux manifestations avec lesquelles je suis particulièrement lié par des liens d’amitié. 5 jours qui s’annonçaient intenses et qui le furent bien au-delà de mes espérances !

Après une telle entame qui déclencha une première vague de rires, il fallait pouvoir assurer. J’ai donc enchaîné en expliquant qu’il y avait trois raisons à mon statut provisoire de Père Noël.

La première fut expédiée rapidement, en l’occurrence, c’est votre serviteur qui devait distribuer les cadeaux aux artificiers accostant sur le ponton flottant où j’étais juché devant la foule installée sur d’immenses tribunes en arc de cercle. La deuxième me permit de renouer avec le succès. En effet, contrairement à ce qu’affirmait la jeune chanteuse québécoise qui m’avait précédé en tant que marraine de la soirée, j’affirmais haut et fort que ce n’était pas elle qui avait importé le beau temps (les précédents feux s’étaient déroulés sous la pluie et dans les tourmentes du vent) mais bien moi, arrivant de Cannes. Le soleil, en tant que méridional, je maîtrise quand même mieux qu’une native qui ne fait que l’entrevoir pendant quelques semaines de juillet à août ! Pour la troisième raison, je m’assurai derechef un triomphe auprès de la foule.

« -Je viens faire allégeance, devant Martyne Gagnon la Directrice du Festival et toute son équipe, devant vous, chers amis québécois, j’ose l’avouer : Cannes n’est pas le premier Festival de Pyrotechnie du monde, c’est bien Montréal…et c’est dur pour un Français d’avouer un truc comme cela, c’est très dur ! »

A partir de là, j’ai déroulé en souplesse, brodant sur les feux d’artifice et la créativité des artificiers dans cet art devenant majeur, sur les liens d’amitié entre Montréal et Cannes et mon plaisir d’être ici, dans ce temple de La Ronde où se dessine les voies de l’artifice !

Effet garanti pour un discours rondement mené qui m’autorise à penser que j’ai désormais ma place réservée au soleil de l’été québécois et quelques Québécoises définitivement attachées à l’idée de nouer des liens d’amitié avec la France du sud !



Pour la petite histoire, originellement, c'est le consul d'Argentine qui devait faire le discours, mais son absence de dernière minute m'a obligé, à la demande de Martyne Gagnon, la Directrice du Festival, d'improviser mon laius...avec le résultat que vous connaissez !

Mais mon séjour avait pour but aussi de rencontrer le Directeur de Juste pour Rire, Gilbert Rozon, un homme avec qui j’avais sifflé un infâme vin dans des cornes de buffles par -30° au carnaval verglacé de Québec en matant des Miss transies dénudées dans le froid polaire, quelques siècles auparavant, scellant une amitié que ni l’éloignement ni le temps ne pourront éroder. Un homme étrange, passionnant, chef d’entreprise et visionnaire, à l’humour affleurant en permanence derrière une vision caustique de la vie, dissimulant derrière une provocation permanente, une vraie pudeur de la vie !

C’est ainsi, qu’honneur suprême, je me suis retrouvé entre les tables de Patrick Timsit ou de Florence Foresti, en train de déjeuner en solo avec maître Rozon pour un repas sympathique, humour et propos sérieux se mêlant en un rideau de fumée que nous seuls pouvions décrypter !

Pendant ces quelques jours, j’ai assisté à une version particulièrement étrange de Boeing-Boeing. Je n’avais jamais vu cette icône du théâtre parisien et outre qu’elle fonctionne parfaitement dans sa mécanique de standard « boulevardien », cette version québécoise, les accents, l’adaptation discrète aux codes locaux, lui donnent une puissance supplémentaire. Un gala (carte blanche) de François Morency réunit Anthony Kavanagh, Eboué, et une pléiade de comiques du crû dans des sketches d’une férocité sans égale !

