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C'est la chute finale...

Publié le par Bernard Oheix

Aucun mots aucune phrase, aucune image ne pourront restituer l’incroyable magie qui se dégage du spectacle des chutes d’Iguazu ! Il y a de l’ordre du surnaturel, du divin dans le spectacle offert par cette nature envoûtante. Comment exprimer l’inexplicable puissance d’une eau qui surgit de la forêt pour se précipiter dans le vide...

Je vais quand même tenter de vous faire partager une journée d’émotions.

Petit déjeuner à 8h servi par Javier. Café toujours aussi ordinaire, médialuna (croissant), toasts grillés tartinés de Dulche de lecche (succulent) et jus d’orange divin.

A 9h 30 un bus «citadin» nous dépose devant l’entrée du parc d’Iguazu. De l’extérieur, rien d’apparent, pas de bruit particulier en fond sonore, une entrée anodine. Le prix du billet est de 70 pesos argentins (soit 5,88€ au change de 12 pesos pour un euro, bien loin des 7 du taux officiel). Le petit train «de la selva», wagonnets ouverts sur la végétation subtropicale, nous emporte à travers les collines pour nous déposer à la station centrale. De là, deux circuits sont proposés, le supérieur et l’inférieur. Nous optons pour le second et par des passerelles nous nous retrouvons sur des postes de guets au dessus des cataractes (il y en a 250 sur le site). La vision d’ensemble est incroyable ! Sur 180°, un arc de cercle est constellé de chutes de plus de 50 à 80 mètres de hauteur. L’ensemble aboutit à une gigantesque vasque où trône l’île San Martin. Au loin, un bouillonnement étrange de vapeur d’eau bouche l’horizon. Quelques arbres se découpent sur les éperons rocheux. Des oiseaux tournoient dans le ciel et se précipitent dans les flots et les nuages de vapeur d’eau !

Puis, par le circuit inférieur, nous longeons les chutes pour nous retrouver sous ses mêmes cascades tonitruantes, arrosés par les embruns, fouettés par le vent humide, dans le bruit infernal de millions de litres se déversant en une masse grisâtre menaçante, convulsive, à portée de main.

Sur les passerelles de bois serpentant sous la sylve, nous croisons des tapirs avec leurs longues queues et leur nez en pointe quémandant un peu de nourriture, des iguanes énigmatiques, gros comme un bras paressant au soleil, des «marats» repoussants, avec leur gros derrière, fouissant la terre, un singe caquetant, jambes dans le vide, exécutant un numéro de voltige, goguenard... Des oiseaux multicolores sillonnent le ciel, des papillons tourbillonnent par centaines, jetant des éclairs de couleurs sur le fond rouge de la terre, le vert de la végétation et le gris azuré du ciel.

Mais ce n’est pas tout, le plus impressionnant est à venir.

Reprenant le petit train, nous nous dirigeons vers la «garganta del diablo», la marmite du diable. 20 minutes pour contourner les chutes, et 1,1km sur des passerelles de fer, ancrées sur des plots de béton dans une eau qui s’écoule en fuyant vers le même point. Rien ne laisse présager ce que l’on va découvrir. Un îlot au loin, le drapeau Argentin flotte au vent, de temps en temps, un nuage blanc semble monter au dessus des arbres pour exploser comme une bulle de savon. Sur la dernière portion de la passerelle, nous voyons alors l’eau s’engouffrer dans une immense cuvette à ciel ouvert, un trou énorme dans le plan étrangement calme de l’eau. C’est en accédant au dernier plateau, quasiment au coeur de la cavité, que l’on découvre, de toute part, des pans entier de murs d’eau rugir et s’engouffrer dans le vide, que l’on devine sous soi, à travers la nuée blanche. Le «spectacle» est hallucinant, terrorisant, au delà de ce que l’on peut imaginer, rêver... On est au centre d’un maelström, dans l’abîme du temps. Ce n’est plus de l’eau qui coule, mais la vie de la terre pour embraser le coeur de l’homme.

Une simple rambarde nous isole des trombes distantes de quelques mètres, le vent claque des nuages de vapeur d’eau qui nous trempent en quelques minutes, des martinets exécutent un ballet aérien surréaliste, flèches noires émergeant du coton blanc des eaux virevoltantes. Et toujours ce grondement infernal, comme pour nous rappeler que nous ne sommes rien, que des siècles impavides nous contemplent nous agiter pendant que l’eau s’écoule et que nous tentons de dompter une nature qui ne se laissera pas enfermer sans réagir à la puissance de nos cauchemars !

Pour finir, et comme en récompense, nous décidons de foncer à marche forcée par le «Senderro Macuco», 3,5 km serpentant sous le toit de la végétation. Au bout, le Salto Arrechea, une cascade de 25 mètres de hauteur qui a une particularité...on peut se baigner dans sa vasque et nous terminerons, sous une douche naturelle d’une puissance sans égale, nous lavant des 15 km de marche de la journée, hurlant comme des enfants, et heureux de pouvoir clamer : j’ai vécu Iguazu, je sais désormais ce qu’est le destin de l’homme !

Je vous l’avais bien dit... les mots sont pauvres ! Et il y a tant à dire encore. J’aurais pu vous parler par exemple de Cabeza de Vaca, le «découvreur» des Chutes. Un homme au destin particulier. Un des 4 survivants d’une expédition en Floride à 20 ans en 1527, il va vivre plusieurs années au milieu des indiens, puis de retour en Espagne, se faire nommer comme gouverneur du Rio de Plata (c’est là qu’il découvrira les Chutes d’Iguazu), entrer en conflit avec les colons et les réprimer durement, se faire renvoyer d’Amérique. Jugé et condamné en Espagne, embastillé puis gracié et exilé à Oran avant de revenir et finir sa vie comme juge à Séville pour y mourir à 57 ans.

Vous avez dit un destin de légende. Les Chutes d’Iguazu ne pouvaient s’offrir qu’à un homme hors du commun.

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