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Festival du Film 2014. Cannes. 1ère étape

Publié le par Bernard Oheix

le Festival du Film 2014 a pris son rythme de croisière...maison pleine, 5 films par jour, des files d’attente, les repas dans les jardins, les discussions acharnées, il ne manque que les parties de rami Corse traditionnelles... et on se croirait au Festival du Film de Cannes !

Au 14ème film, après 5 oeuvres françaises, 2 australiennes et une palette de polonais, kazakh, turc, israélien, autrichien et autres, un petit état donc de la situation du cinéma mondial !

Et tout d’abord, le miracle du Cinéma Africain existe, nous l’avons rencontré. Comment imaginer que Timbuktu, le chagrin des oiseaux ne soit pas palmé... La vraie question porte sur la nature du prix qu’il obtiendra, consécration finale, une Palme d’Or, ou un accessit ? Il est un peu tôt pour le dire, mais avouons que ce film Malien de Abderrhmane Sissako est un vrai bijou, un ovni, un formidable film en résonance avec une histoire contemporaine tragique, la prise du pouvoir par des intégristes de la ville de Tombouctou. A l’heure du Jihad qui fascine tant de jeunes du monde entier, ce film est une réponse étonnante à la fascination de l’absolu, une réponse en images aux rêves désespérés d’imposer une morale par la force. Les premières décisions des conquérants sont l’interdiction de fumer, d’écouter et de faire de la musique, et l’obligation pour les femmes d’être voilées et de mettre des chaussettes et des gants dans un pays écrasé par le soleil où le sable envahit la vie quotidienne !

Le film, d’une poésie à couper le souffle par la beauté de ses images et une bande son très soignée, une technique parfaite, va offrir à une pléiade d’acteurs jouant particulièrement juste, de mélanger l’onirique et le réel, la beauté et le sordide, l’absurde et l’humour. Il reste en mémoire des scènes d’anthologie. Le football étant interdit (même si ces intégristes parlent longuement entre eux de la victoire de la France en 1 998 et de Zidane !), les joueurs jouent donc sans ballon en une pantomime savoureuse devant les gardes qui ne savent comment réagir, la musique est prohibée, les musiciens chantent des sourates du Coran, la poissonnière interrogent les gardiens pour savoir comment elle doit travailler le poisson avec des gants, les mariages forcés permettent une savoureuse exégèse par l’Imam intégriste de la nécessité de forger les corps des combattants par la pureté des jeunes filles. Si l’humour est la politesse du désespoir, alors ce film est un chant désespéré pour invoquer une vie de beauté sur les champs démembrés d’une atrocité sans limite.

La noblesse d’une civilisation millénaire se fracasse sur la ronde des 4/4 chargés d’hommes en armes qui tirent sur tout ce qui bouge et pourchassent une gazelle du désert en une métaphore explicite sur la beauté que l’on assassine. La lapidation du couple adultère est insoutenable, non dans l’image montré réellement, mais surtout dans la symbolique évidente du massacre de l’amour !

Des téléphones portables sans réseau et des mégaphones pour dispenser toujours plus de contraintes à la population soulignent l’ubuesque mosaïque des langues véhiculant les ordres des envahisseurs. Le rapport d’un intégriste se fera en anglais car son arabe est jugé trop mauvais par son chef, le jugement s’effectuera avec 3 traducteurs, un en idiome local qui traduit en arabe afin qu’un 3ème puisse formuler en anglais et que les décisions justes soient prises par le responsable ! Comment ne pas imaginer la douleur de cette femme fouettée pour avoir osé chanter en étant seule avec des hommes dans une chambre et qui sous les coups, dans les larmes, se met à vocaliser sa peine et sa douleur en un ultime défi à ses bourreaux !

Ce film est le plus bel hommage à la tolérance qu’un cinéaste pouvait réaliser. Il prouve que la caméra est encore une arme pour ceux qui tentent de mettre un peu d’ordre dans le chaos !

Dans la série des découvertes heureuses, une séance spéciale de la Semaine de la Critique, une catégorie sélectionnant les 1er ou 2ème film de réalisateurs. Mélanie Laurent avec Respire nous offre une oeuvre magnifique, toute de tension et de crispation. Une nouvelle élève vient bouleverser le quotidien d’une jeune fille brillante mais réservée qui prépare son baccalauréat. Elle va vers ses 18 ans et a tous les tourments de cet âge, portent toutes les ambiguïtés de cet ultime passage vers le monde des adultes ! Cette amie s’avèrera une redoutable manipulatrice et sèmera le chaos autour d’elle jusqu’à un final en apocalypse. Le film échappe largement aux clichés habituels sur les films d’adolescents. Il interroge sur le rapport aux adultes sans jamais caricaturer, avec doigté, évoquant les tourments intérieurs sans être explicite, évitant le piège d’une «sexualisation» de l’attirance des deux jeunes filles. Toute la partie finale monte en un crescendo insoutenable que la bande son souligne par des phases de saturation déclenchant une vibration interne physique. Ivresse, cigarettes et sexe, vieux triptyque, mis au service d’une mythomane et qui débouche sur le drame et l’incompréhension. La dernière image nous permet enfin de respirer, et ce n’est pas le moindre des succès de la réalisatrice que de nous tenir en haleine tout le tiers final de son film !

A noter l’éblouissante performance des deux actrices, les jeunes et talentueuses Joséphine Japy et lou de Laäge.

Enfin dans les films à voir, on peut noter Bunny de la polonaise Annika Glac, un couple lunaire déguisé en lapine et en renard, propose des prospectus dans la rue. Une belle histoire nimbée de cet humour polonais, de ce «non-sense» illustré par tant de réalisateurs de ce pays et qui fait penser au Polanski des origines. Party Girl est un film Français réalisé par trois réalisateurs (Claire Burger, Samuel Théis, Marie Amachoukeli)... cas de figure assez original pour une oeuvre de tendresse sur les gens du nord, héritiers des corons, à la frontière Flamande, un peuple à la désespérance ancrée dans une soif de vivre et d’exister. Il n’y a pas de misérabilisme dans cette femme de soixante ans aux charmes usés, vivant dans un bar pour hommes et qu’un vieux retraité demande en mariage ! Leçon de vie, de tolérance et insatisfaction d’une femme pourchassée par la peur du vide et qui brise le bonheur autour d’elle comme pour exorciser ses propres démons...

Reste un film d’horreur pure de David Robert Mitchell, It Follows où comment le diable se transmet par le sexe et comment s’en débarrasser ! Accrochez-vous à vos fauteuils même s’ils n’y sont pour rien ! C’est un genre suffisamment rare à Cannes pour noter sa belle réalisation et le vrai suspense qui en découle !

Allez, je vous quitte, le 15ème film m’attend, un argentin à sketches, je vous en parlerai peut-être, l’Argentine, je connais !

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A
Hello Bernard<br /> Merci de nous faire partager comme chaque année tes émotions de toiles. J'attends les prochaines avec plaisir.<br /> Biz
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