Si l’on rajoute la zone de déambulations extérieures, en accès gratuit, interdite à la circulation, grande comme le centre ville de Cannes (entre les rues Saint-Denis, Maisonneuve et Sainte-Catherine) où des centaines d’artistes jouent en permanence pour les passants, où des animations sont proposées dès le début de l’après-midi jusqu’au soir tard, où juste pour jouer, juste pour danser, juste pour chanter se confondent en un joyeux mélange qui ne perd pas son sens premier d’amener à la fête, où défilent des jumeaux et explose un carnaval… Alors, on a la dimension de l’événement gigantesque qui se déroule sur 3 semaines à Montréal. Il n’y a pas de pendant à Juste pour Rire…et c’est quand même la deuxième fois que j’avoue cela à nos cousins de la belle province… en une semaine !

Une équipe d’organisation géniale, (beaucoup de filles efficaces et sympathiques), attentive à bien recevoir, un club VIP où se croisent, dans la bonhomie, stars et inconnus, les yeux d’une belle black comme le souvenir d’une Afrique qui élit domicile sur ces terres accueillantes (le Québec est devenu le nouvel eldorado des francophones des anciennes colonies), une mousse avec des amis à parler de transformer le monde par l’humour, des soirées qui dérivent, Nathalie G, adjointe de Rozon comme cerbère de charme pour se fondre dans la nuit quand les chemins se séparent, c’est Montréal 2009, hardi au cœur, Juste un Rêve, un feu d’artifice, Juste un moment de Grâce…

 

Et je vous certifie que les 25 000 personnes du Festival de la Pyrotechnie de Montréal m’ont applaudi à tout rompre. Je les ai eus, mes 5 minutes de gloire !

 

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De l'enfer au paradis musical

Publié le par Bernard Oheix

 

Vendredi 17 avril. Dernier week-end de musique, quasiment la fin d’une saison. Salle des Ambassadeurs. 2000 zombis débarquent de la planète « jeans-slim », mèches gominées, femmes enfants à tendance « cagolle », mecs androgynes au verbe trop haut et aux épaules tombantes… Ils sont là, bien présents, nos amateurs d’électro, une nuit si longue qui nous mènera jusqu’à 2h30 en compagnie de DJ’s impériaux derrière leurs machines en train de déclencher des vagues grasses d’un son puissant qui roulent comme des pierres sans mousse !

Objectif bar pour se noircir au plus vite, détour par le balcon pour s’enfumer à « donf », et passage devant la scène pour lever le bras et sauter en rythme, épousailles du vide et du trop plein, degré zéro de l’inutile !

Je l’avais tant espérée cette soirée confiée à David B, un ami programmateur d’une gentillesse extrême, compétence et sérieux, dynamique organisateur de manifestations électro sur la place de Cannes ! Des Pantiero, nous en avons partagées nombre, avec des moments de folie quand basculent les repères, sautent les verrous de la conscience. Cela peut devenir si beau la modernité !

Mais quand la bière est éventée, que le cadre magnifique de cette salle se gonfle d’outrecuidance, que les chiottes débordent d’une pisse nauséeuse, que chaque minute est le reflet déformé de la vanité d’ombres sans horizon, alors, l’électro devient une mauvaise soupe, une potion amère que rien ni personne ne peut sauver du néant !

C’était ainsi en ce 17 avril, une soirée dont la réussite quantitative (2000 personnes) s’est brisée sur l’écueil du vide, où le trouble intérieur d’une jeunesse sans illusion s’exprimait dans l’acidité d’un comportement sans appel. Clops sur la moquette, vomi sur le velours, toilettes dévastées, vendeurs de produits illicites, rien ne nous aura été épargné que l’espoir ne puisse sauver ! Il reste la désillusion et la certitude que nous n’avons pas à œuvrer pour cette fuite sans rêves ! A d’autres l’organisation des nuits Electro, vive la musique live !

Je passe mon tour !

 

Samedi 18 avril. Nous sommes encore plus près de la quille, une odeur suave de libération ! Avant-dernière soirée avant le Festival du Film. Cela sent furieusement le sable chaud, les seins nus des starlettes et la cure de 7ème Art ! Mais en attendant, je vais présenter une de ces petites pépites qui règnent dans mon cœur de programmateur même si elle peine à trouver son public. Voix Malgaches et Fado, mélange des genres cohérent par le biais de voix de femmes, mais aussi d’un lien subtil entre le Fado et le chant universel de l’Afrique, les marins portuguais se nourrissant de ces chants polyphoniques en remontant le long des côtes africaines, comme nous l'expliquait la sublime Mariza. 

Tiharea (La richesse) est un groupe de polyphonies composé de trois princesses. Ando aux formes plantureuses de « mama » africaine, Eliane, petit bout nerveux de chou noir comme du charbon, et rayonnante, Talike Gelle, femme au regard de braise, habitée par la passion de la vie, véritable star au pays des voix de femmes. Leurs tresses traditionnelles, les dokodokos, leur donnent une allure de guerrières sauvages, nous offrent un parfum d’exotisme. Le groupe est issu du pays Androy, une terre sèche et aride couverte d’épineux, où la pluie ne tombe que 10 jours dans l’année, peuplée d’Antandroy durs et volontaires, façonnés par des siècles de survie et de combats contre les diverses vagues d’envahisseurs. Talike est l’authentique petite-fille du dernier roi des Antandroy, Fagnisaha, qui lui contait les mystères de son pays et les légendes d’un peuple. Il l’a chargée à sa mort de devenir son ambassadrice afin que le feu ne puisse s’éteindre et la mémoire s’effacer !

S’aidant de percussions (colliers de clochettes, instruments traditionnels, djembé), en rythme, les trois voix vont sertir le silence religieux de la salle où 300 personnes attendent de s’embraser. Mélodies et « rimotse » (raclements de gorge, halètements, sons gutturaux) composent une colonne sonore envoûtante. Talike peut passer de l’aigu au grave, du rapide au lent, elle est la colonne vertébrale sur laquelle les deux autres voix fusionnent. De l’unisson au décalage, elles nous prennent par la main pour nous faire découvrir les rites séculaires, la douleur des femmes et par-dessus tout, l’espoir et le don de vie de ceux qui sont accrochés par un fil ténu à la réalité du monde. Survivre en chantant et chanter pour faire revivre des siècles d’histoire. Un concert magique qu’une ovation d’intensité saluait en hommage au courage et à la vertu de femmes ordinaires que la grâce des dieux a effleuré de ses ailes !

 

En deuxième partie, le noir se déchire sur une silhouette fantomatique, femme déhanchée, mains derrière le dos, dans un pinceau de lumière rouge, robe ample, cheveux en cascade sur un visage gracile. Katia Guerreiro, émouvante, accrochée à sa voix rauque exprimant la saudade de tout un peuple nous prend par le cœur pour ne plus nous lâcher ! En contrepoint, assis sur des chaises surélevées, trois musiciens (guitares portugaise, sèche et basse acoustique) aux doigts légers, à la stature figée par les siècles d’un pays tourné vers l’univers, marins parcourant les mers, soldats perdus d’un empire défunt, pliant sous le joug d’une histoire trop lourde pour l’individu que la musique rend à l’éternité.

Katia Guerreiro est un médecin des corps, elle pratique toujours son art de panser les imperfections de la nature et pour faire bonne mesure, sillonne les scènes du monde pour dispenser un message de tendresse aux âmes blessées.

La guitare se fait tendresse et sa voix s’accroche aux notes. Dans la grande tradition d’Amalia Rodriguez, elle module chaque phase musicale pour en tirer la quintessence de l’émotion brute. Le public se laisse aller, entre dans sa transe, épouse ses vocalises, du chuchotement à la plainte passionnée. Cérémonie religieuse dans le sens d’une technique sacrée, comme si la musique pouvait devenir un art universel au service de la beauté. C’est Katia Guerreiro, perdue dans un abyme du temps, une boucle infinie qui autorise de communier avec le surnaturel.

Un vieux complice de ma jeunesse cannoise, Portugais de son état, Joao da Fonseca, qui m’a aidé dans la promotion de ce concert, m’avait donné un texte pour sa présentation. Voici ce qu’il écrivait : 

« -Peu de gens ont cette voix, la voix du Fado. Elle vient de loin, des chants anciens, probablement bien avant que le mot fado soit prononcé !

Derrière la guitare portugaise, pleure ses peines d’amour, sa saudade. C’est la fusion limpide des cordes qui se promènent dans les rues de Lisbonne, où se respire la mélancolie aimable d’un peuple.

Tout cela existe, tout cela est triste, tout cela est fado…et tout cela rend heureux ! »

 

Alors nous avons été heureux en cette soirée du 18 avril, du côté du Théâtre de la Licorne, à La Bocca, dans une salle à visage humain, avec un public de gens normaux, d’ouvriers et de blacks, d’hommes et de femmes de tous âges, reflet d’or d’une humanité capable de pleurer pour la grandeur d’un monde sans frontières et de voix venues d’ailleurs pour instiller une parcelle de bonheur dans le quotidien.

C’est si beau le monde quand il chante à l’unisson.

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Coeur Battant

Publié le par Bernard Oheix

 

Depuis tant d’années que je parcoure les routes sinueuses de ce métier, j’ai eu le privilège de rencontrer des gens formidables. Des Michel Bouquet au sourire facétieux, plein de douceur et d’attention, un Philippe Caroit d’élégance venant s’excuser d’un écart de langage dû au trac, Iggy Pop rayonnant au sortir de la scène s’extasiant d’avoir joué sur cette scène du Palais foulée par les stars du monde entier, des grands noms du théâtre et de la chanson, le regard transperçant de Maurice Béjart dominant un bouc austère, Arturo Brachetti avec sa houppe de Tintin lunaire, Gilbert Bécaud et sa faconde méridionale, Cali qui dissimule sa timidité derrière le visage d’un extraverti, Salif Keïta qui tombe à genoux devant son public, la bande d’Archive en train de boire et de poser pour les photos avec leurs fans au comptoir d’un bar de Cannes et tant d’autres qui allient le talent et l’élégance, dont le nom brille sans cacher l’humanité profonde.

 

Melody et Bernard O présentent la soirée.

Mais derrière ces grands noms, il y a toujours l’aile des autres, inconnus du grand public bien qu’au service de leur talent, les hommes et femmes de l’ombre sans qui les ors ne luiraient point de mille feux, qui se mettent à la disposition de la grandeur et n’en récupèrent pas forcément la gloire…quelques miettes tout au plus ! Ils restent pourtant au cœur du mouvement, de la pulsation qui entraîne le public vers l’horizon d’un bonheur éphémère, le moment du spectacle, la magie d’un instant d’éternité.

Gilles Choir est de ceux-ci, un batteur de talent, de génie, au service des stars, derrière ses caisses et cymbales, il règne sur un empire d’illusions, l’ombre est son domaine même si je l’en ai extrait pour braquer fugacement les projecteurs sur un visage d’enfant émerveillé dissimulé par de longs cheveux et un chapeau qui lui mange le front. Gilles Choir est mon ami et je lui ai offert le concert de ses 30 ans de carrière dans sa ville, sa région, devant son public…même si c’est lui qui m’a, dans la réalité, donné le plus grand des bonheurs, celui de réaliser un concert unique, de légende, la réunion de talents improbables que seule l’amitié peut souder, bien au-delà de tout calcul et d’additions mercantiles d’un plan de carrière à construire.

Melody, Gilles Choir, Phil Edwards et Ahmed Mouici à l'unisson !
 

Se bousculaient pour l’honorer en musique, le Corou de Berra de Michel Bianco dans sa version instrumentale, Phil Edwards avec son chapeau de cow-boy et son allant de folk et de country, la moitié de Pow Wow (Ahmed Mouici monté sur un courant sans alternative, Pascal Periz à la guitare sèche à pleurer), quelques membres prestigieux de la famille des batteurs (les Lajudie, Claude Salmieri, Pierre-Alain Dahan, rois de la baguette, transformant la batterie rythmique en harmonie souveraine)… des noms qui comptent dans le métier, qui sonnent les plus grandes stars de la variété…que vous ne connaissez peut-être point mais qui gagnent à se parer des atours d’une célébrité éphémère.

Ce qui aurait pu déboucher sur une kermesse bordélique de vieux potes blanchis sous le harnais, par la magie d’un Gilles Choir en batteur chef d’orchestre, se transformera en cérémonie d’initiés, opéra moderne se baladant dans tous les genres musicaux, un rituel plongeant ses racines dans la musique rock, country, jazz, dans l’alliance entre la voix et l’instrument, dans des batteries qui se superposent pour créer une harmonie universelle. Des fulgurances nous en avons vécues à chaque moment du concert. 8 mains pour batterie en introduction, père et fils Lajudie réunis par la tendresse et la complicité d’un art partagé, soli de Pascal Periz pour des mots enchanteurs dans des notes distillées, larmes de Gilles Choir et soli désespérés sous ses baguettes animées d’une passion que le temps compte trop chichement pour ceux qui rêvent éveillés. Voix rauque et stridence des riffs de Phil Edwards, Nex’Station avec la Melody du bonheur, sa fille à la voix portée par l’espoir, fanfare batterie des jeunes de l’école de la batterie, bœuf final emmené par un complice cannois débarquant de sa tribu, Bruno Clavel déchaîné, rejoignant ses amis pour emballer le rappel dans les notes grasses d’un blues d’anthologie…Le public qui remplissait la salle de la Licorne en redemandait encore au bout de 3 heures de concert, ovation montant jusqu’au ciel pour charmer les dieux de la félicité universelle en train de s’extasier sur ces grappes de petits hommes bleus couverts de notes fringantes.

C'est le moment des larmes sous le chapeau !
 

Par-dessus tout, les larmes de Gilles, star de la soirée, sa réserve naturelle mise en lumière dans la plus grande des simplicités. Il y avait des torrents de bons sentiments sertis dans la qualité de musiciens se lâchant en toute liberté, énergie débridée où rien n’était important que nier la fuite du temps et son cortège de morts, de rencontres évanouies, de destins funestes. L’ombre de Balavoine rôdait, Michel Berger se tenait au bord du vide, tant d’idoles brisées par l’ombre que les présents faisaient revivre dans la connivence d’un temps qui n’a pas de prise sur l’éternité d’une note de musique étirée jusqu’à l’infini.


Le vrai Gilles en action, derrière sa batterie, quand plus rien n'a d'importance que la note juste et que la vie devient  fluide comme la musique.

Quelques jours après, Gilles et Melody nous convient, Sophie et moi, à un déjeuner au Bar de la Marine pour débriefer la soirée. On reprend le cours de la genèse de ce concert et par la magie d’un homme qui a bourlingué sur tant de scènes d’Europe et des Etats-Unis avec ses baguettes sous le bras comme passeport, on se retrouve plongé dans un monde d’artistes tous plus célèbres les uns que les autres, nourris d’anecdotes, de descriptions friandes, de portraits croqués au traits rudes de la sincérité sans que jamais la méchanceté n’occulte le brillant tableau de chasse d’un attrape-rêveur. Gilles et sa Victoire de la Musique avec les Pow Wow, les débuts balbutiants de Mylène Farmer, les calculs savants d’un Balavoine sûr de son destin, les étoiles sans comète fracassées contre le mur de l’indifférence…

Alors oui, Gilles Choir, tes larmes fleuraient bon l’amitié et la gentillesse d’un musicien hors normes, comme un rappel que le talent n’est pas forcément concentré dans les mains égoïstes de ceux qui se parent d’indifférence, mais aussi dans la vraie générosité de ceux qui plongent leur regard dans les profondeurs de l’humanité !

Alors avec toi dans ce que tu vis, avec toi dans le courage, avec toi pour la guérison des petites bêtes qui rongent la beauté !


Le dieu de la musique est parmi nous, sans son chapeau mais en extase !

 

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Yves Simon, Archive et petits bonheurs.

Publié le par Bernard Oheix

 

La vie réserve parfois de belles surprises…Cette semaine d’un voyage éclair sur Paris en est la preuve évidente. Il y a du soleil dans le ciel bien chargé de ce printemps qui refuse de s’installer…parfois, ce n’est pas grave car c’est dans le cœur que les rayons brillent !

 

Combien y avait-il de chance pour que ce séjour éclair sur Paris me permette de rencontrer mon ami Yves Simon sur un trottoir, devant le Café de Flore, au sortir d’une réunion du jury des As d’Or du Festival International des Jeux qui s’était étirée jusqu’à me mettre en retard ? Aucune, à l’évidence !

Pourtant, chargé de mon sac, j’hésite sur la route à prendre, bascule par une ruelle pour rejoindre le métro Saint-germain et débouche sur le trottoir qui longe ce célèbre café où Sartre dégustait son petit noir en tirant sur sa cigarette. Là, debout en train de discuter avec une femme, dans la perspective exacte de mon regard, Yves Simon me voit et ouvre de grands yeux. Je vois la surprise, un « Bernard » s’échapper de sa bouche, il m’embrasse en me demandant ce que je fais sur Paris, pourquoi je ne l’ai pas averti et me prenant par le bras, en saluant son interlocutrice, m’entraîne vers le café de Costes.

C’est vrai que je ne l’avais point informé de mon passage. Deux jours « à l’arraché », le fait qu’il soit en train de lire un truc que j’ai écrit (et qui semble lui plaire !), le refus de mettre une pression sur ses épaules, m’avaient naturellement porté à ne pas lui dévoiler que je serais dans la Capitale !

Mais il était écrit que nous nous croiserions malgré tout pour le meilleur ! J’éclate de rire quand je le vois avec Libé et le Monde sous le bras, ayant strictement les mêmes journaux dans la même main… ce qui n’est que logique sans aucun doute pour des animaux à sang chaud ayant traversé les mêmes épreuves dans le même parcours !

Puis il enchaîne en me contant qu’il était à FR3 avec Patrice, sa compagne métisse pour un film sur le père d’Alexandre Dumas, héros romantique, général métisse de Napoléon… Là, j’hallucine et extrais de mon sac, le 3ème tome du Vicomte de Bragelonne que je suis en train de dévorer. Pour la petite histoire, j’avais lu plusieurs fois, adolescent, les 4 mousquetaires mais jamais leurs suites. Il y a quelques semaines, je me suis donc plongé dans les 2 tomes des Trois mousquetaires, embrayant avec les 3 de 20 ans après, et, découvrant que le Vicomte de Bragelonne avec ses 6 volumes en était le prolongement, me débats avec la cour de Louis XIV et un D’Artagnan vieillissant mais toujours fine lame devant l’Eternel enfin débarrassé de ses cardinaux maudits.

Combien y avait-il de chance pour rencontrer mon ami Yves Simon, avec ses deux quotidiens sous le bras en train de me parler d’un auteur que je n’avais plus lu depuis 40 ans et dans lequel je me replongeais ? Et si en plus, il laisse entrevoir du plaisir à me lire, alors, la vie est belle et le soleil de retour pour annoncer le chant d’un été prolixe !

Je ne peux passer sur l’extraordinaire spectacle du Théâtre de la Cité. Le Lyon Opéra Ballet de mon ami Yorgos Loukos dans une soirée spéciale William Forsythe reprenant 3 pièces phares de son parcours. Second detail (1991) est un alphabet du style « Forsythe ». Tout y passe… de ces pointes et entrechats qu’il va faire exploser pour inventer des signatures atypiques en créant un chaos apparent, de ces allers/retours entre académisme et recherche d’un geste libéré, de ces ruptures permanentes entre la notion de groupes et d’individus, sculptant le vide pour le remplir de son espace intérieur. Le Duo (1996) de danseuses à la poitrine nue est sublime de grâce et d’élégance, une composition troublante entre la précision extrême de l’unité et des fractures de rythme qui viennent casser la linéarité de l’échange. Les danseuses prouvent à l’évidence qu’elles possèdent les attributs à part entière d’une féminité rayonnante, elles sont belles et portent la grâce en elle d’une chorégraphie fluide et inspirée. One Flat thing, reproduced (2000) est un ballet d’une violence absolue. Des danseurs jaillissent du fond de scène pour installer des tables de cantine et vont évoluer entre les coins acérés, dessus et dessous, sculptant l’espace contraint rempli de ces arêtes meurtrières en un crescendo qui laisse bouleversé et haletant le spectateur devenu complice.

Et comme les grands bonheurs n’arrivent jamais seuls, après un dîner avec mes enfants, j’apprends que le disque d’Archive (prononcé Arkaïve) est enfin sorti…Je l’achète au Virgin de la Gare de Lyon et plonge dans la pochette à la recherche de mon nom (pour ceux qui s’interrogent, voir les articles dans mon blog concernant Archive et le plus beau et majestueux concert que j’aie jamais produit avec mon complice Michel Sajn !). Il y a bien nos noms, petits et noyés dans la masse, mais ils sont là, dans un service minimum mais qui me donne un sentiment de réalité… Je ne les pas inventées ces séances du côté de la Victorine avec le groupe pendant l’enregistrement des cordes et percussions avec l’Orchestre de Cannes, ces repas et discussions, cet échange avec des artistes qui ont produit un nouvel opus somptueux, baroque, entre la messe païenne et l’énergie d’un rock aux accents du désespoir. J’ai toujours en mémoire, les volutes sombres qui emplissent le Grand Auditorium pour ce concert de légende de septembre 2007.

Alors même s’ils ont oublié de remercier le Palais des Festivals et son Président David Lisnard, (et je le regrette vraiment parce que c’est grâce à son implication que nous avons pu mener à bien notre projet !), je suis heureux comme un enfant devant une galette majestueuse qui nous convoque pour un bout d’histoire, devant la postérité !


Pour Yves Simon et Archive, voir les articles dans mon blog ! 

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Max Gallo, mon académicien et moi...

Publié le par Bernard Oheix

 

Bernard O., particulièrement ému en ce jour de retrouvailles. Près de 40 ans après, la rencontre avec Max Gallo me replongeait dans une période de jeunesse, quand mai 68 venait percuter toutes nos certitudes, que la fièvre pulsait des humeurs dans notre sang, que rien n’apparaissait impossible à des jeunes de 20 ans en train de s’affranchir des chaînes familiales et d’inventer un avenir radieux.

Frais, émoulu, bac en poche avec son corollaire… fuir le toit familial et obtenir sa liberté, faire des études à l’université de Nice, loger en résidence universitaire (Ah ! le charme d’une petite chambre que l’on investit de sa liberté !), étudier, un peu, faire la fête et draguer les filles, beaucoup, tout un programme pour cet automne 1969 où je débarquais à Carlone, la toute neuve fac de lettres, pour entamer mon parcours universitaire. J’avais choisi de faire de l’histoire, non par conviction, je l’avoue, mais parce que cela pouvait déboucher sur une maîtrise d’histoire du cinéma, le vrai objet de ma passion.

Cinéphile acharné, plongeant déjà dans un Festival du Film à Cannes qui nous permettait (la belle époque !), de rentrer par des portes dérobées, avec de fausses cartes de presse, en pleurant à l’entrée, rois de la débrouille devant un système tolérant pour ceux qui osaient mettre en avant leur amour du 7ème Art comme passeport vers les salles obscures.

Fac de lettres où mon professeur principal s’appelle Jean A Gili, grand spécialiste du cinéma italien, critique connu et respecté qui deviendra un ami, et un certain Max Gallo dont la réputation montait sur la colline inexpugnable des sciences littéraires dominant la Baie des Anges qu'il allait rendre célèbre.

Max Gallo est un tribun étonnant, il parle de l’histoire avec des mots qui donnent le désir de comprendre, d’ouvrir les portes du passé pour en saisir les mystères. Toute l’année, il va nous enchanter en brodant sur la révolution russe, Staline, Trotski, Lénine, la Nep et Kamenev, les sovkhozes et les koulaks …

Notre relation fut bien sûr éphémère. Il démissionna très vite de son poste de professeur universitaire pour produire des livres avec le succès que l’on sait. Entre-temps, il nous avait pris par la main et menés sur les sentiers de la découverte, quand l’histoire supposait que l’on réfléchisse, analyse et construise des modèles rigoureux.

Un peu coincé, je discute avec mon maître d'antan et le passé renaît, comme si le temps n'avait aucune importance !
Je me souviens de mon premier exposé avec lui. Je m’étais mis en tandem avec mon amie d’enfance, la belle Sylvie G. et nous devions analyser la succession d’un Lénine trop tôt disparu. C’était un exercice redoutable, nouvel outil pédagogique, la prise de parole n’était pas si fréquente dans ce monde où le silence régnait à la mesure de son âge et de sa place dans la société. Nous avons construit notre temps de parole et déroulé un argumentaire avec le brio de comédiens affirmés (Elle était aussi cabotine que moi, la Sylvie !) et quand nous terminâmes notre exposé, l’amphi applaudit vigoureusement notre performance.

Max Gallo nous réunit alors et impavide, nous tint ce commentaire.

« Mes chers amis, réduire la succession d’un Lénine à la tête des soviets à l’inimitié d’un Staline et de Trotski, frères ennemis consacrés, peut apparaître un peu réducteur quant à une analyse scientifique de l’histoire… mais vous avez commis ce péché avec tant de plaisir et de brio que je vous attribue un 14 sur 20, juste pour vous donner envie d’être plus rigoureux la prochaine fois ! Félicitations pour la forme de votre exposé.»

Max Gallo était ainsi. Un pédagogue passionnant sachant transmettre le goût d’apprendre et de devenir meilleur. Il m’a instillé, tout au long de cette année passionnante, le plaisir de s’ouvrir à des vérités apparentes pour mieux les contester, de traquer les fils d’une histoire pour en dénouer les nœuds et dénicher du sens dans ce qui ne semble pas en avoir. Je suis devenu un adepte de la pensée analytique et de la nécessité du raisonnement parce que des profs comme lui nous hissaient vers ces hauteurs, nous amenaient à regarder avec lucidité derrière les apparences.

Je n’avais pas revu Max Gallo depuis ces années. Il est devenu un romancier d’importance, un homme politique majeur, il a manqué l’élection à la mairie de Nice d’un souffle… Puis il s’est enfermé dans une rigueur dogmatique bien étrange avec un Chevènement atypique pour finir dans les bras d’un Nicolas Ier qu’il nous aurait dépeint sous d’étranges traits à l’époque où il n’était qu’un petit professeur à l’Université. Mais ce n’est pas grave… Et même s’il eût pu, à l’occasion d’une fête offerte par le maire de la Ville de Nice dans le cadre du Festival du Livre, se dispenser de certains propos sur la politique actuelle… cela n’aurait pas changé ma tendresse pour lui et mon émotion pour ces retrouvailles.

Je suis allé lui parler un peu intimidé, je me suis présenté comme un ancien de ses étudiants et je lui ai raconté l’anecdote de mon exposé. Il a ri. J’ai retrouvé ce timbre grave d’une voix inimitable, ces accents parfois pompiers toujours émouvants d’un discours qui l’amena à revisiter la Ville de Nice à l’aune d’un père débarquant d’Italie pour fonder une famille française de la tolérance. Max Gallo possédait toujours ce regard clair fureteur et cette voix chaude à conviction.

Qu’importe que l’histoire finisse étrangement dans les balbutiements d’une politique qui a les relents d’un drapeau rouge en berne… il restera à jamais mon prof génial, celui qui m’a aidé à vouloir être meilleur et me traça, avec d’autres, les chemins d’une liberté à conquérir par la force de l’esprit.

 

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